L’Orange lui va si bien

Dans le cadre professionnel, je gère un abonnement internet pour le logement du gardien de mon entreprise. Il s’agit d’une offre classique Orange pour particulier. Le quartier où je travaille devenant (enfin) une zone éligible à la fibre optique pour les particuliers, je demande l’évolution de l’abonnement Orange vers son homologue survitaminé, toujours chez le même fournisseur d’accès.

Attention, à ce stade du récit, il faut comprendre que sous la présidence de Nicolas Sarkozy, certaines des entreprises « majeures » du marché de l’accès internet se sont partagées le gâteau déploiement de la fibre jusqu’à l’habitant (FTTH). Les découpages géographiques ont fait que je suis en zone « SFR », ce qui signifie que c’est la Société Française du Radiotéléphone (SFR donc) qui investit dans des kilomètres de fibres optiques autour de mon lieu de travail. Et sur mon lieu de travail vit un gardien (dans un logement de fonction), dont je m’occupe de l’accès à internet (suivez un peu ;-).

En cliquant dans l’interface web du site Orange pour confirmer ma demande de passage à « la fibre », je ne me doutais pas de l’enchaînement qui allait suivre…

Pour faire court et ne pas vous noyer dans une masse de détails ubuesques, j’ai successivement reçu des emails d’Orange, des SMS de prises de rendez-vous avec des techniciens sous-traitants de SFR, des coups de téléphone me confirmant les SMS et l’imprécision des horaires de rendez-vous, des emails de confirmation des coups de téléphone, et des emails d’enquêtes de satisfaction client (parce que c’est important pour nos relations) alors que rien n’avançait…

Les techniciens sont pourtant venus trois fois.

A chaque fois, il s’agissait d’une équipe différente et d’une entreprise différente.

A chaque fois, ils n’avaient aucune information, ni sur le dossier, ni sur les suites de la venue de l’équipe précédente…

Le problème est pourtant simple : vu la hauteur des couloirs et la situation des chemins de câbles dans mon entreprise, il faut une NACELLE pour tirer la fibre optique jusqu’au logement du gardien.

Toutes les équipes sont venues avec des échelles, des tabourets, des outils, des tire-câbles, etc., mais pas l’équipement approprié pour travailler en hauteur. L’installation n’a donc pas eu lieu.

Les mois passent, je relance de temps en temps mon dossier par un email aux services commerciaux qui me disent qu’ils vont prendre les choses en main (mais qui ne me disent jamais où ils en sont).

Jusqu’à ce que je reçoive cette lettre d’Orange :

« Suite à la résiliation de votre offre ou option, ou à votre déménagement, […] et conformément à vos conditions contractuelles, nous vous remercions de bien vouloir restituer les équipements mis à votre disposition par Orange […].

A défaut, les frais suivants vous seront facturés : Livebox 100 euros.« 

La résiliation ? Mais quelle résiliation ?

Je transmets le courrier à ma commerciale Orange préférée (commerciale pro) qui me dit qu’elle va s’occuper du dossier…

15 jours après, je reçois un courrier de relance intitulé « Rappel : restitution des équipements mis à votre disposition par Orange« , contenant à peu près les même information, avec du gras sur la date limite de retour du matériel (quand j’écris « avec du gras », je fais allusion évidemment à la graisse en typographie).

Je commence à me demander si je ne vais pas goûter aux joies de la vie communautaire décrite par Piper Chapman

J’appelle le 3900 où je passe successivement avec succès les différentes étapes me permettant d’accéder au graal suprême : l’accès à un être humain. Un être humain du service technique. Pourquoi du service technique, je ne sais pas. J’ai juste dit « internet » à un automate qui me demandait de résumer en une phrase mon problème.

L’être humain me dit qu’il s’agit d’un problème qui ne peut être traité qu’au niveau commercial, et me passe un autre être humain du service commercial. Ils sont donc au moins deux derrière le 3900 de chez Orange, derniers humains non encore automatisés.

Je suis extrêmement poli, calme, à l’écoute et bienveillant, comme je l’apprends en formation au management chez Germe. Et il en fallait de la bienveillance pour écouter ce compagnon en humanité m’expliquer :

« Mais monsieur, c’est tout à fait normal : vous avez reçu un courrier type puisque votre dossier m’indique que SFR refusant l’installation de la fibre, dans votre cas, l’évolution vers l’offre fibre Orange ne peut se faire« .

« Mais vous allez couper l’accès internet ? »

« Non, non, votre abonnement est remis à son offre antérieur. Vous n’avez rien à faire« .

Donc, pour résumer, quelqu’un, dans l’entreprise Orange, planqué bien loin du terrain, s’est dit « c’est compliqué d’ajouter un courrier type couvrant le cas d’une annulation de demande d’évolution d’offre. On va plutôt envoyer le courrier type de retour du matériel avec menace de faire payer 100 euros, c’est pareil »…

Sachant que l’être humain que j’avais au bout du fil, bien qu’arrogant dans ses certitudes (« vous savez monsieur, c’est compliqué la fibre avec toutes les contraintes imposées par la réglementation« ), ne pouvait pas faire grand chose à part me confirmer que je n’avais rien à faire et que mon abonnement antérieur était bien maintenu malgré les deux courriers de demande de restitution du matériel (« mais non, monsieur, je ne peux pas vous le mettre par écrit, mais vous savez c’est bien consigné dans le dossier que j’ai sous les yeux« ).

Je m’attends au pire dans les jours qui viennent, concernant l’abonnement internet de mon gardien. Évidemment, si jamais Orange coupe la ligne, je lui garantis un maintien de l’accès internet via notre liaison pro.

Le plus drôle dans cette histoire, c’est que je sais qu’il y a dans mon entreprise une fibre Orange, éteinte depuis 10 ans (issue d’un marché gagné par Orange pour la région afin de relier notre école d’ingénieurs à internet). Cette fibre est toujours là. Je connais son cheminement jusqu’à la rue. Elle pourrait être utilisée pour nous relier de nouveau à internet, du moins pour relier le logement du gardien. J’ai montré cette fibre à tous les techniciens qui sont venus sur place, et j’en ai parlé à tous mes interlocuteurs de chez Orange (je n’ai jamais eu à faire à quelqu’un de chez SFR). Personne ne veut l’utiliser. Nous sommes en zone SFR, ce n’est pas le même service, nous ne sommes pas habilités à brancher cette fibre, le diamètre du câble est trop gros pour notre boîtier…)

Et pourtant l’Orange lui allait si bien.

Khalil, héros marocain

Je ne vous ai jamais parlé de Khalil.

Khalil est le gardien de mon école installée à Casablanca. C’est un homme à tout faire, dégourdi et travailleur, toujours prêt à rendre service. Il dépanne les installations, il sait toujours trouver une solution à un problème de clefs, il fait les petites courses quand il manque quelques choses à l’école.

Il est fier de travailler pour une école d’ingénieurs, d’être utile aux étudiants, aux professeurs et au personnel administratif. Il veille sur le matériel, sur les locaux, sur les gens.

Cela fait maintenant dix ans que je vais régulièrement à Casablanca. Je ne peux pas dire que je connais le Maroc, ni les marocains. Je peux simplement dire que je connais un peu un coin de Casablanca et quelques marocains. J’aime regarder les gens, j’aime observer les différences culturelles, j’aime étudier ce pays si dynamique. Mais mon métier, c’est surtout de m’occuper des ordinateurs, et de faire en sorte que les utilisateurs puissent s’en servir le mieux possible. En cela, les personnes que je croise au Maroc ou en France sont les mêmes : l’informatique, c’est compliqué, ça tombe en panne souvent et ça ne fait pas toujours ce qu’on voudrait que ça fasse…

Avec Khalil, je n’ai pas ce problème : il n’utilise pas d’ordinateur dans l’école. Il a bien un téléphone portable sur lequel il me montre les photos de ses enfants, mais il m’avoue qu’il a du mal à bien s’en servir. Il faut dire que Khalil a plus de 60 ans et qu’il part à la retraite.

Je ne connais pas bien la vie de Khalil. Il est toujours occupé quand je viens sur le campus de l’école de Casablanca, et de mon côté, je suis toujours pris par mon travail. A chaque fois que l’on discute un peu, il me reproche gentiment de ne jamais venir pendant les périodes de fêtes, parce qu’il aimerait bien m’inviter chez lui pour me faire découvrir sa famille et « son » Maroc. Je lui explique en riant que je ne viens que pour travailler, que chaque jour est compté, et que je ne peux pas vraiment m’amuser quand je viens.

Khalil n’est pas très riche, mais son sourire et sa bonne humeur le transforment en roi du monde à l’accueil de l’école. Il n’aime pas me voir à quatre pattes dans la salle serveur en train de brancher un câble. Pour lui, je suis un personnage important, un directeur informatique, un ingénieur qui fait fonctionner l’informatique de l’école. Je suis un homme en costume cravate. Alors il veut m’aider, il veut porter à ma place les cartons d’ordinateurs, il allume la climatisation en trouvant la télécommande égarée, il me trouve les clefs des salles fermées où sont stockées les pièces détachées, les câbles informatiques, les tournevis…

Khalil est petit par la taille mais grand par le cœur. Cette semaine, Khalil m’a appris qu’il venait d’avoir une petite fille. Je l’ai félicité, un peu machinalement, en me demandant s’il était grand-père depuis longtemps (je n’ai pas osé demander). Il était très fier de sa petite fille en me montrant sa photo.

Ce n’est que quelques jours plus tard qu’un collègue m’a raconté l’histoire complète. Il y a quelques mois, la femme de Khalil a du être hospitalisée. Elle est resté trois jours à l’hôpital avant de rentrer chez elle. Khalil venait la voir tous les jours. Pendant ces trois jours, une petite fille a été abandonnée devant la porte de l’hôpital. Khalil, bien que loin d’être riche, s’est dit que s’il pouvait manger tous les jours, il pouvait partager avec cette petite fille. Il l’a adoptée.

A.D.O.P.T.É.E. !

Parce qu’elle était abandonnée par plus pauvre que lui.

Parce qu’il se sent capable de partager le peu qu’il a.

Parce qu’il possède encore ce sens du partage, de la solidarité, qui a presque complètement disparu de notre société du chacun pour soi.

Il y a un verset du Coran qui dit : « Celui qui sauve un seul homme, c’est comme s’il avait sauvé l’humanité tout entière, celui qui tue un seul homme, c’est comme s’il avait tué l’humanité tout entière » (Coran 5.32).

Khalil, quand je vous vouvoie, ce n’est pas pour mettre de la distance entre nous, ce n’est pas parce que je me pense supérieur, c’est parce que j’ai le plus grand respect pour vous.

Je me sens tout petit devant vous.

Vous êtes un héros.

Vous êtes cette humanité que j’ai perdue.

10 ans

Et bien voilà, cela fait dix ans que ce blog est ouvert.

Il y a dix ans, mes trois enfants avaient 4 ans, 8 ans et 12 ans, chacun muni de leur ordinateur, et l’aînée me demandait si elle pouvait ouvrir un blog… J’en avais entendu parler, je suivais déjà quelques blogs qui m’intéressaient, alors j’ai dis oui (avec des conditions). Puis, j’ai ouvert ce blog.

Il me fallait un pseudo, alors j’ai pris le dernier mot de mon dictionnaire papier de l’époque, et je me suis trompé dans sa transcription. J’ai écrit « Zythom » au lieu de « Zythum« . Je n’ai jamais corrigé (je me suis rendu compte de l’erreur plusieurs années après !) et ce pseudonyme est resté.

J’avais une vision très « chercheur » de l’univers d’internet que j’ai connu pendant mes années de thèse à Paris à la fin des années 1980. C’était un gigantesque lieu de partage de fichiers, d’idées, de programmes, de codes, d’articles scientifiques, de jeux, de discussions… entre chercheurs. Mais j’étais plutôt content de l’arrivée des entreprises privées dans MON réseau réservé à la recherche, entreprises dont le but était de proposer à tout le monde un accès à ce réseau numérique mondial. Vous connaissez la suite et le résultat magnifique qu’est internet. Parmi toutes les révolutions qui ont été permises par internet, j’ai finalement accroché à celle des sites consacrés aux carnets personnels, que l’on a appelé des weblogs, puis par aphérèse, des blogs.

Fainéant par nature, j’ai cherché une plate-forme proposant un système clef en main, gratuit et si possible stable dans le temps. J’ai choisi Blogger et je n’ai pour l’instant jamais regretté ce choix.

Enthousiasmé par le concept, j’ai publié à un rythme d’environ 10 à 20 billets par mois la première année, pour progressivement diminuer au fil des années à 4 ou 5 billets par mois. Je supprime régulièrement des billets devenus inutiles mais le volume global continue de monter inexorablement et atteint aujourd’hui environ 900 billets.

Vous le savez, je publie sur ce blog plusieurs types de billets :

– des retours d’expériences sur ma modeste participation au monde particulier des experts judiciaires. Ces billets sont regroupés dans la catégorie « Expert » qui regroupe des remarques, des anecdotes (romancées), des partages ou des états d’âme que j’éprouve au fil du temps ;

– des histoires personnelles, parce que j’aime beaucoup parler de moi (et que mes proches saturent un peu, d’où mon refuge dans l’écriture…), que je regroupe dans la rubrique « Privée« . Vous êtes un peu mes thérapeutes 😉

– des partages d’expériences issues de mon travail de responsable informatique et technique dans une grande école d’ingénieurs (rubrique « Professionnel« ) ;

– et enfin des retours (discrets) sur mon activité de conseiller municipal (rubrique « Vie publique« ).

Ce blog a eu des impacts très importants sur ma vie. Il m’a permis de réfléchir sur moi-même, sur mes comportements, sur mon mode de pensée. Il m’a forcé à remettre en cause beaucoup de choses. Lire les commentaires, les réactions des lecteurs m’a obligé à me confronter à d’autres visions, d’autres avis, d’autres sensibilités. Les échanges lors des conférences ont aussi été très enrichissants.

Écrire a également été une thérapie pour des moments sombres de ma vie, en particulier lors de certaines expertises judiciaires sordides. Je pense vraiment que cela m’a permis de franchir ces étapes sans dommage. Écrire est également un plaisir, un jeu, et l’exploration d’un nouvel univers.

Tenir un blog, c’est aussi s’exposer publiquement. J’ai payé durement cette exposition plusieurs fois, en particulier lors du procès intenté par un confrère expert judiciaire (lire les billets de l’affaire Zythom) et lors du piratage du blog par un pseudo confrère haineux. Mais en faisant le bilan, j’ai connu beaucoup, beaucoup de bonheur à tenir ce blog. Tout d’abord, cela m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes très bien (connues et inconnues), même si ma vie sociale est un peu particulière. Tous ces échanges m’ont fait grandir, sur un grand nombre de sujets, comme par exemple sur le sexisme.

10 années ont passé, une bonne tranche de vie.

Mes enfants ont maintenant 14, 18 et 22 ans.

Et moi 53 ans. Seule mon épouse a toujours 20 ans.

Parfois je me demande s’il n’est pas temps d’arrêter et de partir sur la pointe des pieds. Ai-je encore quelque chose à dire ? Mais je reçois encore des emails d’encouragements, ou des emails d’enseignants qui m’indiquent utiliser certains billets pour les faire lire à leurs élèves (« Manon 13 ans » a semble-t-il un certain succès). Cela me fait plaisir et je me sens un peu utile.

Alors je maintiens ouvert mon petit bout d’internet, je continue à partager ce que je fais, et à donner mon avis sans me préoccuper des rageux.

Merci pour tous les petits mots d’encouragement que vous avez pu m’adresser tout au long de ces années.

A bientôt.

Se protéger des cryptovirus avec un contrôle parental

Depuis quelques semaines, c’est l’hécatombe autour de moi : je ne compte plus les collègues DSI qui subissent des attaques par chiffrement des disques durs (cryptovirus)… Pour l’instant, mon école n’a pas encore été touchée, mais cela ne saurait tarder car aucune défense n’est inviolable.

Pour autant, nous ne restons pas les bras croisés. La meilleure défense, c’est, comme toujours, l’éducation. Il faut (in)former ses utilisateurs, et rappeler qu’il ne faut pas ouvrir une pièce jointe sans s’être posé quelques questions : est-il normal que cette personne m’adresse une pièce jointe, l’email semble-t-il cohérent, est-il rédigé dans un français correct, etc. ? Bref, il faut introduire chez l’utilisateur un peu de saine paranoïa.

Les responsables informatiques ne se contentent pas de former leurs utilisateurs, ils essayent de mettre quelques remparts (de fortune), par exemple en s’assurant que les antivirus sont à jour et en segmentant les données par droits d’accès.

Vous pouvez aussi piocher des solutions intéressantes chez Korben, dans ce billet ou dans celui-ci.

Il existe pourtant un moyen simple permettant d’échapper (pour combien de temps ?) à certaines des attaques : il suffit de mettre en place un logiciel de filtrage de sites.

Voici la méthode que nous avons mise en place :

– un serveur GNU/Linux Debian configuré en passerelle

– le logiciel Squid configuré en proxy transparent

– le logiciel SquidGuard

– la mise à jour quotidienne des sites à partir de la liste noire établie et maintenue par l’Université de Toulouse : https://dsi.ut-capitole.fr/blacklists/

– et tous les ordinateurs du réseau configurés avec ce serveur comme passerelle vers internet.

Parmi les listes noires gérées par l’Université de Toulouse, nous avons choisi de mettre en place « malware » et « phishing » qui bloquent pour l’instant la plupart des utilisateurs ayant cliqué sur les pièces jointes contaminées.

Dans notre établissement, ce serveur est une machine virtuelle hébergée sur notre cluster de virtualisation, mais il était auparavant installé sur un « vieux » PC avec deux cartes réseaux. Il existe également des installations basées sur un Raspberry Pi (voir par exemple cette installation en contrôle parental qui peut facilement être légèrement modifiée pour faire du filtrage des sites de malwares et de phishing). Cet article peut également vous aider. Une fois configuré, le Raspberry Pi peut être branché sur la box du FAI (n’oubliez pas de paramétrer le DHCP de la box pour que la passerelle de tous vos ordinateurs soit le Raspberry PI).

Vous pouvez également installer, si vous le préférez, la distribution Pfsense avec Squid et SquidGuard. Cette solution existe aussi en hardware dédié.

Et n’oubliez pas le dernier rempart, le Mur de glace du Territoire du Nord :

la sauvegarde de vos données.

Mais vous n’y échapperez pas, car nul n’est à l’abri !

Vous allez tous mourir…

Les russes attaquent

Un billet rapide du vendredi pour vous narrer la petite mésaventure qui nous est arrivée ce matin.

J’ai reçu cette nuit des emails d’alerte de notre serveur de supervision open source Centreon, et de ma sonde Pingdom, m’indiquant que notre serveur web institutionnel montrait des signes de fatigue, avec des temps de réponse très long.

Dès potron-minet (je travaille dans une école, pas dans une banque), je fais le point avec mon équipe pour savoir ce qu’il se passe. Dans un premier temps, nous pensons que notre hébergeur Gandi est en cause, car il semble être sous le coup d’une attaque DDoS, ce qui expliquerait notre difficulté à nous connecter à notre serveur.

Puis, nous mettons le nez dans les logs, pour voir immédiatement qu’une attaque était en cours sur NOTRE machine : quelqu’un s’intéressait drôlement au fichier xmlrpc.php de notre serveur WordPress… Avec plus d’une requête par seconde via ce fichier, notre serveur était au bord de l’effondrement. Nous faisions l’objet d’une attaque DoS basique.

Une seule adresse IP est à l’origine de cette attaque, et semble être basée en Russie. Nous l’isolons rapidement avec une commande « route add -host addrIP reject »

Le serveur retrouve sa vigueur de jeune homme, et notre Social Network Manager le sourire, à moins que ce ne soit l’inverse, bref…

Petit débriefing post attaque. Premier point, y a-t-il eu des dégâts ? Nous vérifions les pages, les accès, les dates de modification des pages, l’état de la base de données, etc. Deuxième point, comment faire pour que cela ne se reproduise pas ? Il faut automatiser la détection et la réaction appropriée. Cela tombe bien, nous avons déjà mis en place le logiciel Fail2Ban, dont c’est la fonction, et qui s’en sort très bien.

Il nous suffit donc de suivre les conseils de cette page pour ajouter le script qui va bien.

Mon technicien (qui a fait tout le boulot) et moi, nous nous regardons avec le sentiment d’avoir été les gardiens civils du Mur (nous n’avons pas prêté le serment de la Garde de Nuit). Le reste de l’école vaque à ses occupations, inconscient du drame qui se jouait sous leurs yeux.

Je peux retourner à mes dossiers d’investissements, je dois réussir à montrer l’importance du remplacement de nos « vieux » SAN. Et c’est vraiment différent de la lutte contre les scripts kiddies.

Jusqu’au jour où…

Smtp et voeux 2016

Je vous souhaite à tous une heureuse et bonne année 2016.

Qu’elle soit l’occasion pour vous et vos proches de réussir tous vos projets personnels et professionnels, et de réaliser pleinement combien la vie est importante.

Ce message, je vous le transmet par l’intermédiaire de mon blog, à chaque lecteur qui atterrit ici par la magie du web ou des agrégateurs de flux RSS.

Mais j’ai souhaité également le transmettre à mes amis, à mes relations, à mes clients et à mes prospects. C’est là que le problème devient beaucoup plus compliqué que la rédaction d’un simple billet de blog…

Car, si j’ai bien effectivement fait réaliser une magnifique carte de vœux que je complète d’un petit mot gentil, il ne m’est pas possible d’en envoyer des milliers d’exemplaires. Il me faut donc me résoudre à envoyer mes vœux par email.

J’ai longtemps géré moi-même le serveur d’envoi des emails de mon établissement. J’avais mis en place un magnifique serveur sendmail avec le fichier de configuration qui va bien, que j’avais ensuite migré vers un serveur Postfix plus facile à paramétrer. Je vous parle là de la fin du siècle précédent… L’ensemble s’est progressivement complexifié avec la lutte antispam, par l’ajout d’Amavis et Spamassassin, puis d’un greylisting avec PostGrey. Sans oublier la lutte antiviral avec ClamAV.

Je me souviens des utilisateurs qui râlaient parce qu’on avait introduit un délai de 10mn dans la réception des emails…

Puis, l’email a été introduit dans la pédagogie et chaque étudiant s’est vu offrir une adresse email (quelle modernité à l’époque !). Les volumes d’échange ont ensuite progressivement augmenté, les exigences aussi : il a fallu mettre en place la gestion de carnets de contacts, des passerelles vers des domaines internes, etc. Et un jour, les ordinateurs portables sont arrivés, puis les smartphones et les tablettes.

J’ai pris en 2009 la décision d’externaliser les 4000 boîtes aux lettres vers l’un des prestataires les plus performants de l’époque : Gmail. Je n’ai jamais regretté, malgré les débats, les collègues d’autres établissements sceptiques voire hostiles.

A titre personnel, j’utilise les services de plusieurs fournisseurs de boîtes aux lettres : Gmail, Laposte.net, Free.fr, Gandi.net et bien sûr Protonmail.com

Me voilà donc en fin d’année 2015 à préparer l’envoi de mes emails de vœux, comme chaque année. Sauf que cette fois, j’ai des milliers d’emails à envoyer… Et à ce niveau-là, on commence à dépasser les seuils de détection mis en place par tout le monde : aussi bien par le fournisseur d’accès à internet, le gestionnaire du serveur smtp que vous voulez utiliser pour l’envoi, et tous les serveurs smtp de réception, en particulier ceux des GAFA utilisés par beaucoup de mes destinataires.

J’ai baissé les bras : le temps m’a manqué pour savoir combien d’emails pouvaient être envoyés par Gandi ou LaPoste avant qu’un mécanisme ne coupe mon publipostage. J’ai bien pris un peu de temps pour mesurer la réputation de mon adresse IP personnelle, mais je n’ai pas voulu prendre le risque de la voir dégradée par un algorithme qui considérerait mon publipostage de vœux au même titre que la participation à un botnet vantant les mérites d’une pilule bleue. Je n’ai donc pas osé utiliser mon serveur smtp personnel de peur de me voir couper ma ligne ADSL…

J’ai été triste de voir que finalement, la lutte contre ce fléau qu’est le SPAM (90% des emails circulant sur internet) m’empêchait d’envoyer mes vœux à mes amis, relations, clients et prospects.

Je me suis même demandé si l’envoi de vœux ne constituait pas finalement un SPAM. La réponse ne m’a pas plu.

J’ai donc abandonné l’idée du « Do It Yourself » et me suis alors tourné vers des services spécialisés dans l’envoi de publipostage : trop chers, trop orientés Business pour de simples vœux…

J’ai donc choisi le serveur smtp de mon établissement, avec l’autorisation de mon patron. Notre serveur est bien identifié chez Google et Microsoft, il a les bonnes configurations SPF et DKIM hors de ma portée.

J’ai trouvé cela un peu triste, mais je me suis dit qu’il fallait évoluer avec son temps : l’année prochaine, je n’utiliserai que mes cartes imprimées ;-).

L’email, c’est has been.

J’ai quand même eu plus de 600 réponses sympathiques en 48h qui m’ont fait chaud au cœur 🙂

—————————————-

Crédit photo Dalton Ghetti

Responsable informatique et technique

Mes amis me demandent rarement des précisions sur mon métier, et ça me chagrine de ne pas raconter ce que je fais. Je profite donc de mon blog pour vous décrire mes deux premières journées de la semaine, et montrer ainsi pourquoi j’aime tant mon métier.

Je suis responsable informatique et technique dans une grande école d’ingénieurs privée généraliste (et dynamique). J’y suis responsable de tous les aspects techniques, non seulement informatiques (actifs réseaux, serveurs, logiciels, achats, maintenance, sécurité, routeurs, VLAN, virtualisation, ERP, sauvegardes, PCA, PRA…) mais aussi techniques (hygiène, sécurité des biens et des personnes, électricité, chauffage, contrôle d’accès, espaces verts, reprographie, vidéoprojection, sonorisation, sécurité incendie, etc.).

Avec mon équipe de 6 techniciens (compétents), je supervise la résolution de tous les problèmes (et si possible leur anticipation). Il y a 1000 étudiants et 120 salariés chaque jour sur les deux campus de l’école.

Lundi.

J’arrive déjà fatigué car le week-end a été bien rempli, avec la cérémonie de remise des diplômes qui a eu lieu samedi (grosse journée pour moi : 8h – 23h sans pause déjeuner) et la tenue du bureau de vote le dimanche (8h – 10h et 16h – 19h).

J’arrive au travail comme d’habitude à 9h en vélo. La météo est à la pluie, j’arrive humide.

Premier problème : j’avais cours à 8h30, alors que j’avais noté sur mon agenda que mes premiers cours commençaient à 9h30. La boulette…

Je file en salle, je présente mes excuses aux étudiants du Mastère Spécialisé et je commence mon cours. Les étudiants sont réactifs et les échanges intéressants. Je suis joie.

11h30, j’enchaîne avec un entretien avec l’un de mes techniciens pour faire le point sur les tâches en cours (je fais un entretien chaque semaine avec chaque technicien).

12h je me plonge dans mes dossiers, factures, bons de commande, etc. A 14h, j’émerge de mes emails fin prêt pour le comité de direction : 4h de réunion mensuelle de pilotage de l’école, c’est LA réunion importante où tout se décide.

A 18h, je m’échappe de l’école (toujours en vélo, et toujours sous la pluie) pour une réunion municipale consacrée à la voirie.

20h, je profite des enfants et de mon épouse autour d’un repas familial. Les devoirs sont vérifiés, les douches aussi. Il reste deux ados à la maison, et ils demandent tout mon amour et toute mon attention. Je prends par SMS des news de l’aînée qui est en plein partiels dans sa 3e année de médecine.

21h, je réponds aux emails de mon activité d’expertise. Un avocat souhaite que j’intervienne sur une assistance à huissier de justice.

Un petit coup d’œil à Twitter (1h) puis je m’amuse avec mon nouveau jouet TensorFlow.

Mardi.

Cette fois, j’ai bien vérifié, je n’ai rien avant 9h30. J’arrive avec mon vélo à 9h. Je rends visite de manière informelle à mes équipes pour voir les différents problèmes en cours de traitement. Mes techniciens sont efficients.

Coup de fil pour un problème de vidéoprojecteur dans un amphi. Le technicien spécialiste étant en formation, je prends le problème à ma charge : l’écran est tout jaune. J’essaye avec un ordinateur portable, même problème. Ce n’est donc pas un problème informatique, mais probablement un problème de câble. Je contacte mon installateur qui me promet une intervention dans la journée. Je préviens la direction des études que l’amphithéâtre sera indisponible sur un créneau de cours pendant l’intervention.

Email de la scolarité pour me signaler un problème d’impression à la reprographie. C’est important car il s’agit des sujets d’examen pour jeudi. Je file voir de quoi il retourne. Un problème de communication vite réglé. Ouf.

10h, j’ai rendez-vous pour rendre les deux voitures que l’école loue pendant quatre ans. Le contrat arrivant à échéance, j’ai négocié avec le garage pendant plusieurs semaines pour son renouvellement et le choix des options sur les nouveaux véhicules. Je dois les récupérer après avoir rendu les anciens. Me voilà parti avec un membre de mon équipe et tous les papiers.

11h30, nous avons enfin réussi à nous extraire des explications du responsable de la remise des voitures qui voulait à tout prix rentrer dans le détail de fonctionnement des véhicules. Je sais maintenant regonfler un pneu avec le compresseur qui remplace la roue de secours, et où se trouve le réservoir à additif pour le diesel…

12h, je trie mes emails et mes dossiers urgents. Le téléphone sonne toutes les 10mn : un fournisseur veut que je change de téléphonie, un enseignant me parle des nouveaux TBI, le contrat Matlab arrive bientôt à terme, la borne du parking a un défaut de fonctionnement… J’ai pris l’habitude depuis 20 ans de ne pas manger le midi pour traiter tous les problèmes et assurer l’astreinte de la pause méridienne.

A 14h30, nouvel entretien en tête à tête avec un autre membre de mon équipe pour traiter les problèmes et les tâches en cours.

14h50, appel spécial SST : un étudiant a fait un malaise. J’interviens immédiatement, et sur place je trouve l’étudiant allongé, respiration irrégulière et yeux un peu révulsés. Je lui prends la main, demande s’il m’entend et peut me serrer la main. Il réagit. Je le mets en PLS et appelle aussitôt les pompiers. Nous sommes trois SST à gérer le problème et nous travaillons efficacement en équipe : gestion des affaires de l’étudiant, création d’une zone d’intimité, couverture en attendant les secours, surveillance de la respiration, accueil des pompiers. Ils arrivent rapidement, et évacuent l’étudiant vers l’hôpital (l’étudiant sera de retour le lendemain sans séquelle).

15h15, le nouveau vigile que j’ai recruté pour l’opération « vigipirate – alerte attentat » toujours en vigueur me rappelle que la signalétique « visiteur » n’a pas été remise en place depuis la remise des diplômes de samedi. J’imprime les feuilles et les mets dans les panneaux adhoc. Problème réglé.

15h30, réunion « administration informatique » avec deux de mes informaticiens. Nous faisons notre point hebdomadaire des projets en cours. Bases de données, mise à jour de serveurs, achat de disques durs pour le PRA, etc.

17h coup de fil de l’huissier qui a réussi à avoir mon portable pro. Impossible d’intervenir avant fin janvier. Je n’ai plus de jours de congés… mes compteurs RH sont négatifs. « C’est dommage, j’aime bien travailler avec vous ». Cela fait plaisir d’entendre un compliment. Les gens ne se doute pas du plaisir qu’on peut avoir à recevoir un compliment.

17h10, un étudiant vient me voir pour régler un détail de la désintégration (le départ en stage des étudiants de 5e année) qui se profile : il me demande l’autorisation d’installer un babyfoot humain géant gonflable dans le hall d’accueil de l’école. Nous regardons les dimensions et les aspects sécurité. Tout est OK. Il est content, ça promet de faire une bonne animation. Il en profite pour me dire toute sa satisfaction pour les plantes mellifères qui ont été installées par les étudiants de 1ère année le long du parking de l’école pour les ruches mises en place par l’école de commerce voisine. Cela fait parti du « plan vert » de l’école : quand les pédagogues, les étudiants et les services supports travaillent main dans la main, cela donne des projets extra.

17h20, une alerte Centreon m’informe d’un problème d’espace disque sur un espace de stockage. Je vérifie si le problème est bloquant, j’annule l’alerte car les disques ont été commandés et devraient arrivés avant que cela ne devienne critique.

Je profite d’un moment de répits pour lire mes SMS et quelques tweets de ma TL.

La réunion avec le fournisseur de vidéoprojecteurs est calée pour évoquer l’abandon du VGA par de nombreux constructeurs d’ordinateurs portables (au profit du HDMI, mais pour combien de temps) et l’impact de cette évolution sur les 40 salles équipées de l’école.

Un candidat pour un stage me contacte pour un rendez-vous. Je le verrai après-demain. J’ai déjà discuté de plusieurs sujets avec mon équipe informatique.

La CDA veut me voir pour savoir s’ils peuvent avoir un badge d’accès à
nos parkings privés afin de sécuriser leurs manœuvres de véhicules avec
remorque.

Le plombier m’informe de sa solution au problème des toilettes qui fuient.

Les téléphones DECT de l’école vieillissent et deviennent obsolètes. Il va falloir que je pense à les remplacer. Et pourquoi pas par une flotte de smartphones ? Oui, mais à quel coût ? Une étude s’impose…

Je reçois les plans du futur système informatique de l’école que nous construisons au Maroc. Il faut que je donne rapidement mon avis sur un point technique : le switch central est-il assez puissant…

19h fin des cours à l’école. Les appels téléphoniques diminuent. Je prends un peu d’eau pour calmer mon estomac qui proteste : le petit déjeuner est loin.

L’éclairage du hall a été réparé.

Le vidéoprojecteur de l’amphithéâtre aussi (il s’agissait bien d’une broche dessoudée).

Je discute un peu avec le personnel d’entretien qui commence à nettoyer l’école. Je leur demande des nouvelles de leurs enfants, de leurs conjoints. Ils font partie des travailleurs invisibles de l’école, et j’essaye de corriger cela.

20h, j’arrive à la maison. Mon épouse m’a prévenu, elle est en GAV. Je prépare un repas rapide et nous mangeons sans elle. Je mets son repas dans le four encore chaud. Elle rentrera à 23h et me trouvera en train de lire mes flux RSS sur mon vieil (mais fidèle) ordinateur. Je discute politique avec les enfants. Ils m’impressionnent par leur maturité, mais m’effraient par leur manque de confiance en eux. Je les rebooste comme je peux.

22h la maison est silencieuse. Je m’affale devant mon ordi.

Demain est un autre jour, et chaque journée est différente.

C’est ça que j’aime.

Tome 6

Oyez, oyez, oyez braves gens, le tome 6 de la série « Dans la peau d’un informaticien expert judiciaire » vient de sortir ! Il s’intitule « Yéléna » en référence à la petite fille qui revient souvent dans certaines de mes expertises.

Vous pouvez le commander au format papier chez mon éditeur, et parce que j’aime l’esprit de partage qui règne sur internet, il est
également disponible gratuitement sans DRM au format PDF (cliquez sur les liens) :

Papier (238 pages chez mon éditeur lulu.com)

Pdf (2967 Ko)

Bien sûr, les tomes précédents sont encore disponibles, en format papier ou électronique sur la page publications.

Avertissements :

Les habitués du blog le savent, mais cela va mieux en l’écrivant: la
publication des billets de mon blog, sous la forme de livres, est
surtout destinée à ma famille et à mes proches. C’est la raison pour
laquelle j’ai choisi la démarche d’une autopublication. J’ai endossé
tous les métiers amenant à la publication d’un livre, et croyez moi, ces
personnes méritent amplement leurs salaires! Mise en page, corrections,
choix des titres, choix des couvertures, choix du format, choix des
polices de caractère, marketing, numérisation, etc., sont un aperçu des
activités qui amènent à la réalisation d’un livre. Je ne suis pas un
professionnel de ces questions, je vous prie donc de m’excuser si le
résultat n’est pas à la hauteur de la qualité que vous pouviez attendre.
Le fait d’avoir travaillé seul (avec Mme Zythom-mère pour la relecture, merci à
elle), explique aussi le faible prix de la version papier pour un livre
de 238 pages.

Je me dois également, par honnêteté envers les acheteurs du livre, de
dire que les billets en question sont encore en ligne et le resteront.
Les billets publiés dans le livre sont identiques, à part l’insertion des liens en clair, la correction des fautes de frappe et la mise en page.

J’espère que ce tome 6 vous plaira. N’hésitez pas à le faire découvrir autour de vous et à le partager.

En tout cas, je vous en souhaite une bonne lecture.

L’âge du retrait

Quand j’ai été inscrit sur la liste des experts judiciaires de ma cour d’appel, j’avais 35 ans. J’étais alors le plus jeune expert judiciaire en informatique de France. Dans ma cour d’appel, l’expert qui me suivait en âge avait 20 ans de plus que moi… et vient qu’être atteint par la limite d’âge pour l’inscription sur la liste (70 ans) des experts judiciaires.

A l’époque, cette situation me sidérait, tant les évolutions informatiques étaient fortes et rapides. Internet se répandait dans les foyers (je vous parle de 1999), l’informatique sortait de l’univers réservé aux geeks, les entreprises s’équipaient en masse de matériels individuels et vivaient leurs révolutions numériques dans l’analyse de leurs processus (on parlait alors beaucoup de « l’objectif zéro papier », et bien sur du « bug de l’an 2000 »).

Comment des vieux de plus de 55 ans pouvaient-ils encore être dans la course et répondre correctement aux sollicitations des magistrats ?

(oui, à 35 ans, je considérais comme vieux tous ceux qui avaient plus de 55 ans, de la même manière que je considérais comme vieux tous les plus de 20 ans quand j’étais au lycée, les plus de 30 ans quand j’avais 20 ans, etc.)

J’ai aujourd’hui 51 ans, je me souviens de mes 35 ans irrespectueux, et je me pose la question : n’est-il pas temps d’arrêter de proposer mes services aux magistrats ? Le temps du retrait n’est-il pas venu ?

Pour un tas de bonnes raisons, je n’ai pas pris le virage de la téléphonie mobile, en refusant d’acquérir les compétences (dont je n’avais pas besoin professionnellement) et les équipements nécessaires à l’analyse inforensique des téléphones de plus en plus intelligents.

Avec l’âge, je prends de plus en plus de responsabilités dans mon métier de directeur informatique et technique, et de ce fait, je suis moins souvent à gérer directement des tâches d’administrations des systèmes informatiques, pris par mes fonctions de management et de gestions administratives stratégiques.

Bien sur, je suis plus à l’aise maintenant qu’il y a 16 ans, dans l’animation souvent difficile des réunions d’expertise judiciaire. Je suis moins sensible aux images et films que j’ai à observer lors des analyses de scellés. Je suis plus rodé aux procédures, aux logiciels, à la rédaction de rapports… C’est ce que l’on appelle l’expérience.

Et j’ai encore beaucoup de choses à apprendre : l’analyse des « gros systèmes », l’analyse à chaud de systèmes, la médiation… avec, et c’est important, l’ENVIE d’apprendre.

Mais je suis de plus en plus conscient des changements permanents qui concernent le monde technique dans lequel je suis « expert » : les objets connectés, les nouveaux systèmes d’exploitation qui se profilent (les différents Windows, les différents iOS, les différents Android, les différents GNU/Linux, et tous les autres).

N’y a-t-il pas une contradiction entre se prétendre « expert généraliste de l’informatique » et être capable d’intervenir de manière très pointue dans tous les domaines de l’informatique ? Bien sur que oui. Et cette contradiction se gère très bien quand l’on dispose de l’énergie suffisante pour suivre les évolutions techniques, se former en permanence, être en veille sur toutes les nouveautés et être capable d’acquérir rapidement les connaissances d’un spécialiste, à la demande.

Je croise d’excellents experts judiciaires de plus de 50 ans…

Mais je me demande à quel moment j’aurai la lucidité de demander mon retrait de la liste des experts judiciaires de ma cour d’appel. A quel moment faut-il laisser la place aux jeunes, aux forces vives, aux suivants ? A 55 ans ? A 60 ans ? A 65 ans ?

Mes parents ont pris leur retraite d’instituteurs au moment où l’informatique entrait en force dans l’éducation nationale (avec les MO5/TO5). Pendant des années, ils sont désintéressés de ce qui allait appeler la révolution numérique. Ils ont vu disparaître les cassettes vidéos, les cassettes audio, les appareils photos argentiques, les caméscopes à cassettes, la télévision hertzienne analogique. Ils ont arrêté de prendre des photos, parce que c’était devenu trop compliqué. Heureusement, ils ont eu la force de suivre des cours d’informatique organisés par la mairie de leur commune, et se faire offrir un ordinateur « tout en un » par leur grand fils chéri. Ils ont maintenant une adresse email, naviguent sur internet à la découverte du monde, et participent avec leurs enfants et petits enfants à des visioconférences Skype toutes les semaines (j’ai des parents fantastiques).

Mais quid de ceux qui n’ont pas eu la force de s’adapter au monde numérique ? Ils subissent les évolutions technologiques. Ils regardent passer le train.

Je connais beaucoup de gens de mon âge qui se moquent des réseaux sociaux, qui regardent avec un air dégoûté les outils utilisés par leurs enfants. Ils ont raison, parfois, surtout face aux excès. Et puis chacun est libre de ses choix.

De mon côté, je me demande à quel moment je vais rater le train et rester sur le côté. J’essaye d’imaginer ma vie dans 30 ans. J’essaye de deviner quelles évolutions technologiques vont me dépasser, parce que je me serai dit « ce n’est pas pour moi » ou « ça ne m’intéresse pas ». Ou encore « ça ne marchera jamais ».

A quel moment est-on dépassé dans son cœur d’expertise ?

A quel moment l’énergie, l’envie, la curiosité diminuent-elles irrémédiablement ?

A quel moment vais-je baisser les bras ?

Histoire de drone

Ce blog devient un peu trop sérieux à mon goût, et trop axé sur les expertises. Aussi, je vais vous narrer une petite histoire qui m’est arrivé au travail.

Un matin, alors que je traversais l’école où je travaille, le gardien me tombe dessus : « Zythom, j’ai entendu un gros bruit cette nuit sur le toit de l’école ! J’y suis allé ce matin et j’ai trouvé ça » (ouvrant un sac de supermarché) :

Mince, un drone s’est écrasé sur le toit !

Comme si je n’avais que ça à faire… Du coup, je suis allé inspecter le toit de l’école pour voir les dégâts (insignifiants), et je me suis retrouvé avec un nouveau problème sur les bras : comment me débarrasser de cet appareil ?

Je regarde d’un peu plus près les composants, et je repère une petite caméra GoPro avec une carte mémoire 16Go.

J’emmène tout ça chez moi, où je dispose des adaptateurs microSD pour analyser le contenu de cette carte : nada. Rien. Aucune donnée visible sur la carte.

Je lance alors l’excellent logiciel PhotoRec pour extraire rapidement toutes les données encore présentes sur la carte, malgré leur effacement. Je laisse le logiciel faire son boulot et, au bout de quelques heures, me voici avec 400 photos sur les bras.

Des images de survol, des images d’atterrissage, encore des images de survol. Et quatre selfies du propriétaire posant avec ses camarades dans une salle de cours (tenant la GoPro à bout de bras). Je tiens donc l’image du propriétaire, je vais pouvoir le retrouver.

Oui, mais.

J’ai la tête du propriétaire sur des photos, je peux les imprimer pour les montrer ou les envoyer par email aux différents DSI des établissements d’enseignement du coin. Oui, mais ça m’embête de divulguer autour de moi des photos dont je perçois parfaitement le caractère privé. Donc non.

Je décide d’attendre que le propriétaire vienne à moi. L’information concernant le crash du drone sur le toit de mon établissement va vite lui parvenir aux oreilles, et, s’il cherche son appareil, il viendra le réclamer à l’accueil. Je passe la consigne à l’accueil de me l’envoyer dès qu’il se présentera. Je saurai le reconnaître, puisque je connais déjà son visage.

Oui, mais. Une semaine s’écoule, et pas de nouvelles. Au bout de dix jours, je décide de libérer mon bureau de cet encombrant engin : je l’apporte aux objets trouvés de ma ville. C’est l’occasion pour moi de découvrir ce service mythique. Le préposé m’accueille chaleureusement, mais semble débordé. « J’occupe deux postes car mon collègue est malade », me dit-il entre deux appels téléphoniques. « Posez votre objet sur le comptoir et donnez moi votre nom et un numéro de téléphone » ajoute-t-il en prenant un post-it. « Je l’enregistrerai dans quelques jours ».

Je ressors de là sans récépissé un peu dépité.

Le plus amusant, dans cette histoire, c’est qu’en revenant sur mon lieu de travail après avoir amené les restes du drone aux objets trouvés, le propriétaire s’est présenté à mon bureau…

J’ai donc pu connaître toute l’histoire : c’est un drone fabriqué dans le cadre de ses études à l’université voisine, ce qui explique son GPS embarqué, il effectue beaucoup de vols (avec autorisation) pour faire des relevés. Le jour de la chute, il y avait beaucoup de vent, il faisait nuit, la caméra est tombé en panne, il a perdu de vue le drone, puis l’a perdu tout court… Il le croyait tombé dans le lac voisin, jusqu’à ce que la rumeur lui parvienne que le drone était tombé sur le toit de mon établissement.

Je lui ai donné l’adresse du service des objets trouvés. Il a pu récupérer son appareil. Il semblait heureux d’être tombé sur quelqu’un d’honnête. Je lui ai parlé de la récupération d’images que j’avais effectuée sur la carte de sa caméra et semblait surpris que j’ai pu récupérer les selfies. « J’ai saturé la carte mémoire plusieurs fois avec des films de survol, je suis surpris qu’il reste des photos exploitables sur la carte ! »

Impossible n’est pas expert judiciaire!

Merci surtout à PhotoRec 😉