Réseaux de neurones 2

Ce billet est la suite de celui-ci qu’il est préférable de lire avant mais c’est vous qui voyez.

Après quelques heures passées sur l’apprentissage du langage Go, je me suis résolu à revenir à mes fondamentaux: le langage C. Cela fait 20 ans que je n’ai pas codé sérieusement, et j’ai eu peur de perdre trop de temps à m’initier à un nouveau langage. Ce qui suit va faire sourire tous les développeurs actuels et définitivement me décrédibiliser auprès d’eux…

Il y a 20 ans, j’étais chercheur et je programmais sur une station de calcul Apollo, dans un environnement de développement équivalent à vi (sous Domain/OS). J’appelais quelques routines graphiques de base, à une époque où l’environnement graphique informatique était en pleine révolution. Mes langages favoris étaient le langage OCCAM et le langage C.

Lorsque de chercheur, je suis devenu professeur en école d’ingénieurs, j’ai enseigné le langage C. La mode était alors au Turbo C de Borland. Mon enseignement n’incluait pas la partie graphique. Mes étudiants se contentaient très bien des tableaux de pointeurs de fonctions de structures doublement chaînées, et des envois de données sur le réseau.

Me voici donc aujourd’hui (enfin, il y a quelques mois), à me demander ce qui pouvait être utilisé comme IDE aujourd’hui, avec tous les progrès informatiques. Je me suis dit qu’un environnement multiplateformes pourrait être intéressant, pour profiter du meilleur des univers Windows ou GNU/Linux.

J’ai choisi Code::Blocks.

Me voici donc en train de compiler quelques programmes simples trouvés sur les différents sites d’initiation à cet IDE. Je redécouvre alors la joie de compiler un code source, d’éditer les liens avec les bibliothèques standards, et de voir les premiers “Hello world” à l’écran. J’ai eu une petite pensée pour Dennis MacAlistair Ritchie

Très vite, je me suis retrouvé à écrire quelques procédures de calcul concernant les réseaux de neurones. J’ai créé mon premier réseau, mes premières structures, mes premiers malloc (et à chaque malloc son free correspondant ;-).

Comme 20 ans auparavant, j’ai vite trouvé l’affichage standard limité: il me fallait tracer des courbes, des nuages de points, des évolutions de critères en cours de minimisation. Il me fallait appeler quelques fonctions graphiques…

Et là… Grosse déception !

En 20 ans de foisonnement d’interfaces graphiques et d’amélioration de processeurs spécialisés, aucune bibliothèque graphique SIMPLE n’a l’air de s’être imposée. Un truc du genre: j’ouvre une fenêtre, je dessine un pixel dedans quand je veux et basta. Si je suis sous Windows, ça m’ouvre une fenêtre Windows, si je suis sous GNU/Linux, et bien ça m’ouvre une fenêtre GNU/Linux… Bon, j’avoue que je n’ai pas beaucoup cherché, et je compte un peu sur vous pour me montrer la voie si je me suis fourvoyé.

J’ai choisi la bibliothèque graphique SDL parce que pas mal de sites ont l’air de dire que c’est très bien pour s’initier. Ça tombe bien, parce que je ne souhaite pas devenir un professionnel du graphisme, je veux juste dessiner quelques courbes.

Ce qui m’a un peu surpris, c’est de devoir “bidouiller” Code:Blocks pour que mes premiers programmes utilisant SDL puissent fonctionner (je n’ai pas conservé les messages d’erreur, mais j’ai ramé). Heureusement, pas mal de monde utilise le combo Code::Blocks + SDL et la communauté publie des tutos bien faits.

Me voici donc en train de faire mes premières courbes. Bon, mes programmes sont devenus beaucoup moins lisibles maintenant que je les ai truffé d’appels à des routines graphiques plus ou moins claires, mais j’ai compris les bases du truc. Jusqu’au jour où j’ai voulu tracer une courbe dans une nouvelle fenêtre… En effet, SDL ne permet pas d’ouvrir plusieurs fenêtres. Mais heureusement SDL2 peut le faire! Sauf qu’il faut tout réécrire car les concepts graphiques n’ont rien à voir. Je me suis donc tapé le guide de migration SDL1.2 vers SDL2.0 dans la même journée que l’apprentissage de SDL1.2. Je râle, je râle, mais je remercie tous les développeurs qui consacrent leur vie à créer tous ces outils (et les manuels qui vont avec). Je sais maintenant manipuler (un peu) les pointeurs de fenêtres et de Renderer.

Comme SDL2 est sortie en août 2013, j’ai un peu galéré à trouver comment adapter Code::Blocks pour faire fonctionner mes premiers programmes SDL2 (mais j’ai trouvé!). Et j’ai pleuré des larmes de joie quand j’ai vu mes premières courbes tracées dans deux fenêtres séparées.

J’ai ensuite pu attaquer les choses sérieuses avec la mise au point des routines d’optimisation. J’en ai déjà expliqué une partie dans ce billet. Mes premiers programmes ont consisté à mettre au point les routines suivantes:

– calcul du gradient par rétropropagation de l’erreur

– méthode d’optimisation par descente de gradient à pas constant

– amélioration de la méthode précédente avec calcul économique d’un pas variable (méthode de Wolfe et Powell)

– amélioration de la méthode précédente avec calcul itératif de l’inverse du Hessien (méthode de Broyden, Fletcher, Goldfarb et Shanno).

Je suis toujours bluffé par l’accélération foudroyante des méthodes quasi-newtoniennes pour s’approcher du minimum de la fonction.

J’en suis là aujourd’hui.

J’ai un programme illisible qui fonctionne malgré tout parfaitement: je peux créer un réseau de neurones complètement connecté qui peut apprendre virtuellement n’importe quel ensemble d’apprentissage, dès lors que celui-ci est constitué d’un nombre fini de couples {entrées connues, sorties désirées}. Je suis à la recherche d’un problème pas trop complexe, en évitant si possible tous les problèmes de classification (type mémorisations de visage ou reconnaissance de caractères). J’aimerais plutôt un problème de modélisation, comme par exemple la prédiction des éruptions du “Old Faithful” (si quelqu’un a des données récentes sur ce geyser, avec températures, pression, etc.).

Il me faut du temps pour rendre mes routines plus lisibles, pour sauvegarder les coefficients calculés, pour tester d’autres environnements, pour créer un tableur Excel et OpenOffice, pour trouver un problème intéressant à ma portée…

Il me faut aussi comprendre comment faire pour exploiter toute la mémoire de ma machine. Je n’arrive pas encore à créer des matrices de grandes tailles (du genre 10000×10000 réels double précision). Je suis pour l’instant limité à un réseau d’au maximum 50 neurones et 1224 connexions.

Mais 50 neurones, c’est déjà beaucoup 😉

42 ans

Nous avons tous des êtres chers qui disparaissent trop tôt. Je ne suis pas épargné par la grande faucheuse qui tranche autour de moi. Cette peine intime, je la garde pour mes proches et pour moi.

Pourtant, tous les 27 avril sur ce blog, je parle du geste désespéré d’un de mes étudiants qui a mis fin à ses jours en pleine jeunesse. J’étais jeune maître de conférences et il avait brillamment effectué son stage avec moi. Il s’était enthousiasmé pour les réseaux de neurones avec lesquels je jouais.

C’était il y a longtemps, il y a 22 ans.

Dans sa lettre d’adieu à ses parents, il a écrit qu’un des rares bons moments qu’il avait passé dans les derniers mois de sa courte vie était avec moi, pendant son stage. Cet aveu m’a toujours déchiré le cœur.

Avec en plus le regret de n’avoir pas vu son mal vivre, alors que nous étions complices de travail.

Il aurait fêté aujourd’hui son anniversaire.

Bon anniversaire Stéphane, tu es toujours dans mon cœur et tu as toujours vingt ans.

Les géants

Parfois, je me rend compte à quel point je peux être pitoyable, à mes yeux tout au moins. Pour beaucoup de lecteurs (à ce que je comprends de certains emails que je reçois), je suis une sorte de héros hypercompétent capable de tout faire en informatique. C’est très loin d’être le cas: je suis nul en sécurité informatique, je suis nul en développement informatique moderne, je ne capte rien en téléphonie mobile, je ne connais pas la différence entre un processus et un thread, je ne dispose pas d’outils extraordinaires, ni de connaissances incroyables…

J’ai déjà expliqué tout cela en images dans le billet “expert judiciaire, ce qu’on pense que je fais“.

La justice n’ayant aucun moyen technique à m’offrir, les services de l’état (police ou gendarmerie) ne fournissant aucun logiciel ni matériel aux experts judiciaires hors de leur rang, je me débrouille comme je peux. En voici un exemple.

Un scellé m’est remis pour analyse, avec comme mission principale de relever la présence éventuelle d’images ou de films pédopornographiques. Après la copie du disque dur, me voici à analyser tous les fichiers encore présents, entiers ou sous forme de traces dans les recoins du disque dur.

A un moment de mes observations manuelles, je note la présence du logiciel Shareaza. Je n’ai bien évidemment rien contre le partage P2P, technologie parfaitement légale, mais dans le cas que l’on m’a confié, je m’intéresse de près au contenu partagé.

N’ayant pas la chance de disposer d’un logiciel de type P2P Marshal, me voilà avec sur les bras des dizaines de fichiers avec des noms longs comme un jour sans pain et des extensions “.partial” et “.sd”.

Les fichiers “.partial” contiennent les données en cours de téléchargement (ou de partage) et les fichiers “.sd” contiennent des données de gestion des téléchargements. Une ouverture de ces fichiers .sd avec Notepad++ montre une partie en clair contenant le nom du fichier en cours de téléchargement. Intéressant ! Je trouve dans la plupart des fichiers .sd des noms contenant des références pédopornographiques. Je note tout cela dans mon rapport.

J’installe sur un ordinateur monté pour l’occasion (une machine virtuelle en fait) le logiciel Shareaza que je récupère sur internet dans la même (ancienne) version que celle trouvée sur l’ordinateur placé sous scellé. Je télécharge quelques vidéos et documents mis en partage de manière légale par des internautes, et j’observe le comportement des différents fichiers .part et .sd lors des différentes manipulations.

A un moment, je réalise que, comme la plupart des fichiers .part nommés dans les fichiers .sd contiennent des vidéos, il me suffit de renommer les fichiers en question avec l’extension correspondant au type de vidéos qu’ils sont censés contenir: j’ajoute .avi/.mpg/.mov au choix après l’extension .partial et j’essaye d’ouvrir la vidéo avec VLC.

VLC est un logiciel fantastique qui a entre autre la capacité de lire des vidéos incomplètes, avec des pans entiers manquants.

Bingo, j’arrive à lire toutes les vidéos (ou presque), dont celles de nature pédopornographique. Je passe encore un week-end pénible, à classer les vidéos, à en extraire des images choisies pour le rapport et à les graver sur un DVD annexé au rapport.

Rien d’autre qu’un travail fastidieux, loin de l’image d’Épinal de l’expert omniscient et omnipotent, enfermé dans mon bureau pour éviter que mes enfants ne voient leur père regarder des images pédophiles sur ses écrans.

Je l’ai déjà écrit moultes fois ici même: je suis nul et je suis faible.

“Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons
ainsi davantage et plus loin qu’eux, non parce que notre vue est plus
aiguë ou notre taille plus haute, mais parce qu’ils nous portent en
l’air et nous élèvent de toute leur hauteur gigantesque.” (Bernard de Chartres, XIIe siècle)

Évidemment, les géants représentent nos prédécesseurs, mais aussi le
savoir accumulé dans les livres ou sur internet. C’est aussi
l’expérience de nos collaborateurs, les conseils de nos aînés, les avis
de nos confrères.

Merci à tous les géants.

La motivation d’un élu local

En septembre 2006, j’annonçais dans ce billet, ma première participation (dans le public!) à un conseil municipal de ma commune. J’ai ensuite participé à la tenue d’un bureau de vote. Et un jour, on m’a demandé si j’acceptais d’essayer de devenir conseiller municipal.

Et en 2008, j’ai été élu (brillamment) conseiller municipal.

Sur ce blog, j’ai raconté un peu quelques unes des facettes de mon activité de conseiller:

– l’élection du maire (Habemus Papam)

– la participation aux commissions (Fluctuat nec mergitur)

– les élections sénatoriales de 2008 (Un train de sénateur)

– les actions caritatives (La banque alimentaire et Merci)

– les collections de panneaux de limitation de vitesse (Les anciens et la vitesse)

– les élections européennes de 2009 (Journal d’un bureau de vote)

– les discussions en conseil municipal (Bio, nature et pollution)

– les élections régionales de 2010 (De l’autre côté du bureau)

– l’accueil des gens du voyage (Au nom de la commune)

– la décision contestée (L’insolence des riches)

– l’archaïsme salutaire (Vous ne pourrez pas vérifier)

Jusqu’au jour où il a bien fallu se représenter devant les électeurs (Ensemble, avec Vous et pour Tous, continuons) et cherchez à les convaincre de voter pour nous (Porte à porte).

Maintenant que les élections municipales de 2014 sont terminées, et que je suis réélu pour six ans, le travail continue.

Mes motivations ont-elles changées ?

En 2006, j’avais 42 ans, l’âge magique. J’étais curieux de savoir ce qu’il se passait sur ma commune. J’avais envie de connaître ses développements, son avenir, ses potins.

En 2008, j’avais envie de donner mon avis, même s’il n’était pas toujours suivi.

En 2014 (à 50 ans donc), j’ai envie de vraiment faire avancer certains dossiers qui me tiennent à cœur. C’est pour cela que j’ai proposé au Maire de me confier tous les dossiers en rapport avec le numérique. Il a accepté de me nommer “conseiller délégué au développement du numérique”. Je vais pouvoir travailler aux propositions d’évolutions de la commune dans ce domaine, les présenter en commission, puis ensuite au conseil municipal.

Mes objectifs sont les suivants:

– améliorer la communication élus-citoyens, mairie-citoyens et élus-mairie (listes de diffusion, panneaux d’affichage numérique, espaces numériques de travail, réseaux sociaux, textos, etc.)

– encourager l’utilisation maximale des logiciels open source

– promouvoir l’open data

– préparer l’arrivée (un jour?) de la fibre jusqu’à l’habitant (FTTH) par la pose de fourreaux sur tous les travaux de voirie et lors de tous les aménagement de lotissements

– encourager la formation numérique des aînées

– faciliter la circulation de l’information

– permettre les réunions à distance grâce aux visioconférences logicielles

– dématérialiser les documents dès que c’est utile…

J’ai quelques idées qui paraissent farfelues au premier abord: filmer le conseil municipal et mettre en ligne les vidéos sur une chaîne YouTube communale, créer un festival numérique, une page Facebook pour la mairie, un atelier GNU/Linux, un atelier d’échange de clefs GPG…

Les idées ne manquent pas, la motivation non plus.

Il reste à prendre en compte les aspects légaux, administratifs, les habitudes, les avis des autres, les aspects financiers, l’inertie générale, la peur du changement, la peur de l’inconnu…

Maintenant qu’un grand nombre de citoyens disposent d’un ordinateur dans leur téléphone, cela devrait être plus facile car l’informatique fait moins peur.

Il suffit juste de ne pas oublier ceux qui n’y ont pas accès.

Il ne faut pas non plus oublier ceux qui ont des handicaps (visuels, auditifs, etc.).

Il ne faut laisser personne sur le côté.

Yapuka…

Le témoin

Il arrive qu’on demande à l’expert judiciaire de venir témoigner lors d’un procès. Un de mes confrères à bien voulu me faire l’honneur de raconter son expérience sur mon blog dans ce billet.

Cela ne m’était jamais arrivé, jusqu’à cette semaine.

Je dois dire que je n’étais pas pressé de vivre cette expérience (mais suffisamment curieux quand même pour souhaiter le faire au moins une fois dans ma vie).

J’ai reçu il y a quelques mois l’email suivant:

Bonjour Monsieur l’expert,

Je vous informe que je vais vous citer comme témoin dans le dossier X dans lequel vous m’avez adressé un rapport d’expertise privée particulièrement clair et précis.

Vous allez recevoir une convocation pour une audience qui aura lieu le 1er avril (ce n’est pas une plaisanterie) au TGI de Vulcain.



Je vous remercie de me dire si vous acceptez de venir témoigner, afin que je lance la procédure.



Je vous prie d’accepter, Monsieur l’expert, mes salutations respectueuses,



Signé: Maître Spock

Enfin, ce moment tant craint était arrivé: participer à un procès, devant une cour, dans un tribunal, en public, devant tout le monde, comme dans les séries ! J’en parle aussitôt à mon épouse qui me répond d’un air entendu: “j’espère que tu seras indemnisé vas-y ça me fera des vacances“.

Je réponds donc “oui” à Maître Spock et quelques jours plus tard, un huissier de justice sonne à ma porte pour me remettre en main propre une citation comme témoin pour l’audience du 1er avril (je ne m’en remets pas) d’un tribunal situé à l’autre bout de la galaxie France…

Je note le rendez-vous dans mon agenda de ministre, je pose un jour de congé auprès de mon employeur pour cette date, je déplace les rendez-vous déjà programmés.

Le temps passe.

La date s’approchant, je prend mes billets de train et j’achète les tickets de métropolitain nécessaires à mon transport jusqu’au tribunal. Le week-end précédent, je me plonge dans le rapport que j’avais déposé dans ce dossier, j’apprends par cœur les faits, les dates et tous les éléments techniques du rapport, les annexes, les critiques remarques de la partie adverse sur mon travail, les éléments de procédure… Bref, je passe un bon week-end (qui en plus est celui du second tour des élections municipales où j’ai tenu un bureau de vote et soit dit en passant fêté ma la victoire de ma liste et ma brillante élection). Bref je bosse à fond le dossier.

Plus le jour approche et plus je sens une boule d’angoisse se former. Mon épouse me rassure: “tu vas en chier y arriver, tu es le meilleur”.

Le jour J, je prends le train le matin très tôt pour traverser la France, tellement tôt que, malgré 4 heures de train, j’arrive devant le tribunal avec deux heures d’avance. J’en profite pour repérer les lieux, trouver la salle d’audience, me présenter au greffe, me faire expliquer un peu la procédure: “bah, vous allez prêter serment, puis vous faire cuisiner répondre aux questions”.

Je trompe mon stress en allant me glisser dans le public (peu nombreux) d’un procès d’assises qui se tenait dans la salle voisine (véridique). Une histoire de cambriolage par des pieds nickelés, de coups de couteaux, de séquestration, de vol… On se détend comme on peut.

Un quart d’heure avant l’audience, Maître Spock arrive et m’explique comment il voit les choses: “vous allez être isolé dans la salle des témoins, puis l’huissier viendra vous chercher, vous prêterez serment, puis je vous poserai quelques questions, puis la cour vous posera aussi quelques questions, ainsi que la partie adverse”. Devant mon visage transpirant, il ajoute: “mais ne vous inquiétez pas, rien de compliqué. Soyez vous même et répondez sans trop entrer dans les détails techniques”.

Ok.

Donc l’inconnu total.

Je ne sais pas quand on va venir me chercher.

Je n’assiste pas aux débats.

Je ne connais pas les questions qui vont m’être posées.

Je ne sais pas où je vais poser mon sac, mon manteau, mon pull, mon écharpe (je suis en chemise car je transpire déjà 10L d’adrénaline).

Je ne sais pas qui est qui dans la salle (Président, procureur, avocats, parties). Je ne connais que deux personnes: Maître Spock et l’innocent qu’il défend.

Ah si, je sais une chose: la presse judiciaire est là.

Ok, ok.

Mon coeur bat la chamade.

[minute historique: autrefois afin de parlementer ou lors d’une reddition, on émettait un
signal avec un tambour ou une trompette ; on appelait cela battre la
chamade
, source Wikipédia]

Me voici en train d’attendre dans la salle des témoins (en fait dans la salle des pas perdus, le tribunal ne disposant pas de salle pour isoler les témoins).

Comme d’habitude, je constate avec un étonnement tout scientifique, que si l’on note t le temps d’attente, mon niveau de stress augmente proportionnellement à t, alors que mon encéphalogramme varie en 1/t…

Je fais alors la seule chose que je sais faire dans ces cas là: je récite la litanie contre la peur des sœurs du Bene Gesserit:

Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l’esprit.

La peur est la
petite mort qui conduit à l’oblitération totale.

J’affronterai ma peur.

Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.

Et lorsqu’elle
sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.

Et là où
elle sera passée, il n’y aura plus rien.

Rien que moi.

J’appelle mes followers Twitter à l’aide. Ils me remontent le moral.

Les minutes passent.

Je ne sais pas si mon affaire passe en premier (il y a plusieurs affaires convoquées à la même heure).

Les minutes semblent être des heures.

Des personnes entrent dans la salle d’audience: des personnes en robes noires, des personnes à l’air sombre, des personnes angoissées, des personnes avec des blocs notes, des avocats rigolards, un policier…

Les minutes deviennent une heure.

Je sursaute à chaque sortie d’une personne dont je suis persuadé qu’elle vient me chercher. Je n’ai pas hâte d’entrer dans l’arène, j’ai envie qu’on m’oublie, je suis pressé d’en finir, j’ai hâte d’entrer dans l’arène.

Les minutes deviennent deux heures.

J’entends quelques bribes de mots en provenance de la salle, je reconnais la voix de stentor de Maître Spock. Je sens que je vais bientôt être appelé.

Je regarde sur internet l’origine du mot “stentor” [minute culturelle: dans la mythologie grecque, Stentor (en grec ancien Στέντωρ / Sténtôr) est le crieur de l’armée des Grecs lors de la guerre de Troie. Son nom vient du verbe στένειν / sténein qui signifie « gémir profondément et bruyamment, mugir ». Il reste dans l’expression populaire « avoir une voix de Stentor » qui, dès l’Antiquité, signifie avoir une voix très puissante, retentissante et parfaitement audible. Les scholiastes d’Homère précisent que Stentor est d’origine thrace, qu’il est le premier à se servir d’une conque comme trompette de guerre et qu’il est mis à mort après avoir été vaincu par le dieu Hermès dans une joute vocale. Source Wikipédia]

J’en profite également pour relire le serment des témoins: “Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité.” (source Wikipédia: liste des serments).

Je relis la litanie contre la peur.

(normalement, si j’ai réussi mon exercice d’écriture de billet, vous êtes là maintenant chaud bouillant comme je pouvais l’être).

Quand, soudain, l’huissier audiencier sort de la salle et

(roulement de tambours)

(sonneries de trompettes)

(mon cœur s’arrête)

(je me lève, au ralenti, style “Matrix”)

(ça fait mal au doigt, hein)

Ah, tiens, non, ce n’est pas l’huissier audiencier, c’est Maître Spock.

Maître Spock:

“Bonjour Monsieur l’expert, je suis désolé, mais l’affaire est reportée”.

Ah, ok.

“Mais elle est reportée à une date ultérieure que je vous communiquerai dès que j’en aurai connaissance”.

Oui. Bien sur.

“Je suis désolé”

Oui, moi aussi.

Nous sommes sortis du tribunal pour aller prendre un verre avec la presse judiciaire. Après quelques bières, mon sang contenait à nouveau quelques globules rouges. Les discussions portaient sur le futur nouveau gouvernement. Fidèle à ma longue habitude des réunions publiques (c’est-à-dire lorsque je participe à un groupe de plus de deux personnes), je suis resté dans un coin à écouter et à boire les paroles des célébrités présentes.

Bilan:

Points négatifs:

– un procès auquel je ne pouvais pas assister (puisque cité comme témoin)

– 8h de transport (TGV, métro, RER)

– 2h d’attente car arrivé en avance

– 2h d’attente en salle des pas perdus faisant office de salle des témoins

– une journée de congés perdue

– je ne sais pas si je serai remboursé (car je n’ai pas été appelé à la barre)

– ce billet de blog qui est frustrant pour tout le monde

Points positifs:

– j’ai servi la justice et tenté de participer à la défense d’un innocent

– j’ai révisé la litanie contre la peur

– j’ai serré la main (deux fois) de Pascale Robert Diard et pris un verre avec elle.

That just made my day.

L’informatique et les divorces difficiles

Je suis souvent contacté, en tant que blogueur – expert judiciaire, par des internautes qui me demandent ce qu’ils doivent faire pour prouver telle ou telle malversation de leur futur ex-conjoint sur leur matériel informatique…

La situation est en général la suivante : un couple est en procédure de divorce, le climat est très conflictuel, et au milieu trône… un ordinateur. Non que le couple se dispute la garde de la machine (encore que certains courriels que j’ai reçus montre un certain attachement parfois et en général à du matériel “Pomme”), mais plutôt que l’un accuse l’autre d’avoir piégé l’ordinateur et de collecter illégalement un certain nombre de données.

Comment constituer un dossier de preuves permettant d’accabler l’adversaire afin de lui faire rendre gorge et de le mettre minable plus bas que terre ?

Tel est en substance la question qui m’est posée à travers ce blog. Et comme j’accepte volontiers les consultations gratuites, mais que je souhaite optimiser mes réponses sur ce thème, j’en profite pour écrire mes quelques conseils sous la forme d’un billet, ce qui me permettra d’adresser à mes interlocuteurs un simple lien plutôt qu’un copié/collé…

Exemple: Daenerys et Cersei, qui vivaient ensemble avant de gagner récemment le droit de divorcer, se livrent toutes les deux une bataille terrible, avec coup bas, dénigrements et stratégies de haine meurtrière. Daenerys accuse Cersei d’avoir installé sur son ordinateur personnel un keylogger lui permettant d’avoir eu accès à tous ces mots de passe, et de surveiller à distance toute sa correspondance. Il faut dire que Cersei est plutôt calée en informatique, la preuve, c’est elle qui a configuré le Facebook de Daenerys.

La guerre fait rage.

Heureusement, être blogueur a ses petits avantages : je suis contacté par Daenerys qui me confond avec Drogo demande de l’aide… Elle se retrouve sans le sou, nomade errant d’un appartement à un autre, avec pour seules richesses des oeufs pas frais un ordinateur MacBook Pro 15″ sous les pixels la puissance©, un iPad Air qui peut le plus pèse le moins© et un iPhone 5s 64Go toujours plus loin©. Et une seule idée: comment faire payer le plus possible Cersei pour cette infamie, elle va morfler cette salope© !

Savez vous quelles sont les professions qui voient les gens toujours sous leur plus mauvais côté ? Les proctologues et les avocats spécialisés dans les divorces… Et les avocats qui me lisent savent que la colère d’un conjoint cela peut prendre des proportions extrêmes…

Oui, mais comment faire mordre la poussière à son adversaire ?

Comment prouver sa faute ?

Comment expliquer au juge que l’autre c’est le mal et que la surveillance de ma vie privée ne relève pas ici des prérogatives de la NSA ?

Comment démonter le disque dur pour l’analyser sans risque ?

Comment le copier sans compromettre les preuves ?

Comment établir les preuves de manière irréfutables ?

De même qu’un bon avocat sait calmer la colère de son client et essaye toujours de le guider vers la procédure de divorce la moins conflictuelle possible, dans l’intérêt de tous, un bon expert saura guider son client vers le meilleur conseil technique, dans l’intérêt de tous.

Première chose à faire : éteindre son ordinateur et le ranger proprement à l’abri de l’humidité et des chocs. Le plus tôt sera le mieux. Oui, je sais, c’est un cadeau de votre amant auquel vous tenez beaucoup. Oui, c’est une machine hors de prix à laquelle vous attachez beaucoup d’importance.

Mais n’y touchez plus ! Investissez dans un nouvel ordinateur, ce ne sera que le début d’une longue série de dépenses.

Ensuite, réinitialisez tous vos mots de passe (de toutes manières, vous n’en avez qu’un ou deux, pas vrai ?). Faites le pour tous vos comptes.

Et réinitialisez vos téléphones (tant pis pour vos contacts, de toutes manières, avec le divorce, beaucoup de contacts vont disparaître…) et réinitialisez vos tablettes à leurs configurations d’origine. Recréez des comptes emails, recréez des comptes iTunes, recréez des comptes Ubuntu… Bref, recommencez une nouvelle vie numérique.

Puis contactez votre avocat, Maître Tyrion, pour lui demander conseil sur les suites à donner au piratage de votre ordinateur. Si vous êtes sur que celui-ci a été perverti par votre maintenant-ennemi-juré.

Et parmi les moyens de constitution de preuve, il y aura l’analyse réalisée par un expert judiciaire en informatique.

Je précise ici : PAS l’analyse faite par un ami qui s’y connaît, la preuve, il travaille comme informaticien dans une grosse boîte. Non : une analyse de ce type doit être faite par une personne assermentée et habituée à procéder à une analyse inforensique de matériel informatique confié par la justice. Vous ne demanderiez pas à un ami de faire un constat d’huissier, non ?

L’expert judiciaire n’est pas nécessairement le meilleur technicien du monde, ou le plus grand spécialiste en sécurité informatique, mais c’est une personne expérimentée et habilité par la justice à intervenir pour établir un rapport sur les faits et rassembler de manière scientifique les preuves avérées qu’il aura constatées.

J’oubliais : cette analyse aura un coût. Mais Daenerys est prête à tout pour se venger, non ?

La justice française ayant l’un des budgets honteusement les plus faibles d’Europe, il faudra probablement quelques années mois avant qu’un expert ne soit désigné pour procéder à l’analyse de l’ordinateur incriminé. L’expert judiciaire analysera ensuite les centaines de gigabits du disque dur. Si vous êtes sous Windows, ce sera simple mais long. Si vous êtes sous GNU/Linux ou MacOS, ce sera plus compliqué car mieux protégé. N’oubliez pas de lui fournir les différents mots de passe utilisés à l’époque.

Puis viendra la contre expertise, le procès, l’appel du procès, la cassation.

Donc, si vous êtes sûr que votre ex-conjoint a piégé votre ordinateur et que vous en avez subi un préjudice terrible, oui, cela en vaut la peine. Mais n’oubliez pas qu’un grand avocat a dit récemment: “La justice, c’est une administration à laquelle on a donné le nom d’une vertu. Ça n’est rien d’autre que cela. Elle a les qualités et les défauts d’une administration. Moi, je ne voudrais pas avoir à faire à la justice.” (source)

Une autre manière de faire consiste à se poser et à réfléchir. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Mon conjoint m’a certes joué un mauvais tour en espionnant toutes mes correspondances, mais n’est-il pas plus simple de tourner la page ? Cela mérite-t-il que j’y consacre toute cette énergie et tout cet argent ?

L’expertise judiciaire informatique peut être la bombe atomique de votre divorce. Mais un simple reset est parfois la meilleure solution – et le meilleur conseil d’ami.

Le petit garçon qui est en moi

En lisant ce billet de l’astronaute Alexander Gerst
sur le blog d’Anne @Cpamoa, je me suis posé la question “quelle part y
a-t-il encore en moi des rêves du petit garçon que j’ai été”…

Enfant, je me nourrissais des exploits des astronautes américains. La conquête de l’espace ouvrait des horizons infinis. J’étais persuadé aller dans l’espace avant la fin du (20e) siècle. Je rêvais d’impesanteur et de chute libre dans un ascenseur. Je rêvais de marcher sur Mars.

L’astrophysique regorgeait de mystères qui me fascinaient. Je regardais plein d’espoir des formules incompréhensibles dans l’encyclopédie Universalis de mes parents. Je rêvais de courbure d’espace et d’écoulement du temps.

Je dévorais tous les articles scientifiques des revus dont j’attendais l’arrivée dans la boite aux lettres avec impatience. Les Tokamaks n’avaient pas de secret pour moi. J’en avais même fait le sujet d’un exposé devant ma classe de seconde qui me laisse le souvenir d’un silence gêné et d’un professeur prompt à passer à l’exposé suivant… Je rêvais des bienfaits d’une énergie abondante et non polluante.

J’étais fasciné par la programmation des petits calculateurs qui
apparaissaient ça et là. Les progrès rapides de la puissance de calcul
et des capacités de stockage me laissaient entrevoir l’arrivée proche
d’une intelligence artificielle dont j’essayais d’imaginer les
conséquences sur la vie de tous les jours. Je connaissais tout sur la
programmation de ma petite calculette, et mes idoles s’appelaient SHRDLU et Lisp. Je rêvais d’interroger un Multivac ou un HAL 9000. Mes héros sont alors Ada Lovelace et Alan Turing.

Je passais mon temps à construire des automates cellulaires

Je construisais des vaisseaux spatiaux avec mes pièces de Meccano.

La science était ma religion, le progrès scientifique ne s’arrêterait jamais et améliorerait le monde.

Aucun de ces rêves d’enfant ne sont devenus réalité.

Il ne reste en moi que l’amertume de leur disparition.

On ne devrait jamais grandir.

Le pédophile

J’aime bien télécharger des films de toutes sortes sur internet. Des films piratés pour la plupart, et beaucoup de films pornos. A force d’essais et d’erreurs, j’ai appris pas mal de trucs pour trouver les films qui m’intéressent. Sur les forums, les gens discutent des différents outils qui leur permettent d’échanger des programmes gratuits, des œuvres du domaine public, des photos qu’ils ont prises pendant leurs vacances. J’aime bien Shareaza que j’utilise depuis longtemps. C’est un logiciel P2P qui permet de partager tout et n’importe quoi, et surtout de trouver ce que l’on recherche.

Moi, ce que j’aime, c’est télécharger tous les morceaux de musique à la mode, enfin à la mode de ma jeunesse, c’est-à-dire la Vraie Musique. J’ai tous les tubes des chanteurs que j’aime, mais dont les DVD sont trop chers pour moi. C’est pareil pour tous les films de cinéma que je n’irai pas voir en salle parce que c’est trop cher. Enfin, c’est cher mais aussi c’est un peu la honte d’aller voir un film porno ou de le louer… Alors je télécharge en masse, tous les films pornos que je trouve avec Shareaza.

Quand j’y repense, je me rends compte que mes goûts ont évolué. Avant, j’allais sur YouPorn, avec son rangement bien pratique en catégories. J’ai testé un peu tous les genres: amateur, couples, hairy, mature, voyeur, 3D, etc. Mais très vite, ma catégorie préférée a été “teen”. Toutes ces actrices en tenue d’écolière, ou avec des couettes… j’ai trouvé ça très “stimulant”. Alors, avec mon programme Shareaza, j’ai recherché parmi tous les films pornos que je pouvais télécharger, ceux plus orientés sur les jeunes filles.

Puis de “teens”, je suis passé à “preteens”.

Puis de “preteens”, je suis passé à “pre teen hard core”, les fameuses “pthc”. Les noms des fichiers vidéos sont évocateurs: “Allan -4yo pthc pedo”, “David & Helen -10yo”… Je ne parle pas anglais, mais j’ai très vite trouvé les bons mots clefs pour télécharger les films qui m’intéressent. Mon ordinateur est allumé 24h/24 et je télécharge en permanence. J’ai plus de 10 000 films maintenant.

J’ai été surpris quand la police est venue m’interroger. Je croyais que les réseaux P2P étaient protégés et qu’on ne pouvait pas savoir qui téléchargeait… Et puis dans la masse des gens qui téléchargent, je pensais passer inaperçu. Il paraît que mon adresse IP a été “flashée” en Russie lors du téléchargement d’un fichier surveillé. Le signalement à Interpol a amené la police jusqu’à chez moi et mon matériel a été saisi. Interpol, sans blague !

Lors du procès, j’ai pu lire le rapport de l’expert judiciaire qui a analysé le contenu de mon disque dur. J’ai pu voir le regard crispé des greffiers et magistrats du tribunal quand ils ont regardé quelques unes des copies d’écran, et la liste des noms de fichiers. Mon avocat a tout fait pour éviter qu’on projette des extraits de films pendant l’audience. J’ai pu constater le dégoût dans les yeux de mes proches. Il paraît que je suis un pédophile, moi qui n’ai jamais touché un enfant.

Je suis en prison maintenant, mais je lis dans le journal que je ne suis pas le seul à faire la même chose.

C’est si facile. A portée de quelques clics.

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Mes lecteurs habituels le savent bien, je romance mes histoires pour ne pas divulguer d’informations sur les dossiers sur lesquels j’interviens, avec l’autorisation de la compagnie d’expert judiciaire de la cour d’appel à laquelle j’appartiens (relire les billets de l’affaire Zythom, en particulier celui sur la décision de la compagnie). Ce billet est donc une “romance”.

Souvent, j’écris mes textes à la première personne, parce que c’est mon blog. Ici, je voulais surprendre quelques lecteurs en écrivant le billet du point de vue du pédophile. Je me demande combien se sont fait prendre, et à partir de quelle phrase ils ont compris. Les auteurs débutants se posent toujours de drôles de questions…

J’ai écrit ce texte en réaction à tout ceux qui me disent qu’ils surfent depuis longtemps sur internet et qu’ils n’ont jamais rencontré de contenus pédopornographiques, que les médias en font trop, que la police devrait faire autre chose que de traquer les internautes, que le gouvernement utilise ce faux prétexte pour censurer la liberté d’échanger des contenus numériques… S’il est évident que des forces financières sont à la manœuvre pour éviter le naufrage de leur modèle économique, il n’est pas possible de nier que nos autoroutes de l’information ne transportent pas que des marchandises légales. S’il y a beaucoup à dire sur tous ces sujets (ce qui n’est pas l’objet de ce billet), je suis personnellement confronté aux images et films échangées par les pédophiles. J’en souffre, mais je continue, parce que je suis fier d’être un petit maillon de la chaîne des gens qui luttent contre ces pratiques.

On ne peut pas nier leurs existences.

Je souffre autant de plonger dans la pédopornographie, que d’entendre dire par les uns qu’elle n’existe pas ou peu, et par les autres qu’elle justifie l’ajout de nouvelles lois avec le prétexte de “civiliser” internet.

Les pédophiles existent.

Internet facilite leurs échanges.

Les lois actuelles suffisent amplement.

Il faut simplement donner les moyens à la justice.

AMHA.

Création d’entreprise

En 2010, je réfléchissais au développement d’une activité de conseils, pour finalement faire le saut en 2013 avec la création de ma petite entreprise.

Un vieux rêve d’étudiant… Concrètement, c’est un peu plus compliqué.

1) Le choix de la structure.

En bon ingénieur de base, j’ai une idée un peu déformée de ce qu’est réellement une entreprise, même si j’y travaille. Disons que “de mon temps”, ce concept n’était pas enseigné sur les bancs, ni du lycée, ni des classes prépas, ni des écoles d’ingénieurs, ni des laboratoires de recherche…

Je me suis donc retourné vers mon épouse, et je lui ai posé LA question: “mais finalement, c’est quoi une entreprise ?”… Après quelques aspirines et questions plus ou moins saugrenues, j’ai fini par comprendre que si je voulais vendre mes services, il fallait que je crée la structure juridique appropriée, avec toutes les déclarations qui vont avec.

Comme je suis tout seul, que je propose une activité de service aux avocats, la structure qui nous a semblé la plus adapté est celle de l’auto-entrepreneur. C’est d’ailleurs celle que je conseille aux experts judiciaires qui viennent de prêter serment. C’est aussi très simple du point de vue formalités: il suffit d’aller sur le site lautoentrepreneur.fr et de suivre le mode d’emploi (avec un dictionnaire).

J’ai un avantage sur le commun des mortels: mon épouse a tout fait pour moi!

J’essaye de retenir les rôles des différents organismes: unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, impôts, organismes collecteurs de taxes, assurances, retraites… Mais rien n’y fait, je suis étrangement hermétiques à cet univers. C’est l’intérêt d’être deux !

2) L’offre de base.

Comme je l’expliquais dans mon billet de 2013, je propose mes services aux avocats selon trois axes:

– assistance technique pendant les réunions d’expertise judiciaire;

– assistance dans la rédaction des dires;

– analyse critique d’un rapport d’expertise judiciaire.

Si le premier axe est assez classique, les deux autres sont basés sur un travail à distance permettant de faire baisser les coûts d’une expertise privée. Surtout que je pratique des tarifs “de lancement d’activité”: je reçois les documents de manière sécurisée, j’en fais l’analyse préalable, j’établis un devis précis, et s’il est accepté, je démarre mon travail aussitôt. Je peux être très réactif, ce qui est apprécié par les avocats qui courent souvent contre la montre.

3) La publicité.

Comment faire connaître mes propositions de service à l’ensemble des avocats de France ?

Tout d’abord, j’ai choisi d’en parler sur ce blog, ce qui m’a paru assez naturel. C’est un blog personnel, que je tiens depuis 2006, et sur lequel je parle de tous les sujets qui me tiennent à cœur. Et celui-ci en est un. Je n’ai pas à me justifier sur mes choix éditorialistes, surtout qu’un seul clic suffit pour qu’un lecteur quitte un billet vers des cieux qu’il juge plus intéressant. Ce blog n’est plus un blog de moine comme en 2007.

J’accepte donc des missions par l’intermédiaire de ma page contact, dès lors qu’elles sont proposées par un avocat.

Mais ce n’est pas suffisant, et pas assez professionnel.

Très vite, il m’a fallu créer un site internet dédié à mon activité d’autoentrepreneur. Seulement voilà, développeur web, c’est un métier. Autant j’ai su trouver un nom à mon entreprise (qui soit parlant, joli, qui sonne bien, facile à retenir, et non utilisé…) et acheter le nom de domaine, autant je galère à fabriquer LE site qui me satisfait.

Pour l’instant, j’ai un site de base chez Gandi, inclus dans l’achat du nom de domaine, mais limité en nombre de pages, et surtout ne permettant pas l’utilisation des outils statistiques de Google (il faut passer à l’offre payante). J’ai donc décidé de développer un autre site sur une plate-forme gratuite que je connais bien: Blogger. J’entends déjà rire les développeurs professionnels… mais pour l’instant, je ne m’en sors pas trop mal, même si le résultat n’est pas encore à la hauteur de mes espérances.

Le moment le plus WTF a été quand il a fallu faire une séance photos pour illustrer le site. Me voici donc habillé en costume d’expertise, poudré pour ne pas luire comme un ostensoir (© Charles Beaudelaire), et souriant maladroitement devant l’objectif amateur de mon épouse amatrice… Sur les 30 photos, seules deux ont survécu au choix impitoyable de mon fan club familial pour se retrouver sur le site. Je me demande quand même s’il ne va pas falloir passer par une agence de professionnels. On verra quand le chiffre d’affaire aura décollé.

Un point intéressant est ma découverte de l’univers des Google Adwords, avec toutes les techniques marketings associées: campagnes de publicité, ciblage, emplacement, conversion, analyses de performances, listes de mots clés, réseau de contenu, remarketing… Autant de concepts qui me sont encore étrangers et qu’il va me falloir maîtriser. Je pense que je ferai un billet dédié à ce vaste sujet, ou du moins à la découverte que j’en ferai.

Je vais également contacter mon réseau de connaissances et d’amis. Comme je n’ai pas
la fibre commerciale, je pense privilégier le contact épistolaire individuel.
Je présenterai mon projet de services et ma demande d’aide promotionnelle (du type: “parlez en autour de vous”). Il me faut faire un beau papier à entête et me réentrainer à tenir une plume…

4) Le développement.

Je n’en suis pas là. Je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à cette activité parallèle à mon vrai métier qui me passionne aussi. Il y a aussi la vie de la commune avec les élections qui approchent, les expertises judiciaires demandées par les magistrats qui sont prioritaires, et la vie de famille avec des enfants qui grandissent trop vite !

Mais si j’ai créé cette structure, c’est pour la développer. J’ai un âge où plus personne ne viendra me chercher pour me débaucher, et où mes compétences techniques vont probablement stagner. Il faut maintenant que je vende mon expérience à ceux qui sauront le mieux en profiter.

Difficile défi, surtout pour un mauvais vendeur !

Source image: huffingtonpost.fr

Porte à porte

Depuis six ans, je suis conseiller municipal dans ma commune. J’ai déjà raconté sur ce blog comment j’en suis arrivé à siéger au conseil municipal. Je vais résumer en quelques phrases.

Je me suis toujours intéressé aux projets de ma commune. C’est une petite ville tranquille de 5500 habitants. Aussi, quand mon nouveau voisin m’a indiqué travailler pour la commune et qu’il m’a indiqué que le conseil municipal avait lieu le lendemain soir (de notre conversation), et qu’il était public, j’ai dit pourquoi pas. Ensuite, une fois par mois, j’ai assisté à chaque conseil municipal dans le nombreux public de trois personnes.

Quand le nombre de bureaux de vote de la commune a augmenté, du fait de l’augmentation de la population, une des adjointes est venu me voir, aussitôt le conseil municipal terminé, pour me demander si j’acceptais de l’aider à tenir un des nouveaux bureaux de vote. J’ai dit pourquoi pas. Ensuite, à chaque élection, j’ai participé à la tenue du bureau et au dépouillement.

Quand le maire a constitué sa liste, il y a six ans, il m’a contacté pour savoir si j’acceptais d’y apparaître, en antépénultième position. J’ai précisé que je n’étais adhérent à aucun parti, il m’a dit que cela ne posait aucun problème. J’ai dit pourquoi pas. Comme notre liste était la seule à se présenter, j’ai été élu avec tous les autres membres de la liste.

Depuis, je participe à la vie de la commune en prenant part aux décisions du conseil municipal (une fois par mois) et en travaillant au sein de plusieurs commissions (communication-culture, voirie-espaces verts, impôts).

Et six années ont passé. Nous voilà en train de mener campagne pour notre ré-élection. C’est ma première participation à une campagne électorale complète. Nous nous sommes réunis plusieurs fois pour échanger et préparer notre programme. Il a fallu trouver un slogan, préparer les affiches et tracts, créer le site web, le compte Twitter, la page Facebook, planifier des réunions publiques…

Puis est venu le temps du porte à porte.

C’est une vraie découverte pour moi.

Et une difficulté…

Je suis quelqu’un d’un peu renfermé. Je ne m’approche pas facilement des gens, j’ai toujours l’impression de déranger. J’étais un très mauvais dragueur, car j’avais toujours l’impression que la fille avec qui j’essayais de démarrer une conversation voyait écrit en gros sur mon front mes véritables intentions (SEXE en lettres clignotantes)… Donc, quand je m’approche de quelqu’un avec mon tract pour essayer d’engager la conversation, je sens sur mon front clignoter le message “VOTEZ POUR NOUS”, et ça me met mal à l’aise.

Heureusement, nous avons fait du porte à porte à plusieurs. L’idée était qu’un “ancien” soit accompagné par un “nouveau”, c’est-à-dire qu’un membre de l’actuel conseil municipal soit accompagné d’une personne non encore élue (tous les membres actuels du conseil municipal ne se représentent pas, ce qui fait que notre liste compte des “nouveaux”). Je suis donc considéré comme “anciens” et j’étais accompagné d’un nouveau, qui se trouve être un commercial de profession. Autant vous dire que c’est lui qui m’a appris à faire du porte à porte…

Tout d’abord, ne pas faire du porte à porte trop tôt le matin (8h le dimanche matin me semble une grosse erreur). Nous avons plutôt choisi de frapper aux portes l’après-midi, samedi et dimanche.

Ne pas se tenir trop près de la porte, pour ne pas indisposer les personnes.

Se présenter, sourire, expliquer la démarche, donner les éléments clefs du message et les dates de réunion.

Ne pas insister.

Durant deux week-ends, j’ai donc écumé mon quartier avec mes collègues-assistants-mais-en-fait-c’était-moi-leur-assistant. J’ai été surpris du bon accueil général que les gens nous ont fait. Plusieurs nous ont même invité à entrer pour nous réchauffer, ou nous mettre à l’abri de la pluie. Sur 200 personnes rencontrées, une seule a été agressive en dénigrant l’action de la municipalité et des politiques en général. Toutes les autres ont été bienveillantes et (relativement) à l’écoute.

A chacun nous demandions s’il avait une remarque à nous faire, un ou plusieurs problèmes à remonter. Nous avons pris des notes de chaque point indiqué. La plupart du temps, il s’agit d’un problème de voirie ou de stationnement. Souvent les gens ne comprennent pas que la place de parking publique située devant chez eux ne leur est pas réservée. La plupart des points sont des problèmes de voisinage. Il faut expliquer que la commune ne peut pas tout, et qu’il faut se parler entre voisins. Il faut surtout écouter les gens exposer leurs problèmes. Certains sont bénins, d’autres sont terribles. Tous sont importants.

“Les poubelles sont sorties trop tôt par mes voisins. Du coup, les chiens viennent fouiller dedans, les renversent et ça met des cochonneries partout !”. Nous prenons note, rappelons qu’il faut en parler avec les voisins. Il nous faudra aussi rappeler à tout le monde les horaires de passage du ramassage des ordures, prévoir des emplacements adaptés là où les poubelles sont renversées, discuter avec leurs propriétaires…

Une femme âgée élevant seule son enfant aveugle et handicapé moteur nous a fait part de son inquiétude sur ce qui va se passer après sa disparition. Comme elle vient de s’installer sur la commune, personne n’était au courant de sa situation, situation qu’elle gère parfaitement d’ailleurs, seule depuis 40 ans… Nous sommes restés avec elle une demi-heure à l’écouter raconter son histoire, tranche de vie extraordinaire.

Un homme s’inquiète de la construction imminente d’un lotissement. Il ne pourra plus profiter du lever de soleil sur le champ en face de chez lui. Son impasse va devenir une rue. Sa vie va changer. Il faut écouter à défaut de pouvoir convaincre.

Une dame nous parle des mauvaises herbes qui poussent dans la rue. “Avant, la commune était plus propre”. Nous lui expliquons que les jardiniers communaux passent plus souvent, mais avec un produit moins toxique, et moins efficace. La protection des nappes phréatiques commence par des changements d’habitude, et la commune doit montrer l’exemple. Pas facile de convaincre.

La Poste du centre ville a été fermée,
sous prétexte qu’il y a déjà un bureau de poste dans la zone
commerciale. Vu de Paris, deux Postes dans la même commune, ça faisait
vraiment trop riche. Les personnes âgées nous font sentir qu’elles aimaient bien aller à la Poste à pied…

“Les gens roulent trop vite, mettez (ma) rue en sens unique, ce sera moins dangereux.” Nous expliquons qu’une rue en sens unique incite les gens à rouler encore plus vite. Incrédulité…

Je constate un vrai problème de communication entre la commune et ses administrés. Beaucoup de gens ne se déplacent plus maintenant à la mairie. Les habitudes ont changé. Quasiment aucun des affichages légaux (en mairie) ne sont lus. Il faut amener l’information aux administrés, et le bulletin mensuel que nous éditons ne suffit plus. Il faudra améliorer cela.

Le porte à porte, une expérience de vie.

Surtout pour un informaticien un peu ours.

On verra si nous sommes réélus…

En tout cas, on ne manquera pas de travail !