La mission confiée par le magistrat était simple : quel était le contenu des discussions de Madame Y avec les contacts qu’elle avait sur l’application de rencontre X, et en particulier avec Monsieur Z ?
Nous sommes dans les années 2000, les gendarmes commencent à peine à utiliser des ordinateurs personnels (personnels signifiant ici qu’ils les ont achetés à titre personnel et les utilisent dans le cadre professionnel), les policiers tapent sur des machines à écrire, internet peine à arriver jusqu’aux casernes et aux commissariats…
Ce type de dossier est donc confié à des particuliers inscrits sur un annuaire de Cour d’Appel, ce qui fait d’eux des experts judiciaires.
Me voici donc muni d’une réquisition judiciaire à faxer au service ad hoc de la société éditrice de l’application de rencontre, qui, après moultes relances et coups de téléphone (la plupart des sociétés étaient joignables par téléphone à cette époque) m’a donné accès à tous les échanges de Madame Y.
Madame Y mentait un peu sur son âge, et ses photos étaient prises sous un angle flatteur, et correspondaient à un peu moins que l’âge avoué. Son profil était enjoué et dynamique, et tous ses divertissements favoris y étaient cochés dans l’espoir d’un partage réciproque.
L’enquête de police me donnait beaucoup d’éléments, et donc je pouvais facilement mesurer les (petits) écarts dans la description que Madame Y faisait d’elle-même, mais dans l’ensemble le profil correspondait. Madame Y était bien une femme, célibataire, cherchant l’amour avec l’aide d’un algorithme s’appliquant sur une grande quantité de profils, bien au delà de ce que peut offrir un nombre de rencontres IRL.
Madame Y a répondu à quelques unes des nombreuses sollicitations et entretenu des échanges avec plusieurs personnes, jusqu’à nouer un dialogue plus sérieux avec l’une d’entre elle : Monsieur Z. D’abord anodins, les échanges se sont faits plus personnels, puis plus intimes, mais sans verser dans les échanges de photos pornographiques.
Fasciné, j’ai vu grandir sous forme épistolaire, une amitié puis une affection, et pour finir une passion enflammée.
La question de la rencontre IRL entre les deux protagonistes a fini par se poser. Et là, coup de théâtre : Monsieur Z a avoué qu’il était en fait… une femme. QUOI, mais tu m’as donc menti pendant tout ce temps ! Je suis tombé follement amoureuse d’un homme qui n’existe pas !
Les échanges sur l’application se sont brutalement interrompus.
Mais pas dans la vie réelle.
Madame Y était profondément choquée et déçue, et son amour s’est transformé en haine. Elle a déposé plainte et les enquêteurs sont vites remontés jusqu’à son interlocuteur/trice avec tous les éléments qu’elle a pu leur fournir.
Mon travail d’expert judiciaire s’est limité à l’accès à leurs échanges sur l’application et à les retranscrire.
Mes investigations ont été rapides, et le rapport a été rendu en un temps record, quelques semaines à peine après avoir été saisi (le plus long ayant été de contacter l’entreprise en charge de l’application de rencontre pour avoir accès aux données). Mais j’ai pu suivre la procédure après ma mission (ce qui est exceptionnel), et me rendre compte de ce que la haine peut amener comme acharnement, comme instrumentalisation de la justice à des fins de vengeance… Je doute fort que « Monsieur » Z ne s’inscrive de si tôt sur une application de rencontre.
Ainsi est faite la nature humaine.
Pour ma part, j’utilise plusieurs applications de rencontre, mais uniquement pour rencontrer des personnes ayant envie de me faire découvrir Paris de manière platonique. Mon profil est désarmant de sincérité et de transparence, ce qui me vaut la moquerie de la plupart des utilisateurs de ces applications. Mais j’y ai rencontré de belles personnes, et j’y ai noué de solides amitiés. Et ne vous inquiétez pas, Mme Zythom est au courant et encourage ma démarche.
Mais cela est une autre histoire.
Je serais gourmand de connaitre le motif de la plainte, puisqu’il apparait (au moins par ce récit), qu’aucun « dommage » (au sens du C. Civil) n’a été causé à Madame Y…
La plaignante soutenait avoir été extrêmement choquée et avoir subit de ce fait un préjudice important. C’est en cela que je parlais d’instrumentalisation de la justice. Parfois le simple fait de la publicité faite (localement) dans ce genre de dossier est l’objectif (atteint) de la vengeance.
Je rejoins Blux, je serai curieux de connaître le motif de la plainte. Il faudrait un doublon Zythom-Eolas.
Autant il me semble que dans l’affaire de l’annulation d’un mariage pour cause de non virginité il pouvait y avoir un élément auquel se raccrocher, le mariage étant un contrat(1) mais là je vois pas quel est l’article du code pénal auquel la plaignante peut se raccrocher.
Quand au pouvoir de nuisance, faire usage de la justice, c’est avoir de l’argent à gaspiller. Il en existe d’autres moins couteux (mais pouvant vous mener au tribunal).
Je pense que le moins cher et le plus sain pour la plaignante aurait été de voir un psychiatre pour évacuer la chose. Peut être que « l’accusée » aurait du en faire autant car il me semble vain et triste de tenter de séduire quelqu’un qui ne peut pas être intéressé par ce que vous êtes.
(1) NB: je suis un mékeskidi en justice. Dans l’affaire cité, en l’occurrence le juge a considéré que la virginité n’était pas une qualité essentielle dans ce cas là -encore faudrait il une définition de la virginité-