Ce billet est une mise à jour des billets écrits sur le même sujet sur ce blog.
Qu’est-ce qu’un.e expert.e judiciaire ?
L’expert.e judiciaire est une personne qui apporte son concours au juge dans des affaires pour lesquelles elle est désignée. Elle est chargée de donner au juge un avis technique sur des faits pour apporter des éclaircissements dans une affaire. Les spécialités des professionnels pouvant exercer des missions d’expertise judiciaire peuvent être très variées : médecine, architecture, gemmologie, traduction et interprétariat, comptabilité… Après avoir consulté un.e expert.e, les juges restent libres de leur décision et ne sont pas tenus par les conclusions de l’expert.e. [Source https://lajusticerecrute.fr/metiers/expert-ou-experte-judiciairee]
Un expert judiciaire, c’est quelqu’un qui est inscrit sur une liste tenue par une Cour d’Appel. Le simple fait d’être inscrit sur cette liste donne le droit d’utiliser le titre « d’expert près la Cour d’Appel de ».
Pour être inscrit sur cette liste, vous devez avoir un « vrai » métier (celui qui vous fait vivre). Les magistrats qui gèrent cette liste considèrent que l’activité d’expert judiciaire doit être une activité annexe, ce qui me semble tout à fait raisonnable, tant il serait dangereux de vivre uniquement aux crochets des régies judiciaires, qui payent souvent avec beaucoup de retards (lire ce billet par exemple).
Le titre d’expert judiciaire est un titre prestigieux… Ou du moins qui jouit d’un certain prestige. Beaucoup de personnes aimeraient bien l’ajouter sur leur CV ou sur leur carte de visite. Certains considèrent même qu’il s’agit de la consécration ultime d’une carrière professionnelle, une forme de reconnaissance auprès de leurs pairs. Mais ne vous y trompez pas, en demandant à être inscrit sur une liste de Cour d’appel, vous acceptez seulement de consacrer une partie de votre temps au service de la justice et de lui apporter votre concours, vos connaissances techniques, votre expérience professionnelle en exécutant telle mission qui peut vous être confiée par une juridiction.
Devenir expert judiciaire : mode d’emploi.
La procédure pour devenir expert judiciaire est relativement simple: il vous suffit de déposer un dossier avant le 1er mars de chaque année auprès du procureur de la République. Votre dossier va suivre tout un parcours, et s’il est accepté, vous verrez votre nom inscrit sur une liste gérée par votre Cour d’Appel. L’inscription sur cette liste fait de vous un expert judiciaire. Bravo cher confrère ou chère consœur.
Le dossier de demande d’inscription sur la liste des experts judiciaires doit comprendre toutes les précisions utiles permettant de juger de la qualité de votre candidature, notamment les renseignements suivants :
1° Indication de la ou des rubriques ainsi que de la ou des spécialités dans lesquelles l’inscription est demandée. Le nomenclature des spécialités a été révisée en 2022 dans un arrêté du 5 décembre que vous trouverez sur le site LégiFrance en suivant ce lien.
Extrait :
E.1. Electronique et informatique.
E.1.1. Automatismes industriels, automates programmables, électromécanique, systèmes embarqués.
E.1.2. Internet, réseaux sociaux et communications électroniques (acquisition des contenus, e-commerce).
E.1.3. Ingénierie des systèmes, logiciels et matériels (conception, développement, mise en œuvre, maintenance, résolution des incidents…).
E.1.4. Ingénierie des projets informatiques (conception, organisation, relations contractuelles, respect du cahier des charges et de l’expression des besoins…).
E.1.5. Ingénierie des télécommunications et des réseaux (infrastructure, mise en œuvre…).
E.1.6. Cyber malveillance, sécurité informatique.
E.1.7. Objets connectés (Internet des objets ou » IoT « ).
E.1.8. Robotique, intelligence artificielle.
[…]
F.5.5. Biostatistiques – Informatique médicale et technologies de communication.
2° Indication des titres ou diplômes du demandeur, de ses travaux
scientifiques, techniques et professionnels, des différentes fonctions
qu’il a remplies et de la nature de toutes les activités
professionnelles qu’il exerce avec, le cas échéant, l’indication du nom
et de l’adresse de ses employeurs.
En terme plus simple, ressortez votre CV et mettez le à jour.
3° Justification de la qualification du demandeur dans sa spécialité.
Vous avez des lettres de recommandation, des courriers de vos pairs qui
admirent vos compétences, c’est le moment de les sortir de leurs cadres
et d’en faire une photocopie.
4° Le cas échéant, indication des moyens et des installations dont le candidat peut disposer.
Vous travaillez dans une université ou dans une grande entreprise dont vous avez le droit d’utiliser les installations pour une prestation extérieure officielle, si possible
gratuitement, alors c’est le moment de le signaler par écrit.
L’institution judiciaire est si mal pourvue en budget par les politiques
en charge des affaires…
Un coup d’œil sur le site web de votre Cour d’Appel est indispensable pour savoir s’il faut des documents complémentaires (photos, etc.) et pour télécharger le document intitulé « dossier de candidature ».
Faut-il une formation particulière ?
Oui, depuis le décret n°2023-468 du 16 juin 2023, il est demandé dans l’article 2 aux candidats à l’inscription sur une liste dressée par une cour d’appel, de justifier d’une formation à l’expertise. Vous trouverez différentes formations à l’expertise, à des prix très variés, sur vos moteurs de recherche préférés, ou mieux, en vous renseignant auprès de la compagnie pluridisciplinaire de votre cour d’appel.
Pour ma part, je n’ai jamais suivi ce type de formation à l’expertise, car j’ai la chance d’être marié à une avocate, et d’avoir été inscrit avant que ces formations ne soient obligatoires.
Soyez bien conscient que de suivre une formation à l’expertise (diplômante ou non), n’est en rien une garantie d’être ensuite inscrit sur la liste des experts judiciaires.
Une fois inscrit sur la liste des experts judiciaires, vous aurez des sessions de formation obligatoire à suivre, en particulier sur la procédure. Ne les manquez pas !
Comment s’effectue le choix parmi les candidatures ?
La décision d’inscription est prise par l’assemblée générale des magistrats du siège après enquête du Parquet.
C’est en fonction des besoins exprimés par les juridictions du ressort que l’assemblée générale de la cour d’appel apprécie les mérites des candidatures en veillant à ne retenir que celles déposées par d’excellents professionnels présentant, par ailleurs, des garanties de moralité, d’impartialité, d’indépendance et de disponibilité.
Je n’en sais pas plus. La procédure de sélection est relativement opaque : vous pouvez voir un dossier fantastique, mais postuler une année où la Cour d’Appel n’a pas de besoin, ou inversement… Vous ne devez pas être déçu de ne pas être inscrit dès la première demande. Le nombre d’experts retenus tient à des facteurs indépendant des candidats, comme l’évolution du nombre d’expertises, le nombre d’experts dans une discipline, les orientations générales de la Chancellerie ou encore à d’autres facteurs relatifs à l’institution
judiciaire. Seuls les magistrats pourraient indiquer quels sont les critères qui tiennent aux candidats eux-mêmes. Au vu des pièces demandées, on peut toutefois estimer que les magistrats examinent la compétence, l’expérience, la notoriété, la disponibilité, l’indépendance et les moyens de remplir les missions que présentent les candidats.
Le rejet de la demande d’inscription sur la liste des experts, doit être spécialement motivé : l’assemblée générale des magistrats du siège, doit mettre l’intéressé en mesure de connaître les raisons pour lesquelles sa demande a été rejetée (source Dictionnaire du Droit Privé de Serge Braudo).
Un conseil: après un refus, ne pas hésiter à représenter sa candidature l’année suivante, surtout si l’on peut faire valoir des éléments nouveaux.
Conclusion.
Il vous reste jusque fin février pour déposer votre dossier (qui doit être arrivé avant le 1er mars). N’oubliez pas de relire quelques billets de ce blog dans la rubrique Expert, et en particulier celui-ci avant de vous lancer dans l’aventure.
Pour casser un peu le mythe, la lecture de ce billet peut être utile…
Si votre demande est acceptée, vous serez convoqué pour prêter serment. C’est aussi le bon moment pour contacter une compagnie d’experts pour parler formations, procédures, assurance, et pour comprendre également dans quel guêpier vous êtes tombé avant de contacter les impôts, l’URSAFF et autres joyeusetés à qui vous allez expliquer votre activité (et comment ils doivent la gérer).
Bon courage 🙂
