Suite de ma lettre au Président de la République

Au mois de mars dernier, j’ai écrit une lettre au Président de la République. J’explique pourquoi dans ce billet. Pour ceux qui ont la flemme de cliquer sur le lien, je rappelle ici la teneur de ma lettre:

Monsieur le Président de la République,

J’effectue des missions comme expert judiciaire en informatique dont une grande partie dans des enquêtes sur des pédophiles présumés.

Ces missions consistent à assister les officiers de police judiciaire dans leurs recherches et investigations informatiques. Je suis nommé par un magistrat du Tribunal de [Tandaloor] auquel j’adresse un devis qu’il me retourne signé pour accord. J’effectue avec célérité mes missions pour rendre un rapport complet de mes investigations techniques. Avec ce rapport, je joins un mémoire de frais et honoraires conforme au devis établi.

Malheureusement, aucune de mes expertises n’a été payée par ce tribunal depuis plus de 14 mois, pour un montant cumulatif de 20 000 euros (vingt mille euros), et ce malgré mes différents courriers de relance.

Monsieur le Président, je me permets de citer un extrait du discours que vous avez prononcé le 7 décembre 2007 à Lyon devant l’Assemblée des Entrepreneurs CGPME:
“Les PME de France ont une autre particularité: ce sont les seules à devoir se constituer un fonds de roulement massif, pour faire face à des délais de paiement supérieurs de 10 jours à la moyenne européenne. Je le dis aujourd’hui, ce n’est pas le rôle des PME d’assurer la trésorerie des grands groupes, et de la grande distribution, et même de l’Etat. […] Et bien, dès l’année prochaine, nous réduirons ce délai à 30 jours pour les administrations d’Etat, et tout jour de retard sera payé d’intérêts moratoires supérieurs au coût de financement des PME. Chaque ministère devra également justifier de ses propres délais de paiement dans un rapport au Parlement, car il existe aujourd’hui des écarts considérables qui ne sont pas acceptables.”

Monsieur le Président, est-ce au simple expert judiciaire d’avoir à assumer seul les problèmes liés à des retards de paiement de plus de 400 jours?

Pouvez-vous faire le nécessaire auprès des services concernés afin de permettre au tribunal de [Tandaloor] d’effectuer les paiements des mémoires de frais et honoraires de mes expertises judiciaires?

Je vous remercie de l’attention que vous pourrez porter à ma demande, et vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mon profond respect.

Dans mon billet du 18 mars, j’indiquais que je tiendrais au courant les lecteurs de ce blog des suites de cette lettre. Et vous allez voir que cela peut intéresser également les autres experts judiciaires.

Dans un courrier daté du 19 mars 2009, soit quelques jours à peine après l’envoi de ma lettre, j’ai reçu cette réponse du Chef de cabinet du Président de la République:

Cher Monsieur,

Le Président de la République m’a confié le soin de répondre au courrier que vous lui avez adressé le 14 mars 2009.

Je puis vous assurer qu’il a été pris attentivement connaissance de votre démarche.

Aussi, ai-je immédiatement signalé vos préoccupations au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.

Je vous prie d’agréer, Cher Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Le courrier est clair et synthétique: la machine administrative semble lancée. Et effectivement, sept jours plus tard, le 26 mars 2009, le Chef Adjoint du Cabinet de la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice m’adresse le courrier suivant:

Monsieur,

Madame Rachida DATI, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, a bien reçu votre courrier qui lui a été transmis par les services de la Présidence de la République, relatif aux difficultés que vous rencontreriez pour obtenir le règlement de vos honoraires dans le cadre de missions effectuées en tant qu’expert judiciaire en informatique près la Cour d’Appel de [Dosadi].

Consciente du problème que vous évoquez, Madame la Ministre m’a chargé de transmettre votre correspondance à la Direction des Services Judiciaires, à laquelle elle a demandé de procéder à un examen attentif de ce dossier et de veiller à ce qu’une réponse vous soit apportée dans les meilleurs délais.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.

Presque trois mois plus tard, le 16 juin 2009, je recevais le courrier suivant de la Direction des Services Judiciaires – Service de l’organisation et du fonctionnement des juridictions – Département du budget, de la performance et des moyens (AB3):

Monsieur,

Par courrier adressé à Monsieur le Président de la République et parvenu à mes services, vous m’avez fait part de certaines difficultés liées aux délais de paiement des missions que vous effectuez pour le compte de l’institution judiciaire.

J’ai l’honneur de vous informer que j’ai interrogé les services du tribunal de grande instance de [Tandaloor] pour faire le point des mémoires de frais qui vous concernent.

Il apparaît qu’un mémoire de frais a été mis en paiement le 8 août 2008 […], deux autres l’ont été le 5 mai 2009 […].

Un dernier mémoire vous concernant […] est en cours de règlement dans ces services.

Par ailleurs, afin d’accélérer le règlement des mémoires des frais de justice, la chancellerie travaille actuellement, en liaison avec les services de la direction générale des finances publiques du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à la mise en place d’un nouveau circuit de paiement des mémoires de frais de justice.

Je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de ma considération distinguée.

A ce stade du récit, je dois reconnaître que l’administration a su répondre à mon attente et à mes questions longtemps restées lettres mortes malgré la surtaxe liée au recommandé.

Je dois malgré tout vous avouer que l’enquête menée par la Direction des Services Judiciaires n’a pas permis de retrouver l’ensemble des honoraires qui me sont dus dans les dossiers que j’ai traité pour la Justice. C’est d’ailleurs assez surprenant, car j’avais adressé au tribunal de [Tandaloor] plusieurs fois un récapitulatif des mémoires de frais en attente.

Ce billet aura donc une suite dont je ne manquerai pas de vous tenir au courant.

Pour l’instant, je me permets cette petite conclusion provisoire:

il faut toujours écouter ses parents (d’une part)

et garder confiance dans l’efficacité de notre administration (d’autre part).

Enfin, je signale au passage pour les confrères qui me lisent, que je sais donc de source autorisée que la chancellerie travaille actuellement, en liaison avec les services de la direction générale des finances publiques du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à la mise en place d’un nouveau circuit de paiement des mémoires de frais de justice.

Et cela, c’est un vrai scoop.

4 réflexions sur « Suite de ma lettre au Président de la République »

  1. Bonjour Zythom;

    Dans votre lettre au président, il me semble qu'il y a une coquille :

    "aucune de mes expertises n'a été payées"

    Longue vie à votre blog.
    Fervent lecteur.
    Lepere.

  2. @LEPERE: Corrigé, merci! Heureusement pour moi, sur l'original papier envoyé, il n'y a pas cette erreur…

  3. j'aurais lu ce billet pus tôt j'aurais écrit au président de la République pour ma bourse non payée….
    bah tiens, ce sera pour le mois prochain ! ^^

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