La vue, c’est la vie

J’ai déjà rapidement présenté comment je procède pour prendre une image du disque dur d’un scellé (lire ce billet).

En résumé:

– soit extraction du disque dur de l’unité centrale et mise en place dans un PC muni d’une carte giga et d’un bloqueur d’écriture, soit boot sur liveCD à partir du PC sous scellé après vérification des options du BIOS (débrancher le disque pour faire les essais de boot)

– côté PC de travail (sous Windows XP SP2, exécution sous cygwin, sinon exécution directe sous Linux) de « nc -l -p 2000 > image.dsk »

– côté disque dur scellé, sous HELIX ou sous DEFT, lancement dans un shell de la commande « dd if=/dev/sda | nc IP_PC_de_travail 2000 »

J’obtiens ainsi une image numérique du disque dur à analyser.

La commande « dd » peut être avantageusement remplacée par « dcfldd« , dc3dd ou en cas d’erreurs I/O sur le disque par « ddrescue« [1].

L’adresse IP_PC_de_travail utilisée dans la commande « nc » (netcat) peut aussi avantageusement être remplacée par celle d’un serveur samba, ce qui permet ensuite d’accéder au fichier image.dsk indifféremment depuis une machine Linux ou Windows (dans mon cas un « vieux » PC avec cinq disques SATA de 400 Go:).

Mais maintenant, que faire de ce gros fichier image.dsk?

Personnellement, j’utilise deux outils:

sleut kit et autopsy pour l’analyse inforensique proprement dite.

liveview pour démarrer l’image sous vmware (s’il s’agit d’un scellé sous Windows)

C’est ce dernier logiciel qui gagne l’honneur de fournir le titre du présent billet (avec une traduction très approximative).

Je dois dire que depuis l’utilisation de liveview et vmware, ma vision des scellés a considérablement changée. En effet, je « sens » beaucoup mieux l’organisation du stockage sur un Pc lorsqu’il est possible de naviguer à loisir sur celui-ci: organisation des icones sur le bureau, logiciels spécifiques que l’on peut exécuter, etc. L’image d’origine est protégée en lecture seule, un disque virtuel vient la compléter pour stocker tous les changements effectués (en général, il faut réactiver Windows XP pour pouvoir travailler dans la durée). Il suffit d’ajouter un disque dur partagé pour pouvoir récupérer toutes les données non effacées intéressantes.

L’utilisation des Sleut kit et Autopsy dépasse le cadre technique de ce blog, mais je recommande à tous les curieux de s’y exercer… C’est très instructif!

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[1] Dans le cas de problèmes I/O sur un disque dur, il me semble important d’effectuer la prise d’image rapidement et, pour ma part, de ne pas calculer le hash MD5 qui dans ce cas me semble soumis à des aléas.

La valeur du succès

C’est la quatrième expertise, en quelques mois, ordonnée par le même procureur… Comme nous sommes plusieurs experts judiciaires en informatique dans la région, je me demande bien pourquoi le procureur m’a choisi encore une fois. J’espérais bien une réponse du type « vos rapports sont particulièrement clairs« , ou « votre travail est particulièrement soigné« , voire « c’est surprenant comme vous arrivez à trouver des traces dans les recoins les plus divers« .

Il y a quelques jours un gendarme m’amène des scellés. Il se trouve que nous avons déjà travaillé ensemble il y a quelques semaines, du fait de la monomanie de ce procureur. L’air de rien, je questionne le gendarme à ce sujet. Il m’a répondu: « le procureur m’a dit qu’il vous choisissait parce que vous n’étiez pas cher… »

J’ai été déçu.

Déformation professionnelle

J’ai reçu un fournisseur en machine à café.

En effet, un établissement recevant plus de 1000 personnes dispose de plusieurs de ces machines stratégiques.

Lors de la discussion, il m’avoue qu’à cause d’une déformation professionnelle, il remarque de suite, dans les bureaux, la présence de tasses de thé ou de café posées sur les tables. Son regard avait surpris ma vieille tasse-pas-lavée-immonde-usée-mais-que-j’aime qui trône au milieu de mes disques durs usagés presses-papiers.

Cela m’a renvoyé à cette question terrible que je range dans ma rubrique « questions à deux euros« : quelles sont les déformations professionnelles des personnes que je côtoie?

Moi, bien sur, ce sont les ordinateurs. D’un clin d’œil, dans une scène de film ou lors d’une visite d’entreprise, je perçois leurs caractéristiques, modèle, marque, obsolescence… En général, au cinéma, les écrans sont truqués en post-production pour y faire apparaître des animations sur-réalistes. Il n’est pas rare qu’au beau milieu d’une scène dramatique de film, je fasse remarquer: « Tiens, vous avez vu, il utilise un Apple! », ce qui me vaut les foudres de mon entourage…

J’ai discuté avec une amie dentiste, elle, se sont les dents de ses interlocuteurs qu’elle analyse immédiatement…

Je suis sur que chaque profession développe sa propre acuité visuelle qu’il utilisera inconsciemment hors de son cadre professionnel: le médecin verra des symptômes, l’expert judiciaire tous les cédéroms gravés, l’astronaute les portes non verrouillées et le spéléologue toutes les cordes sans nœud…

C’est parfois utile, et je commence à comprendre l’enthousiasme de mon épouse lorsque je lui ai annoncé l’augmentation du champ de mes responsabilités professionnelles: entretien du bâtiment, ménage…

Le doigt dans l’engrenage

En septembre 2006, par simple curiosité, j’ai souhaité assister à un conseil municipal. Cette expérience m’a bien plu, aussi l’ai-je renouvelé plusieurs fois. Et à chaque fois pour mon plus grand plaisir.

Aussi me suis-je fait remarquer: une personne supplémentaire dans un public de trois individus, cela ne passe pas inaperçu…

C’est ainsi qu’au mois d’avril dernier, j’ai accepté la proposition qui m’a été faite de tenir un bureau de vote. J’ai ainsi découvert la chance d’appartenir à une belle démocratie. Je relate cette expérience dans ce billet.

A la veille de partir en zone non ADSL vacances de fin d’année, mon téléphone sonne:

Moi: « Alloooo? »

Lui: « Bonsoir, c’est Mace Windu (le maire de ma commune)! »

Moi: « Bonsoir, Monsieur le Maire, que puis-je pour vous? »

Lui: « Et bien, voilà, heu, et bien comme vous assistez régulièrement au conseil municipal, et qu’on m’a dit du bien de vous lors de la tenu du bureau de vote, accepteriez-vous d’être sur ma liste pour les prochaines élections municipales? »

Rien de moins.

Moi: « Maaaaiiiiis… quelles sont les implications? » (C’est la seule question qui m’est venue à l’esprit).

Lui: « Et bien, vous viendrez à chaque conseil municipal, vous participerez à une ou plusieurs commissions, avec deux ou trois réunions par mois, vous n’avez pas besoin d’avoir une carte de parti politique du moment que vous n’êtes pas dans les extrêmes, et puis je compte sur vous pour représenter votre zone géographique, car j’ai personne dans ce coin là. »

Moi: « … Euh, je peux réfléchir pendant les vacances, car c’est une décision importante ».

Lui: « Pas de problème, et passez de bonnes fêtes ».

J’en suis resté baba comme un rond de flan (une expression personnelle)…

Concordia civium murus urbium.

(La concorde entre les citoyens, voilà la muraille des villes)

Bon, mais avant tout réfléchir:

– Nemo judex in causa sua (« Nul ne peut être à la fois juge et partie »). De ce côté là, pas de conflit d’intérêt.

– Pro tempore (« Pour un temps », s’applique en général à une charge ou une fonction temporaire).

Oui, mais quand vais-je trouver du temps?

Tempo Fugit (et le temps fuit), Tempora mutantur et nos mutamur in illis (le temps bouge, nous bougeons avec lui), Tempori servire (s’adapter aux circonstances)

Effectivement, depuis l’arrivée de la Wii dans la maison, j’ai pu constater qu’il est toujours possible de libérer du temps et de dormir deux heures par nuit…

Bien, mais tout le monde saura pour qui je vote, moi qui suis resté discret (même sur ce blog) toute l’année dernière.

Bah, de toute façon, je n’ai pas honte de mes idées, et un petit « coming out » de ce type ne fera même pas jaser dans ma famille.

Mais fini la tranquillité, les soirées cools devant la TV, la Wii, un bouquin, l’ordinateur… Il ne restera que les soirées et week-ends dédiés aux expertises ou à la raison publique.

De retour de vacances, j’ai dit oui!

L’aventure commence !

Zythom président, Zythom président!

PB:

– aller chez le coiffeur

– acheter un pantalon plus digne

– acheter des chaussures (dernier achat 2006!)

– apprendre à serrer des mains

– acheter des lunettes noires pour éviter qu’on ne me reconnaisse…

La prudence chez les experts

Lors d’une discussion informelle avec un magistrat instructeur, je m’enquérais auprès de lui de ce qu’il pensait être un « bon rapport » d’expertise.

Sa réponse fut la suivante: « J’aime les rapports clairs, précis et qui répondent blanc ou noir aux questions que j’ai posées. Je n’aime pas le gris clair ou le gris foncé. Mouillez-vous. »

Malgré tout le respect de que j’ai pour ce magistrat, et la parfaite compréhension que j’ai de ses souhaits, je n’ai jamais cédé à ce type de simplification. L’expert judiciaire doit laisser transparaître ses doutes, même si cela doit lui coûter.

Cette rigoureuse prudence, un expert-traducteur en fit preuve, avec raison, au cours de l’affaire Dupas, en mars 1896. On avait chargé cet honorable auxiliaire de la justice d’expliquer les termes conventionnels d’une dépêche adressée à l’accusé Arton en fuite. Voici quel était le texte du télégramme saisi:

« Above calcium actualise. Recevrez lettre algebra poste restante« .

Voici comment l’expert interprétait cette cryptographie dans son rapport adressé au juge d’instruction:

Monsieur le Juge,

J’ai lu d’un bout à l’autre, sans oublier un seul mot, le vocabulaire que vous m’avez fait l’honneur de me soumettre, pour y rechercher l’explication de la phrase: Above, etc.

Je n’y ai trouvé dans toute son intégrité qu’un seul des termes de cette phrase, celui de « calcium » dont le sens caché serait: Nous somme obligés de construire des magasins. Quant aux autres, above, actualise, algebra, que je n’ai pas trouvés dans le vocabulaire, je ne puis donner que comme hypothétique la signification que j’en obtiens par induction ou rapprochement d’autres mots qui me paraissent être de même formation. Above, que l’on pourrait rapprocher de l’anglais, pourrait en conséquence être traduit par: surtout, avant tout; actualise, rapproché d’actuality, un mot de dictionnaire par ici ou dans le pays, et algebra par sous peu. De la sorte, en conservant tel quel le sens des autres mots: recevrez lettre bureau restant, on pourrait expliquer la phrase comme suit:

« Avant tout, nous sommes obligés de construire des magasins dans le pays. Recevrez lettre sous peu bureau restant. »

Mais cette explication, je ne puis, à défaut d’autres moyens plus surs, la donner que comme hypothétique.

Veuillez agréer, etc.

Cette traduction ne fit point à elle seule aboutir l’enquête ouverte…

Sauriez-vous faire mieux que mon confrère de l’époque et me déchiffrer ce télégramme?

Rappel: « Above calcium actualise. Recevrez lettre algebra poste restante« .

Réponse en fin de week-end…

[Edit]: Le destinataire, arrêté ultérieurement, traduisit ainsi les deux phrases: « Partez de suite Bucharest. Recevrez lettre poste restante. »

Ne m’en demandez pas plus, je n’aurais certainement pas fait mieux que mon confrère (malgré l’aide d’internet). Il a eu l’élégance d’émettre des réserves sur son travail, et le magistrat d’en tenir compte. Ainsi va la vie des experts.

Complexité inforensique

Dans les années 80, un expert judiciaire informatique mandaté pour assister des enquêteurs sur une scène de crime chez un particulier procédait à la saisie d’un ordinateur et de son stock de disquettes. Eventuellement, il récupérait aussi quelques cassettes magnétiques. Il n’y avait aucun doute sur l’identité de l’utilisateur.

Dans les années 90, il fallait vérifier la présence d’un modulateur-démodulateur et maîtriser l’interconnexion des réseaux nationaux accessible au public (l’Internet). Il fallait penser à vérifier l’éventuelle présence de cédéroms pouvant contenir plusieurs fois la capacité disque des ordinateurs. Plusieurs personnes utilisaient l’ordinateur familial. La maîtrise des liaisons null modem était un plus, car il y avait parfois deux ordinateurs.

Maintenant que nous avons changé de siècle et de millénaire, l’expert arrive dans une maison où chaque pièce peut contenir un ordinateur, le wifi arrose toute la maison et celle des voisins, chaque personne possède plusieurs comptes sur plusieurs ordinateurs. Les données sont délocalisées sur internet (chat, contacts, messagerie), quand elles ne sont pas réparties sur les téléphones, pda, baladeurs mp3, voitures, appareils photos, et même cadres photos…

Aujourd’hui, l’expert judiciaire en informatique doit connaître tous les produits qui sortent, disposer de tous les appareils de mesure adéquat (vous avez une idée du nombre de type de cartes mémoires?).

Il faut également être prudent et écrire « j’ai trouvé telle donnée sur tel support », et non pas « Mr Machin a téléchargé telle donnée ».

Et avec la complexité croissante, l’expert doit être encore plus sur de ses conclusions. Il doit mesurer ses certitudes et peser ses doutes.

Et les faire partager en toute clarté.

Le cube et le comédien

Jacques François est mort.

Il est mort le 25 novembre 2003.

Pour ceux qui aurait la mémoire courte, Jacques François était un comédien. Un grand comédien.

Il avait une grande classe, il avait joué dans beaucoup de films et séries, et je garde de lui le souvenir du proviseur de la série TV « Pause Café ».

C’était une personne célèbre et respectée dans sa profession.

Nos chemins se sont croisés.

Je crois que je n’ai pas laissé un bon souvenir…

Avant d’expliquer pourquoi, il me faut faire un petit retour en arrière.

Souhaitant travailler dans l’informatique depuis ma tendre adolescence, et sur les « bons » conseils de mes parents, j’ai consumé une partie de ma jeunesse dans l’enfer de ce que l’on appelle les classes préparatoires. Math sup, puis Math spé. Ayant une certaine ambition, mais pas toujours les moyens d’icelle, l’épreuve fut rude.

Pour améliorer mes chances de pouvoir plus tard travailler moins et de gagner plus, j’ai choisi le statut de « cube ».

Pour tous ceux n’ayant pas la chance d’avoir des parents communistes instits, voici ce qu’est le statut de « cube »: c’est un étudiant redoublant de « Math spé ». Il fait trois années de classes préparatoires là où le génie standard méritant ainsi le surnom de « carré » en fait deux, . La justification en général fournit par les « cubes » est qu’ils souhaitaient obtenir de meilleurs résultats aux concours des grandes écoles que lors de leurs premières tentatives. Il y a même des cas de triplements de Math spé que l’on nomme des « bicarrés ».

Les « cubes » ont ceci de particulier qu’ils maîtrisent parfaitement tous les indicateurs physiques et mentaux les poussant à fuir à grandes enjambées ce système de sélection abominable et ridicule. Ils connaissent également par cœur toutes les annales du concours de l’école polytechnique (surnommée « X », souvenez-vous en) ET celles des ENS (Ecoles Normales Supérieures: Ulm pour les garçons et Sèvres pour les filles[1]).

A ce stade du récit, je dois préciser à ceux qui restent de mes lecteurs que « cube » est une appellation locale traduite dans les autres régions de France par la fraction « 5/2 ». Cette fraction est le résultat du calcul suivant: les classes préparatoires tirent leurs noms du fait qu’elles préparent le concours d’entrée à l’école polytechnique surnommée « X ». D’autre part, « entrer dans une école » se dit « intégrer » en langage « prépa ». Enfin, par le plus grand des hasards, il existe une branche des mathématiques qui s’appelle « calcul intégral ».

Il y a donc des équivalences logiques entre les concepts suivants:

– « cube »

– « préparer l’entrée à l’école polytechnique en trois ans » et

– « intégrer l’X en troisième année »

Si l’on représente les années par des segments sur une règle graduée, la troisième année se situe entre la graduation 2 et 3. Les plus matheux d’entre vous auront vérifié que l’intégrale de X entre deux et trois est bien égale à 5/2. CQFD.

Que les autres me fassent confiance.

Exercice pour la prochaine fois: démontrer que l’expression « carré » est égale à 3/2.

Certains formulaires du Ministère de l’Education Nationale entérine ces appellations avec des cases à cocher: « Etes-vous 5/2 ou 3/2? »… Même si vous préparez d’autres écoles d’ingénieurs.

Maintenant que vous êtes munis de ces informations parfaitement inutiles, vous êtes à même de mieux comprendre la pression qui pèse sur un jeune de 21 ans qui vient de sacrifier trois de ses plus belles années à ingurgiter ad nauseam une quantité incroyable d’informations parfaitement inutiles à la seule fin de passer des concours.

Ceci me permet de fermer le nombre incroyable de parenthèses ouvertes dans ce billet pour revenir à ma rencontre avec Jacques François.

Vous êtes capable d’imaginer la joie – que dis-je, l’explosion de joie – que j’ai ressentie à la fin de la dernière épreuve du dernier concours de ma troisième année (surtout que j’avais cartonné)!

Je suis sorti dans la rue en courant et en hurlant comme un sauvage ma joie de vivre, dans un état second d’euphorie libératrice.

C’est alors que j’ai percuté Jacques François qui promenait son chien.

C’est la force de la jeunesse, dans ces moments là, que de rester debout, là où l’adulte – bien qu’expérimenté – vole les quatre fers en l’air. Je l’ai donc aidé à se relever tout en me confondant en excuse, entre deux bouffées d’euphorie tant ma joie restait présente. Il n’était pas blessé, juste un peu éberlué.

J’espère qu’il a rapidement oublié notre rencontre.

Moi, malgré les années, je ne l’ai pas oublié.

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[1] En 1985, l’École normale supérieure de la rue d’Ulm (dite Ulm) et l’École normale supérieure de jeunes filles (dite Sèvres) ont fusionné. Dans la langue française, le masculin l’emportant sur le féminin, seul le nom Ulm est resté (bon, en fait, c’est le nom de la rue). Remarquez que l’on ne prononce pas Ulm comme on prononce U.L.M. (private joke).

Rien de ce qui est humain ne nous est étranger

Billet de Maître Eolas, publié avec son autorisation.

C’est en fait un commentaire qu’il a laissé sous mon billet précédent, et qui mérite un peu plus de visibilité.

Je n’aurais pas su mieux écrire.

Je ne puis parler au nom de Zythom, mais je ne pense pas qu’il me démentira quand je dirai que dans l’activité judiciaire, à laquelle il participe comme moi, il n’y a pas de lutte contre un ennemi « à abattre », qu’il faut considérer comme la lie de la société. La haine est absente du processus judiciaire : c’est pourquoi on l’a préféré à la vengeance privée.

Les amateurs de vidéos sordides que démasque Zythom sont des êtres humains. Libres, et donc responsables. Ils ont manifestement une pathologie, une anomalie mentale qui les fait éprouver une fascination morbide pour des actes qui devraient provoquer seulement de la répulsion. Cette pathologie n’est pas suffisante pour abolir leur discernement : ils gardent le choix. le choix de ne pas céder à cette pulsion, ou si elle devient lancinante, d’aller consulter. La société où ils vivent leur proposent des professionnels compétents, tenus au secret professionnel et même la prise en charge de ces soins.

Certains ne font pas ce choix. Ils choisissent de laisser libre cours à leurs pulsions. Pourquoi ? Ho, ils trouvent toujours une justification morale : ce ne sont que des photos, parfois des dessins. Ce ne sont pas eux qui les ont fabriquées, ce n’est pas eux qui ont fait le mal. Ils ne sont que des badauds, en somme, comme ceux qui ralentissent aux abords d’un accident pour regarder.

Beaucoup d’entre eux ont une famille, parfois même des enfants du même âge que les malheureuses victimes. Et il est très rare qu’il y ait un quelconque passage à l’acte sur leur propre enfant. Mystère de la psyché humaine : même un déséquilibré a des inhibitions salutaires. Un peu comme un homme qui regarderait de la pornographie adulte, mais qui ne tromperait pas sa femme.

Ce sont des êtres humains. Entièrement. Autant que vous et moi. Quand ils sont identifiés et que les faits sont établis, ils sont poursuivis. Ils ont un avocat qui les défend, qui est écouté avec intérêt et respect par le tribunal. La peine sera fixée en tenant compte de la gravité des faits, de la situation personnelle du délinquant, et comprendra souvent une obligation de soins. Pour la plupart de ces délinquants, il n’y aura pas de récidive. Je vous dis qu’on a des professionnels compétents pour les soins.

Zythom doit le savoir : ses expertises, longues, coûteuses, difficiles, aboutissent très rarement à de la prison ferme.

Peu importe, car il ne s’agit pas de débusquer la lie de la société pour l’abattre. Il s’agit de voler au secours, tant des enfants exploités par ces réseaux, que des adultes qui sont dans une pente destructrice d’eux même.

On ne veut pas abattre, mais sauver.

Car comme je crois l’avoir lu sur ce blogue : nous sommes humains, et rien de ce qui est humain ne nous est étranger.

Monoblogue éclectique hétéroclite

« Chao » me laisse un commentaire sur le billet précédent qui m’interpelle:

je m’écarterais de l’essence même de ce blog.

Son commentaire m’intéresse en ce qu’il contient une question simple: quelle est l’essence de ce blog?

Lorsque j’ai commencé ce blog, je voulais comprendre pourquoi ma fille aînée souhaitait ouvrir un « skyblog ».

J’ai ensuite découvert quelques blogs qui m’ont intéressé.

J’ai écris quelques billets « bidons » sur des sujets simples, j’ai voulu partager les histoires drôles qui me plaisaient, les citations que je trouvais particulièrement justes…

Puis, dans l’idée que je me suis fait d’un blog, je me suis mis à parler de ce que je connaissais le mieux: mes activités personnelles et professionnelles.

J’étais sur de n’avoir aucune audience, car dans mon entourage, lors des réunions de famille, cela n’intéresse personne:

– soit les anecdotes sont archi connues, parce que ça fait dix fois que je les raconte (au moins pour mes proches, car ils sont toujours là quand je les raconte à une nouvelle personne);

– soit les sujets sont tabous (pédophilie, meurtre, décapitations à la machette), pas toujours facile à placer dans la conversation. Au fait, hier soir j’ai vu sur un scellé la vidéo d’un enfant qui se faisait massacrer à coup de machette… Tiens, passe moi le sel.

– soit la matière est un peu trop geek (franchement, personne autour de moi ne trouve vraiment passionnante la découverte d’un mot de passe dans le fichier /var/vm/sleepimage sur un powerbook, alors que tout le reste est crypté, et pourtant…);

– soit le thème gonfle tout le monde, comme la spéléo, parce qu’il faut la pratiquer, pas en parler;

– soit parce que cela ne fait rêver que moi (Espace, frontière de l’infini).

Et là, curieusement, sur ce blog, cela intéresse quelques personnes.

Alors je me suis laissé aller à me raconter. Et j’ai très vite compris ce qui intéressait les visiteurs: les anecdotes d’expertises judiciaires.

Problème: comment raconter ce qui n’est pas racontable, du fait de la discrétion à laquelle est tenue un expert judiciaire?

Et bien, si vous lisez bien ce blog, et que vous aimez particulièrement la rubrique « Anecdotes d’expertises« , vous pouvez constater que je ne raconte que des détails, des surprises, des points techniques, en modifiant les dates, les lieux, les sexes… pour rester en phase avec la déontologie des experts judiciaires, et en règle avec la loi. Mais j’ai à peine vingt ans et quelques… et mon stock d’anecdotes présentables s’amenuise. Et je ne vais quand même pas en inventer!

Alors j’alterne entre vie privée, vie professionnelle et activité expertale.

Je me raconte en un long monologue…

Je monoblogue.

Tiens, justement, les commentaires: tous les jours, matin, midi et soir, je me précipite sur mon ordinateur (c’est une expression, car en fait je suis toujours assis devant un ordinateur, sauf en voiture où il est à ma ceinture) pour voir si j’ai des commentaires.

Seulement voilà, je NE VEUX PAS que les commentaires soient libres, avec modération a posteriori. Et ça, j’ai bien conscience que cela empêche la communication, le débat.

Pourquoi un tel souhait?

– J’ai une vraie phobie de la connerie humaine.

Ceux qui travaillent dans un service informatique comprendront…

– Etre expert judiciaire, cela vous range dans une catégorie que beaucoup de Trolls considèrent comme l’ennemi à abattre. Il ne se passe pas une semaine sans que quelqu’un ne m’explique qu’il est un grand malade pédophile mais que je peux toujours lui courir après car son commentaire a transité par 200 serveurs proxy cryptés, même que la clef elle fait 4096 bits…

J’ai horreur des mythos. Le simple fait d’en parler va les attirer encore plus!

Cela fait une tâche sur mon blog. Et je suis une vache sans tâche (ceux qui ont des enfants comprendront).

– Je veux pouvoir contrôler ce qui est publié ici et ce qui ne le sera pas.

Finalement, je me suis même demandé s’il n’aurait pas été moins frustrant pour l’internaute de ne pas pouvoir déposer de commentaires. Mais ce serait se priver d’une partie de ce qui fait le charme des blogs.

Alors je continue de monobloguer sur ce qui me passionne, même hors du domaine des expertises. Ouf diront certains, dommage dira « Chao », mais c’est comme cela.

Si vous voulez seulement lire les billet traitant des anecdotes d’expertises, oui, c’est possible! Le format pour les flux de rubriques est le suivant:

https://zythom.fr/feeds/posts/default/-/nomdelarubrique

Dans le cas des anecdotes d’expertise, c’est « Anecdotes%20expertises ». Et n’oubliez pas le trait d’union (« -« ) dans l’URL. Ce n’est pas une coquille!

Mais vous n’aurez pas les futurs billets sur la beauté des maths, sur la rétropropagation au sein des réseaux de neurones, ni ceux sur ma prochaine participation aux élections municipales.

Et je vous assure, vous allez rater quelque chose!

Ceci est un journal intime en ligne

Ce blog est un journal intime en ligne.

INTIME (dictionnaire de l’Académie française, 9e édition)

adj. XIVe siècle.

Emprunté du latin intimus, « le plus en dedans, le plus intérieur ».

1. Qui est intérieur à une chose, qui en constitue l’essence. La structure intime de la matière, d’un tissu vivant. Fig. Qui est tout à fait intérieur à l’être, à la conscience. J’en ai l’intime conviction. Une intime persuasion. Un sentiment intime de confiance.

2. Qui est strictement personnel, privé. Révéler ses sentiments intimes. Vie intime. Journal intime, où une personne note, en principe pour elle-même, ses réflexions ainsi que les évènements de son existence. Tenir un journal intime. Publier son journal intime. Par méton. Se dit de ce qui convient à la vie privée, favorise les relations familières, permet l’intimité. Un lieu, une atmosphère intime. Une pièce intime. Cet endroit n’est pas très intime.

3. Qui lie très étroitement. L’alliage intime de deux métaux. Mélange intime. Fig. Une union intime entre deux êtres. Avoir un commerce intime, des rapports intimes, des relations intimes avec une personne, avoir avec elle des relations amoureuses. Se dit d’une personne qui est liée à une autre par une affection très forte, une familiarité étroite. Un ami intime. Ils sont devenus très intimes. Subst. La famille et les intimes. Nous serons entre intimes. Par méton. Un repas, une cérémonie intime, qui réunit un petit nombre de proches, de familiers.

4. Par euphémisme. Qui a rapport aux organes génitaux. Parties intimes. Toilette intime.

L’expression « journal intime en ligne » fait donc pour moi référence à « Publier son journal intime » par opposition à « en principe pour elle-même« .

Pourquoi ce rappel à la Bible?

Et bien pour dissiper quelques malentendus…

Je ne suis pas un journaliste, et je ne prétends pas l’être.

Je n’en ai pas la formation, ni l’employeur (pour avoir une carte de presse, le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources).

On me contacte parfois pour me demander mon avis sur tel ou tel aspect de la vie politique, sur la menace climatique, sur l’évolution de telle ou telle technologie…

Bon, j’ai bien un avis, mais que vaut-il?

Pas de recoupement, pas de vérification, pas de sources d’information spécifiques. Je n’ai pas de réseau, pas d’entrée particulière.

Bref, en général, et malgré une grande concentration, mon avis ne vaut pas tripette, alors qu’il y a des journalistes spécialisés qui vous répondront bien mieux que moi sur ces sujets.

Bien sur, si un journaliste me pose des questions sur l’activité d’expert judiciaire, sur la gestion d’un service informatique ET technique, sur la spéléologie martienne, bref, s’il me demande de parler de MOI, alors là OUI, j’ai un avis et c’est le meilleur!

Lorsque j’ai été nommé « responsable des systèmes d’information », les étudiants, qui me (re)connaissaient comme « professeur », m’ont titillé en me demandant si c’était une confirmation de l’omniprésence de la surveillance informatique. Je leur réponds toujours que je ne suis pas moustachu… Je crois bien qu’ils confondent avec la notion de ministère de l’information.

Les journalistes, eux, travaillent sur l’information.

Les faits qu’un journaliste rapporte au public sont porteurs de sens, par exemple dans le domaine de la politique, de l’économie ou de la culture. Cela confère un pouvoir aux journalistes (dont la profession est souvent qualifiée de quatrième pouvoir, par allusion aux trois pouvoirs constitutionnels) dans le processus de la formation de l’opinion et dans l’influence que la révélation de ces faits peut avoir dans les prises de décisions de ce public. (extrait de Wikipédia)

Oups, cela m’a encore échappé. J’avais pourtant promis de ne plus utiliser wikipédia…

Donc, JOURNALISTE n. XVIIIe siècle. Dérivé de journal.

Personne qui a pour métier de participer à l’élaboration des journaux et autres moyens d’information.

Suffisamment de personnes sont mortes ou sont en prison pour avoir voulu exercer ce métier.

Je suis un (petit) blogueur.

Je ne suis pas journaliste, je suis journalintimiste.

Bande de voyeurs…