J’ai déjà raconté ici quelques anecdotes sur Casablanca (Maroc) où notre école se porte très bien avec un accueil chaleureux et un projet innovant:
– Casablanca Maroc;
– Installation d’un système informatique (1) et (2);
– Mission à la Maison Blanche et
– Voyage à la Maison Blanche.
Mais nous continuons à nous développer à travers le monde et à créer des filiales dans différents pays.
Ce qui n’est pas sans poser parfois quelques problèmes de logistiques. Et le logisticien de l’entreprise, maintenant, c’est moi!
Lorsque l’on gère correctement et avec soins ses équipements, ceux-ci peuvent durer des années. Nous avons donc dans l’école des oscilloscopes, des multimètres, des ampèremètres, des voltmètres, des wattmètres, des trucmètres qui ont traversés les siècles, qui sont toujours fidèles à leur poste et surtout qui ont résisté à des hordes successives d’étudiants.
C’est donc ce matériel fiable et éprouvé, mais ancien, qui doit être envoyé à notre nouvelle succursale ouverte dans un pays lointain que j’appellerai « Dache ».
Problème: Comment organiser l’envoi à Dache de tout ce matériel?
A ce stade du récit, je dois préciser au lecteur égaré ici que je ne suis pas très familier avec les transporteurs, ni avec les douanes, et que mon plus gros transfert international de marchandises a été l’envoi par Interflora d’un bouquet en Belgique (on me signale dans l’oreillette qu’Interflora n’effectue pas de transfert de fleurs mais appelle un fleuriste situé près du destinataire. Je note d’effectuer moi-même l’appel pour faire baisser les couts).
1) Les transporteurs spécialisés dans l’expédition à Dache.
Pour établir les devis, tous les transporteurs contactés me demandent la liste détaillée du matériel, le poids, l’encombrement (H, L et l). Je reçois mes premiers devis. J’appelle les uns et les autres pour affiner, et pose la question des frais de douane.
2) Les frais de douane.
Apparemment, personne parmi ces professionnels ne sait me répondre sur ce que va couter le passage en douane à Dache. Je contacte donc la Douane française. Après quelques passages obligés par des fonctionnaires filtrants, j’obtiens une personne responsable ET compétente qui m’explique toute la procédure à suivre concernant la sortie de France. Je pose alors la question concernant l’entrée à Dache.
« Heu. Bon, je vais être franc. Les méthodes de la douane de Dache n’ont rien à voir avec celle des douanes européennes. Les montants des frais sont variables et dépendent des marchandises avec des règles évolutives… Mais je vais vous donner un contact à Dache. »
3) La douane de Dache.
Ne parlant pas la langue de Dache, pays non francophone, je m’appuie alors sur mon correspondant à Dache en lui fournissant les éléments dont je dispose pour régler le problème.
« Pas de problème. Je vais approcher les responsables des douanes« . Me répond-il.
Ce que je ne savais pas, c’est que cela prendrait six mois…
J’ai d’abord du fournir la liste des fabricants pour chaque appareil, ensuite compléter cette liste pour indiquer si ces fabricants étaient européens ou pas, puis envoyer une photo de chaque appareil, la date de fabrication, la valeur marchande (différente de la valeur comptable qui était nulle puisque le matériel était amorti depuis des décennies). Les paquets dans lesquels nous avions emballé les matériels ont été ouverts plusieurs fois, puis reconstitués. J’ai du fournir une liste du matériel par colis, le nombre de colis, le poids de chaque colis, le poids de l’ensemble…
Et six mois plus tard, toujours pas d’idée sur le cout total qu’allait représenter l’opération. J’en étais au stade où je suppliais mon chef d’envoyer l’ensemble et d’attendre que les douanes de Dache nous proposent un prix…
C’est alors que je réalisais à quel point mon esprit naïf avait occulté l’une des bases du fonctionnement de la culture de Dache: le principe du don, ou si vous préférez le mot persan: le « bakchich« .
J’avise mon correspondant à Dache qui me répond avec le plus grand sérieux du monde: « je suis croyant pratiquant, ma religion m’interdit de graisser la patte des fonctionnaires. »
Sage principe, en tout point conforme à ma propre religion, moi qui suis athée pratiquant tendance Pastafarisme et adepte du légalisme au sens large.
Oui, mais bon, comment je fais moi pour savoir combien va couter l’envoi de ma palette d’appareils?
4) La nouvelle piste.
Deux mois s’écoulent pendant lesquels mon stock encombre un local et fait de moi la risée de mon équipe technique. Ah ben quand j’irai à Dache, j’irai pas avec la compagnie Zythom, etc. Et puis les choses se sont accélérées.
Coup de fil de mon correspondant: « j’ai trouvé un plan. On donne tout gratuitement à une entreprise locale qui se charge de tout importer, de payer les « frais » de douane pour nous et on lui rachète le matériel au prix du transport. »
Moi: « Mais c’est légal comme procédure? »
Lui: « Mais bien sur, c’est de l’import/export. »
5) Le transporteur.
Deux jours plus tard, un camionneur se présente à l’accueil et me demande.
Le camionneur: « Je viens chercher la marchandise pour Dache. »
Moi: « Ah bon? Mais vous auriez pu prévenir… Bon, je vous montre le tas. »
Le camionneur: « Mais ce n’est pas emballé! C’est quoi ces cartons tous pourris?!? »
Moi: « Ben, ce sont des cartons récupérés auprès des informaticiens. C’est solide, et de toute façon on n’a pas mieux. Je pensais que vous alliez tout emballer vous même. »
Une heure plus tard, nous avions filmé la palette (ie: mis un film plastique tout autour), chargé le camion avec notre charriot élévateur et attaché le tout dans le camion comme nous pouvions.
Le camionneur: « Ne vous en faites pas. Ne soyez pas trop délicats. Mes gars au dépôt sont un peu bourrins et ce sont eux qui vont transborder le matériel. C’est pas fragile au moins? »
Moi, pressé d’en finir: « Non, non… »
Je regarde le camion partir et m’en vais sabler le champagne.
6) Epilogue.
Courriel reçu ce matin:
« matériel bien reçu. Pas de casse. Tous les appareils sont testés et fonctionnels. Merci. »
Un miracle du Monstre en spaghettis volant (FSM en anglais).
Loué soit-il.