Ceux qui me suivent sur Twitter savent que j’ai perdu une personne proche. J’ai du mal à me remettre dans l’état d’esprit d’écriture de billets pour le blog. Je publie donc peu.
Je suis parti une semaine aux sports d’hiver avec mes enfants et leurs cousins. J’ai ainsi pu frimer pendant deux jours comme « papa célibataire » avec ses six enfants, le temps pour mon épouse et mon beau-frère de nous rejoindre.
Tout d’abord, il nous a fallu entasser toutes les affaires dans la voiture et le coffre de toit (dont un monoski, une paire de ski, un snowboard, 3 paires de chaussures et 7 casques), puis les 6 enfants et le chauffeur. La voiture restait manœuvrable et mon « vieux » GPS toujours gaillard.
Puis il a fallu faire la route jusqu’à la station: 3h prévues, 6h effectives. Six heures de route pendant lesquelles il a bien fallu trouver un coin pour faire pipi, un endroit pour répondre à la question « quand est-ce qu’on mange », sans pour autant perdre trop de places dans l’énorme cordon de voitures menant jusqu’aux stations, cordon que – curieusement à mon goût – l’on appelle bouchon.
Une fois arrivés en terre promise, il a fallu faire 3/4h de queue à l’agence de voyage pour récupérer les clefs de l’appartement, faire un rapide inventaire, mettre le courant (trouver le disjoncteur), faire changer les ampoules en panne, répartir les chambres, décharger la voiture tout en expliquant aux gentils contractuels que cela ne durera pas longtemps…
Quand on est deux ou trois adultes, toutes ces opérations sont faciles, laborieuses mais simples. Lorsque l’on est seul, et pas forcément réputé dans la famille pour sa débrouillardise domestique légendaire, le challenge était élevé.
J’ai réussi à trouver le parking souterrain prévu pour la voiture, et y garer icelle malgré son coffre de toit, les autochtones gérant l’entrée du parking m’ayant vaillamment répondu que « ça devrait passer si vous ne descendez pas trop dans les niveaux inférieurs du parking ».
De retour dans l’appartement, j’ai réussi à faire mettre tout mon petit monde en tenue hivernale pour aller chercher les skis/chaussures/battons/après-skis manquants. Nous avons mis une joyeuse animation dans le magasin de location, qui curieusement était plutôt vide.
Quand je suis arrivé au guichet des forfaits, j’étais un peu sur les rotules. Pourtant, j’avais eu la présence d’esprit de noter sur un papier, la liste des prénoms des enfants avec leur âge ET leur date de naissance, et de les occuper dans l’appartement au jeu « je range mes affaires ». C’est donc avec une certaine assurance que j’ai annoncé:
« Bonjour, un forfait adulte et six forfaits enfants pour la semaine, s’il vous plait ».
L’hôtesse d’accueil m’a fait un charmant sourire et m’a demandé:
« Pas de problème, vous avez les pièces d’identité de tous les enfants? »
Patatra. Dans chaque journée, que vous soyez au travail ou en vacances, seul ou en groupe, en maillot de bain ou en combinaison fluo, il y a toujours un petit grain de sable qui vient enrailler toute la belle mécanique organisationnelle que vous avez essayée de mettre en place.
Avec un esprit vif comme une Herminiimonas glaciei, j’ai répondu:
« heu, bah, bin, non. J’ai bien une carte vitale, mais ça va pas vous intéresser beaucoup et il n’y a que mes 3 enfants dessus, mais ma femme n’est pas là, les autres, et bien, ce sont mes neveux, mais leurs parents ne sont pas là. Mais j’ai des photos pour les forfaits, enfin je crois. »
D’un regard glacial, la préposée aux forfaits m’a montré l’inscription apposée sur la vitre du guichet: « PIÈCE D’IDENTITÉ OBLIGATOIRE POUR LE TARIF ENFANT », et m’a demandé d’aller vérifier dans mes bagages si les sésames d’identification administrative ne s’y seraient pas glissés, par hasard.
En revenant vers l’appartement, j’ai senti mon esprit de l’escalier me faire monter la moutarde au nez. J’ai fait demi tour et je suis retourné voir ma guichetière pour lui débiter d’une traite: « Bon écoutez, vous en connaissez beaucoup des pères se baladant seul avec six enfants. Alors, voilà, la mère de 3 d’entre eux vient de mourir, ma femme aide pour la préparation de l’enterrement et je suis chargé de leur changer les idées en les amenant au ski. Alors les pièces d’identité, je ne les ai pas, je ne les aurai pas et je ne les aurai jamais. Est-ce que vous pourriez faire une exception? »
J’ai du être suffisamment convainquant, sérieux et désorienté. Elle m’a fait confiance. Elle a vu que je ne cherchais pas une excuse bidon. Elle m’a fait le tarif enfant, et elle m’a préparé chaque forfait avec gentillesse et délicatesse. J’ai vu enfin en France derrière un guichet quelqu’un qui possède un peu d’affection et de compassion pour son prochain. Que la station de TIGNES reçoive ici toute mon admiration pour être capable d’employer des êtres humains, heu… humains.
Le soir, j’ai sagement préparé le repas en amenant tout le monde au restaurant.
Le lendemain, nous étions sur les pistes. J’ai pu faire le dinosaure avec mon monoski (et quelques belles chutes). Les enfants riaient en sautant sur les bosses.
Deux jours plus tard, ma femme et mon beau-frère venaient en remplacement soutien. N’empêche, je sais survivre en environnement ado. Même que je les ai faits se brosser les dents! Trop fort…
Cela a été la semaine de ski la plus triste de toute ma vie. Mais les enfants en ont profité et se sont changés les idées.
Et c’est cela l’essentiel.
PS: J’aime le fond noir de mon blog. Il correspond bien à mon état d’esprit, à mes états d’âme. Je sais que cela rend les textes difficiles, voire impossible à lire. Mais vous savez que le Dark, J’adore…