25 ans dans une startup – billet n.22

Introductionbillet n.21

Gérer la croissance d’une startup n’est pas chose aisée pour un dirigeant. Il faut créer les bons postes, recruter les bonnes personnes, les manager, les faire grandir, répondre à leurs aspirations, faire des choix stratégiques, etc.

Il faudrait bien plus qu’un simple billet de blog pour analyser les raisons de la crise qui s’est produite au virage du 21e siècle, mais celle-ci résulte sans doute du mélange de plusieurs causes : déceptions humaines, choix financiers compliqués, marché tendu, stratégie de développement hasardeuse…

Pour faire simple et factuel, le directeur général est parti, un nouveau directeur général est arrivé, et avec lui une nouvelle manière de travailler.

L’une des premières choses que le nouveau DG a expliquée à l’équipe de direction que j’avais fraîchement rejointe est la suivante : « je ne vous connais pas, je ne sais pas si vous avez fait de bonnes ou mauvaises choses dans le passé, si vous êtes moteur dans cette entreprise, ou si vous ramez à contresens. Les compteurs sont remis à zéro. Montrez moi vos compétences, et que vous êtes capables de travailler ensemble pour le collectif. »

Après quelques mois d’observation, quelques têtes sont tombées. Je n’en faisais pas partie.

Le projet de déploiement du nouvel ERP a démarré et a duré 24 mois. Tout le monde a pleinement contribué à son succès. La startup disposait enfin d’un outil centralisant toutes les données utiles à son fonctionnement et leurs traitements.

Billet n.23

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.21

Introductionbillet n.20

Avant de parler de la crise qui allait frapper la startup, je ne peux pas éviter de parler d’un événement mondial majeur qui a fait écrire à Alexandre Adler ce titre terrible : « J’ai vu finir le monde ancien« . Littéralement.

J’assurais l’un de mes derniers TP d’informatique. Les sujets étaient distribués, les étudiants commençaient à travailler et à faire des recherches sur internet. En me déplaçant dans la salle de TP, je constate que sur plusieurs écrans d’ordinateur défilent les mêmes curieuses vidéos, sans rapport avec le sujet de TP. Les mêmes vidéos en même temps. Petit à petit, tous les étudiants et moi-même regardons ces images terribles diffusées en temps réel sur internet par les télévisions américaines.

Nous sommes le 11 septembre 2001, les images des tours jumelles du World Trade Center de New-York tournent en boucle partout dans le monde.

Je n’ai pas pris conscience immédiatement de l’immensité du changement de monde que j’observais à ce moment-là avec mes étudiants. J’ai demandé d’éteindre les haut-parleurs des ordinateurs, pour ne pas diffuser les commentaires médusés des témoins directs des attentats. J’ai demandé aux étudiants de se concentrer sur le sujet de TP. Celui-ci était pourtant loin de nos préoccupations, et un lourd silence régnait dans la salle.

Dès la fin de la séance, tout le monde est parti. Je suis rentré chez moi pour regarder les informations. Ma femme et moi avons réussi à protéger nos enfants de ces images terribles pendant quelques heures. Mais l’événement était trop fort, trop universel, trop historique, pour y échapper.

Ces quelques heures terribles ont modifié durablement notre mode de vie. Je ressens encore parfois l’effroi qui s’est emparé de moi à la vue de ces images. En particulier lorsque je les retrouve en version non censurée sur les scellés que je dois analyser, lorsque l’on me confie une mission d’expertise judiciaire et que le scellé appartient à un collectionneur d’images fortes. Le bruit des corps qui s’écrasent aux pieds des tours m’a longtemps empêché de dormir…

Et pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître parfois, la vie continue et avec elle, la série des succès et des échecs.

Billet n.22

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.20

Introductionbillet n.19

Grandir dans une startup n’est pas une chose aussi aisée qu’on peut l’imaginer. Il faut travailler dur et faire les bonnes propositions au bon moment. En 2001, j’étais lessivé par mes activités multitâches, et je constatais que les attentes du personnel auprès du système d’information étaient de plus en plus grandes. J’ai donc proposé au Directeur Général de quitter mon poste d’enseignant-chercheur et de me consacrer pleinement à mon poste de Responsable Informatique. Après quelques jours de réflexion, il acceptait ma proposition, et me proposait en plus d’intégrer le comité de direction (Codir)…

Quand j’ai rejoins la startup, elle avait déjà
trois ans. En 2001, elle avait onze ans, et le comité de direction était devenu le lieu des décisions importantes. En devenir membre permanent était à l’évidence une promotion. Quitter mes fonctions d’enseignant était un virage important pour moi : c’était faire le deuil de l’enseignement et de la recherche, pour revenir à mes premières amours, à l’objet de ma formation initiale, être un ingénieur.

Les défis techniques étaient importants : équiper la startup d’un système d’information digne de ce nom passait alors par le déploiement d’un ERP. En effet, après quelques années à essayer de développer nous même une gestion sur mesure de nos données autour d’une base de données dédiée (j’ai même passé une certification DBA Oracle !), il fallait bien faire le constat que nos développements prenaient un temps incompatible avec la vitesse de croissance de la startup. Je passais donc en mode projet pour faire l’acquisition sur l’étagère d’un progiciel de gestion intégré.

J’enseignais la gestion de projet, et c’était ici l’occasion de passer à la pratique dans ma propre structure. A tous mes jeunes confrères qui lisent ce billet, je profite de cette série pour vous proposer la liste des 10 erreurs à ne pas faire et qui sont les causes traditionnelles d’échec d’un projet :

  1. Absence de responsable projet désigné comme tel
  2. Absence d’équipe projet pluridisciplinaire, allouée partiellement ou totalement sur le projet
  3. Absence d’objectifs clairs
  4. Absence de culture projet concentrée sur le franchissement des jalons
  5. Absence de procédure formelle pour le franchissement des jalons
  6. Manque de formation des équipes projet
  7. Absence de revue de projet
  8. Coordination inadaptée entre les fonctions
  9. Absence de budget alloué au projet
  10. Manque d’intégration des fournisseurs dans les phases clés du projet

Je m’applique alors à éviter chaque écueil. Mais une crise couvait et allait éclater.

Billet n.21

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.19

Introductionbillet n.18

Tout le monde travaillait dur. De mon côté, la coupe était pleine : je ne pouvais plus assurer correctement tous les cours, les faire évoluer au mieux des intérêts des étudiants, manager l’équipe d’enseignants vacataires, tout en assumant le développement quasi-exponentiel de l’informatique pédagogique, de l’informatique centrale, de l’architecture du système d’information, de sa sécurité, et de son maintien en condition opérationnelle… Tout reposait sur mes épaules et sur celles de mes deux techniciens.

Les tensions grandissaient dans la startup car tout le monde souffrait de la surcharge d’activité. L’informatisation de l’activité était une des solutions, mais si celle-ci était mal faite, tout risquait de s’écrouler.

Mes deux techniciens bossaient durs et demandaient de plus en plus la reconnaissance de leur travail. La startup était encore trop petite pour leur permettre d’avoir des postes plus importants et mieux payés. L’horizon était bouché pour eux : s’ils voulaient évoluer et mettre en valeur tout ce qu’ils avaient appris, ils devaient partir. Ce qu’ils ont fait, à mon grand désespoir, mais avec ma bénédiction et mes encouragements.

Il a fallu que je recrute rapidement deux nouveaux techniciens, que je les forme aux outils techniques et aux méthodes que j’avais mis en place. Entre temps, le personnel exigeait toujours plus de l’informatique. Outre les demandes d’intervention techniques, nous devions également répondre aux demandes angoissées concernant Excel, Word et tous les nouveaux outils débarquant dans l’univers de chacun…

Les premières grosses pannes ont commencé à arriver. Un serveur important a lâché, les sauvegardes étaient « presque » fonctionnelles. Un mauvais point pour le PCA
La climatisation de la salle serveurs est tombée en panne un week-end :
la température est montée à 45 degrés, entraînant l’arrêt d’une grande
partie des processeurs des machines (heureusement sans panne
matérielle)…

Bref, les responsabilités grandissaient sur mes épaules, j’apprenais vite et beaucoup, mais j’étais arrivé à un stade où je ne pouvais plus uniquement traiter les problèmes par ordre d’urgence.

Il me fallait demander une ré-organisation de mes missions. Voici ce que j’ai proposé.

Billet n.20

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Extrait de https://salemoment.tumblr.com/

avec l’aimable autorisation de l’auteur Olivier Ka

25 ans dans une startup – billet n.18

Introductionbillet n.17

1999… Ceux qui ont moins de 40 ans aujourd’hui n’ont pas du tellement se sentir concernés, même si les média de l’époque en ont fait des tonnes : LE BUG de l’an 2000 ! Mais pour les informaticiens en place à l’époque, c’était un truc sérieux.

Pour mes jeunes lecteurs, je résume rapidement : durant l’antiquité informatique, la mémoire de stockage longue durée (ie l’espace disque dur) coûtait chère, et donc, comme les informaticiens sont des gens économes, tous les programmes qui géraient des dates, les stockaient sur trois octets, par exemple 63/08/03 pour le 3 août 1963. Et pour comparer les dates, il suffisait de comparer les nombres entre eux. Par exemple, pour savoir si le 12 août 1981 est avant ou après le 3 août 1963, il suffit de comparer 810812 et 630803.

Sauf que, avec cette logique, lors du passage de l’année 1999 à l’année 2000, on allait passer de 99 à 00, et donc avoir un risque non nul de problèmes de calcul de dates… L’apocalypse guettait.

MAIS grâce au courage et au dévouement de tous les informaticiens du monde entier qui se sont donnés la main et la souris, des correctifs ont été écrits, des choix technologiques ont été faits (par exemple, la règle 2029 dans Excel), un label « compatible an 2000 » a été créé, les avocats ont préparé leurs armes, et tout le monde a retenu son souffle le 31 décembre 1999 à 23h59.

Pour ma part, j’avais appliqué tous les patchs recommandés, et je m’étais auto imposé une astreinte en salle serveurs. Je suivais l’évolution des différents passages à l’an 2000 dans les différents fuseaux horaires, et s’il y avait des problèmes (il n’y en a pas eu). A 00h00, le 1er janvier 2000, dans ma tranche horaire, j’ai constaté qu’aucun problème ne se présentait, et pour plus de sécurité, j’ai redémarré tous les serveurs et tous les périphériques réseaux.

J’ai pu alors rentrer chez moi et entamer cette dernière année du 20e siècle en sablant le champagne avec mon épouse. Et attendre sereinement les prochains problèmes (pensez-y le 19 janvier 2038 😉

Ce que je ne savais pas, c’est que la startup entrait dans une zone de turbulences…

Billet n.19

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.17

Introductionbillet n.16

La puissance d’un collectif, cela se mesure par la somme des forces de chacun de ses membres. En l’espèce, notre pouvoir de persuasion des financeurs publics régionaux d’avoir la vision du développement d’internet. En 1998, ce n’était pas franchement gagné. Pourtant, nous avons réussi à faire relier chaque établissement, y compris le plus paumé dans la pampa, à la prise régionale du jeune réseau national de télécommunications pour la technologie, l’enseignement et la recherche, de son petit nom RENATER, créé en 1993.

En 1999, je disposais ainsi d’une fibre optique, et de 254 adresses IP, c’est-à-dire d’un segment internet /24 (on disait encore « une classe C » à l’époque) à gérer moi-même. Et d’un nom de domaine.

J’ai du apprendre ce qui était un nouveau métier pour moi : administrateur réseau. Passerelles, zone démilitarisée (DMZ), parefeu, routage… autant de concepts que je n’avais pas étudiés à l’école et qui s’imposaient à moi.

Et nous avons installé une messagerie pour les étudiants, dans le prolongement de notre Sendmail, et un accès internet sur tous les ordinateurs de l’école. J’allais découvrir une autre facette de mon métier : l’analyse des logs et la surveillance du bon usage du réseau et de son accès internet. L’administrateur informatique est omnipotent et la jurisprudence concernant la cybersurveillance balbutiait (cf l’histoire des administrateurs informatiques de l’ESPCI). Comme beaucoup, j’ai commis des erreurs dans mon empressement à maîtriser la bonne utilisation des tuyaux. J’ai par exemple longtemps affiché dans la salle commune les statistiques nominatives d’usage de la messagerie… et le top 10 des sites internets consultés. Sachant qu' »internet is for porn« …

C’est à cette occasion que j’ai rédigé ma première charte informatique.

C’est aussi à ce moment que j’ai commencé à tester les failles de mon propre système : lire à ce sujet le billet « cracker les mots de passe »… Quel informaticien n’a pas un jour rêvé de se transformer en pirate en forçant les sécurités mises en place ? Surtout quand il s’agit de son propre système, avec sa propre autorisation o/

Entre temps, mon épouse avait posé sa plaque d’avocate. Mes soirées étaient occupées à faire son secrétariat sur ordinateur en tapant son courrier ou ses conclusions. C’est en l’aidant sur ses dossiers qu’elle m’a encouragé à poser ma candidature pour devenir expert judiciaire. Je prêtais serment en janvier 1999, à 35 ans.

Le service communication de la startup ne s’intéressait pas encore à internet. La révolution était encore simplement numérique. J’ai ainsi pu créer assez librement avec mes étudiants le premier site web de l’établissement, en HTML, optimisé pour des écrans 800×600… J’avais demandé aux étudiants du projet de contacter tous les autres étudiants pour traduire les pages (statiques) dans le plus grand nombre de langues possibles. C’est ainsi que nous étions très fiers d’avoir une version en anglais, en allemand, en espagnol, en italien, mais aussi en chinois (les caractères au format image), en portugais, en polonais, en néerlandais, en roumain, en russe, en arabe, en gabonais, en mauritanien, en sénégalais, et même en créole martiniquais. Le site existe encore dans mon cœur et sur archive.org 🙂

Mais un gros nuage informatique mondial s’annonçait : la fin de l’année 1999 et le passage à l’an 2000…

Billet n.18

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Image obtenue avec oldweb.today

25 ans dans une startup – billet n.16

Introductionbillet n.15

En 1998, cela fait 5 ans que j’ai rejoins cette startup qui a maintenant 8 ans, et bien sur, nous branchons sur notre nouveau réseau informatique tous les serveurs déjà en place, qui font le job, et que nous maîtrisons tant bien que mal : autour de trois serveurs Novell Netware 4.1 (administration, pédagogie et recherche), les utilisateurs disposent de services d’authentification, d’impressions et de stockage de fichiers qui fonctionnent plutôt bien.

Je prends une décision difficile : la suppression de notre réseau LocalTalk et son protocole AppleTalk, et donc RIP les trois Macintosh sur lesquels certains enseignants faisaient de la PAO vers la magnifique imprimante LaserWriter… Les coûts des différents logiciels et la nécessité de rationalisation m’obligeaient à passer tout le monde sous Windows 95. Avec les nouvelles salles informatiques déployées, et les machines entrant dans les bureaux, nous atteignons 100 ordinateurs. J’enseigne les couches du modèle OSI.

Mais il manque la messagerie et l’accès à internet. A vrai dire, à cette époque, ils me manquent surtout à moi : personne n’en veut, et à part quelques chercheurs intéressés, tout le monde nous regarde en haussant les épaules. Voire avec une certaine inquiétude : « mais si tu installes une messagerie, on va nous supprimer nos casiers, nos fiches navettes congés… Et tant qu’à faire, pourquoi pas les notes de service papier !? »

Mais avant de découvrir la résistance au changement, la peur de la nouveauté et les prémisses difficiles de la révolution numérique, j’avais un vrai problème technique à résoudre : comment mettre en place un accès internet pour 30 personnes ?

Fort de mon expérience parisienne où j’avais découvert le réseau de réseaux à la fin des années 80 (le web graphique n’existait pas encore ! Nous utilisions des lignes de commandes pour échanger des fichiers et envoyer des emails. Lire le billet « Votre plus vielle donnée« ), me voici à investiguer depuis la maison avec mon PC et modem USRobotics perso sur les forums et les HOWTO… C’est l’époque de mes premiers sites persos sur Mygale.org et GeoCities et de mon FAI Worldnet puis Freesbee. J’enseigne le HTML.

Liberty Surf, Freesurf, World Online, Oreka, Fnac.net n’existent pas encore.

Le nouveau nom du portail « Pages Jaunes Multimédia », renommé « Wanadoo » en référence à l’expression argotique américaine « Wanna Do », a trois ans. Les français consultent leurs emails sur Minitel, et l’hésitation va durer.

1998, c’est avant tout et surtout pour moi la naissance de ma deuxième fille. Mon épouse est avocate stagiaire, j’enseigne et je développe le système d’information de la startup, nos journées sont bien remplies, nos soirées et nos nuits aussi 🙂

En quête d’aide pour mon problème d’accès à internet (l’ADSL est balbutiant), je me rapproche de l’université voisine qui mène la même réflexion, mais avec des moyens plus importants que les miens. Depuis 1996, elle me prêtait une machine NeXSTEP, un modem, et hébergeait mes quelques comptes emails provisoires. J’apprends à cette occasion l’existence d’un groupe de responsables informatiques réunis en association loi 1901 avec l’objectif de créer un réseau régional d’accès à internet pour les établissements d’enseignement supérieur de ma région. J’y adhère.

Je ne suis donc plus seul.

Petit, mais plus seul…

J’allais découvrir la force d’un collectif…

Billet n.17

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Faire les bons choix…

25 ans dans une startup – billet n.15

Introductionbillet n.14

Il n’y a pas de formation « responsable informatique dans une startup ». Au départ, vous vous dites que vous allez faire de votre mieux et que tout le monde va vous féliciter. Après tout, vous êtes celui qui vient éteindre l’incendie, celui qui vient régler les problèmes en trouvant des solutions…

C’est vrai.

Au départ.

Puis, très vite, vient le temps où vous êtes perçu comme la cause des problèmes. Après tout, c’est vous qui êtes responsable de l’informatique (donc des problèmes qui viennent avec).

C’est vrai aussi.

Ma première idée a été de préserver mon équipe, en les protégeant le plus possible des reproches et des coups. Cela leur permet d’être concentrés sur le support 1 et 2, pendant que je lutte pour obtenir des moyens, des crédits, des ressources humaines, tout en essayant de réfléchir aussi aux solutions que je peux apporter à plus long terme : c’est l’objet du plan d’investissement, qui s’est vite transformé en schéma directeur, puis en SDSI. Et en même temps (marque déposée), j’apprends à être admin réseau, à gérer la sécurité informatique, à dépanner les ordinateurs, à gérer le stockage, les sauvegardes, les pannes…

Pour construire le nouveau réseau informatique, j’ai rédigé le cahier des charges, puis le CCAP et le CCTP en m’aidant de documents similaires trouvés sur internet. Je suis allé voir les responsables informatiques des entreprises locales et des universités de la région. J’ai fait une synthèse de tout cela, je suis allé voir le directeur général qui a obtenu le soutien des financeurs. J’ai ensuite passé un appel d’offre, animé la commission d’ouverture des plis et de sélection des soumissionnaires. Le chantier a démarré, avec sa cohorte de problèmes et de micro-décisions. Avec au bout un nouveau réseau flambant neuf : un mélange de câbles catégorie 5e+ (la catégorie 6 allait sortir bientôt) certifiés gigabit, avec des jarretières RJ45, et de fibres optiques certifiées, elles, 10 gigabits.

Pour l’époque (1998), c’était avant-gardiste. Tellement d’ailleurs, que le budget et la raison m’ont conseillé de ne prendre en actifs réseaux que des switchs 100 Mb/s et un cœur de réseau gigabit (soit 10x moins que le maximum possible). Je préparais ainsi le coup suivant et pensais à mon « moi de dans dix ans »…

La base de l’informatique, c’est le réseau. Il faut que celui-ci soit fiable et performant. Une fois celui-ci construit, il ne reste plus qu’à le maintenir en état et appuyer dessus les ordinateurs et les logiciels adéquats, pour pouvoir atteindre et franchir cette mythique année Y2K sans voir se déclencher mon siège éjectable. Le maintenir en état dans la durée, cela veut dire de protéger les prises des branchements sauvages, d’interdire les ajouts de « bout de réseau » non certifiés (tirage de câbles par des amateurs…), de surveiller son fonctionnement avec des sondes logicielles… Un vrai métier.

Oui, mais pour le reste : quels serveurs brancher sur ce réseau et quels logiciels installer dessus, pour quels services ?

Billet n.16

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Source Wikipedia

25 ans dans une startup – billet n.14

Introductionbillet n.13

Le réseau informatique s’agrandit, jusqu’au jour où la première catastrophe est arrivée : une panne complète du réseau. Avec le recul, je me dis aujourd’hui qu’une telle situation était inéluctable.

A cette époque lointaine, le câblage n’était pas dédié à l’informatique. Dans un élan de modernité, les concepteurs des bâtiments avaient mis en place un câblage universel pour la téléphonie, la vidéo et l’informatique. Toutes les baies de brassage étaient étiquetées pour que l’attribution d’une prise terminale soit clairement effectuée : une prise pouvait donc être affectée, soit au réseau informatique (exemple: un ordinateur pour le relier aux serveurs), soit au réseau téléphonique (ex: un téléphone pour le relier au PABX), soit au réseau vidéo (ex: un téléviseur pour le relier à la régie vidéo).

Avec plus de 850 prises dans les bâtiments, ce qui devait arriver arriva : les trois réseaux supposément étanches commençaient à avoir de plus en plus d’anomalies de branchements, de boucles, de défauts, d’interférences… Et le plus sensible dans l’histoire, était le réseau informatique avec ses HUB 10Mb/s, ses tempêtes de diffusion, etc. Nous en étions arrivés au point où régulièrement, nous devions appuyer les mains à plat sur les câbles des baies de brassage pour rétablir les points de contact dans les modules IBCS infraplus…

Il fallait trouver une solution. J’ai eu beau tourner le problème dans tous les sens, je n’en voyais qu’une : faire poser un nouveau câblage, dédié à l’informatique, en faisant cette fois les bons choix technologiques.

Je découvrais alors le fondement même du métier de responsable informatique, ce qui fait sa force ou sa faiblesse : devoir faire les bons choix pour préparer l’avenir, dans un domaine aussi évolutif que l’informatique :

– GNU/Linux, BSD, Novell, Solaris, NeXSTEP, Système 7, OS/2, VMS, HP-UX ou Windows  ?

– HUB ou switchs, câblage de catégorie 5 ou 5e, fibres optiques monomodes ou multimodes ?

– Serveurs tours ou en rack, 1U ou 2U, processeurs RISC ou CISC ?

– Fortran, Prolog, LISP, langage C ou SmallTalk ?

– Ajouter des trucs au système en le touchant le moins possible, ou remettre tout à plat ?

Tels étaient quelques uns des choix qui s’offraient à moi à l’époque. Et, bien que la startup commença à avoir quelques années au compteur, pas question d’avoir une assistance à maîtrise d’ouvrage, ni un conseil de qui que ce soit.

Comme beaucoup de mes (jeunes) homologues, j’étais seul…

Billet n.15

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Source darkroastedblend.com

25 ans dans une startup – billet n.13

Introductionbillet n.12

Le lendemain de l’annonce de ma prise de fonction, toutes les personnes rencontrant des problèmes informatiques m’appellent pour que je les résolve immédiatement… Impression, mise en page, formule dans un tableur, bourrage papier, fichier effacé, etc.

Je réponds aux demandes comme je peux, mais j’essaye de donner de l’autonomie aux personnes pour qu’elles puissent s’en sortir seules la prochaine fois. J’utilise tout mon sens de la pédagogie pour former mes collègues. Hélas, le sujet est plus complexe que je ne l’imaginais et l’envie d’apprendre assez différente de celle des étudiants. Je découvre la résistance au changement…

Très vite, au bout de quelques mois, je comprends que je ne m’en sortirai pas comme ça. On ne peut pas carillonner et être à la procession, on ne peut être à la fois au four et au moulin. Je propose le recrutement d’un jeune technicien info pour m’aider sur la fonction support.

Puis, à deux, nous commençons l’amélioration des outils informatiques :

– structuration des données du serveur de fichiers

– mise en place d’un accès à internet par modem (nous sommes en 1996, la plupart des établissements d’enseignement supérieur sont déjà reliés à internet depuis au moins 10 ans !)

– installation d’IP sur les postes de travail, en cohabitation avec IPX

– mise en place d’un nom de domaine au nom de la startup

– création d’un serveur de messagerie Sendmail et d’une première passerelle, basés sur la distribution Yggdrasil Linux

– installation d’un outil de messagerie (Pegasus Mail)

– passage à Windows 95 et Windows NT

– abandon des Mac et des stations HP-UX au profit d’une uniformisation des logiciels.

En quelques années, toute l’organisation du travail va changer.

Les ordinateurs commencent à envahir très progressivement les bureaux, avec leur complexité technologique. Les dernières machines à écrire sont rangées, avec leurs duplicateurs carbones, mais sont prêtes à être sorties au moindre problème.

La startup grandit, le service informatique s’étoffe avec l’arrivée d’un deuxième technicien info.

Netscape Navigator règne sans partage et nous permet d’aller consulter les bases de données d’Altavista. La sécurité informatique commence à faire parler d’elle. Je donne sur le sujet une conférence à mes étudiants de 5eme année, basée sur l’ouvrage « Naissance d’un virus » de Mark Ludwig.

J’applique ce que j’enseigne et j’enseigne ce que j’applique. Attaques, défenses, contre-mesures, services (serveurs d’impression, serveurs de fichiers, authentification, sauvegardes…), MCO, plan d’investissement informatique.

Le réseau informatique s’agrandit, jusqu’au jour où…

Billet n.14

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.