Bogue suite

Je trouve particulièrement amusant que le mot “bug” soit entré dans le vocabulaire de base des jeunes adolescent(e)s. Ma fille utilise (trop) souvent l’expression “Papa, vient voir ya la télé qui bugue”. Cela me fait toujours sourire, me fait fondre et m’oblige à courir donner un grand coup de poing sur le décodeur TNT (en fait, je le débranche et le rebranche, cela vous rappelle quelque chose?).

J’ai raconté il y a quelques temps une anecdote dans laquelle la discussion lors de la réunion d’expertise a porté sur la définition du terme “bug” ou “bogue”.

En me promenant sur le réseau international de communication entre ordinateurs (c’est plus classe à mon âge que de dire “surfer sur Internet”), je suis tombé encore et toujours sur un article de wikipédia où il est question de “Mandelbug“, “Schödinbug“, “Heisenbug” et “Bohr bug“.

Pour tous ceux que les billets truffés de liens agacent, je résume un peu les définitions:

Mandelbug: c’est un bogue dont les causes sont si complexes que son comportement apparaît chaotique ; il le reste tant que le testeur n’arrive pas à établir précisément un comportement déterministe d’apparition du bogue.

Schödinbug: c’est un bogue qui n’est pas découvert et non gênant pour les utilisateurs, mais qui apparaît après que quelqu’un a relu le code source ou utilise le logiciel d’une façon non habituelle.

Heisenbug: c’est un bogue basé sur le principe d’incertitude d’Heisenberg “observer une structure modifie son état” (ex: le programme tourne sous le débogueur, mais pas sur la ligne de commande).

Bohr bug: c’est un bogue qui, à la différence des heisenbugs, ne disparaît ni n’a ses caractéristiques modifiées lorsqu’il est recherché: il est persistant.

A cette liste, j’ajoute le:

Zythombug: c’est un bogue qui disparaît au moment où arrive l’informaticien que l’utilisateur a fait venir pour le dépanner.

Dans l’expertise citée en tête du présent billet, nous avions affaire à un “mandelbug”. Je ne suis pas sur que les parties auraient appréciées mes explications…

Et pour ne pas mourir idiot, un extrait du dictionnaire de l’Académie française (neuvième édition):

I. BOGUE n. f. XVIe siècle. Mot de l’Ouest, probablement issu du breton bolc’h, «cosse de lin». BOT. Enveloppe de certains fruits, armée de piquants. La bogue de la châtaigne, du marron d’Inde, de la faine.

II. BOGUE n. f. XVIe siècle. Emprunté de l’ancien provençal boga. ZOOL. Poisson de la famille des Sparidés, commun en Méditerranée, à nageoire dorsale épineuse.

III. BOGUE n. f. XIXe siècle. Emprunté de l’italien du nord boga, «chaîne, anneau de fer», d’origine germanique. Anneau fixé au manche d’un gros marteau de forge.

Interro demain pour voir!

Je suis un imposteur

En relisant quelques anciens billets, je m’aperçois que je prends un malin plaisir à y glisser quelques citations, le plus souvent en latin.

J’ai fait du latin jusqu’en classe de terminale, mais une malheureuse impasse sur cette matière m’a logiquement et inéluctablement condamné à une piteuse à l’examen final.

Et malgré tant d’année d’études, de traductions et de versions, j’ai oublié jusqu’à la déclinaison de la rose et les significations de “datif” ou “ablatif”. J’ai pu le constater quand ma fille aînée a commencé cette langue en cinquième (à son grand désespoir…)

Alors, pourquoi cette imposture? Pourquoi truffer ce blog de citations dans la langue de Caesar? La réponse est toute simple: j’aime le latin. Pas la langue, que je ne maitrise plus, mais les sensations que je ressens devant l’utilisation de cette langue.

La maîtrise du latin, pour moi, est synonyme de culture. Cela me renvoie à ma jeunesse et aux professeurs que j’ai connus. Cela me renvoie aussi à l’étude de la civilisation romaine antique. Cela me renvoie également à Astérix, mais cela il ne faut pas l’écrire…

La première fois que j’ai visité Rome, je suis resté sans voix devant la “via sacra” dans le Forum, et devant le Colosseum. Je voyais presque passer les triomphes

Rome enfin se découvre à ses regards cruels;

Rome, jadis son temple, et l’effroi des mortels;

Rome, dont le destin dans la paix, dans la guerre,

Est d’être en tous les temps maîtresse de la terre.

Et pourquoi le latin et pas le grec alors?

Tout simplement parce qu’il n’y pas de police Symbol sur blogspot… Cela donnerait:

O kronoV didaskei touV anqropouV

Le temps enseigne les hommes

Je n’ai pas de culture, mais j’aime me cultiver.

J’aime faire semblant aussi. Et Google is my friend.

Je suis un imposteur.

Je sors de Rome, Arsace, et j’en sors pour jamais.

Un nouvel oracle

De tout temps, l’homme s’est entouré d’un certain rituel pour l’aider à prendre une décision. Il a sacrifié des animaux, lu les étoiles, observé le vol des oiseaux, mis sa foi dans des proverbes… Aujourd’hui, il fait appel à un nouveau rite, moins poétique, mais peut-être plus rationnel, l’utilisation de l’ordinateur. Et avec l’ère de l’ordinateur est né un nouvel oracle: Internet.

L’ordinateur, c’est la Pythie chargée d’apporter aux internautes la réponse de l’oracle à leurs questions. La Pythie entre en transes et les prêtres interprètent ses gestes et les sons qu’elle produit sous l’influence du dieu.

Mes étudiants-prêtres interrogent Internet avec tous types de questions: horaires de cinéma, corrigés de TD, orthographe d’un mot, etc. Et quelles que soient les sources des réponses qu’ils obtiennent, ils justifient haut et fort leur nouveau savoir: “si c’est écrit sur Internet, c’est que c’est vrai”.

Et c’est là que semble apparaitre la plus grande différence entre l’époque actuelle et l’antiquité: auparavant, l’oracle ne devait pas se tromper, et donc les réponses étaient souvent ambiguës. Aujourd’hui l’oracle est très précis dans ses réponses, mais il en fournit un million pour chaque question.

Finalement, est-ce vraiment différent?

PS: Samedi nous sommes le 07/07/07, n’oubliez pas de mettre vos réveils à 07:07.

Dans l’antiquité, le chiffre sept étant considéré comme celui de la sagesse, de la connaissance. Les grands sages de l’antiquité devaient être au nombre de sept. La liste de ces sept personnes avait été arrêtée par les prêtres de Delphes (selon l’oracle).

Tiens, je remâcherais bien quelques feuilles de lauriers moi…

Plus X

Certaines réactions chimiques n’ont lieu qu’en présence d’un catalyseur, tels les mariages, légalisés par la présence d’un officiel. Quelques équations ne peuvent être résolues que par l’insertion d’une quantité inconnue appelée x. Si vous n’avez pas ce qu’il vous faut pour obtenir un résultat, vous devez ajouter ce dont vous avez besoin. Si vous avez besoin d’une aide extérieur qui n’existe pas, il vous faut l’inventer.

Chaque fois que l’homme s’est trouvé incapable de maîtriser son environnement les mains nues, ledit environnement a été soumis par la force ou l’entêtement par l’Homme plus x. Il en était ainsi depuis le début des Temps: Homme plus outils ou armes.

Mais x n’est pas nécessairement quelque chose de concret ou de solide, quelque chose de mortel ou de visible. Ce pouvait être aussi intangible ou indémontrable que la menace des feux de l’Enfer ou la promesse du Ciel. Ce pouvait être un rêve, une illusion, un mensonge abominable… N’importe quoi, pratiquement.

Eric Frank Russel, “Plus X”

J’aime beaucoup l’idée que quand rien ne va plus, quand vous êtes au 22e sous sol, une idée saugrenue – souvent sans rapport avec ce qui vous arrive – vous permet de toucher le fond et de remonter.

Lisez ce livre, et vous comprendrez 🙂

Le Dernier Jour d’un condamné

L’avantage d’avoir des enfants, c’est d’être finalement obligé de réviser ses classiques pour rester dans le coup.

Parfois, cette révision passe par des voies surprenantes: il s’agit cette fois d’une bande dessinée de Stanislas Gros intitulée : “Le Dernier Jour d’un condamné” de Victor Hugo. Je l’ai dévoré d’une traite et ai refermé la bande dessinée avec l’idée de trouver le livre le plus rapidement possible.

A recommander à tous!

Un œil, des œils

Depuis des lustres je reprends mes enfants quand ils glissent une (petite) erreur dans la conversation:

“Dis Papa, la hauteur des œils est-elle toujours constante?”

“On ne dit pas des œils , mais des yeux”

Et bien, la langue française étant ce qu’elle est, j’ai découvert que la conversation (virtuelle) précédente montre que mes enfants (réels) peuvent avoir raison contre toute apparence: en typographie, l’œil (pluriel œils) désigne la partie de la lettre en relief sur la tige.

J’ai vérifié dans mon dictionnaire, c’est vrai.

Et comme disent mes étudiants, si c’est écris sur internet, c’est que c’est vrai.

Prudence donc avant de ramener sa fraise

Toi aussi mon fils !

Toi aussi mon fils !

Tu quoque, mi fili!

Et tu, Brute!

Le saviez-vous? Jules César, dans l’hypothèse où il a effectivement prononcé cette phrase, l’aurait exprimé en grec :«kai su, teknon» (même toi, mon enfant!), langue des élites romaines.

Si je fais ainsi étalage de ma culture googlesque, c’est simplement parce que mon ignorance me fascine et pour vous narrer la petite mésaventure qui m’est arrivée il y a peu, et qui n’intéressera que moi:

Mon ordinateur est toujours ouvert à tous les vents puisque j’y branche et débranche toutes sortes d’appareils plusieurs fois par expertise. Même la façade est démontée pour pouvoir y mettre mon boitier USB de lecture de disques durs IDE.

J’ai donc sur ma table de travail une machine dénudée particulièrement inesthétique, mais dont tous les voyants, leds et autres loupiotes clignotent à qui mieux mieux dans la pénombre de mon bureau.

Tout ceci est tentant pour des petites mains curieuses.

J’étais concentré sur un travail particulièrement difficile (la lecture d’un billet du carnet de Pikipoki sur la gestion du stress si mes souvenirs sont bons), quand ma fille ainée est entrée dans mon bureau pour discuter avec moi.

Pendant la discussion, elle me montre une lumière en disant “ah c’est joli ça”, et sans que je n’ai le temps de réagir, appuie dessus.

Il s’agissait du bouton d’arrêt du PC.

La bouche ouverte, j’ai regardé ma machine se mettre à entamer sa procédure de “shutdown” et s’arrêter.

Une saisie d’image était en cours depuis 3h.

Un article de ce blog était en cours de rédaction sans avoir été “enregistré en mode brouillon” (en mode web 2.0 cela veut dire “circulez y a plus rien à récupérer”).

kai su, teknon

Avez vous déjà vu quelqu’un dormir à une de vos présentations PowerPoint ?

Si vous êtes déjà capable de faire des présentations PowerPoint où tout le monde reste suspendu à vos lèvres, alors ce billet n’est pas pour vous.

Je suis en train de lire un livre que je recommande à tout le monde: “Comment ne pas endormir son auditoire en 30 secondes” de Jean-Marc Aimonetti aux éditions De Boeck.

Même si pour ma part, je ne m’en sorts pas si mal lorsque je suis invité à faire une conférence à des étudiants, j’ai beaucoup appris à la lecture de cet ouvrage. Je vais même essayer d’en tirer quelques leçons pour les billets de ce blog, mais aussi pour mes rapports d’expertise.

Le livre donne surtout les clefs d’une communication orale réussie, mais aussi quelques anecdotes vécues croustillantes.

Extraits:

  • Je mets [le lecteur] au défi de n’avoir jamais croisé un orateur pitoyable, celui qui ne regarde que la lumière de secours qui brille en coulisse, celui qui reste “scotché” à ses notes et qui ne lève jamais la tête de son pupitre, celui qui assassine d’entrée l’auditoire avec deux diapositives illisibles bourrées de formules chimiques et qui dit modestement “comme tout un chacun sait…”
  • Thelma travaille sur la maladie de Parkinson […] Elle devait parler devant environ deux cents personnes et elle avait peur. […] Thelma est appelée au pupitre. Elle s’approche de la scène, commence à monter les marches et se prend les pieds dans le tapis rouge. Elle atterrit quelques mètres plus loin, juste en dessous du pupitre. Elle se relève, saisit le microphone et dit: “Justement, je devais vous parler des troubles de la marche chez le parkinsonien.” Les Japonnais qui n’avaient pas osé rire jusque là se sont lâchés pour de bon. Elle venait de faire une des meilleures accroches auxquelles je n’ai jamais assisté, sans même le faire exprès.
  • L’accroche solennelle est un exercice de haute voltige que je recommande pas, sauf si vous avez un talent certain pour la grandiloquence. Dans un congrès à Québec, un ami qui travaille sur l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle a hurlé en projetant sa première diapositive où l’on voyait une carte du Québec avec un nuage d’électrons autour: “Vivent les électrons LIBRES!” Il fallait oser.
  • Le trac est une réaction de défense du système nerveux autonome, celui que la volonté ne commande pas. C’est un moyen inconscient de vous protéger. Votre cerveau, malgré votre volonté, donne de l’énergie pour la parole et la réflexion. Comme l’énergie disponible n’est pas infinie, le cerveau arrête ce qui ne sert à rien à ce moment-là: les fonctions digestives et la motricité (dans ce cas, le problème est que la voix est créée par des muscles). Les mains moites, l’envie d’uriner sont une conséquence physiologique de l’émotion.

J’ai particulièrement apprécié la partie du livre consacrée à la panne du vidéoprojecteur.

Vraiment, un livre à lire.

Bravo bravo j’y étais

Nous sortons régulièrement, mon épouse et moi, pour assister à un spectacle donné dans notre bonne salle culturelle locale.

C’est une sortie nécessaire rendue obligatoire par ma monomanie informatique.

Mais souvent, le spectacle est dans la salle…

Notamment à la fin du spectacle quand les spectateurs se mettent à applaudir tout rompre, parfois même quand certains tentent de faire se lever l’assemblée pour une “standing ovation”.

Applaudisseur enthousiaste lors des premiers spectacles, je me suis rendu compte que j’étais capable d’envoyer toutes mes chaleureuses félicitations par ce biais bruyant aux comédiens, aux costumiers, aux metteurs en scène, aux metteurs en espace, aux metteurs en musique…

Mais comment en suis-je arrivé là, moi qui suis d’une inculture lamentable dès qu’il s’agit d’un domaine qui sort de mon quotidien?

Qu’est-ce que j’y connais moi aux subtilités de la mise en espace ou de la mise en scène? Comment imaginer que je sois capable de juger des compétences d’un comédien ou d’une troupe? Parce qu’il/elle est connu(e)? Parce qu’on ne peut pas siffler Molière? Parce qu’on ne doit pas se faire remarquer en n’applaudissant pas? Parce qu’on doit montrer son raffinement culturel en applaudissant?

C’est alors qu’apparaît la question à deux euros dans toute sa splendeur: quelque soit la qualité du spectacle, le public applaudit à tout rompre à la fin! Mais dans ce cas, qu’applaudit le public?

Perturbé par les applaudissements téléguidés des spectacles de divertissements télévisuels, je n’ai trouvé la réponse à cette question que récemment:

le public s’applaudit lui-même!

Et comme souvent, je n’ai ouvert les yeux que grâce à la clairvoyance des autres (Google is my friend). Je vous engage donc à lire ce billet de Pikipoki dont j’adapte ci-dessous un extrait:

Tous ces braves gens approuvaient leur choix d’être venus, qui plus est à [la salle culturelle] qui continue de véhiculer chez beaucoup l’image d’un divertissement d’élite. Ils étaient donc eux-mêmes cette élite. Tout le montrait autour d’eux, ou semblait le montrer à leurs yeux. Mais cela aurait été grandement gâché s’il leur avait fallut reconnaître la médiocrité du spectacle, ou même seulement d’un de ses acteurs.

Avant, j’applaudissais donc parce que j’avais choisi de venir assister à un spectacle pour élite, parce que je l’avais compris et apprécié, car je faisais parti de cette élite.

Maintenant je continue d’applaudir, mais je sais pourquoi: car je suis bon public.

Catachrèse

Lu ce jour sur Wikipédia:

La catachrèse (du grec κατάχρησις katákhrêsis, « emploi (abusif) ») est, avec l’emprunt lexical, l’un des procédés par lesquels le lexique d’une langue s’enrichit. Elle donne un sens nouveau à un mot ou à une expression qui existe déjà en étendant ce sens à l’aide d’un trope, ou figure de rhétorique en un seul mot (ou expression). La destinée normale d’une catachrèse est de se lexicaliser, de sorte qu’on oublie que le mot n’a pas toujours eu ce sens-là. Par exemple, on ne voit plus que poubelle est une antonomase (et aussi une métonymie), du nom du préfet de la Seine Eugène-René Poubelle qui imposa en 1884 l’usage de ce récipient.

Il y a dans ce texte six mots ou expressions dont le sens m’échappe complètement. Heureusement l’article renvoie à chaque fois vers la définition, qui elle-même contient entre deux ou dix mots inconnus. Résultat: une heure passée dans les définitions en espérant qu’un ou deux de ces mots nouveaux restent dans ma mémoire…

Vive la langue française !