Le bureau de vote

Dans ce billet, j’annonçais fièrement ma participation à la tenue d’un bureau de vote. Après quatre dimanches électoraux, voici un petit bilan:

Tout d’abord, le lieu de vote impressionne les électeurs. Non pas par son décor: il s’agit de la cantine de l’école maternelle! Non, mais toutes les personnes entrent en silence, avec une petite gène, ne sachant pas s’il faut venir d’abord au bureau de vote présenter sa carte d’électeur, ou prendre les bulletins (combien? Ah oui, ne pas oublier l’enveloppe, quel isoloir prendre? Que faire des bulletins non utilisés). N’oublions pas que nous sommes au moins trois assis derrière l’urne à observer la personne qui entre.

Ensuite, il y a les petites erreurs: untel entre d’un pas décidé, prend un unique bulletin (sans enveloppe) et vient directement à l’urne. Il faut expliquer avec tact qu’il lui faut retourner prendre une enveloppe, passer par l’isoloir, plier le bulletin et le mettre dans l’enveloppe, puis venir à la table de vote présenter sa carte d’électeur. “C’EST BEN COMPLIQUE”…

Un autre vous tend son enveloppe de vote et cherche à faire entrer sa carte d’électeur dans l’urne.

Puis, il y a le dépouillement. Cela a été une très grande surprise pour moi: quelle transparence, quelle minutie, quelle précision… Un ballet où chacun prend et tiens sa place consciencieusement avec solennité.

C’est un peu compliqué, parfois un peu surprenant, mais on sent que chaque action a sa raison d’être:

– ouverture de l’urne par deux personnes avec deux clefs (comme un lancement de missile nucléaire) en présence des citoyens présents (une quinzaine à chaque fois);

– tout le monde se regroupe autour de la table et fait des petits tas de 25 bulletins;

– les petits tas sont comptés, le nombre de bulletins est vérifié avec le nombre de signatures du cahier d’émargement (et le compteur de l’urne, mais celui-ci ne donne qu’une information approximative car il ne fonctionne pas toujours correctement);

– les tas sont ensuite placés par quatre (100 bulletins) dans des grandes enveloppes qui sont scellés (avant dépouillement!) et signées par trois personnes;

– immédiatement après, une première grande enveloppe est descellée et son contenu est étalé sur la table;

– deux personnes ouvrent les enveloppes de vote, en extrait les bulletins, et les passent à la personne désignée par le président pour lire le nom inscrit sur chaque bulletin, puis le bulletin est transmis à une personne qui classe les bulletins par candidat;

– pour chaque nom prononcé, deux autres personnes inscrivent un bâton sur leur feuille de résultats en prononçant à voix haute le chiffre des unités du nombre de votes pour le candidat concerné. S’ils énoncent le même chiffre (entre zéro et neuf), ils sont en phase. Sinon, l’un d’entre eux a commis une erreur;

– si problème il y a, tout le monde s’arrête et dans le pire des cas, nous recommençons à zéro la centaine de bulletins présents sur la table (ce n’est jamais arrivé).

En pratique, c’est simple car il y a toujours des personnes qui connaissent bien la procédure et des nouveaux (comme moi) pour les apprendre.

Tout le monde surveille tout le monde, aucune fraude n’est possible, sauf à ce que tous les participants soient d’accord. Et comme le dépouillement est public, tous les candidats peuvent envoyer une personne surveiller.

Il faut 3/4 d’heure pour dépouiller environ 500 bulletins.

Tout est transparent, techniquement simple et vérifiable par un bac-8.

Ce qui ne sera pas le cas avec un ordinateur de vote.

4 réflexions sur « Le bureau de vote »

  1. J’ai assisté et participé dans mon bureau au dépouillement. Globalement, la procédure suivie est identique, hormis certaines différences.

    1/ On commence par récapituler les émargements (signatures faites après chaque vote par l’électeur dans une case à son nom). Pour chaque page, on note le nombre de signatures, et on fait le total. On arrive ainsi à un premier nombre de votant.
    2/ Ouverture de l’urne (par 2 clefs, l’une détenue par le président du bureau, l’autre par un assesseur tiré au sort). Deux personnes font des tas de 10 enveloppes, deux autres les recomptent. Arrivé à 100, on les glisse dans une grande enveloppe (dite de centaine car elle contient 100 enveloppes). A noter que pour la dernière enveloppe, on note le nombre d’enveloppes. Tout ceci permet de confirmer le nombre d’émargements.
    3/ Dépouillement proprement dit. Une personne sort le bulletin, le passe à une deuxième qui le lit à voix haute et les deux derniers scrutateurs consignent scrupuleusement le vote sur des feuilles séparées. A chaque fois qu’une grande case est remplie, les scrutateurs annoncent 20 (ou 40 ou 60) histoire de vérifier leur synchronisation. Le président, un assesseur et le public surveillent les opérations et donnent les rectifications nécessaires.
    4/ A chaque fin de dépouillement de centaine, on note sur le tableau noir les voix obtenues.
    5/ A la fin du dépouillement général, on récapitule le nombre de voix obtenues par chaque candidat, le nombre de nuls et le nombre total d’enveloppes.

    Si tout concorde, les membres du bureau signent (le procès-verbal, les feuilles de dépouillements, etc), on se dit à la prochaine pour ceux qui rentrent, et pour les autrs on va à la mairie manger un morceau au buffet organisé.

    Cette expérience de scrutateur m’a beaucoup impressionné. Le travail est rigoureux, dans une ambiance presque religieuse, voire mystique (tout en étant décontractée et sypathique entre les différentes phases). Tout le monde a conscience de participer à quelque chose qui les dépassent, l’expression du peuple souverain. Cela m’a donné envie de devenir assesseur l’année prochaine.

    Avec les ordinateurs de vote, c’est beaucoup moins passionnant. On regarde un ticket s’imprimer et c’est tout. Pas de comptage et recomptage dans tout les sens, pas de contrôle multiple des assesseurs, du président, des représentants des candidats et enfin des citoyens. Pas de signatures à apposer en de multiples endroits, preuve que l’on certifie ce que l’on signe. Beaucoup moins de charme et d’importance.

  2. merci mille fois pour votre témoignage. Il donne confiance et envie de participer au dépouillement.

    moi aussi (non plus), les ordinateurs de vote ne m’inspirent pas confiance.

  3. Tu as de la chance d’être dans un bureau de vote où le dépouillement se fait dans les règles 🙂

    Mon premier dépouillement en tant que scrutateur s’est fait dans une petite commune (8000 habitants) où le dépouillement se fait dans les règles. C’était très fiable et surtout parfaitement vérifiable par tous.

    Je croyais que cela se passait aussi bien partout. Mais dans la ville où je suis actuellement (400.000 habitants), cela ne se passe pas comme ça. On prend un paquet de 100, tout le monde sort les bulletins, on fait des tas par candidats, et une fois que tous les bulletins sont sortis de leurs enveloppes, on compte les tas et on marque le résultat de la centaine sur le tableau. On n’utilise donc pas les feuilles de pointement. Une fois que toutes les centaines sont faites (et donc que le résultat définitif est connu), on prend les feuilles de pointement et on marque plein de barres d’un coup. Ca c’était pour les 2 tours des présidentielles.

    Si toutes les personnes sont de bonne foi, le résultat peut être fiable, mais difficilement vérifiable par les délégués ou les observateurs.

    Ensuite, pour les législatives, les délégués (quels que soient le parti) ont insisté pour que cela se fasse dans les règles. Nous étions 5 délégués dans le bureau de vote où j’étais (UMP, PS, UDF, Verts, PC)! Pour la première fois dans cette ville, tous les bureaux de vote ont utilisé les feuilles de pointement au fur et à mesure du dépouillement. Même si on s’est approché des bonnes pratiques, ce n’était pas parfait. J’ai l’impression que les présidents de bureaux de vote vivaient les feuilles de pointement comme une contrainte leur faisant perdre du temps. Ils continuaient à compter les paquets de bulletins, et n’utilisaient donc pas les feuilles de pointement comme outil de contrôle. Ils ne changeaient pas de couleur ou de marque à chaque centaine, et ils ne disaient pas le chiffre des unités à haute voix pour se synchroniser, ce qui rend les feuilles de pointement difficilement utilisable comme outil de contrôle.

    De manière générale, le principe du contrôle par des personnes extérieures au bureau (public et délégués) n’est pas jugé important. Pour cette raison, j’ai bien peur que si la ville passait au vote électronique, pas grand monde s’y opposerait.

  4. J’y ai participe aussi lors du premier tour des presidentielles, ville de 25000 habitants, tout s’est passe dans les regles.

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