Mon père est mort le 16 avril 2020. Nous étions en plein confinement à cause de la pandémie de Covid19. Le personnel de l’EHPAD avait interdit l’accès à tous les aidants (voir mon billet précédent) dont ma mère. Elle maintenait pourtant mon père en vie en prenant le temps nécessaire pour l’alimenter… Le personnel soignant n’a pas pu prendre le relais, par manque de moyens et de temps, et la santé très fragile de mon père, du fait de sa maladie neurodégénérative, a rapidement décliné.
Le personnel soignant a alors eu l’humanité d’accepter exceptionnellement le retour de ma mère aux côtés de mon père, alors que tous les EHPAD étaient bunkerisés. Elle a pu lui parler pendant les quatre derniers jours de sa vie. Elle lui tenait la main en lui disant qu’elle l’aimait, en lui racontant tous les bonheurs qu’ils avaient vécus ensemble.
Maintenant qu’il est parti, que son corps a été réduit en poussière, elle continue de l’aimer.
Et lui ?
Où son esprit est-il allé ? C’est la question à laquelle l’humanité cherche une réponse depuis que l’être humain a pris conscience de la brièveté de son enveloppe corporelle.
Mais moi, je sais qu’ils s’aimeront pour toujours.
Pour ceux qui ne me suivent pas sur Twitter, je reproduis ici un mini récit que j’y ai posté et qui a ému plusieurs milliers de personnes. Le but n’était pas de « percer », mais d’exprimer la souffrance que je ressens avec ma famille dans l’accompagnement de la fin de vie de mon père. J’ai écris ce thread d’une traite, après une discussion au téléphone avec ma mère, où je me suis mis à pleurer tout seul dans mon bureau après avoir raccroché… Je le dépose ici sur mon blog, en pensant aux enfants de mes enfants, comme la plupart de mes billets non techniques. Il n’y a pas de leçon particulière, ni de message autre que ce témoignage :
Mon père (88 ans) est hospitalisé depuis 2 ans. Il est atteint d’une maladie qui lui mange le cerveau petit à petit. Tous les jours ma mère (88a aussi) vient à ses côtés de midi à 20h. Tous les jours depuis 2 ans… Dimanches, vacances, jours fériés…
Toutes les infirmières les connaissent, et toutes les aides soignantes. Au début, elles acceptaient avec méfiance cette petite vieille qui s’incrustait dans le paysage et qui veillait à ce que le travail soit bien fait.
Mais petit à petit, cette petite vieille (c’est ma mère, hein) a gagné leur confiance. Elle les aide à prendre soin de son mari qui perçoit de moins en moins son environnement, mais qui continue à se rendre compte qu’elle est à ses côtés.
Je vais les voir le plus possible, et ma sœur aussi, et leurs petits enfants. Mon père ne semble plus me reconnaître, mais il réagit si je fais une erreur quand je raconte une histoire du passé, une histoire du temps où il me guidait sur le chemin de la vie.
Les aides soignantes, en sous effectif chronique, laissent ma mère donner à manger à mon père. Car c’est très long, il ouvre difficilement la bouche, et de toutes façons, il n’accepte de manger que si c’est sa femme qui le nourrit.
Elle lui donne également les médicaments (donnés par le personnel soignant), qu’elle prend bien soin de glisser dans la nourriture. Elle choisit les menus, car elle sait ce qu’il aime, et ce qui est bon pour lui. Elle lui donne à boire.
Elle le faisait marcher quand il pouvait encore se lever. Maintenant qu’il est prostré dans son fauteuil, elle lui parle. Elle couvre ainsi de sa voix les cris qui viennent des autres chambres. Des cris, des injures, des hurlements de personnes qui perdent pieds.
Comme ma mère ne peut plus conduire, nous avons mis en place un système de chauffeurs pour tous les jours de la semaine. Des associations de soutiens aux aidants le midi dans la semaine, et des taxis le soirs et le week-end.
Ces gens sont formidables. Ils l’accompagnent jusqu’à la porte de l’hôpital ou jusqu’à la porte de son immeuble. Ils la soutiennent s’il y a de la neige ou du verglas.
Mais samedi dernier, ma mère et son chauffeur ont trouvé la porte de l’hôpital fermée.
Il y avait une petite affiche qui indiquait qu’à cause du Covid19, plus aucune visite n’était autorisée.
Ma mère est restée devant la porte de l’hôpital, jusqu’à ce que quelqu’un ait un peu pitié d’elle et la laisse entrer discrètement. Elle est restée toute la journée près de son mari, l’a nourri et a aidé le personnel débordé.
Mon père avait été mis dans un fauteuil roulant et roulé jusqu’à la salle commune où il restait, immobile, les yeux clos, à attendre sa femme dans un vacarme de déments.
Il faut avoir été une fois dans un service hospitalier spécialisé dans les fins de vie pour comprendre cet enfer et le travail éprouvant du personnel qui y travaille.
Devant le désarroi de ma mère, le personnel de l’hôpital est resté ferme, et lui a expliqué qu’elle ne pourrait pas revenir le lendemain. L’hôpital est fermé à toutes visites (et c’est normal).
Ma mère reste maintenant chez elle et appelle tous les jours l’hôpital pour savoir si son mari a pris ses médicaments et si quelqu’un a eu la patience de lui donner à manger (il faut au moins 1/2h).
Elle appelle surtout pour savoir s’il est toujours en vie.
Parce qu’elle sait bien que c’est elle qui le maintient en vie.
Ma sœur et moi, nous lui disons qu’elle pourra sans doute bientôt retourner le voir et s’occuper de lui. Sans doute dans 15 jours.
Alors qu’on n’en sait rien. Et que ce sera probablement dans trois mois, mais qu’on ne veut pas la faire souffrir encore plus.
Donc, quand vous lirez que les visites sont suspendues dans les EHPAD, ayez une petite pensée pour les aidants et pour tout ceux qui ne vont plus pouvoir aller voir l’amour de leur vie, avec la certitude qu’il va mourir seul.
(fin du flood, et désolé)
Remarque : Le thread a généré beaucoup de réactions extrêmement gentilles et pleines de soutiens, ce qui montre que les personnes sur Twitter peuvent aussi se montrer bienveillantes, contrairement à ce beaucoup veulent faire croire en voulant museler les réseaux sociaux.
Informations : Une semaine après l’interdiction des visites, nous appelons l’EHPAD tous les jours pour avoir des nouvelles de mon père. Le personnel s’en occupe bien malgré le sous effectif et jusqu’ici tout va bien. Merci à tous pour vos pensées positives.
Pour ceux qui voudrait en savoir plus sur la vie de mon père, j’ai écris un billet sur lui il y a quelques années. Je vous invite à le lire.
Quant à ma mère, elle se repose et reprend des forces.
A mon avis, ce n’est plus une bonne idée de vouloir autohéberger son propre serveur de messagerie, tant il est difficile de garantir son bon fonctionnement selon les bonnes pratiques (qui évoluent très vite). Mais c’est possible. Et j’ai voulu m’y atteler pour une raison que j’expliquerai dans un autre billet.
L’une des nombreuses conditions pour disposer d’un serveur de messagerie pleinement accepté par ses petits camarades serveurs-de-messagerie, est de pouvoir mettre en place un reverse DNS. Et cela tombe bien, comme Rodolphe, je suis abonné Free, et ce FAI permet via son interface de mettre en place un reverse DNS.
Enfin, c’est ce que je croyais…
Après avoir paramétré le reverse DNS correspondant à mon besoin, dans l’interface Free de mon abonnement FreeBox, et après avoir attendu plusieurs jours pour être certains que les informations se soient bien propagées, le reverse DNS n’était toujours pas fonctionnel : les différents outils à ma disposition me donnent toujours comme reverse W-X-Y-Z.subs.proxad.net, où W.X.Y.Z est l’adresse IPv4 fournie par Free pour mon point d’accès.
Cherchant à en savoir plus, je me tourne vers internet et je constate que pas mal de personnes semblent avoir le même problème que moi…
Comme il n’est plus possible d’avoir une réponse par les canaux habituels des années 90, je m’adresse au support par Twitter en Direct Messages. Je vous livre le dialogue in extenso :
Bonjour, le reverse DNS n’est pas fonctionnel, alors qu’il est activé dans mon interface depuis 15 jours… Je lis dans de nombreux forums que ce service ne fonctionne pas correctement, est-ce exact ? Comment le faire fonctionner quand on autohéberge un serveur de messagerie ?
Ligne Fibre Optique NRO : XXXXX Adresse IP : W.X.Y.Z Préfixe IPv6 : AAAA:BBBB:CCCC:DDDD::/64
Identifiant : fbxXXXXXX N° de téléphone Freebox : XX XX XX XX XX N° de fax : XX XX XX XX XX
Le reverse DNS effectif est WW-XX-YY-ZZ.subs.proxad.net
Ce qui n’est pas ce que j’ai paramétré dans l’interface Freebox
bonjour, edirection DNS [ma conf] vers WW.XX.YY.ZZ (Actif) Reverse DNS WW.XX.YY.ZZ vers [ma conf] (Actif)
Pour information, nous n’effectuons aucun support à ce sujet.
Bonne journée
Je pense que vous n’avez pas compris la question, car votre réponse ne fait qu’indiquer ce que j’ai moi-même configuré (je suis donc au courant de ce que j’ai configuré) ET me dire que c’est actif (ce que je sais puisque c’est ce que l’interface de la Freebox indique).
Ma question est donc : pourquoi est-ce que ce n’est pas fonctionnel ?
Nous n’effectuons aucun support à ce sujet. Bonne journée
Vous m’indiquez que la edirection DNS est : [ma config]
Vous m’indiquez que le reverse DNS est : [ma config]
Je suis d’accord avec vous.
MAIS lorsque l’on teste le reverse DNS effectif depuis les ordinateurs du monde entier, la réponse effective est : WW-XX-YY-ZZ.subs.proxad.net
Ce qui n’est PAS le configuration demandée ET indiquée comme « Actif » sur votre interface Freebox
DONC il y a un bug CHEZ VOUS
Pouvez-vous le corriger et rendre ce service FONCTIONNEL ?
Merci
Je ne comprends pas que votre réponse puisse se limiter à « nous n’effectuons aucun support à ce sujet » : je vous signale un dysfonctionnement, et je demande une réparation d’un service dû qui ne fonctionne pas, je ne demande pas un support !
C’est actif, donc fonctionnel. Bonne journée
Je n’ai eu ensuite plus aucune réponse à mes sollicitations…
Close par Thibaut Freebox (Thibaut Freebox)
Thursday 1 August, 2019 15:01:46
Raison de clôture : Ne sera pas implémenté
Commentaires supplémentaires de clôture :
Ne sera pas implémenté POUR L'INSTANT (période de transition adsl-fibre et ipv4-v6)
Ce sera ré-implémenté à l'avenir, mais non : je n'ai pas de date pour cela.
Hier, j’ai eu une petite frayeur en constatant qu’un test automatique SMART (long selftest) rencontrait une erreur de lecture sur l’un des disques durs de mon NAS de sauvegarde. Celui-ci apparaissait en SMART rouge sur l’interface OpenMediaVault…
Comme c’est un NAS DIY, je n’ai pas de procédure automatique en cas de panne de disque dur : il faut intervenir à la main. Je pose ici la procédure, pour la partager et m’en souvenir, car quand un disque tombe, les autres vont commencer à faire pareil…
Le disque en panne est /dev/sdb, et je suis dans le cas d’un RAID5 où je peux retirer un disque du RAID, sans perdre de données. Le NAS ne contient que des sauvegardes, donc je peux perdre toutes les données, mais j’aime mieux pas (10 To de sauvegardes à reconstituer pendant plusieurs semaines, mon cœur ne tiendrait pas).
Dans un terminal ouvert sur le NAS en ssh sous root (ssh [email protected]), utilisez les commande suivantes (il faut adapter les commandes selon votre configuration. VOUS DEVEZ COMPRENDRE CHAQUE COMMANDE AVANT DE LA LANCER. Une erreur a pu se glisser dans la suite de commandes que j’indique, je décline toute responsabilité, SGDZ, pas taper) :
Je déclare le disque en panne (SMART ne l’a pas fait), puis je le retire du RAID5 :
Je constate dans l’interface OpenMediaVault que le RAID est passé en mode dégradé (il ne l’était pas encore car le problème que j’ai détecté est un problème SMART).
J’arrête le NAS et je remplace hors tension le disque défectueux par un disque de même taille, judicieusement disponible à cette occasion (spare à froid).
Je redémarre le NAS et constate que l’interface OpenMediaVault ne me propose pas d’insérer dans le RAID le nouveau disque dur, sans doute parce que celui-ci n’est pas correctement préparé. Je vais le préparer avec les commandes suivantes :
Je me reconnecte root sur le NAS avec un terminal via ssh, pour lancer la commande gdisk :
gdisk /dev/sdb
Et là, horreur malheur, j’ai les informations suivantes :
GPT fdisk (gdisk) version 1.0.1
Caution: invalid backup GPT header, but valid main header; regenerating backup header from main header.
Partition table scan:
MBR: protective
BSD: not present
APM: not present
GPT: damaged
Caution: Found protective or hybrid MBR and corrupt GPT. Using GPT, but disk verification and recovery are STRONGLY recommended.
Dans l’interface de la commande gdisk, je passe en mode « Expert command » en tapant « x », puis je supprime les structures GPT et nettoie MBR avec la commande « z »:
Command (? for help): x Expert command (? for help): z About to wipe out GPT on /dev/sdb. Proceed? (Y/N): Y
GPT data structures destroyed! You may now partition the disk using fdisk or other utilities.
Blank out MBR? (Y/N): Y
Je quitte gdisk avec la commande « w », puis je relance gdisk pour vérifier que tout est bon :
# gdisk /dev/sdb GPT fdisk (gdisk) version 1.0.1
Partition table scan: MBR: not present BSD: not present APM: not present GPT: not present
Creating new GPT entries.
Command (? for help): q
J’ajoute enfin le nouveau disque dans la grappe RAID :
mdadm --manage /dev/md0 --add /dev/sdb
Je vérifie qu’il n’y a pas d’erreur bizarre, avec :
fdisk -l # <-- le signe avant le croisillon est un L minuscule
Je vérifie que le RAID se reconstruit correctement, dans l’interface OpenMediaVault ou avec la commande :
cat /proc/mdstat
Je prie pour qu’aucun autre disque ne lâche dans les heures suivantes…
Une fois tout rentré dans l’ordre, je n’oublie pas de reprogrammer un selftest SMART de type long sur le nouveau disque, dans l’interface OpenMediaVault.
J’espère que ce billet pourra faire gagner du temps à quelques uns.
Alors qu’un terrible virus se propage en Chine, j’assiste impuissant à la montée du racisme anti-chinois ici ou là dans le monde. Or je travaille dans une école qui accueille des étudiants du monde entier, et en particulier de Chine. Je peux témoigner que le personnel de l’école, et tous les étudiants du campus sont aux côtés des étudiants chinois et que personne ne les ostracise.
Si un chinois lit ces lignes, qu’il sache que, si la peur rend stupide, beaucoup de gens arrivent encore à réfléchir et sont solidaires des autres humains frappés par le malheur : les soignants du monde entier, bien sur, mais aussi les professeurs et tout le personnel qui travaille à leurs côtés.
Et il y a tous ceux qui pensent que la nationalité se lit sur le visage ou avec la couleur de peau. Le racisme se combat par l’éducation.
Cela va faire plus d’un an que j’ai changé de métier et fait le choix de travailler en région parisienne. Mon nouveau métier me passionne, mais je ne voulais pas demander à ma famille de me suivre dans l’enfer de la vie parisienne. J’ai donc fait le choix de négocier lors de mon entretien d’embauche la possibilité de télétravailler deux jours par semaine. Pour ceux que cela pourrait intéresser, je fais un point sur ce thème dans ce billet.
Tout d’abord, j’ai conscience d’avoir la chance de travailler dans une entreprise qui a mis en place le télétravail, avec comme arrière pensée d’améliorer le confort de ses salariés. D’autres entreprises mettent en place le télétravail avec comme objectif de diminuer le nombre de bureaux, de mettre en place des bureaux partagés, pour diminuer les charges. Ce n’est pas le cas de mon entreprise où l’idée est vraiment de permettre aux salariés qui le souhaitent, et dont la fonction le permet, de travailler depuis chez eux jusqu’à deux jours par semaine.
Avant de me lancer dans l’aventure, j’ai beaucoup réfléchi aux conséquences de mon changement d’emploi : il me fallait intégrer le coût de location d’un petit appartement près de ma nouvelle entreprise, plus le coût du déplacement en train (900 km par semaine). Et au delà du coût, la vie loin de ma tribu pendant une partie de la semaine. Enfin, quand je dis que j’ai beaucoup réfléchi, j’ai surtout beaucoup discuté avec ma femme qui a été un soutien formidable dans ce projet. Il faut dire qu’elle voyait bien l’état de souffrance dans lequel j’étais dans ce qu’était devenu mon ancien métier (lire la série de billets « 25 ans dans une startup » pour le comprendre).
Cela fait donc maintenant un an que je travaille trois jours sur place en région parisienne, et deux jours en télétravail chez moi « en province » comme on dit à Paris. Et comme j’ai choisi les jeudis et vendredis comme journées de télétravail, elles sont logiquement suivi des deux jours de repos du week-end (je suis salarié et je travaille du lundi au vendredi). Je prends le train le dimanche après-midi pour Paris, et le mercredi soir pour rentrer chez moi.
Je savais que le fait de rentrer chez moi le mercredi soir allait représenter en soi un piège. En effet, très vite, l’impression d’avoir un grand week-end de quatre jours est apparue comme très agréable, et à ma grande surprise, une partie de moi avait du mal à se discipliner pour être aussi efficace le jeudi que si j’étais « au bureau ».
Après plus de trente années passées à travailler de manière classique, je découvrais qu’une partie de mon efficacité se trouvait dans ma présence physique au boulot : un mélange d’habitudes, de manque de tentation et du regard des autres faisait que j’étais productif. Et là, je me suis retrouvé tout seul le matin, en pyjama, à devoir me traîner jusqu’à mon bureau…
J’ai donc découvert une facette de ma personnalité : j’ai besoin d’un environnement de travail. C’est ma première leçon : se découvrir soi-même avec honnêteté.
Pour être honnête avec mon employeur, qui me fait confiance (dans une certaine mesure), j’ai donc mis en place un rituel assez précis. Tout d’abord, j’ai transformé une pièce de la maison (la chambre d’amis) en bureau professionnel : j’ai retiré tout ce qui est personnel (cadres, dessins d’enfants etc.) en créant un lieu où il est possible (même si extrêmement improbable) de recevoir une personne dans le cadre d’une réunion professionnelle. Le cadre est neutre, avec une décoration liée à mon métier dans la sécurité informatique (des tableaux d’analyses de risque, des tips, et une photo de Snowden ;-). J’ai un bureau propre, sur lequel mon matériel informatique est installé, et seulement lui. Pas de goodies improbables comme j’en ai dans mon bureau d’expertises informatiques. Et donc, j’ai DEUX bureaux : un bureau pro et un bureau foutoir (que j’aime d’amour).
La deuxième règle que je me suis imposée concerne la tenue vestimentaire. Comme toutes les entreprises, celle où je travaille a un « dress code ». Il est plutôt cool, mais le pyjama n’en fait pas partie. Je suis donc rasé et habillé comme si j’avais une réunion avec mes collègues. Et cela tombe bien, l’entreprise utilise Skype for Business comme moyen de téléphonie, avec la possibilité de faire des téléconférences. Et on ne s’en prive pas ! J’ai même la chance de pouvoir utiliser un robot de téléprésence pour être plus « présent » lors de certaines réunions, et ne pas dépendre d’un système fixe de vidéoconférence : j’entends et je suis entendu parfaitement, je choisis ma place autour de la table, je regarde dans la direction que je souhaite, et personne ne malaxe de papiers bruyamment au dessus de mon micro… Je pose ici une image (c’est un robot de la marque Beam).
La troisième règle concerne les horaires. Je suis au travail à la même heure en télétravail qu’en présentiel. J’embauche à 8h et je débauche vers 18h, avec une pause méridienne d’une heure. L’ÉNORME différence est qu’il ne me faut que quelques secondes pour embaucher ou débaucher. C’est d’ailleurs aussi une difficulté qu’il faut gérer, et c’est le rôle de la 4e règle.
La 4e règle est à discuter avec son conjoint : pendant mes heures de travail, je ne suis pas disponible. La tentation est grande parfois, de demander un coup de main pour un clou à planter ou un bricolage à faire. Bien sur que je le fais à chaque fois, mais cela doit rester très marginal. Il faut le voir dans ce sens là : en cas de coup dur, je suis présent, mais en cas de coup dur seulement.
La 5e règle va sembler un peu bizarre, mais elle s’est mise en place assez naturellement. Mon épouse a son cabinet dans une dépendance de la maison spécialement aménagée lors de la construction (salle d’attente, parking, etc.). Pourtant, nous ne nous obligeons pas à manger ensemble le midi. Chacun est autonome et se prépare son repas. Cela peut sembler peu chaleureux, mais cela nous permet de gérer nos contraintes horaires professionnelle de manière plus souple.
Une fois ce cadre posé, j’ai réussi à convaincre mon manager que j’étais aussi efficace que si j’étais sur place 5 jours pleins, et même plus car j’ai beaucoup moins de distractions ou d’agitations perturbatrices. Je travaille mieux et plus concentré. Je suis moins fatigué.
Mais comme j’habite près de la mer, mes collègues n’arrivent pas à m’imaginer autrement qu’en train de bronzer sur la plage. J’ai fini par arrêter de chercher à les convaincre. Je leur montre que j’avance sur mes dossiers surtout quand je suis en télétravail.
Si je dois faire un bilan personnel, et sous forme de conclusion, je dirai que le télétravail, c’est formidable, mais qu’il faut prendre en compte sa propre capacité à travailler en toute autonomie, quitte à trouver des astuces pour y parvenir. Et que cela ne conviendra pas à tout le monde. J’y suis arrivé, mais à ma grande surprise, avec des efforts que je ne soupçonnais pas au départ.
Je dois reconnaître que cela m’a fait quelque chose de poster ce courrier…
PS1 : Le titre « Mme LE conseiller » n’est pas de moi, mais correspond au souhait du conseiller concerné.
PS2: Le tableau ne reprend pas le nombre d’expertises privées, car celles-ci sont missionnées par les avocats et non par les magistrats (la courbe est sensiblement inversée).
PS3: Je modifie le sous titre de ce blog, en remplaçant « blog d’un informaticien expert judiciaire » par « blog d’un informaticien ancien expert judiciaire ». Une page se tourne, ce qui ne m’empèchera pas de continuer à parler d’expertise judiciaire.
Un expert judiciaire doit procéder régulièrement à la destruction des documents qu’il a pu conserver, et en particulier des anciens rapports d’expertise et de leurs annexes. C’est ainsi qu’en rangeant d’anciennes archives de mon coffre fort numérique, je suis retombé sur l’histoire d’un petit garçon, que j’appellerai Erwan.
Erwan avait neuf ans. Il aimait jouer sur l’ordinateur familial qui trônait dans le salon. Il passait des heures sur le jeu que lui avait installé son père.
A neuf ans, Erwan est un petit garçon curieux de tout : il aime taper sur le clavier – mais pas trop fort – et cliquer sur les personnages de son jeu. Il a vite compris comment allumer l’ordinateur et l’éteindre correctement – comme lui a dit son papa.
Son père lui a également fait plusieurs recommandations : ne pas parler aux inconnus, ne pas sortir de l’école seul, ne pas abîmer les objets qui coûtent chers, ne pas dire de gros mots. Erwan est fier de savoir allumer l’ordinateur et l’utiliser comme un grand.
Enfin, presque comme un grand. Parce que son père a installé un logiciel de contrôle parental pour bloquer tout usage non autorisé d’internet. Du coup Erwan ne peut qu’utiliser le site de son jeu et quelques autres sites placés en liste blanche. Erwan se sent un peu à l’étroit dans cette petite bulle. Surtout que ces copains lui racontent monts et merveilles sur internet et ses vidéos rigolotes.
Alors Erwan, neuf ans, utilise le navigateur internet autrement. Il navigue, non pas sur internet, mais sur l’ordinateur familial en ouvrant les images qui sont stockées localement dans des dossiers bien rangés par son père.
En tout cas, c’est ce que l’historique du navigateur montrera lors de l’enquête dans laquelle je suis intervenue en recherche d’images et de films pédopornographiques. Les jours et heures de navigation « locale » correspondent à la présence d’Erwan à la maison, seul, sur l’ordinateur familial. Ordinateur familial partagé et utilisé par son père pour télécharger des images et des films pédopornographiques et pornographiques. Beaucoup. Et bien rangés, à l’abri – croyait-il – de son fils, grâce au logiciel de contrôle parental.
Un père assouvissant ses penchants en toute discrétion, protégeant son fils des prédateurs sexuels avec un logiciel dont il pensait – à tort – qu’il empêchait son fils d’accéder aux images qu’il amenait lui-même sur l’ordinateur familial.
J’ai détaillé dans le rapport tout l’historique du navigateur, et extrais des entrailles de l’ordinateur toutes les images et tous les films qui hantent encore mes nuits.
Je pense à Erwan et à l’effroi qui devait le saisir quand il se promenait du haut de ses neuf années, « comme un grand » seul sur l’ordinateur familial.
Je pense à son père criminel et pourtant protecteur.
Je pense à tous ceux qui croient qu’il suffit d’un logiciel « magique » pour protéger leur enfants, alors que la meilleure solution est la présence et l’accompagnement parental qu’on appelle l’éducation.
Je pense à tous ces politiques qui utilisent l’excuse de la protection des enfants pour imposer plus de « contrôles ».
Et je suis là encore aujourd’hui, à feuilleter ce rapport que je m’apprête à détruire, et qui me brûle l’écran.
J’ai beaucoup lu dans ma jeunesse d’articles sur la traduction automatique. C’était l’époque des systèmes experts et le sujet de la traduction était à la mode. J’ai ensuite travaillé dans l’intelligence artificielle, sur les réseaux de neurones bouclés plus précisément, et mon sujet de doctorat portait sur l’identification et la commande de processus. Puis je suis passé à autre chose. Mais le rêve d’avoir à portée de main un système de traduction automatique n’était jamais loin, et je sentais que le monde se porterait mieux si les personnes se comprenaient mieux.
Nous voici aujourd’hui avec des progrès fulgurants dans les systèmes d’apprentissage, supervisés ou non, rebaptisés DeepLearning et IA, avec des techniques similaires à celles que j’ai connues dans les années 1990, mais avec des puissances de calcul dont je n’aurais même pas rêvé à l’époque. Et cette idée d’avoir à disposition un système de traduction automatique me poursuit. C’est comme ça que m’est venue cette idée d’application qui va changer le monde.
J’imaginais deux personnes étrangères en train d’essayer de se parler. Je me trouvais face à un chinois dont je ne connais rien de la langue, et lui ne connaît rien du français que je parle. Je parle alors dans un microphone, puis un système de traduction convertit mon français en chinois sur un haut parleur. Ce système serait déjà génial, mais pas nécessairement très pratique. Si l’on parlait doucement, voire en murmurant, ce serait déjà mieux. Mais finalement, pourquoi parler à voix haute ? Lire sur les lèvres suffirait.
En cherchant sur internet, j’ai lu quelques études sur des programmes qui lisent sur les lèvres (parce que bien entendu, cela existe déjà), et je me suis imaginé assembler tout cela au sein d’une appli, tel un Jean-Marie Hullot murmurant à l’oreille de Steve Jobs.
L’appli qui lit sur les lèvres serait sur votre téléphone. La caméra du téléphone serait dirigée vers votre visage, comme pour un selfie pris d’en bas. Vous pourriez alors parler sans émettre aucun son. L’appli convertirait les mouvements de vos lèvres en texte qui serait ensuite traduit à la volée par un système comme Deepl dans la langue de votre choix, puis transmis sur le haut parleur de votre téléphone en sons intelligibles pour votre interlocuteur. Lui-même aurait son propre téléphone auquel il parlerait juste en remuant les lèvres, téléphone qui vous parlerait en français via son mode haut parleur.
Cette appli changerait la face du monde. A commencer par le tourisme, par le commerce, par les échanges culturels. On pourrait s’exprimer depuis sa langue maternelle vers n’importe quelle autre langue.
Bien entendu, il y a plein d’autres cas d’usage. En débrayant le module de traduction, vous pourriez par exemple répondre à un appel téléphonique dans le train (à condition d’avoir vos écouteurs sur les oreilles) juste en remuant vos lèvres, sans déranger vos voisins. Vous pourriez interagir dans un environnement très bruyant, avec d’autres personnes, ou avec des machines qui lisent sur les lèvres. Ou dans un environnement où il est difficile de parler, comme dans l’eau. La confidentialité pourrait être plus facile dans un openspace, à condition de prendre quelques précautions. HAL9000 n’est jamais loin…
On pourrait parler à n’importe qui, juste en remuant les lèvres. Des ponts seraient jetés entre toutes les communautés. Les muets pourraient parler aux aveugles…
Tous les outils sont là, il suffit de les assembler.
Faites tourner ce billet, traduisez le dans toutes les langues, pour que quelqu’un se lance dans l’assemblage des technologies. Je prends 0.1% des bénéfices.
J’ai prêté le serment des experts judiciaires en janvier 1999. J’avais 35 ans. J’étais le plus jeune expert judiciaire de France dans la catégorie informatique. Ingénieur de l’école Centrale de Nantes, Docteur de l’Université de Paris 6 sur l’apprentissage des réseaux de neurones bouclés, j’étais « professeur – chef de projets » dans une école d’ingénieurs en pleine création (lire la série de billet « 25 ans dans une startup »). Le Droit m’intéressait de très près puisque j’étais marié à une jeune avocate. Elle m’avait expliqué que la Justice avait besoin des connaissances de personnes extérieures à l’administration judiciaire, qu’il y avait de plus en plus de dossiers où l’informatique jouait un rôle important. J’ai postulé, une première fois, puis une deuxième, j’ai été sélectionné, inscrit sur la liste des experts judiciaires de ma Cour d’Appel, et j’ai prêté serment.
Pendant 20 ans, j’ai été fidèle à ce serment et j’ai apporté mon concours à la Justice, accompli ma mission, fait mon rapport, et donné mon avis en mon honneur et en ma conscience.
Et en cette fin d’année 2019, j’ai décidé d’arrêter.
C’est une décision qui me fend le cœur car j’étais très fier de pouvoir dire « je suis expert judiciaire » lorsque je me présentais. J’en appréciais l’impact sur les personnes, et le prestige que ce titre apporte. Alors pourquoi vouloir arrêter ?
Je pourrais partir en m’emportant contre tous les défauts de l’institution, sa légendaire complexité et ses paiements modestes et très différés. Je pourrais écrire un billet enflammé contre les compagnies nationales d’experts hors sol et renfermées sur elles-mêmes. Je pourrais dénoncer les experts vieillissants incompétents et malhonnêtes. Non, parce que ce serait faux.
J’aurais pu écrire que j’arrêtais parce que j’ai été laminé par toutes les expertises en recherche d’images et films pédopornographiques qui m’ont plongé dans des horreurs difficilement supportables, et qui m’ont conduit à ouvrir ce blog.
En fait, et tout simplement, j’arrête parce que je ne suis plus au niveau attendu par la Justice pour l’aider et l’éclairer dans ses dossiers.
Je m’explique : quand j’ai commencé (en 1999), j’avais des connaissances techniques dont disposaient peu des acteurs habituels de la justice. Les gendarmes travaillaient sur quelques ordinateurs qu’ils achetaient avec leurs deniers personnels. Les policiers ne disposaient d’aucun ordinateurs dignes de ce nom et surtout n’avaient pas la formation qui allait avec en matière d’analyse forensic. Personne ou presque n’avait accès à internet. Il y avait quelques personnes que l’on appelait les NTEC, mais ils étaient débordés par les demandes que les enquêteurs leurs soumettaient. J’étais donc très souvent désignés pour travailler sur des scellés judiciaires, et j’en ai souvent parlé sur mon blog.
Le temps a passé. Des progrès ont été faits et aujourd’hui les enquêteurs disposent de laboratoires très performants. Mais je n’ai pas accès à ces laboratoires, ni à leurs outils. J’ai servi de variable d’ajustement, pendant une dizaine d’années, et aujourd’hui je reste un ingénieur informaticien avec les outils d’un simple particulier. Et cela n’intéresse plus la justice.
La principale raison pour laquelle j’arrête mon activité d’expert judiciaire, est que je ne suis plus désigné par des magistrats depuis plus de deux ans.
Mais le prestige du titre d’expert judiciaire est tel, que depuis dix ans j’exerce aussi comme expert privé, c’est-à-dire que j’accepte d’être missionné directement par des avocats pour les aider sur leur dossier. C’est beaucoup plus lucratif puisque mes tarifs horaires sont triplés. Et progressivement j’ai fait de plus en plus d’expertises privées et de moins en moins d’expertises judiciaires. J’ai même proposé en 2016 de faire gratuitement mes expertises judiciaires. Sans succès, à part déclencher l’ire de mes confrères experts.
En mars 2019, j’écrivais dans l’épilogue de la série « 25 ans dans une startup » : « à propos des expertises judiciaires, du fait des difficultés que je rencontrais dans la startup, j’ai énormément diminué mon activité expertale, en renvoyant toutes les demandes vers des experts compétents et disponibles. Je vais attendre de voir un peu comment se passe cette année 2019, mais sans doute m’achemine-je doucement vers une fin d’activité et un non-renouvellement de mon inscription sur la liste des experts judiciaires. Quand j’ai commencé en 1999, j’avais 35 ans et je ne comprenais pas comment le suivant en âge de la liste pouvait avoir 20 ans de plus que moi dans un domaine aussi technique et changeant que celui de l’informatique. J’ai aujourd’hui cet âge-là et, même si je me sens encore dynamique, je pense qu’il faut savoir laisser la place et ne pas finir par porter ce titre d’expert judiciaire uniquement pour la carte de visite. On verra bien. Je me donne un an pour prendre une décision.« .
Nous voici en fin d’année 2019, et je ne souhaite pas faire partie de ces experts « carte de visite ». Je vais donc écrire au Procureur de la République une lettre de demande de non-réinscription, avec un pincement au cœur, en lui expliquant que faute d’avoir été désigné depuis deux ans, je ne vois pas l’intérêt de continuer à bénéficier de ce titre prestigieux. J’arrête dans la foulée toutes mes prestations privées car elles sont trop liées à cette carte de visite. Je tire un trait sur mon cabinet d’expertise informatique.
Je pars la tête haute, avec la fierté d’avoir aidé la justice pendant toutes ces années. J’ai découvert des gens formidables et dévoués dans cet univers impitoyable. Je sais aussi que ma lettre sera classée en quelques secondes dans un placard par un greffier débordé.
Les cimetières sont remplis de gens qui se croyaient indispensables. Le monde est rempli de gens qui mettent avec fierté un titre sur leur carte de visite. J’ai un nouveau métier à apprendre, et si peu de temps.