Mes amis me demandent rarement des précisions sur mon métier, et ça me chagrine de ne pas raconter ce que je fais. Je profite donc de mon blog pour vous décrire mes deux premières journées de la semaine, et montrer ainsi pourquoi j’aime tant mon métier.
Je suis responsable informatique et technique dans une grande école d’ingénieurs privée généraliste (et dynamique). J’y suis responsable de tous les aspects techniques, non seulement informatiques (actifs réseaux, serveurs, logiciels, achats, maintenance, sécurité, routeurs, VLAN, virtualisation, ERP, sauvegardes, PCA, PRA…) mais aussi techniques (hygiène, sécurité des biens et des personnes, électricité, chauffage, contrôle d’accès, espaces verts, reprographie, vidéoprojection, sonorisation, sécurité incendie, etc.).
Avec mon équipe de 6 techniciens (compétents), je supervise la résolution de tous les problèmes (et si possible leur anticipation). Il y a 1000 étudiants et 120 salariés chaque jour sur les deux campus de l’école.
Lundi.
J’arrive déjà fatigué car le week-end a été bien rempli, avec la cérémonie de remise des diplômes qui a eu lieu samedi (grosse journée pour moi : 8h – 23h sans pause déjeuner) et la tenue du bureau de vote le dimanche (8h – 10h et 16h – 19h).
J’arrive au travail comme d’habitude à 9h en vélo. La météo est à la pluie, j’arrive humide.
Premier problème : j’avais cours à 8h30, alors que j’avais noté sur mon agenda que mes premiers cours commençaient à 9h30. La boulette…
Je file en salle, je présente mes excuses aux étudiants du Mastère Spécialisé et je commence mon cours. Les étudiants sont réactifs et les échanges intéressants. Je suis joie.
11h30, j’enchaîne avec un entretien avec l’un de mes techniciens pour faire le point sur les tâches en cours (je fais un entretien chaque semaine avec chaque technicien).
12h je me plonge dans mes dossiers, factures, bons de commande, etc. A 14h, j’émerge de mes emails fin prêt pour le comité de direction : 4h de réunion mensuelle de pilotage de l’école, c’est LA réunion importante où tout se décide.
A 18h, je m’échappe de l’école (toujours en vélo, et toujours sous la pluie) pour une réunion municipale consacrée à la voirie.
20h, je profite des enfants et de mon épouse autour d’un repas familial. Les devoirs sont vérifiés, les douches aussi. Il reste deux ados à la maison, et ils demandent tout mon amour et toute mon attention. Je prends par SMS des news de l’aînée qui est en plein partiels dans sa 3e année de médecine.
21h, je réponds aux emails de mon activité d’expertise. Un avocat souhaite que j’intervienne sur une assistance à huissier de justice.
Un petit coup d’œil à Twitter (1h) puis je m’amuse avec mon nouveau jouet TensorFlow.
Mardi.
Cette fois, j’ai bien vérifié, je n’ai rien avant 9h30. J’arrive avec mon vélo à 9h. Je rends visite de manière informelle à mes équipes pour voir les différents problèmes en cours de traitement. Mes techniciens sont efficients.
Coup de fil pour un problème de vidéoprojecteur dans un amphi. Le technicien spécialiste étant en formation, je prends le problème à ma charge : l’écran est tout jaune. J’essaye avec un ordinateur portable, même problème. Ce n’est donc pas un problème informatique, mais probablement un problème de câble. Je contacte mon installateur qui me promet une intervention dans la journée. Je préviens la direction des études que l’amphithéâtre sera indisponible sur un créneau de cours pendant l’intervention.
Email de la scolarité pour me signaler un problème d’impression à la reprographie. C’est important car il s’agit des sujets d’examen pour jeudi. Je file voir de quoi il retourne. Un problème de communication vite réglé. Ouf.
10h, j’ai rendez-vous pour rendre les deux voitures que l’école loue pendant quatre ans. Le contrat arrivant à échéance, j’ai négocié avec le garage pendant plusieurs semaines pour son renouvellement et le choix des options sur les nouveaux véhicules. Je dois les récupérer après avoir rendu les anciens. Me voilà parti avec un membre de mon équipe et tous les papiers.
11h30, nous avons enfin réussi à nous extraire des explications du responsable de la remise des voitures qui voulait à tout prix rentrer dans le détail de fonctionnement des véhicules. Je sais maintenant regonfler un pneu avec le compresseur qui remplace la roue de secours, et où se trouve le réservoir à additif pour le diesel…
12h, je trie mes emails et mes dossiers urgents. Le téléphone sonne toutes les 10mn : un fournisseur veut que je change de téléphonie, un enseignant me parle des nouveaux TBI, le contrat Matlab arrive bientôt à terme, la borne du parking a un défaut de fonctionnement… J’ai pris l’habitude depuis 20 ans de ne pas manger le midi pour traiter tous les problèmes et assurer l’astreinte de la pause méridienne.
A 14h30, nouvel entretien en tête à tête avec un autre membre de mon équipe pour traiter les problèmes et les tâches en cours.
14h50, appel spécial SST : un étudiant a fait un malaise. J’interviens immédiatement, et sur place je trouve l’étudiant allongé, respiration irrégulière et yeux un peu révulsés. Je lui prends la main, demande s’il m’entend et peut me serrer la main. Il réagit. Je le mets en PLS et appelle aussitôt les pompiers. Nous sommes trois SST à gérer le problème et nous travaillons efficacement en équipe : gestion des affaires de l’étudiant, création d’une zone d’intimité, couverture en attendant les secours, surveillance de la respiration, accueil des pompiers. Ils arrivent rapidement, et évacuent l’étudiant vers l’hôpital (l’étudiant sera de retour le lendemain sans séquelle).
15h15, le nouveau vigile que j’ai recruté pour l’opération “vigipirate – alerte attentat” toujours en vigueur me rappelle que la signalétique “visiteur” n’a pas été remise en place depuis la remise des diplômes de samedi. J’imprime les feuilles et les mets dans les panneaux adhoc. Problème réglé.
15h30, réunion “administration informatique” avec deux de mes informaticiens. Nous faisons notre point hebdomadaire des projets en cours. Bases de données, mise à jour de serveurs, achat de disques durs pour le PRA, etc.
17h coup de fil de l’huissier qui a réussi à avoir mon portable pro. Impossible d’intervenir avant fin janvier. Je n’ai plus de jours de congés… mes compteurs RH sont négatifs. “C’est dommage, j’aime bien travailler avec vous”. Cela fait plaisir d’entendre un compliment. Les gens ne se doute pas du plaisir qu’on peut avoir à recevoir un compliment.
17h10, un étudiant vient me voir pour régler un détail de la désintégration (le départ en stage des étudiants de 5e année) qui se profile : il me demande l’autorisation d’installer un babyfoot humain géant gonflable dans le hall d’accueil de l’école. Nous regardons les dimensions et les aspects sécurité. Tout est OK. Il est content, ça promet de faire une bonne animation. Il en profite pour me dire toute sa satisfaction pour les plantes mellifères qui ont été installées par les étudiants de 1ère année le long du parking de l’école pour les ruches mises en place par l’école de commerce voisine. Cela fait parti du “plan vert” de l’école : quand les pédagogues, les étudiants et les services supports travaillent main dans la main, cela donne des projets extra.
17h20, une alerte Centreon m’informe d’un problème d’espace disque sur un espace de stockage. Je vérifie si le problème est bloquant, j’annule l’alerte car les disques ont été commandés et devraient arrivés avant que cela ne devienne critique.
Je profite d’un moment de répits pour lire mes SMS et quelques tweets de ma TL.
La réunion avec le fournisseur de vidéoprojecteurs est calée pour évoquer l’abandon du VGA par de nombreux constructeurs d’ordinateurs portables (au profit du HDMI, mais pour combien de temps) et l’impact de cette évolution sur les 40 salles équipées de l’école.
Un candidat pour un stage me contacte pour un rendez-vous. Je le verrai après-demain. J’ai déjà discuté de plusieurs sujets avec mon équipe informatique.
La CDA veut me voir pour savoir s’ils peuvent avoir un badge d’accès à
nos parkings privés afin de sécuriser leurs manœuvres de véhicules avec
remorque.
Le plombier m’informe de sa solution au problème des toilettes qui fuient.
Les téléphones DECT de l’école vieillissent et deviennent obsolètes. Il va falloir que je pense à les remplacer. Et pourquoi pas par une flotte de smartphones ? Oui, mais à quel coût ? Une étude s’impose…
Je reçois les plans du futur système informatique de l’école que nous construisons au Maroc. Il faut que je donne rapidement mon avis sur un point technique : le switch central est-il assez puissant…
19h fin des cours à l’école. Les appels téléphoniques diminuent. Je prends un peu d’eau pour calmer mon estomac qui proteste : le petit déjeuner est loin.
L’éclairage du hall a été réparé.
Le vidéoprojecteur de l’amphithéâtre aussi (il s’agissait bien d’une broche dessoudée).
Je discute un peu avec le personnel d’entretien qui commence à nettoyer l’école. Je leur demande des nouvelles de leurs enfants, de leurs conjoints. Ils font partie des travailleurs invisibles de l’école, et j’essaye de corriger cela.
20h, j’arrive à la maison. Mon épouse m’a prévenu, elle est en GAV. Je prépare un repas rapide et nous mangeons sans elle. Je mets son repas dans le four encore chaud. Elle rentrera à 23h et me trouvera en train de lire mes flux RSS sur mon vieil (mais fidèle) ordinateur. Je discute politique avec les enfants. Ils m’impressionnent par leur maturité, mais m’effraient par leur manque de confiance en eux. Je les rebooste comme je peux.
22h la maison est silencieuse. Je m’affale devant mon ordi.
Demain est un autre jour, et chaque journée est différente.
C’est ça que j’aime.
Félicitation pour votre implication. J'ai étudié dans plusieurs écoles et les personnes responsables des services informatiques et techniques ne prenaient pas toujours suffisamment la peine de consulter les étudiants ou leurs collègues avant de régler un problème ou de mettre en place une nouvelle procédure.
On a tendance à oublier l'importance de la facette sociale de ce poste, même s'il contient les mots "informatique" et "technique".
Merci pour ce partage !
Dans un entreprise d'un 50ene de salariés tous au fait (et maitrisent) des innovations informatiques (utilisateurs plutôt automnes), je reconnais quelques facettes. (informatique et tout matos lié, plomberie, clim, vert, déchets, déménagement de locaux…)
Sans reconnaissance, j'ai perdu la motivation jusqu’à demander ma relève car je me suis épuisé et cela c'est vu. Je suis désormais reconverti développeur et regrette (un peu) les aléas de ce métier et des responsabilités "cachées" (ou "surprise") du poste.
Cela fait envie !!!! Bravo pour votre professionnalisme !
C'est très agréable de lire cela du point de vue de l'étudiant je vous assure. Merci encore pour cet article.
Baptiste
Très intéressant à lire surtout d'un point de vue étudiant. merci à vous pour ce super article.
Baptiste