L’avenir de l’expertise judiciaire

L’activité d’expert judiciaire reste recherchée, si j’en crois les informations qui me parviennent de différents interlocuteurs.

Je pense, mais ce n’est qu’une intuition, que cela tient au fait que les magistrats désignent sur les listes d’experts plutôt des personnes d’expérience, ayant déjà fait leurs preuves avec une carrière exemplaire. Ils désignent donc des personnes ayant une grande partie de leur carrière derrière eux à laquelle vient s’ajouter cette reconnaissance de leurs compétences.

Dans mon cas, ayant été nommé expert judiciaire à 35 ans, et exerçant depuis 11 ans, je considère n’avoir pas démérité et avoir jusqu’à présent été à la hauteur, même si la tenue de ce blog en a irrité plus d’un (et j’aime les euphémismes).

Pour autant, plus je vieillis, et plus j’ai le sentiment de bonifier. Jean Rostand n’écrivait-il pas « Quand j’étais jeune, je plaignais les vieux. Maintenant que je suis vieux, ce sont les jeunes que je plains« .

Mais voilà qu’approche la date de ma demande de réinscription quinquennale, et avec elle ma possible radiation de la liste des experts judiciaires, au bon vouloir de la commission associant les représentants des juridictions et des experts, et de l’assemblée générale des magistrats du siège.

Je fais donc un bilan personnel de mon activité d’expert judiciaire. Et parallèlement, j’imagine ce que pourrait-être de mon point de vue l’organisation idéale de cette activité.

[Attention: ce qui suit n’est que l’expression d’une opinion personnelle qui ne saurait prétendre atteindre le niveau de sagesse de mes pairs regroupés en association 1901 reconnues d’utilité publique et seuls habilités à faire pression exprimer auprès des pouvoirs publics une position officielle représentant l’ensemble des experts judiciaires de justice.]

Je ne suis qu’un petit scarabée.

Mon point de vue ne concerne que ce que je peux connaître, c’est-à-dire seulement une partie du domaine des expertises judiciaires en informatique.

Quels sont les problèmes revenant le plus souvent à mes antennes:

– le cout trop élevé d’une expertise

– sa durée trop longue

– la solitude de l’expert face aux parties

– le cout trop élevé des logiciels et matériels d’investigation

– des lois complexes en permanente évolution

– le travail pour l’honneur et pour la patrie.

A tous ces problèmes, je vois une solution séduisante: le regroupement des experts judiciaires au sein de laboratoires agréés et leur professionnalisation.

Reprenons les problèmes un à un:

1) Le cout des expertises judiciaires informatiques.

Pour ma part, les dépenses que j’effectue se répartissent comme suit:

– le temps passé sur l’expertise proprement dite

– les achats de matériels (ordinateurs, bloqueurs, disques durs, cordons…)

– les achats de logiciels inforensiques (tout ne peut pas être effectué avec les logiciels gratuits)

– les charges normales (URSSAF, CANCRAS et CARBALAS…)

– les charges spécifiques (assurances, cotisations, formations…)

– le temps passé en formation

– le temps passé en taches administratives.

Chaque expert effectue ses propres dépenses dans son coin. Il est évident qu’un regroupement ferait baisser ses couts, qui sont répercutés sur les notes de frais et honoraires.

2) La durée trop longue.

Dès lors qu’un expert judiciaire exerce un métier par ailleurs, il est parfaitement compréhensible que l’activité d’expertise passe après. Si ce fonctionnement permet d’avoir comme experts des professionnels « naturellement » aguerris (puisque formés à la technique par leurs activités professionnelles), le temps de cerveau disponible doit être trouvé dans les périodes de congé, les soirs ou les week-ends. Or, certaines expertises demandent beaucoup de temps. Un expert professionnel pourra consacrer toutes ses forces et tout son temps à son expertise. Et comme le temps, c’est aussi de l’argent, la durée des expertises fondra comme neige au soleil.

3) la solitude de l’expert face aux parties.

Une expertise demande des compétences techniques, mais également des compétences juridiques, diplomatiques et psychologiques. La mise en commun de toutes ces expériences, le tutorat naturel des jeunes experts par leurs anciens sous la forme par exemple d’experts juniors/séniors comme dans les SSII permettrait d’améliorer la qualité des expertises judiciaires.

La présence éventuelle d’un avocat attaché au laboratoire agréé permettrait de soulager l’expert d’une grande partie des aspects juridiques. Après tout, l’avocat n’est-il pas « expert en droit »?

4) le cout trop élevé des logiciels et matériels d’investigation.

Un logiciel d’investigation commercial coute environ 5000 euros. Cela représente beaucoup d’argent pour une personne seule. Regroupés dans un laboratoire agréé, les experts pourraient utiliser des logiciels achetés en commun. Si la licence d’utilisation l’autorise bien entendu.

Pour ma part, et les lecteurs de ce blog le savent bien, je suis un fan du modèle économique induit par l’opensource. Il existe des logiciels d’analyses inforensiques opensources qui peuvent être utilisés tels quels pour mener à bien des expertises judiciaires. Et ces logiciels peuvent être améliorés ou adaptés.

Je crains que les pouvoirs publiques n’aient pas compris l’importance stratégique des logiciels opensources. La France a une grande tradition des grands projets informatiques où sont englouties d’importantes sommes d’argent. Imaginez le cout minime d’une équipe de développeurs travaillant au développement d’un projet tel que Sleuth kit/Autopsy. Tous les experts du monde pourraient alors profiter des avancées françaises.

Et une telle lucidité, une telle vision bénéficierait évidemment au politique qui l’aurait mise en place!

5) des lois complexes en permanente évolution.

Un tel laboratoire agréé travaillerait bien évidemment de façon étroite avec un ou plusieurs avocats qui lui seraient attachés. Cela permettrait aux experts de consacrer leur temps de formation aux évolutions techniques et non aux évolutions législatives.

J’avais eu l’embryon de cette idée dans ma proposition n°4 aux candidats à la présidence de la République lors des élections de 2007.

6) le travail pour l’honneur et pour la patrie.

Le système actuel où l’expert judiciaire mène de front deux activités en parallèle: son activité professionnelle et son activité d’expert judiciaire me fait m’interroger sur la réelle maitrise de tout le spectre technologique auquel l’expert en informatique a affaire. A moins d’être à la retraite et de consacrer toutes ses forces à ses expertises, j’ai le sentiment que le système entraine bénévolat et amateurisme.

Ce ne serait pas le cas avec la professionnalisation, et l’inscription du laboratoire agréé et de ses experts sur les listes de plusieurs cours d’appel et listes nationales, « agrément » accordé pour cinq ans renouvelable après audit selon des règles normatives.

Bien entendu, la professionnalisation permettrait aux juridictions de disposer de devis concurrentiels selon des procédures publiques.

Bien entendu, le système ne pourrait être fiable que si l’Etat s’engage auprès des laboratoires agréés à des paiements à 30 jours sur facture.

Il se trouve qu’une partie des idées présentées dans ce billet est déjà expérimentée avec succès en France: le LERTI est un laboratoire créé en 2004 par cinq experts judiciaires inscrits dans les cours d’appel de Chambéry, Lyon et Grenoble. Ce laboratoire a prêté serment en tant que personne morale (j’en avais parlé ici en février 2007).

Je citerai cette page de leur site web concernant les qualification et expérience: « Les experts du LERTI ont réalisé plus de 600 missions pour le compte d’entreprises, d’administrations ou de particuliers.
Ces missions recouvrent un éventail à peu près complet de tous les usages abusifs ou illicites de l’informatique ainsi que ses emplois délictueux ou criminels.
Elles ont permis de mettre en œuvre un très large spectre de pratiques et techniques informatiques spécialisées.
Cette expérience a conduit à la rédaction de nombreuses procédures d’investigation internes qui permettent un traitement exhaustif, efficace et rapide des missions confiées au LERTI.
Les experts du LERTI sont tous membres d’associations professionnelles de haut niveau pour lesquelles ils dispensent des formations avancées sur les techniques d’investigation. »

J’ai pu discuter avec quelques uns de ces experts judiciaires et je peux vous dire que je me sens tout petit face à eux, en particulier dans le domaine de la téléphonie.

La création du LERTI semble ne pas avoir fait du tout plaisir à certains experts judiciaires. Je crois même savoir que ces personnes ont cru que Zythom était le pseudonyme d’un des membres du LERTI, ce qui m’aurait valu cette gentille procédure. N’ayant pas eu le droit d’avoir accès au dossier, ni au nom de mon accusateur, je ne le saurai jamais.

Je ne sais pas si l’avenir de l’expertise prendra la voie décrite dans ce billet, mais je pense que l’artisanat de l’expertise, tel que je le pratique, est voué à disparaitre.

Pour un cout minime d’adaptation côté législatif, mais au prix d’une révolution du côté des experts.

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Crédit image: Les bédéastes imageurs.

Compétence

On me pose souvent la question des compétences nécessaires pour être un bon expert judiciaire en informatique. C’est une question délicate à laquelle je ne saurais prétendre donner une réponse globale. Je peux simplement essayer de donner ma réponse, c’est-à-dire ma vision.

Pour le public confronté à la justice, et dans le cas qui m’intéresse, à l’expertise judiciaire, l’expert est une personne nécessairement très compétente. Il a le Savoir et l’Expérience. Ce n’est pas complètement faux bien entendu.

Peut-on imaginer un malade qui irait voir un chirurgien s’entendre dire par ce dernier: « je ne suis pas très compétent, vous savez, je débute… »? Pourtant, tout le monde comprend qu’il faut bien un jour qu’un chirurgien débute, mène sa première opération en solo, prenne des décisions qui auront une importance vitale pour le patient.

Il y a donc des experts judiciaires qui débutent, et des experts judiciaires qui ont de la bouteille. On peut supposer que l’expérience augmente la compétence.

Mais est-ce bien sur?

Je discutais avec un expert en sécurité informatique qui m’expliquait que les quelques experts judiciaires qu’il avait pu rencontrer lui avaient fait très mauvaise impression: dépassés par les techniques actuelles de ce domaine, vision ancienne du monde de la sécurité informatique, etc. C’est un discours que je rencontre assez souvent avec tous les spécialistes d’une discipline informatique. J’ai pu vérifier ce phénomène auprès d’un pentester, d’un RSSI et d’un consultant sécurité. Tous m’ont plus ou moins diplomatiquement expliqué que les experts judiciaires qu’ils avaient côtoyés étaient incompétents.

Bigre. Faut-il en déduire que l’expert judiciaire est un « généraliste » méprisé par les « spécialistes »? Je ne sais pas.

Pour ma part, je cumule plusieurs défauts: je suis jeune (moins de 50 ans:), encore en exercice, salarié-donc-avec-un-patron, généraliste par ma formation initiale d’ingénieur, et spécialiste par mon doctorat sur les réseaux neuronaux d’un certain type appliqués à certains types de problèmes (cela surprendra-t-il quelqu’un si je vous informe n’avoir jamais été missionné sur ce sujet?).

Et en plus je tiens un blog.

Pire que tout, j’ai déjà onze années d’expérience comme expert judiciaire! Non seulement je suis un nain, mais en plus je suis un vieux nain sur les épaules de mes prédécesseurs…

« Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons ainsi davantage et plus loin qu’eux, non parce que notre vue est plus aiguë ou notre taille plus haute, mais parce qu’ils nous portent en l’air et nous élèvent de toute leur hauteur gigantesque. » (Bernard de Chartres, XIIe siècle)

Finalement, la question que je me pose ici est: « suis-je assez compétent? »

C’est une question à laquelle, en mon for intérieur, je n’ai pas peur de répondre non. Pour progresser. Et sans répondre à la question initiale de ce billet.

Une fois pour toutes

Monsieur le Procureur, à la question « Mais pourquoi donc tenez vous ce blog? » je répondrais de la façon suivante:

Je raconte à mes amis et à ma famille, comme tout le monde, lors des repas par exemple, des anecdotes rigolotes sur ma vie, qu’elles soient privées ou professionnelles.

Mais cette mémoire qui est la mienne n’intéresse personne vraiment. C’est la solitude inhérente à la condition humaine.

A mes enfants en particulier, je ne raconte presque rien sur la réalité de mon travail, sur le détail de mes expertises judiciaires ou sur mes activités publiques de conseiller municipal.

Mais j’en écris une partie ici.

Ceci est un journal intime en ligne.
C’est un blog.
C’est un blog de bonne foi.
C’est un monoblog éclectique hétéroclite.
Ce n’est pas un blog sur l’expertise judiciaire.
C’est un blog d’un informaticien expert judiciaire.
Ce sera un jour un blog d’un informaticien ancien expert judiciaire.

Et le jour où je mourrai tragiquement, lorsque mes enfants chercheront à en savoir plus sur ce qu’était leur père, alors ils découvriront ma vie incroyable.

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Merci à Pfelelep pour cette image spéciale dédicace.

PS: Merci aux 12231 visiteurs des 30 derniers jours.

Emballages et I/O

Dans le cadre de mes expertises judiciaires, je reçois régulièrement des scellés contenant les objets que j’ai à analyser. Cela peut être une unité centrale, une clef USB, un disque dur externe, un ordinateur portable, un paquet de cédérom, etc.

Dans tous les cas, l’objet est emballé, étiqueté et numéroté. L’étiquette est toujours du même type, un papier cartonné couleur « ancien ». Elle comporte un cachet de cire scellant une ficelle hors d’âge qui ligote l’objet pour éviter de l’ouvrir sans casser le cachet ou la ficelle.

J’ai déjà raconté dans ce billet comment j’utilise parfois un petit creuset en verre pour faire fondre de la cire pour réaliser un sceau de scellé (avec mon propre sceau!).

Mais ce petit jeu de cachetage m’a finalement lassé, et j’opère depuis différemment. Pour éviter d’avoir à réinventer l’eau chaude (voir illustration d’entête), j’utilise les emballages que je peux récupérer lors de mes achats. J’ai toute une collection de plastiques de toutes tailles que je conserve au grand dam de mon épouse qui désespère de voir mon bureau (et la maison) s’encombrer tous les jours un peu plus.

Car finalement, l’objectif du scellé est de permettre d’empêcher la modification de la preuve que constitue l’objet retiré à son propriétaire. Mais placer une simple ficelle d’emballage autour d’une unité centrale n’a jamais interdit de la brancher sur le secteur pour en effacer/modifier le disque dur…

Je recommande donc à tous les experts (ou OPJ) débutants qui me lisent de ne pas hésiter à placer les objets dans des sacs plastiques que vous fermerez hermétiquement avec du gros adhésif de déménagement. Ce que vous perdrez en esthétique (personnellement j’utilise des sacs poubelles transparents pour les unités centrales), vous le gagnerez en coûts et en fiabilité.

N’oubliez pas de signer sur l’emballage et sur l’adhésif, sinon n’importe qui pourra défaire et refaire votre paquet.

N’oubliez pas l’étiquette du scellé d’origine sur laquelle vous mentionnerez « scellé reconstitué par l’expert + date ». Il n’y a pas de rubrique pour cela, alors écrivez petit sur l’étiquette. L’étiquette doit être accessible de l’extérieur pour permettre à chaque personne concernée par la procédure d’inscrire ce qu’il doit dessus. Personnellement, je fais un petit trou dans le sac pour laisser passer la ficelle d’origine que je fixe à l’objet.

Inscrivez sur votre rapport comment le scellé était constitué lorsqu’on vous l’a remis et comment vous l’avez reconstitué. A besoin, prendre une photo numérique que vous conservez dans votre dossier (avant/après).

Si vous devez analyser une deuxième fois un scellé (c’est rare, mais cela m’est déjà arrivé), notez impérativement dans votre rapport si votre emballage d’expert a été ouvert avant votre deuxième expertise.

Enfin, préparer un cahier de traçabilité des scellés me semble une sage précaution pour un expert judiciaire: vous y indiquerez la nature, le nombre des scellés, les dates de remise (entrée et sortie), ainsi que les nom/fonction des personnes qui vous les remettent et qui les récupèrent, et leurs signatures. Il n’est pas rare qu’une personne en dépanne une autre pour le transport d’un scellé et que celui-ci se retrouve dans la nature alors que pour le magistrat, vous en êtes toujours responsable. On n’a pas l’air très fin quand un juge d’instruction vous appelle pour vous demander où se trouve un scellé et que l’on ne sait pas répondre qui exactement est venu le reprendre…

Si d’autres experts ou OPJ procèdent différemment, indiquez le moi que je mette à jour ce billet (et que j’améliore ma propre pratique).

Finalement, les retours d’expérience, cela tient parfois à pas grand chose.

Enigma SPAM

Apprenti expert judiciaire, une phrase est encodée dans le texte suivant, sauriez-vous trouver laquelle?

Vous avez deux minutes (on sait ou on sait pas!)

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simply reply with a Subject: of « REMOVE » and you will
immediately be removed from our mailing list . This
mail is being sent in compliance with Senate bill 1623
, Title 5 , Section 303 . This is NOT unsolicited bulk
mail ! Why work for somebody else when you can become
rich within 10 weeks . Have you ever noticed how long
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more likely to BUY with a credit card than cash . Well,
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Un indice: c’est un faux Spam (une imitation, quoi).

Vous ne regarderez plus vos spams de la même façon…

Enquête exclusive: les experts

Maitre Eolas m’ayant signalé l’émission de M6 « Enquête exclusive » consacrée aux experts, et lacqx m’ayant indiqué l’accès via m6replay, je viens de regarder cette émission lors de ma pause repas-saladette.

Je dois dire que je m’attendais au pire. Et bien non, le reportage est excellent et couvre toutes les difficultés rencontrées par les experts, depuis leur nomination jusqu’à leur radiation, en passant par leur réinscription.

Vous trouverez en particulier dans le reportage un expert plutôt compétent en accident de voiture et un expert géomètre en réunion tendue avec les parties.

Mais vous verrez aussi deux médecins experts dont l’indépendance semblent toute relative et les problèmes liés aux experts travaillant avec les compagnies d’assurance (en contradiction avec les règles de déontologie des experts judiciaires, voir paragraphe V-35). Si les faits décrits dans le reportage sont avérés, les deux médecins ne devraient plus être experts judiciaires, de mon point de vue. Je comprends mieux pourquoi il est recommandé de venir à une expertise médicale accompagné de son avocat.

Un point que le reportage n’aborde pas concerne la rémunération des experts par la justice, et c’est dommage, car cela aurait montré à quel point le budget de notre justice est catastrophique et expliqué pourquoi le système actuel devient dangereux, avec des personnes qui postulent pour devenir expert, non pas pour apporter leur savoir faire à la justice, mais pour la carte de visite qui ouvre des portes dans le privé.

Je regrette également que le reportage n’aborde pas les expertises judiciaires informatiques, mais elles sont peu télégéniques.

Un reportage à voir: Enquête exclusive – Indemnisations, accidents, procès: les experts sur la sellette. Le reportage sera rediffusé sur M6 le jeudi 8 octobre 2009 à 0h35. A vos magnétoscopes!

L’affaire Zataz

Je n’ai pas souhaité m’exprimer plus tôt sur cette affaire (du point de vue technique) car je ne disposais comme éléments techniques que des informations publiées sur le site zataz.com (et bien entendu l’excellente vidéo d’un certain maitreeolas;), et il me semblait plus raisonnable d’attendre d’avoir plusieurs sons de cloches avant de me faire une opinion.

Maintenant que j’ai lu l’arrêt du 9 septembre 2009 de la Cour d’Appel de Paris sur le site legalis.net, je trouve l’affaire plus intéressante.

Je ne souhaite pas faire plus de commentaires, sinon
– vous inciter à aller lire l’arrêt pour y découvrir (un peu) le travail de deux experts judiciaires effectué dans le cadre d’expertises privées,
– et bien entendu saluer leur travail consciencieux.

Le petit monde des experts judiciaires

Je viens de lire ce billet intitulé « Expert judiciaire, vous avez dit “indépendant”? » consacré à une décision de la Cour de cassation confirmant la non réinscription d’un médecin sur la liste des experts judiciaires en raison d’un nombre trop élevé d’expertises privées.

Un passage du billet m’a fait tiquer:

« Disons le d’emblée. Le monde des experts est un petit monde lucratif où on se connaît, on se côtoie, et où on sait distinguer les confrères compétents des autres. »

Il se trouve que cette affirmation revient souvent dans les conversations que je peux avoir sur le sujet des expertises judiciaires. Je pense que les gens regardent trop la télévision.

Car la réalité est toute différente, et les lecteurs habitués de ce blog le savent bien. Je ne nie pas qu’il puisse y avoir quelques experts judiciaires aventureux et j’aime citer Madame Marie-Claude MARTIN, vice-présidente du TGI de Paris, qui a publié dans la revue « Experts » (numéro 73 de décembre 2006), un excellent article intitulé « la personnalité de l’expert ». Dans le paragraphe consacré à la désignation de l’expert, elle écrit:

[…] plusieurs comportements sont susceptibles d’être observés:
– « L’expert sans problème »: Je lis la mission, elle rentre parfaitement dans mes attributions, je l’accepte.
– « L’expert aventureux, ou téméraire, ou intéressé »: La mission ne paraît pas relever de ma compétence, mais elle m’intéresse ; je prendrai un sapiteur ultérieurement […]
– « L’expert optimiste qui dit toujours oui »: Je suis surchargé, je prends quand même cette mission, je me ferai aider au besoin par l’équipe qui m’entoure […].
– « L’expert stressé qui ne sait pas dire non »: Je suis surchargé, mais si je dis non, je ne serai plus désigné et je vais rapidement me trouver sans mission.

Comme elle, je ne peux pas affirmer que tous les experts sont parfaits. Mais ils sont nombreux ceux qui font consciencieusement leur travail.

Un expert judiciaire s’enrichit-il en exerçant cette activité? Il va gagner de l’argent, mais sans commune mesure avec l’idée que peut s’en faire le grand public, toujours prompt à classer l’expert dans la catégorie des notables. Je vous rappelle que « expert judiciaire », ce n’est pas une profession (bien que je propose que cela le devienne), et je vous ai déjà présenté comment j’établis ma note de frais et honoraires ou les difficultés que je rencontre dans l’établissement d’un devis.

On ne devient pas riche en choisissant d’exercer l’activité d’expert judiciaire.

Le monde des experts judiciaires est-il un petit monde où tout le monde se connait et se côtoie? Là aussi, je voudrais atténuer le trait. Il y a dans ma cour d’appel, plusieurs experts judiciaire dans ma spécialité, et je n’en connais aucun. J’ai du en croiser un ou deux lors d’une conférence, et s’il est possible que nous ayons échangé des propos, c’était sans savoir que nous étions voisins de travail. Nulle confrérie, ni groupe occulte derrière tout cela. Ou en tout cas, je n’en fais pas partie. Et il n’y a pas de concurrence entre nous. Par ailleurs, j’ai déjà expliqué plusieurs fois sur ce blog que je ne goutais guère les réunions corporatistes, leur préférant des réunions d’échanges techniques et de retours d’expérience.

Quant à l’influence des compagnies d’experts, j’en ai déjà parlé ici.

Reste finalement à parler de l’indépendance de l’expert. Règle I-7 de déontologie de l’expert judiciaire: « L’expert doit conserver une indépendance absolue, ne cédant à aucune pression ou influence, de quelque nature qu’elle soit. »

A cela s’ajoute le serment de l’expert judiciaire: « Je jure, d’apporter mon concours à la Justice, d’accomplir ma mission, de faire mon rapport, et de donner mon avis en mon honneur et en ma conscience. »

Ajoutez y encore la surveillance des avocats lors du déroulement d’une expertise civile ou commerciale, l’obligation de déport lors d’intérêts croisés, et le fait que le magistrat n’est pas tenu de suivre l’avis de l’expert, et vous voyez que tout encourage à l’indépendance.

Tenez, une dernière preuve: alors que de nombreux avocats, poussés par leurs instances dirigeantes, tiennent des blogs avec talents, ainsi que le font plusieurs magistrats, le fait que je tienne ici un blog en tant qu’expert judiciaire, bientôt rejoint par une multitude de blogs d’experts judiciaires, ne prouve-t-il pas notre indépendance?

Les experts peuvent se tromper

J’ai lu attentivement l’article de Jean-Marc Manach dans InternetActu qui s’intitule « Quand les experts se trompent« , article repris par ailleurs dans Le Monde.fr.

Je dois dire que j’ai déjà écrit quelques mots timides sur le sujet dans ma rubrique « erreurs judiciaires« , souvent sur des points de détails ou sur des affaires lointaines, afin d’éviter de trop attirer les foudres de mes confrères experts judiciaires, tout au moins ceux qui voient ce blog d’un mauvais œil.

Mais depuis « l’affaire Zythom« , je dois dire également que je me sens plus libre d’exprimer ce que je pense, dès lors que je n’enfreins aucune loi de la République. Enfin, du fait que je n’appartiens activement à aucun réseau d’experts judiciaires, je dois rappeler que mes écrits ne reflètent que ma seule opinion, et non celle de l’ensemble des experts judiciaires.

Je peux donc dire que l’article est excellent et qu’il me sert d’excuse pour un petit rappel sur le sujet.

Les experts peuvent se tromper pour de multiples raisons.

Dans mon billet sur la femme sans visage, je relate une enquête policière détruite par des relevés ADN souillés dès l’usine de fabrication. Les affaires Fourré, Dupas, Martin, Bernard, Castro, Goujon sont là pour nous rappeler que les experts judiciaires n’ont pas toujours brillé par leur infaillibilité.

Même les meilleurs d’entre nous doivent se rappeler que la science évolue au cours du temps. L’expert judiciaire Tardieu ne s’était jamais trompé. Il a seulement subi les ignorances de la science.

En matière informatique, avec les formidables avancées techniques où tout semble possible, les erreurs potentielles sont nombreuses. Il suffit pour s’en convaincre de lire par exemple les débats sur la loi Hadopi (je n‘en parle pas ici).

Moi-même, je suis passé pas loin d’une erreur judiciaire

Les experts se trompent parfois, mais il y a plusieurs parades à cela. Contre expertise, collège d’experts et bien entendu les experts-conseils.

Je parle assez peu (pour l’instant) de mon activité d’expert-conseil sur ce blog et pour cause, je consacre actuellement toutes mes forces à l’expertise judiciaire classique. Mais il m’arrive d’être contacté par un avocat qui souhaite être conseillé sur un dossier par un expert technique. On parle alors d’expertise privée.

Je l’aide alors à analyser un pré-rapport d’expertise « du point de vue technique », à rédiger des dires techniques en pointant ce qui m’apparait comme des imprécisions techniques (ou des erreurs). Ou alors je l’assiste comme « expert privé » lors d’une procédure d’expertise menée par un expert judiciaire.

Et pour éviter toute suspicion d’entente avec un confrère, je n’accepte que des dossiers situés hors de ma Cour d’Appel.

Mais tout cela coûte de l’argent (malgré mes honoraires très bas – pub) et est difficilement supportable par le citoyen lambda. Encore moins par le budget de la justice. Même dans mon cas où je travaille uniquement à distance par échanges GPG pour éviter les frais et honoraires de déplacements.

Enfin, je voudrais rappeler que dans toute affaire terminée par une condamnation erronée, l’un des acteurs, à un moment quelconque, a enfreint une règle essentielle de sa délicate mission. Et directement ou non, l’erreur est née de cette faute. Par penchant, plus souvent par imprudence, langueur d’esprit, désir d’arriver à un résultat ou crainte de laisser un crime impuni, quelqu’un a pris parti contre le prévenu. Dès lors, il l’a tenu coupable. Il n’a pas conçu la possibilité de son innocence, et, pour découvrir la vérité, il a cru qu’il suffisait de chercher des preuves de culpabilité. Les meilleurs s’y laissent aller. Ils croient bien faire, et préparent « des condamnations plus crimineuses que le crime » [Montaigne, Essais, livre III, chap.XII].

C’est terrible à dire, mais la justice est humaine, et la science aussi.

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Image réalisée par JM Ucciani.

En vrac


Un OPJ m’a contacté pour prendre des nouvelles de son dossier déposé chez moi il y a trois semaines. Quand j’écris « prendre des nouvelles », je veux dire en fait « demander si c’est terminé ». J’approche doucement du SEP et je crains que ceci n’entraine cela. Cela signifie clairement que ce dossier est urgent et que mes soirées et week-end à venir vont être plus dures.

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J’ai mis à jour mes mentions légales suite à un échange d’emails avec un internaute fidèle lecteur qui m’a fait découvrir les mentions légales de Maitre Mô que j’ai aussitôt pillées tellement elles m’ont plu. Original à lire ici.

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Je teste Windows 7 Pro Fr depuis quinze jours et je trouve cela pas mal. J’ai encore du mal avec quelques anciennes habitudes issues de XP, mais cela devrait se corriger avec le temps. Le mode « virtual windows XP » m’a permis d’installer toutes mes applications incompatibles. En tout cas, j’aurai échappé à Vista… J’ai donc sur mon bureau: un PC sous GNU/Linux (Debian), un PC sous Windows 7, un ultraportable sous Windows XP et un téléphone sous Windows Mobile 6.1 Pro. Cela fait encore 3 contre 1. Reste à effectuer des analyses inforensiques de Windows 7.

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Malgré tous mes efforts, je ne suis toujours pas payé pour mes expertises depuis deux ans. Cela provient d’un seul tribunal. Pas de chance, c’est celui qui me désigne le plus souvent… Peut-être parce que je suis le seul qui accepte? Je suis sur que non, mais c’est silence radio de ma compagnie des experts. Je me sens un peu seul.

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Je réfléchis de plus en plus à l’autoentreprenariat pour une activité de conseil technique auprès des avocats en matière d’expertises informatiques. Mon problème est que je ne goute guère aux délices des phrases telles que « régime micro-social (du régime micro-entreprise) avec prélèvement libératoire trimestriel ou mensuel (au choix) calculé sur le chiffre d’affaires« . Et pourtant, il faudrait, car je ne suis pas sur d’être reconduit sur la liste des experts de ma Cour d’Appel.

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Comme toujours, je teste après tout le monde Twitter. C’est assez difficile pour moi de ne pas sombrer dans le futile. Ce que j’aime, c’est surtout le côté « branchement en direct » sur les pensées des autres, mais j’ai du mal à comprendre ceux qui suivent plus de 100 personnes. Essayez twitter, et vous verrez beaucoup d’histoires de Trickster (j’ai toujours été mauvais en slogans). Et puis, c’est un excellent moteur de recherche

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Toujours dans la série, « je teste après tout le monde », j’ai reçu pour mon anniversaire le jeu « guitar Hero » pour console Wii. J’avais besoin de renouer avec mon enfant intérieur. C’est réussi, même si j’ai mal à la main gauche. J’ai ainsi pu découvrir l’excellent morceau StillBorn qui tourne en boucle sur mon PC au grand dam de mon entourage. Promis demain j’ai la barbe et les cheveux longs. Pour l’instant, je suis au niveau « facile » avec trois cordes et je bondis dans tous les sens dans la pièce. Que personne ne se moque!

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C’est tout pour aujourd’hui. J’espère en tout cas ne pas encore trop souffrir du syndrome de l’imposteur et ne pas encore avoir atteint le seuil de Peter: ni papyrophobie, ni classophilie, ni rigor cartis, un peu de papyromanie…

En tout cas, j’y travaille.