25 ans dans une startup – billet n.53

Introductionbillet n.52

La DRH, avec qui je travaille depuis 24 ans n’en revient pas. « Mais qu’est-ce qui se passe ? ». Je lui explique en détail, je lui dis que je suis à bout, que le système d’information ne tiendra pas la montée d’échelle, que je refuse de voir tous mes efforts s’effondrer en étant impuissant, que mon successeur fera sans doute mieux que moi… Le barrage cède et j’explique qu’à 54 ans, je ne peux pas juste démissionner, qu’une rupture conventionnelle me permettra de voir venir quelques mois, de chercher un autre travail, d’autres passions, même si je sais que ce sera difficile. Je n’ai pas de plan B.

Je lui confie la tâche d’annoncer la nouvelle au directeur général, ce qu’elle fera aussitôt que je suis sorti de son bureau.

Le lendemain, le directeur général entre dans mon bureau.

Billet n.54

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Extrait de https://salemoment.tumblr.com/

avec l’aimable autorisation de l’auteur Olivier Ka

25 ans dans une startup – billet n.52

Introductionbillet n.51

La DRH me reçoit avec le sourire : « Alors Zythom, qu’est-ce qui ne va pas pour que tu me demandes un rendez-vous officiel ? »

Je réponds d’une voix calme mais avec le cœur qui bat à 220 ppm :

« Bonjour, après 24 années passées dans l’entreprise, je souhaite négocier une rupture conventionnelle de mon contrat de travail« .

Billet n.53

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Extrait de https://salemoment.tumblr.com/

avec l’aimable autorisation de l’auteur Olivier Ka

25 ans dans une startup – billet n.51

Introductionbillet n.50

Le directeur général annonce sa décision aux personnes présentes, puis se tourne vers moi avec un sourire et me dit : « Alors Zythom, vous en pensez quoi ? »

Deux ans que je lui explique pourquoi les projets importants avancent lentement, deux mois que je lui présente les éléments factuels, les signes dangereux, et il me regarde avec les yeux plissés et me demande ce que j’en pense…

J’ouvre la bouche pour répondre, mais une autre personne prend la parole et les débats changent de sujet. Je reste coi.

Quelque chose en moi s’est brisée. Une corde a lâché.

Une décision prend forme dans mon esprit. Je demande à rencontrer la DRH, et rendez-vous est pris pour le lendemain.

Le soir, je discute longuement avec mon épouse.

Billet n.52

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Extrait de https://salemoment.tumblr.com/

avec l’aimable autorisation de l’auteur Olivier Ka

25 ans dans une startup – billet n.50

Introductionbillet n.49

« Zythom, j’ai consulté certains membres du comité de direction, et j’ai pris ma décision : nous sommes encore trop petits pour augmenter l’équipe informatique. C’est non à votre demande de recrutement d’un chef de projet. »

Il m’explique ensuite ses arguments habituels.

Je ne l’écoute plus. Je suis sidéré.

24 années passées dans cette entreprise, startup devenue grande: 1200 étudiants, 75 salariés sur deux continents, 200 vacataires… Nous sommes en 2017 et l’informatique reste considérée comme un centre de coûts.

24 années passées à construire un système d’information adapté aux besoins des utilisateurs, ni trop luxueux, ni trop chiche. Des défis technologiques remportés en silence, discrètement : virtualisation des serveurs, virtualisation des systèmes de stockage (VSAN), réseaux wifi, sécurisation des accès internet, remplacement des 400 ordinateurs par cinquième, évolution des systèmes d’exploitation, passage de certaines applications en mode SaaS, cloud…

24 années à servir les utilisateurs, les enseignants, les étudiants, les membres du comité de direction, la stratégie de développement, les projets des uns et des autres.

Et le jour où j’atteins les limites, où je les explique, où je les démontre, le directeur général et « son consultant occulte » m’expliquent que ce n’est pas le moment de recruter un chef de projet, même pas cher.

Le directeur général m’explique qu’il annoncera sa décision demain en comité de direction réduit, mais qu’il avait souhaité m’en parler avant.

Je suis rentré le soir chez moi le cœur lourd.

Le lendemain, la réunion commence.

Billet n.51

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Extrait de https://salemoment.tumblr.com/

avec l’aimable autorisation de l’auteur Olivier Ka

25 ans dans une startup – billet n.49

Introductionbillet n.48

Tous les membres du comité de direction voulaient que les outils informatiques soient à jour, avant-gardistes, ergonomiques, intégrés, « plus jolis », avec authentification centralisée, et le faisaient savoir avec insistance. A moi, ou au directeur général. Au bout de quelques semaines, je prends conscience que ça ne peut pas fonctionner.

Je déclenche un entretien annuel avec mon chef, le directeur général.

L’entretien durera deux heures, avec une tension palpable dans l’air. Ne pouvant pas claquer la porte de son propre bureau, son visage se fermait au fur et à mesure de l’entretien. L’entretien se terminera sur ces mots : « Zythom, j’ai bien compris que vous voulez augmenter votre équipe en recrutant un chef de projet. Je vous donne ma réponse dans quelques jours. J’ai besoin de consulter. »

Besoin de consulter ? Mais qui ?

Je ne dis rien et je sors de son bureau un peu surpris.

Nous sommes l’été 2017, et depuis quelques jours je ne dors plus. J’envisage tous les cas possible. Je fais le point sur mes motivations. J’ai 54 ans… Cela fait 24 ans que je travaille dans la startup, qui n’en n’est plus une depuis longtemps.

Le directeur général m’indique qu’il viendra me voir dans mon bureau en début d’après-midi. La matinée passe très doucement. Je sais qu’il a enfin compris l’importance de l’IT dans une école d’ingénieurs privée comme la notre. Je sais qu’il sait qu’on a atteint une limite. Je lui ai montré les indicateurs, les comparatifs avec des écoles concurrentes de même nature, les besoins, le retard…

Il entre dans mon bureau.

Billet n.50

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.48

Introductionbillet n.47

Mai 2017, n’en pouvant plus, je décide de jouer cartes sur table avec mon patron. Je demande à faire un point avec lui. Je lui rédige un « schéma directeur des systèmes d’information » argumenté. Le jour J, je lui explique que la « transition numérique » ou « la révolution digitale » quelque soit le nom qu’on lui donne, demande un sérieux effort de mise à niveau du SI de la startup : projet de refonte de l’environnement numérique, intégration des briques applicatives autour de l’ERP, niveau de sécurité insuffisant, évolution des réseaux, des pare-feu, des serveurs de virtualisation, du PRA, etc. Il est d’accord avec moi sur tout le programme.

Je lui rappelle que depuis plusieurs années tout le service informatique est sur le pont et travaille dur pour que le système d’information donne satisfaction à l’ensemble des utilisateurs.

Il reconnaît ce point.

Je lui explique alors que l’équipe en place est insuffisante pour mener à bien tous ces projets, et qu’il faut recruter un chef de projets.

Voici sa réponse : « Zythom, si je comprends bien, vous voulez moins travailler ! »

Mes bras sont tombés par terre.

« Moins travailler, mais non. Je veux toujours travailler autant, mais là, ce n’est plus possible. Tout le monde est en mode « best effort », mais la barque s’alourdit et, même si tout le monde rame en cadence et dans le même sens, nous coulons. »

Sa réponse est impitoyable : « nous sommes trop petits pour augmenter nos effectifs. Impossible de recruter. Faites avec ce que vous avez, comme vous pouvez« .

Il sort en claquant la porte de mon bureau… Petite humiliation mesquine.

Je comprends parfaitement qu’un dirigeant puisse avoir une vision stratégique différente de la mienne, et j’admets que ça soit de sa responsabilité de faire des choix stratégiques et de les assumer.

Dans mon cas, j’étais allé au bout des possibilités de mon équipe, et les autres responsables refusaient de partager des ressources humaines, quand bien même les personnes étaient intéressées pour participer au développement du système d’information. Le chef de projet qui souhaitait poursuivre le développement de l’environnement numérique post-site d’inscription a été contraint par sa hiérarchie de réintégrer à plein temps le service communication de la startup malgré mes demandes.

Si le directeur général me dit « faites comme vous pouvez », j’en déduis qu’il me soutiendra lorsque les reproches fuseront sur la lenteur d’avancement des projets.

Ça n’a pas été le cas. Et au premier coup de vent, j’ai été désigné comme seul responsable.

Billet n.49

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Message de service

La série de billets intitulée « 25 ans dans une startup » arrive à un stade où il me semble préférable d’accélérer la narration avec une publication quotidienne, plutôt que deux billets par semaine.

Pour ne pas inonder ceux qui me suivent sur Twitter ou sur Mastodon, je ne ferai pas d’annonce à chaque publication. Il vous suffit de venir fureter par ici, ou de vous abonner au flux RSS de publication.

Il reste environ 20 billets avant de clore cette série et donner à ce blog un virage éditorial.

Bonne lecture.

Zythom

25 ans dans une startup – billet n.47

Introductionbillet n.46

Les nano, mini et macro projets s’enchaînaient, s’additionnaient, s’emmêlaient… Mes deux techniciens admin étaient beaucoup sollicités, l’aide technicien support aussi. Quant à moi, doublon de mon équipe sur tous les sujets, je peinais à maintenir le système à jour, et je voyais bien que la startup prenait du retard sur des sujets où elle se devait d’être en pointe. Toutes les applications majeures du SI auraient du être connectées à l’ERP, pièce centrale où toutes les données sont stockées. Mais faute d’embryon d’équipe de développement, ou d’architecte du SI, ou de quelqu’un faisant « office de », les pièces du puzzle restaient déconnectées, peu efficaces, avec un intranet devenant obsolète. Le projet d’intégrer toutes les pièces était lancé, mais faute de temps et de compétences, le projet était au point mort. Tout le monde regardait dans ma direction, mais j’avais atteint un point limite.

Je me suis remis en cause, j’ai optimisé mon temps, mon énergie. J’ai travaillé mon management, j’ai travaillé tard le soir, les week-ends. J’ai regardé ailleurs pour voir comment les autres faisaient. Mais rien n’y a fait, je sombrais…

En décembre 2016, j’ai écrit sur ce blog le mal être que je ressentais. C’est ce billet intitulé « la honte » que je reproduis ci-dessous. Peut être prend-il une autre saveur maintenant que vous avez le contexte…

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Une impression d’inutilité m’envahit. Je me sens las. Je rentre du
travail, les enfants sont dans leurs chambres, ma femme travaille encore
dans son cabinet, je m’isole dans mon bureau et je pleure tout seul. Je me surprends à lire les conditions de mon assurance décès pour le remboursement de l’emprunt des études de ma fille.

J’ai de beaux enfants, une femme formidable, un métier passionnant. Je
suis en bonne santé, entouré par des gens qui m’aiment et que j’aime. Je
vis dans un pays en paix, dans un confort appréciable…

J’ai tout pour être l’homme le plus heureux de la terre et cela amplifie ma honte de ne pas ressentir ce bonheur.

Je dors beaucoup, je me réveille fatigué. Je broie des idées noires.

J’ai envie de tout envoyer paître, j’ai envie d’en finir.

Je tombe sur un article concernant la dépression… et j’en ressens la
plupart des symptômes. Je me regarde dans la glace, et je me dis que ce
n’est pas possible. Pas moi.

La honte.

Je suis le roc sur lequel mes enfants s’arriment et se hissent pour voir
plus loin. Je suis l’un des boosters de la fusée familiale et je n’ai
pas le droit de lâcher, surtout sans raison.

Et pourtant, je suis assis, las, à me demander pourquoi je me sens si
vide, pourquoi un grand gaillard comme moi est entré dans une boucle
négative de dévalorisation de soi si intense. Le syndrome de l’imposteur
puissance 10.

Rien ne justifie cette sensation. Rien.

Je lis que la dépression est une maladie, qu’elle se soigne, qu’il faut consulter.

Mais j’ai honte !

Les semaines passent, la souffrance est toujours là, inutile,
incompréhensible. Impossible de la cacher auprès de mon épouse qui fait
pour le mieux, j’arrive à épargner mes enfants. Au travail, je manque de
convictions, d’énergie. J’envisage la démission, le départ, l’abandon.

Tristes sensations.

Je refuse toute aide. Mon médecin est un ami de la famille, j’ai trop
honte de lui dévoiler cette faiblesse inavouable. J’ai encore un peu de
fierté pour essayer de m’en sortir seul. Tous ces atouts de mon côté et
se sentir nul de chez nul, je ne me comprends pas.

J’écris. Je me souviens du bien que cela me faisait quand j’étais
anonyme parmi les anonymes et que j’affrontais les démons de l’univers
de la pédopornographie pendant mes expertises judiciaires. J’écris, mais
je ne publie pas. Trop de monde me connaît sous ma vraie identité sur
ce blog. Mes enfants me lisent, des magistrats, des avocats, des
journalistes me lisent.

De quoi peut-il bien se plaindre, il a tout pour être heureux. La honte !

Alors, j’écris pour moi. Sur du papier, avec un stylo. J’écris des
horreurs. J’écris mes idées noires. J’écris mon envie de donner un petit
coup discret de guidon en vélo dans ce carrefour si fréquenté par des
voitures qui roulent vite. J’écris cette descente en enfer
incompréhensible. J’ai l’impression d’être dans cette course de voiture
absurde de la nouvelle de Dino Buzzati intitulée « Les dépassements »…

Je noircis des feuilles.

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Billet n.48

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.46

Introductionbillet n.45

Cette fois-ci, ma coupe est pleine. Mon sac à dos explose. Il me faut absolument pouvoir m’appuyer sur des ressources humaines supplémentaires. Je demande de l’aide à mon chef, le directeur général. Je lui explique qu’un tel projet de développement (le site d’inscription en ligne) est le point d’entrée dans l’environnement numérique de la startup, et que l’expérience utilisateur est fondamentale, mais que mon équipe et moi-même sommes dans le rouge, indicateurs à l’appui.

Il m’impose quand même de prendre la tête du projet. Je refuse en expliquant qu’il est tout à fait possible que le chef de projet soit extérieur au service informatique, que le processus d’inscription est un sous-processus du processus d’admission, avec toutes les ressources du service communication et du service des études. La tension monte. Il m’accuse de le mettre au pied du mur.

Ma chance fut d’obtenir l’appui d’un membre du service communication, motivé pour évoluer vers la mission de chef de projet « site d’inscription ». Je présente sa candidature au directeur général, qui l’accepte du bout des lèvres.

Le projet pouvait démarrer, avec toute la DSI en soutien, et l’implication de toutes les personnes du processus admission.

Mais durant tout le projet, le directeur général a considéré que j’aurais du être l’homme orchestre de ce projet, et m’a considéré comme tel, mettant en porte-à-faux le vrai chef de projet.

Le projet allait durer deux ans. Jusqu’en 2017.

2017, mon annus horribilis.

Billet n.47

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Ne jamais mettre un chef de projet en porte-à-faux…

25 ans dans une startup – billet n.45

Introductionbillet n.44

Le développement de l’ERP prenait du retard sur le développement des besoins. Aussi, la décision de déployer l’ERP sur le deuxième campus était sans cesse retardée, surtout pour des problèmes d’harmonisation des processus et de formation. Mettre en phase deux campus distants, et faire converger les pratiques s’avèrent des sujets demandant beaucoup d’énergie.

Et l’énergie, je commençais à en manquer.

Surtout avec l’arrivée d’un nouveau projet dans mon sac à dos : la refonte du site d’inscription…

La startup ne vit pas toute seule dans son monde : elle a des interactions avec des processus extérieurs, et en particulier le processus d’admission. Vous avez tous entendu parlé de « ParcoursSup ». Enfin, surtout de « ParcoursSup » vu depuis les candidats. Moi, j’ai beaucoup travaillé sur les différents portails, vu du côté des établissements d’enseignement supérieur. Le portail GEPB (Grandes écoles post-bac), puis le portail APB (Admission post-bac) et enfin « ParcoursSup ».

La startup étant une école d’ingénieurs privée post-bac en cinq ans, elle recrute auprès des CPGE et des IUT, mais surtout directement auprès des lycéens de terminales.

Et pour s’inscrire dans la startup, devenue maintenant une école multi-campus reconnue et bien installée dans le paysage de l’enseignement supérieur, il faut un site web d’inscription pleinement fonctionnel.

Dès le début des années 2000, j’avais fait développer un site d’inscription complémentaire au site institutionnel. En 2008, le site avait été refondu complètement pour coller aux nouvelles technologies de l’époque. En 2015, ce site était en fin de vie et ne correspondait plus aux besoins d’une école moderne. Il fallait monter un projet d’évolution, que je repoussais sine die.

Sauf que le site d’inscription est le point d’entrée pour un candidat dans l’univers numérique de l’école. L’occasion était donc parfaite pour mener une réflexion sur cet environnement numérique et l’adapter au mieux aux besoins de la pédagogie et des étudiants.

Vous me voyez venir avec mes gros sabots : un projet de refonte complète du système d’information autour de l’ERP de la startup et des outils pédagogiques existants, avec de la SSO, de la sécurité, de l’intégration d’outils cloud…

Le tout à effectif constant.

Billet n.46

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.