La poubelle est pleine

Un expert judiciaire en informatique se doit de disposer de tous les logiciels (parfois forts onéreux!) permettant de récupérer les fichiers effacés sur les disques durs saisis.

Cela demande la maitrise absolue de ces logiciels, mais aussi des concepts sousjacents parfois complexes de l’organisation des supports de stockage.

Parfois, c’est beaucoup plus simple que cela:

dans une récente expertise où j’accompagnais la maréchaussée lors d’une perquisition, une fois les mots de passe obtenus auprès de Madame (Ah le prestige de l’uniforme…), j’étais prêt à sortir tout mon savoir faire pour impressionner mon petit monde.

Le gendarme qui regardait l’écran par dessus mon épaule me dit: « tiens la corbeille n’est pas vidée ».

La totalité des documents supprimés depuis le début de l’utilisation de cet ordinateur se trouvaient encore dans la corbeille! Tous les documents intéressants l’enquêteur s’y trouvaient, le propriétaire de la machine pensant qu’il suffisait de faire « supprimer » pour détruire définitivement un fichier.

On s’étonne après que les gendarmes ne font plus appel aux experts informatiques.

C’est vrai que mes honoraires dans cette expertise ont du avoir du mal à passer auprès du gendarme que j’accompagnais… Mais j’ai des frais: il faut que je rembourse mes logiciels d’investigation.

L’horreur de la pédophilie

Ce billet n’est pas à lire si l’on a moins de seize ans.

Je demande donc à mes enfants et à ceux des autres de passer leur chemin.

Ames sensibles s’abstenir.

Lors d’une discussion avec des amis, nous avons abordé le sujet des crimes que l’on est amené à traiter dans le cadre professionnel. Autour de la table, plusieurs professions étaient concernées: des avocats, des médecins, un expert judiciaire en informatique (moi). La discussion tournait autour des atrocités que nous avions pu être amenées à voir dans le cadre de nos dossiers. Les avocats présents nous ont parlé des photos qu’ils sont amenés à étudier dans les dossiers criminels (cadavre au visage lacéré par des coups de couteaux, etc.) Les médecins nous ont parlé des cas les plus tragiques qu’ils ont pu rencontrer (en générale, c’est assez gore). Finalement, cette discussion me laissait un sentiment de « déjà vu à la télé ». Un mélange d' »Urgences » et de « NCIS » (vous savez, la salle d’autopsie).

Qu’ai-je eu à raconter sur mes dossiers? Rien.

Je n’ai pas pu.

Je n’ai pas réussi à parler de l’horreur que je rencontre dans les dossiers pédophiles.

Je la livre ici.

Je suis pourtant capable de supporter les 20 premières minutes du film « Il faut sauver le soldat Ryan », j’observe sans (trop) fermer les yeux une opération de chirurgie dans « Nip/Tuck ». Mais bien sur tout ceci est fictif, une oeuvre de fiction basée sur des faits réels.

Comment expliquer l’horreur d’une image pédophile?

Une image pédophile, c’est une enfant de quatre ans empalée sur un sexe d’homme. On y voit clairement la souffrance de l’enfant liée à la différence de taille entre les deux sexes.

Une image pédophile, c’est un garçonnet de cinq ans sodomisé par un homme qui lui déchire le corps.

Une image pédophile, c’est une fillette qui a en bouche un sexe plus grand que sa tête.

Un dossier pédophile, c’est un expert judiciaire qui pleure tout seul dans son atelier.

On n’en parle pas autour d’une table, on n’en parle pas à la TV, on n’en parle pas sur les blogs. On travaille en silence, consciencieusement, et avec nous les gendarmes, la police, les greffiers, les magistrats, et d’autres, qui luttent contre ce fléau.

Ce billet est une thérapie personnelle.

PS: Je n’accepterai aucun commentaire sur ce billet.

Bogue

Extrait d’un de mes anciens rapports d’expertise:

« Il est à noter que pendant la réunion d’expertise, le terme « bogue » a été sujet à discussion. En effet, Monsieur XX, expert auprès de la société YY, considère que ce terme ne peut pas s’appliquer au progiciel ZZ car le dysfonctionnement a un caractère aléatoire. Pour ma part, je me réfère à la définition plus générale de la « bogue » suivante :

Bogue, n. f.

Défaut de conception ou de réalisation se manifestant

par des anomalies de fonctionnement.

Anglais : bug.

qui est présentée dans le Glossaire informatique des termes de la Commission ministérielle de terminologie informatique. Ces termes ont été publiés par la CMTI et l’AFNOR dans la collection A SAVOIR de l’AFNOR, sous le titre Glossaire des termes recommandés de l’informatique.

Je choisi donc de faire usage dans mon rapport du terme « bogue » sous cette définition qui s’applique ici parfaitement.

Le progiciel ZZ possède donc une bogue. »

Je pourrais compléter ce rapport aujourd’hui par cet extrait de wikipédia:

« En France, le terme « bogue » est recommandé par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLF) depuis un arrêté paru au Journal officiel du 30 décembre 1983. Ce mot, qui se veut plus français, n’exprime pas une étymologie. C’est pourquoi peu de gens utilisent la version francisée. À cette époque le genre féminin était préconisé.

Cependant à la fin de la décennie 1990, les dictionnaires tels que le «Nouveau petit Robert» et «Le Petit Larousse illustré» rapportaient l’usage de ce terme au masculin, sans doute sous l’influence québécoise où l’Office québécois de la langue française (OQLF) prônait depuis longtemps l’emploi du genre masculin. Le terme français a été popularisé avec le fameux bogue de l’an 2000 qui, sans avoir entraîné de dysfonctionnement visible majeur, a néanmoins nécessité beaucoup de travaux de transformation des systèmes d’information dans la décennie 1990.

Désormais la DGLF recommande aussi le genre masculin pour ce mot. »

Reste qu’à l’époque, ce qui m’avait amusé, c’était la tentative de l’expert « adverse » de me faire écrire que le logiciel de sa cliente n’était pas « bogué » car son dysfonctionnement était aléatoire.

Ce qui m’avait amusé également, c’était la réticence de toutes les personnes présentes à la réunion à utiliser le terme français de « bogue », qui plus est en son genre féminin…

On a les amusements que l’on peut.

Déplacement payant

Dans une affaire opposant un gérant d’un magasin informatique et un de ses clients, je m’affairais à organiser la première réunion d’expertise judiciaire.

Je contacte tout d’abord les différents avocats et nous convenons de plusieurs dates possibles pour cette première réunion.

Je contacte ensuite le gérant pour proposer ces différentes dates.

Immédiatement le gérant m’informe qu’il n’est pas question pour lui de se déplacer chez son client.

Face à mon étonnement puisque le matériel défectueux se trouvait chez le client, le gérant me répond:

« Je veux bien venir à cette réunion à la condition expresse que mon client me paye le déplacement »

J’avoue être resté sans voix.

PS: J’ai bien entendu adressé les convocations par lettres recommandées avec les avertissements usuels en cas d’absence d’une des parties. Le gérant est venu, mais avec 20 mn de retard à cette réunion.

Accès aux données professionnelles

Une fois n’est pas coutume, je cite in extenso un article du 17 novembre 2006 de l’excellent site legalis.net.

« Un salarié qui crypte son poste informatique commet une faute grave justifiant son licenciement. Cette règle vient d’être énoncée par la chambre sociale de la Cour de cassation le 18 octobre 2006.

En l’espèce, un salarié avait crypté son ordinateur, empêchant ainsi son employeur d’y avoir accès et de consulter les documents qui s’y trouvaient en son absence. Ce dernier a estimé qu’il s’agissait d’une faute grave justifiant son licenciement sans préavis. La Cour de cassation lui a donné raison aux motifs qu’un employeur doit pouvoir accéder au poste informatique de ses salariés en leur absence et consulter les dossiers qui s’y trouvent. En effet, ceux-ci sont présumés professionnels. Cependant, ce droit accordé de l’employeur ne s’étend pas aux fichiers et aux dossiers que le salarié a expressément qualifiés de personnels. Cette règle est issue de la jurisprudence Nikon de 2001 qui consacre un droit au respect de la vie privée du salarié pendant son temps et sur son lieu de travail.

Les juges doivent alors définir ce qui appartient au domaine de la vie privée. Ainsi, une décision de la Cour de cassation du 19 mai 2004 a décidé que la consultation et l’animation d’un site pornographique n’en faisait pas partie. »

Depuis que j’exerce comme responsable des systèmes d’information, j’ai toujours refusé l’accès aux données informatiques stockées localement sur l’ordinateur d’une personne en l’absence de celle-ci. Je découvre aujourd’hui que j’ai parfois donné inutilement des sueurs froides à un chef de service qui essayait de récupérer un courrier tapé la veille par sa secrétaire avant de partir en vacances…

Pourtant, je connais l’arrêt Nikon, mais dans mon esprit le salarié était plus protégé que cela.

Encore qu’il lui suffit de mettre toutes ses données locales dans un dossier intitulé « personnel » pour que personne ne puisse y accéder (sans ordonnance d’un magistrat bien entendu).

Quand je pense que dans mon entreprise le personnel hurle quand les informaticiens entrent dans leur bureau en leur absence pour installer un logiciel ou réparer leur ordinateur…

Catachrèse

Lu ce jour sur Wikipédia:

La catachrèse (du grec κατάχρησις katákhrêsis, « emploi (abusif) ») est, avec l’emprunt lexical, l’un des procédés par lesquels le lexique d’une langue s’enrichit. Elle donne un sens nouveau à un mot ou à une expression qui existe déjà en étendant ce sens à l’aide d’un trope, ou figure de rhétorique en un seul mot (ou expression). La destinée normale d’une catachrèse est de se lexicaliser, de sorte qu’on oublie que le mot n’a pas toujours eu ce sens-là. Par exemple, on ne voit plus que poubelle est une antonomase (et aussi une métonymie), du nom du préfet de la Seine Eugène-René Poubelle qui imposa en 1884 l’usage de ce récipient.

Il y a dans ce texte six mots ou expressions dont le sens m’échappe complètement. Heureusement l’article renvoie à chaque fois vers la définition, qui elle-même contient entre deux ou dix mots inconnus. Résultat: une heure passée dans les définitions en espérant qu’un ou deux de ces mots nouveaux restent dans ma mémoire…

Vive la langue française !

Retraite II le retour

Dans un billet précédent, je narrais l’annonce du départ à la retraite de l’institutrice de ma fille cadette à la réunion de parents d’élèves.

Cette fois ci, c’est plus stupéfiant:

Décor: Nous sommes à table mes enfants, ma femme et moi.

Moi: Alors, raconte nous un peu ta journée à l’école ce matin.

Ma fille ainée: Se mat1, la pr0f d mat ns a anoncé q cété son dernié kour vec ns cr L parté ala retrait ojdui. d2m1 on ora 1 renplassan

Traduction: Ce matin, la prof de math nous a annoncé que c’était son dernier cours avec nous car elle partait à la retraite aujourd’hui. Demain, on aura un remplaçant.

Outil pour traduire du Français vers le langage SMS.

Ma femme et moi: !!!!!!!!!!!!!!!

Moi: A bon? Elle vous a annoncé ça aujourd’hui?

Ma fille: Bin oui.

Ma femme à moi et moi à ma femme: Voilà un professeur (de collège) qui part à la retraite en pleine année scolaire, finissant sa carrière par une sortie peu glorieuse, en rasant les murs. Annonçant son départ aux enfants le dernier jour au dernier cours, elle faut(*) à son devoir et à la responsabilité qu’elle avait de prendre en charge l’éducation de nos enfants.

Ma fille: On peut prendre notre dessert?

Moi: Est-ce que tu appréciais cette prof?

Ma fille: Non, elle était nulle.

Nous: Bon espérons que son remplaçant sera meilleur.

Conclusion: je n’ai pas pris de dessert.

(*) Le verbe « faillir » au présent. Vous pouvez vérifier dans votre Bescherelle. J’en suis le premier surpris, c’est ma femme qui m’a corrigé. Elle n’est pas Avocate pour rien…

Terminologie et néologie

Dans le journal officiel n°214 du 15 septembre 2006 est publié un avis de la commission générale de terminologie et néologie concernant le vocabulaire de l’audiovisuel et de la communication:

Il ne faut pas dire « home cinéma » mais « cinéma à domicile »,

pas « webcam », mais « cybercaméra »;

pas « blockbuster » (production cinématographique à gros budget), mais « grosse machine »;

pas « story-board », mais « scénarimage »;

pas « call TV », mais « télé-tirelire »…

Au passage, j’ai appris le mot « kakémono » qui signifie « grande affiche à suspendre » (merci google).

Autant j’applaudis les efforts louables d’une commission pour maintenir la richesse de la langue française, surtout dans le domaine technique, autant je m’attriste de voir que cet effort est fait par des technocrates isolés dans leur tour d’ivoire.

Pourquoi ne pas simplement valider tous les termes choisis par nos « cousins » canadiens qui sont confrontés directement au choc des langues.

Quels imbéciles ont choisi « mél » pour remplacer « email » alors que nos amis québécois utilisent depuis longtemps le mot « courriel », diminutif logique de « courrier électronique », traduction pendante de « electronic mail »?

Comment ne pas trouver stupide le mot « cédérom », transcription phonétique de CDROM signifiant « Compact Disc Read Only Memory », alors que l’expression « Disque Compact » nous tendait les bras?

Face aux Avocats dont le métier implique la maîtrise du mot juste, comment vais-je devoir rédiger un rapport d’expertise clair? Dois-je remplacer la phrase « Le disque compact mentionné dans le courriel a été trouvé dans le home-cinéma présent sur place et contenait le story-board d’un blockbuster destiné à une call TV » par la phrase suivante « Le cédrom mentioné dans le mél a été trouvé dans le cinéma à domicile présent sur place et contenait le scénarimage d’une grosse machine destinée à une télé-tirelire ».

Après tout, c’est beaucoup plus joli.

Missions impossibles

Le recours à l’expertise judiciaire permet de pallier l’absence de connaissances du juge quant aux données scientifiques et techniques qui conditionnent la solution du litige.

Pourtant, dès lors que le magistrat n’est pas compétent en matière informatique, il est surprenant qu’il doive fixer des missions précises à l’expert judiciaire (en informatique) sans en discuter auparavant avec lui, ce qui oblige parfois l’expert à répondre de la façon la plus précise à des questions qui n’ont aucun sens (ce qui n’a aucun sens).

L’exemple le plus frappant est celui de la datation. J’ai souvent à répondre à la question suivante : quand l’ordinateur a-t-il été utilisé pour faire telle ou telle chose ? L’ordinateur en question étant sous scellé depuis un certain temps, la pile du BIOS est déchargée, ce qui m’interdit de comparer les date et heure effectivement enregistrées par la machine (en clair, la machine est-elle à l’heure ?) et le temps imparti pour l’analyse de la machine ne me permet pas d’évaluer la dérive éventuelle de l’horloge interne de l’ordinateur. D’autre part, de nombreux utilitaires permettent de modifier les dates et heures de création/modification/dernier accès de chaque fichier, sans forcément introduire d’incohérence entre les différentes dates des autres fichiers du système d’exploitation. Dans ce cas, comment expliquer sans enfoncer des portes ouvertes que les dates et heures enregistrées pour chaque fichier sur l’ordinateur ne sont que de vagues indications.

Un autre exemple est la date de dernier démarrage de l’ordinateur. Cette question m’était posée dans une triste affaire de pendaison où la mère de la victime prétendait qu’il s’agissait d’un crime maquillé et non pas d’un suicide. Après analyse, la date de dernier démarrage correspondait à l’intervention de la maréchaussée lors de la saisie du matériel informatique…

Enfin, une de mes missions consistait à assister un Huissier de Justice pour une saisie en entreprise, avec comme consigne « de saisir tous les cédéroms présents dans l’entreprise ». Il m’a fallu expliquer au juge que d’une part, cela m’amenait à devoir fouiller l’ensemble des tiroirs et placards de l’entreprise, mais également de saisir tous les éventuels cédéroms musicaux qui pouvaient être présents sur les lieux. Avec bien entendu un impact non négligeable sur le coût de l’expertise, dont la responsabilité ne pouvait m’être imputée.

En conclusion, il me semble important de refuser toutes les missions imprécises ou impossibles de facto et de contacter le juge, quand il est joignable, pour discuter des aménagements possibles du libellé des missions qu’il fixe à l’expert.

Qu’est-ce qu’un expert judiciaire ?

J’ai longtemps cru qu’un expert judiciaire était un homme (ou une femme) maîtrisant son domaine technique et à qui l’on demandait un avis, un éclairage, pour amener des données scientifiques comme éléments objectifs dans le jugement d’un litige.

Las, j’ai vite été amené à changer d’avis.

Comme ancien chercheur, j’ai des connaissances pointues dans le domaine des réseaux de neurones formels appliqués à l’identification et à la commande de processus non linéaires.

Comme ancien maître de conférences, j’ai la connaissance des problèmes pédagogiques liés à la rédaction d’explications claires pour un profane (l’étudiant, même brillant et motivé est toujours un profane).

Comme responsable informatique, j’ai appris à gérer mes collaborateurs, mes fournisseurs, mes clients et mon budget.

JAMAIS je n’ai eu de cours de droit ou de procédure.

J’ai longtemps méconnu l’organisation de la Justice en France, avec sa logique, sa beauté et sa complexité. J’ai longtemps cru être un auxiliaire de justice comme les avocats, les avoués près la cour d’appel ou les huissiers de justice. Que nenni.

J’ai prêté serment devant la cour d’appel, ému et impressionné :

« je jure, d’apporter mon concours à la Justice, d’accomplir ma mission, de faire mon rapport, et de donner mon avis en mon honneur et en ma conscience. »

C’est à cette occasion que le premier clignotant est apparu : le président de la compagnie des experts de ma cour d’appel nous a présenté les activités de sa compagnie. Cela me semblait plus relever du réseau social, ou de la confrérie qu’autre chose. Moi qui suis plutôt ours solitaire. Mais il nous a indiqué que la cotisation comprenait une assurance à un prix très compétitif. Une assurance ? Mais contre quoi ? En responsabilité… Mais je connais mon domaine technique, je risque peu de faire une erreur ? Non, non, c’est plutôt contre les erreurs de procédures. Ah ?

Moi qui avais souhaité devenir expert judiciaire pour me rapprocher du métier de ma femme qui est Avocate ! C’est ainsi que maintenant les notions de « contradictoire », « dires des parties », « civil » ou « pénal » n’ont plus de secret pour moi (ce n’est pas vrai mon Amour, je sais que tu sais que je ne sais pas).

Qu’est ce qu’un expert judiciaire aujourd’hui ? Certes, un technicien très spécialisé et à la pointe des connaissances techniques de son domaine ; mais également un technicien maîtrisant parfaitement la procédure, le conflit, la transaction et capable d’imposer son autorité aux avocats et à leurs clients.

A quoi serviront les listes d’expert dans quelques années ? Y aura-t-il encore des professionnels qui s’intéresseront à l’expertise judiciaire ? Nous constatons aujourd’hui une réelle désaffection des listes d’experts judiciaires par les meilleurs techniciens. Le nombre de démissions d’experts judiciaires devient significatif, le nombre d’expert ne demandant pas leur renouvellement l’est encore plus.

La jurisprudence administrative considère l’expert judiciaire comme un collaborateur occasionnel du service public de la justice (Conseil d’Etat Section Aragon du 26 février 1971). La jurisprudence judiciaire est quant à elle différente. Dans un arrêt du 2 juin 2004, la Cour de cassation affirme « l’Expert commis par le juge est un auxiliaire de justice qui de ce fait n’est pas un tiers et n’a pas qualité pour former tierce opposition ».

Quelle solution alors ? La professionnalisation des experts ? Un non sens puisqu’on aboutit alors à un personnage hyperspécialisé dans une profession qu’il n’exerce plus et dont il va perdre à terme la maîtrise et par conséquent le droit d’émettre un avis des plus pertinents.

En fait, plutôt que de désigner un expert et de l’envoyer au massacre judiciaire, il faudrait désigner un avocat spécialisé (et il en existe de très pointus en informatique) qui s’adjoindrait (s’il le juge utile) les services d’un expert technique.

Ce système me semblerait plus sain.

PS: Vous trouverez plus de détails sur ce que sont les experts dans ce billet de Ca’Paxtagore.