Smtp et voeux 2016

Je vous souhaite à tous une heureuse et bonne année 2016.

Qu’elle soit l’occasion pour vous et vos proches de réussir tous vos projets personnels et professionnels, et de réaliser pleinement combien la vie est importante.

Ce message, je vous le transmet par l’intermédiaire de mon blog, à chaque lecteur qui atterrit ici par la magie du web ou des agrégateurs de flux RSS.

Mais j’ai souhaité également le transmettre à mes amis, à mes relations, à mes clients et à mes prospects. C’est là que le problème devient beaucoup plus compliqué que la rédaction d’un simple billet de blog…

Car, si j’ai bien effectivement fait réaliser une magnifique carte de vœux que je complète d’un petit mot gentil, il ne m’est pas possible d’en envoyer des milliers d’exemplaires. Il me faut donc me résoudre à envoyer mes vœux par email.

J’ai longtemps géré moi-même le serveur d’envoi des emails de mon établissement. J’avais mis en place un magnifique serveur sendmail avec le fichier de configuration qui va bien, que j’avais ensuite migré vers un serveur Postfix plus facile à paramétrer. Je vous parle là de la fin du siècle précédent… L’ensemble s’est progressivement complexifié avec la lutte antispam, par l’ajout d’Amavis et Spamassassin, puis d’un greylisting avec PostGrey. Sans oublier la lutte antiviral avec ClamAV.

Je me souviens des utilisateurs qui râlaient parce qu’on avait introduit un délai de 10mn dans la réception des emails…

Puis, l’email a été introduit dans la pédagogie et chaque étudiant s’est vu offrir une adresse email (quelle modernité à l’époque !). Les volumes d’échange ont ensuite progressivement augmenté, les exigences aussi : il a fallu mettre en place la gestion de carnets de contacts, des passerelles vers des domaines internes, etc. Et un jour, les ordinateurs portables sont arrivés, puis les smartphones et les tablettes.

J’ai pris en 2009 la décision d’externaliser les 4000 boîtes aux lettres vers l’un des prestataires les plus performants de l’époque : Gmail. Je n’ai jamais regretté, malgré les débats, les collègues d’autres établissements sceptiques voire hostiles.

A titre personnel, j’utilise les services de plusieurs fournisseurs de boîtes aux lettres : Gmail, Laposte.net, Free.fr, Gandi.net et bien sûr Protonmail.com

Me voilà donc en fin d’année 2015 à préparer l’envoi de mes emails de vœux, comme chaque année. Sauf que cette fois, j’ai des milliers d’emails à envoyer… Et à ce niveau-là, on commence à dépasser les seuils de détection mis en place par tout le monde : aussi bien par le fournisseur d’accès à internet, le gestionnaire du serveur smtp que vous voulez utiliser pour l’envoi, et tous les serveurs smtp de réception, en particulier ceux des GAFA utilisés par beaucoup de mes destinataires.

J’ai baissé les bras : le temps m’a manqué pour savoir combien d’emails pouvaient être envoyés par Gandi ou LaPoste avant qu’un mécanisme ne coupe mon publipostage. J’ai bien pris un peu de temps pour mesurer la réputation de mon adresse IP personnelle, mais je n’ai pas voulu prendre le risque de la voir dégradée par un algorithme qui considérerait mon publipostage de vœux au même titre que la participation à un botnet vantant les mérites d’une pilule bleue. Je n’ai donc pas osé utiliser mon serveur smtp personnel de peur de me voir couper ma ligne ADSL…

J’ai été triste de voir que finalement, la lutte contre ce fléau qu’est le SPAM (90% des emails circulant sur internet) m’empêchait d’envoyer mes vœux à mes amis, relations, clients et prospects.

Je me suis même demandé si l’envoi de vœux ne constituait pas finalement un SPAM. La réponse ne m’a pas plu.

J’ai donc abandonné l’idée du « Do It Yourself » et me suis alors tourné vers des services spécialisés dans l’envoi de publipostage : trop chers, trop orientés Business pour de simples vœux…

J’ai donc choisi le serveur smtp de mon établissement, avec l’autorisation de mon patron. Notre serveur est bien identifié chez Google et Microsoft, il a les bonnes configurations SPF et DKIM hors de ma portée.

J’ai trouvé cela un peu triste, mais je me suis dit qu’il fallait évoluer avec son temps : l’année prochaine, je n’utiliserai que mes cartes imprimées ;-).

L’email, c’est has been.

J’ai quand même eu plus de 600 réponses sympathiques en 48h qui m’ont fait chaud au cœur 🙂

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Crédit photo Dalton Ghetti

Les populations légales

Je parle assez peu sur ce blog de mon activité de conseiller municipal. Pourtant, ce qu’elle me permet de découvrir ne lasse pas de me surprendre, tant du point de vue humain que du point de vue technique.

Aujourd’hui, en préparant le prochain conseil municipal, j’ai découvert la notion de populations légales. Je vous propose, sans rire, de devenir expert en calcul de populations légales.

Qu’est-ce que cela peut bien être que cette notion et à quoi sert-elle ?

Je ne suis pas juriste, mais j’ai cru comprendre que le nombre d’habitants d’une commune a son importance dans un grand nombre de domaines, comme par exemple la détermination de l’assiette de certains impôts, ou l’organisation des listes électorales.

Et naïvement, je pensais que le nombre d’habitants d’une commune, et bien c’est le nombre de personnes qui habitent la commune. FAUX.

Le terme générique de « populations légales » regroupe pour chaque commune :

1) sa population municipale

2) sa population comptée à part

3) sa population totale, qui est la somme des deux précédentes.

(j’aime bien ce genre de présentation 😉

C’est comme en algorithmique : nous avons décomposé le problème en sous-problèmes supposés plus simples à résoudre : la population totale d’une commune est la somme de sa population municipale et de sa population comptée à part.

Bien.

Accrochez vous.

La population municipale :

Voyons maintenant comment se compte la population municipale.

La population municipale est la somme de 4 catégories de personnes :

1) Celles ayant leur résidence habituelle sur la commune

2) Celles détenues dans les prisons situées sur la commune

3) Celles sans abri recensées sur la commune

4) Celles résidant habituellement dans des habitations mobiles, recensées sur la commune.

Attention, il y a un piège : la « résidence habituelle » indiquée au point n°1 est à préciser ainsi :

a) si la personne est mineure et réside ailleurs du fait de ses études, la résidence habituelle est la résidence de sa famille.

b) si la personne réside dans l’une des communautés suivantes : établissement de santé, maison de retraite, foyer social ou assimilé, communauté religieuse, caserne, quartier, base ou camp militaire, la résidence habituelle est la communauté.

c) si la personne est majeure et réside dans une communauté appartenant à la catégorie « établissement hébergeant des élèves ou des étudiants », la résidence habituelle est la communauté.

d) si la personne est majeure MAIS que du fait de ses études elle réside hors de la résidence familiale ET hors communauté, la résidence habituelle est son logement.

e) si la personne est mariée (ou en concubinage ou PACSé) et réside pour des raisons professionnelles hors de la résidence familiale ET hors communauté, la résidence habituelle est sa résidence familiale.

f) si la personne ne se trouve dans aucun des cas précédent, la résidence habituelle est la résidence dans laquelle elle réside le plus souvent.

Vous l’avez remarqué, dans les cas a) et e) la résidence habituelle n’est pas celle où la personne réside le plus souvent…

Attention, il y a encore un piège : dans le cas a), les élèves internes mineurs recensés dans un établissement scolaire sont comptés dans la population municipale de la commune de leur résidence familiale ET dans la population comptée à part (voir plus loin) de la commune de leur établissement scolaire. Ils seront donc comptés DEUX fois…

J’adore.

Je prends un cachet d’aspirine, naïf que j’étais à vouloir compter les gens de ma commune…

L’INSEE m’explique que la population des ménages est calculée en ramenant les résultats de la collecte en 2013. Il est bien écrit « en 2013 », pas « de 2013 ». Pour ramener les résultats de la collecte « en 2013 », on utilise la tendance observée sur la commune entre la dernière population légale au 1er janvier 2012 et l’enquête de recensement de 2014.

Et, je ne plaisante pas, le paragraphe se termine par : « et on ajoute ensuite la population recensée dans les hôtels ».

Concernant la population des habitations mobiles terrestres (pourquoi « terrestres », vous allez le comprendre au paragraphe qui suit) et les personnes sans abri, le chiffre est maintenu constant entre deux enquêtes de recensement, pendant cinq ans (pour les communes de moins de 10 000 habitants, le recensement se fait tous les cinq ans).

Enfin, ne pas oublier de prendre en compte les mariniers et les personnes vivant sur les bateaux de ces derniers (qui ont, eux, été recensés en 2011) : ils sont comptabilisés dans la commune dans laquelle ils ont déclaré avoir une résidence.

La population comptée à part :

La population comptée à part de la commune comprend les personnes recensées sur d’autres communes et qui ont conservé une résidence sur la commune.

Pour être plus clair, elle comprend :

1) Les personnes se trouvant dans la situation décrite au a), qui résident du fait de leurs études sur le territoire de la commune et qui ont leur résidence habituelle située dans une autre commune.

2) Les personnes se trouvant dans la situation décrite au b), dont la résidence familiale est située sur le territoire de la commune et qui ont leur résidence habituelle située dans une autre commune.

3) Les personnes majeures âgées de moins de 25 ans qui se trouvent dans la situation décrite au c), dont la résidence familiale se trouve sur le territoire de la commune et qui ont leur résidence habituelle située dans une autre commune.

4) Les personnes majeures âgées de moins de 25 ans qui se trouvent dans la situation décrite au d), dont la résidence de la famille se trouve sur le territoire de la commune et qui ont leur résidence habituelle située dans une autre commune.

5) Les personnes sans domicile fixe rattachées à la commune et non recensées sur le territoire de la commune.

Pour ce dernier point, il semble qu’il soit fait usage des listes des préfectures.

Calcul de la population totale de ma commune :

Si vous êtes encore avec moi, voici ce que tout cela donne dans ma commune :

En 2014, le recensement (qui se fait une fois tous les cinq ans car ma commune a moins de 10 000 habitants) nous dit :

– ménages : 5412

– communautés : 380

– sans abri ou résidant dans une habitation mobile terrestre : 9

Total = 5801

Population municipale ramenée au 1er janvier 2013 :

– ménages : 5282 (normal, la population de la commune augmente)

– communautés : 380

– sans abri ou résidant dans une habitation mobile terrestre : 9

– mariniers : 0 (pas de cours d’eau à l’horizon)

Total = 5671

Population comptée à part au 1er janvier 2013 : 142

Population totale au 1er janvier 2013

(chiffre qui sera pris en compte à partir du 1er janvier 2016) :

5671 + 142 =

5813

Le premier qui me dit en conseil municipal que nous sommes 6000, je lui explique gentiment : NON, NOUS SOMMES 5813, RESPECTEZ UN PEU LE TRAVAIL DE CEUX QUI SE DÉCARCASSENT A COMPTER.

Désolé.

Je voudrais adresser tous mes remerciements et encouragements à l’Insee dont la devise est « mesurer pour comprendre ».

Note pour les juristes : ce billet contient toutes les approximations et erreurs habituellement rencontrées chez les novices du droit. Je conjure les étudiants en droit révisant ce type de problème de se référer directement aux textes originaux, et en particulier au décret n°2003-485 du 5 juin 2003 relatif au recensement de la population, publié au Journal Officiel n°132 du 8 juin 2003 et certainement révisé depuis.

Le prochain billet de la rubrique « vie publique » sera consacré à la préparation budgétaire et à ses différentes rubriques. /o

Responsable informatique et technique

Mes amis me demandent rarement des précisions sur mon métier, et ça me chagrine de ne pas raconter ce que je fais. Je profite donc de mon blog pour vous décrire mes deux premières journées de la semaine, et montrer ainsi pourquoi j’aime tant mon métier.

Je suis responsable informatique et technique dans une grande école d’ingénieurs privée généraliste (et dynamique). J’y suis responsable de tous les aspects techniques, non seulement informatiques (actifs réseaux, serveurs, logiciels, achats, maintenance, sécurité, routeurs, VLAN, virtualisation, ERP, sauvegardes, PCA, PRA…) mais aussi techniques (hygiène, sécurité des biens et des personnes, électricité, chauffage, contrôle d’accès, espaces verts, reprographie, vidéoprojection, sonorisation, sécurité incendie, etc.).

Avec mon équipe de 6 techniciens (compétents), je supervise la résolution de tous les problèmes (et si possible leur anticipation). Il y a 1000 étudiants et 120 salariés chaque jour sur les deux campus de l’école.

Lundi.

J’arrive déjà fatigué car le week-end a été bien rempli, avec la cérémonie de remise des diplômes qui a eu lieu samedi (grosse journée pour moi : 8h – 23h sans pause déjeuner) et la tenue du bureau de vote le dimanche (8h – 10h et 16h – 19h).

J’arrive au travail comme d’habitude à 9h en vélo. La météo est à la pluie, j’arrive humide.

Premier problème : j’avais cours à 8h30, alors que j’avais noté sur mon agenda que mes premiers cours commençaient à 9h30. La boulette…

Je file en salle, je présente mes excuses aux étudiants du Mastère Spécialisé et je commence mon cours. Les étudiants sont réactifs et les échanges intéressants. Je suis joie.

11h30, j’enchaîne avec un entretien avec l’un de mes techniciens pour faire le point sur les tâches en cours (je fais un entretien chaque semaine avec chaque technicien).

12h je me plonge dans mes dossiers, factures, bons de commande, etc. A 14h, j’émerge de mes emails fin prêt pour le comité de direction : 4h de réunion mensuelle de pilotage de l’école, c’est LA réunion importante où tout se décide.

A 18h, je m’échappe de l’école (toujours en vélo, et toujours sous la pluie) pour une réunion municipale consacrée à la voirie.

20h, je profite des enfants et de mon épouse autour d’un repas familial. Les devoirs sont vérifiés, les douches aussi. Il reste deux ados à la maison, et ils demandent tout mon amour et toute mon attention. Je prends par SMS des news de l’aînée qui est en plein partiels dans sa 3e année de médecine.

21h, je réponds aux emails de mon activité d’expertise. Un avocat souhaite que j’intervienne sur une assistance à huissier de justice.

Un petit coup d’œil à Twitter (1h) puis je m’amuse avec mon nouveau jouet TensorFlow.

Mardi.

Cette fois, j’ai bien vérifié, je n’ai rien avant 9h30. J’arrive avec mon vélo à 9h. Je rends visite de manière informelle à mes équipes pour voir les différents problèmes en cours de traitement. Mes techniciens sont efficients.

Coup de fil pour un problème de vidéoprojecteur dans un amphi. Le technicien spécialiste étant en formation, je prends le problème à ma charge : l’écran est tout jaune. J’essaye avec un ordinateur portable, même problème. Ce n’est donc pas un problème informatique, mais probablement un problème de câble. Je contacte mon installateur qui me promet une intervention dans la journée. Je préviens la direction des études que l’amphithéâtre sera indisponible sur un créneau de cours pendant l’intervention.

Email de la scolarité pour me signaler un problème d’impression à la reprographie. C’est important car il s’agit des sujets d’examen pour jeudi. Je file voir de quoi il retourne. Un problème de communication vite réglé. Ouf.

10h, j’ai rendez-vous pour rendre les deux voitures que l’école loue pendant quatre ans. Le contrat arrivant à échéance, j’ai négocié avec le garage pendant plusieurs semaines pour son renouvellement et le choix des options sur les nouveaux véhicules. Je dois les récupérer après avoir rendu les anciens. Me voilà parti avec un membre de mon équipe et tous les papiers.

11h30, nous avons enfin réussi à nous extraire des explications du responsable de la remise des voitures qui voulait à tout prix rentrer dans le détail de fonctionnement des véhicules. Je sais maintenant regonfler un pneu avec le compresseur qui remplace la roue de secours, et où se trouve le réservoir à additif pour le diesel…

12h, je trie mes emails et mes dossiers urgents. Le téléphone sonne toutes les 10mn : un fournisseur veut que je change de téléphonie, un enseignant me parle des nouveaux TBI, le contrat Matlab arrive bientôt à terme, la borne du parking a un défaut de fonctionnement… J’ai pris l’habitude depuis 20 ans de ne pas manger le midi pour traiter tous les problèmes et assurer l’astreinte de la pause méridienne.

A 14h30, nouvel entretien en tête à tête avec un autre membre de mon équipe pour traiter les problèmes et les tâches en cours.

14h50, appel spécial SST : un étudiant a fait un malaise. J’interviens immédiatement, et sur place je trouve l’étudiant allongé, respiration irrégulière et yeux un peu révulsés. Je lui prends la main, demande s’il m’entend et peut me serrer la main. Il réagit. Je le mets en PLS et appelle aussitôt les pompiers. Nous sommes trois SST à gérer le problème et nous travaillons efficacement en équipe : gestion des affaires de l’étudiant, création d’une zone d’intimité, couverture en attendant les secours, surveillance de la respiration, accueil des pompiers. Ils arrivent rapidement, et évacuent l’étudiant vers l’hôpital (l’étudiant sera de retour le lendemain sans séquelle).

15h15, le nouveau vigile que j’ai recruté pour l’opération « vigipirate – alerte attentat » toujours en vigueur me rappelle que la signalétique « visiteur » n’a pas été remise en place depuis la remise des diplômes de samedi. J’imprime les feuilles et les mets dans les panneaux adhoc. Problème réglé.

15h30, réunion « administration informatique » avec deux de mes informaticiens. Nous faisons notre point hebdomadaire des projets en cours. Bases de données, mise à jour de serveurs, achat de disques durs pour le PRA, etc.

17h coup de fil de l’huissier qui a réussi à avoir mon portable pro. Impossible d’intervenir avant fin janvier. Je n’ai plus de jours de congés… mes compteurs RH sont négatifs. « C’est dommage, j’aime bien travailler avec vous ». Cela fait plaisir d’entendre un compliment. Les gens ne se doute pas du plaisir qu’on peut avoir à recevoir un compliment.

17h10, un étudiant vient me voir pour régler un détail de la désintégration (le départ en stage des étudiants de 5e année) qui se profile : il me demande l’autorisation d’installer un babyfoot humain géant gonflable dans le hall d’accueil de l’école. Nous regardons les dimensions et les aspects sécurité. Tout est OK. Il est content, ça promet de faire une bonne animation. Il en profite pour me dire toute sa satisfaction pour les plantes mellifères qui ont été installées par les étudiants de 1ère année le long du parking de l’école pour les ruches mises en place par l’école de commerce voisine. Cela fait parti du « plan vert » de l’école : quand les pédagogues, les étudiants et les services supports travaillent main dans la main, cela donne des projets extra.

17h20, une alerte Centreon m’informe d’un problème d’espace disque sur un espace de stockage. Je vérifie si le problème est bloquant, j’annule l’alerte car les disques ont été commandés et devraient arrivés avant que cela ne devienne critique.

Je profite d’un moment de répits pour lire mes SMS et quelques tweets de ma TL.

La réunion avec le fournisseur de vidéoprojecteurs est calée pour évoquer l’abandon du VGA par de nombreux constructeurs d’ordinateurs portables (au profit du HDMI, mais pour combien de temps) et l’impact de cette évolution sur les 40 salles équipées de l’école.

Un candidat pour un stage me contacte pour un rendez-vous. Je le verrai après-demain. J’ai déjà discuté de plusieurs sujets avec mon équipe informatique.

La CDA veut me voir pour savoir s’ils peuvent avoir un badge d’accès à
nos parkings privés afin de sécuriser leurs manœuvres de véhicules avec
remorque.

Le plombier m’informe de sa solution au problème des toilettes qui fuient.

Les téléphones DECT de l’école vieillissent et deviennent obsolètes. Il va falloir que je pense à les remplacer. Et pourquoi pas par une flotte de smartphones ? Oui, mais à quel coût ? Une étude s’impose…

Je reçois les plans du futur système informatique de l’école que nous construisons au Maroc. Il faut que je donne rapidement mon avis sur un point technique : le switch central est-il assez puissant…

19h fin des cours à l’école. Les appels téléphoniques diminuent. Je prends un peu d’eau pour calmer mon estomac qui proteste : le petit déjeuner est loin.

L’éclairage du hall a été réparé.

Le vidéoprojecteur de l’amphithéâtre aussi (il s’agissait bien d’une broche dessoudée).

Je discute un peu avec le personnel d’entretien qui commence à nettoyer l’école. Je leur demande des nouvelles de leurs enfants, de leurs conjoints. Ils font partie des travailleurs invisibles de l’école, et j’essaye de corriger cela.

20h, j’arrive à la maison. Mon épouse m’a prévenu, elle est en GAV. Je prépare un repas rapide et nous mangeons sans elle. Je mets son repas dans le four encore chaud. Elle rentrera à 23h et me trouvera en train de lire mes flux RSS sur mon vieil (mais fidèle) ordinateur. Je discute politique avec les enfants. Ils m’impressionnent par leur maturité, mais m’effraient par leur manque de confiance en eux. Je les rebooste comme je peux.

22h la maison est silencieuse. Je m’affale devant mon ordi.

Demain est un autre jour, et chaque journée est différente.

C’est ça que j’aime.

NetSecure Day 2015

Les organisateurs du NetSecure Day 2015 m’ont fait l’honneur de m’inviter pour parler sur scène à leur conférence qui aura lieu le 10 décembre 2015 à Rouen.

Qu’est-ce que le NetSecure Day ?

Extrait de leur site

« Le #NSD15 c’est la journée Normande de la sécurité numérique organisée par l’association NetSecure Day pour sa 3ème édition.

Au cours de cet événement vous retrouverez des conférences techniques, stratégiques, juridiques ainsi que des retours d’expériences.
C’est gratuit et ouvert à tous, étudiants ou professionnels, experts ou néophytes, informaticiens ou non.
Le #NSD15 est la journée pour apprendre et partager autour de ce domaine qui est, plus que jamais, au cœur de toutes les attentions. »

Si vous voulez venir me voir présenter « les défis de l’expert judiciaire », cela se passe à Rouen, jeudi 10 décembre 2015 de 11h à 12h.

Le reste du programme de la journée est en ligne sur cette page.

N’hésitez pas à venir me voir, surtout à midi (après ma conf), pour échanger et discuter IRL.

Avis aux rouennais et aux rouennaises 🙂

Le noob de l’autohébergement

Dans cette affaire, le propriétaire de l’ordinateur a à cœur (sans jeu de mot) de protéger un peu sa vie privée. Il utilise certes beaucoup d’outils des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), mais avec le soucis de progressivement se détacher de leurs emprises.

C’est pourquoi, il a choisi d’utiliser un nom de plume pour s’épancher sur internet, un VPN pour protéger sa vie privée et l’autohébergement pour un certain nombre de ses outils préférés.

C’est là que les choses deviennent intéressantes…

Vous connaissez peut-être les agrégateurs de flux RSS. Derrière cette expression se cache un outil très simple répondant au besoin suivant : comment être averti de la publication d’un nouveau billet de ses blogs ou sites web favoris sans être obligé d’aller vérifier tous les quart d’heure, site par site. Les informaticiens ont créé une famille de formats de données qu’ils ont appelés RSS (cf Wikipédia) et des outils pour lire ces formats, qu’ils ont appelés « agrégateurs« .

Il existe plusieurs agrégateurs, comme par exemple : Netvibes, Feedly ou tout simplement Firefox (en natif ou avec un module comme Sage) ou Thunderbird. Chaque agrégateur a ses propres qualités et défauts et notre utilisateur se servait principalement de Feedly, avant de décider se prendre son indépendance en hébergeant sa propre solution sur son système de stockage personnel (un groupe de disques durs reliés à son réseau personnel, que l’on appelle un NAS).

Il installe donc l’un des meilleurs agrégateurs opensource : Tiny Tiny RSS, connu aussi sous son petit nom TTRSS… Jusque là aucun problème. Tout fonctionne très bien, et il peut confortablement lire son journal électronique personnalisé, celui-ci s’alimentant automatiquement dès la parution d’un article en provenance d’un de ses (nombreux) sites préférés, à toute heure de la journée ou de la nuit.

Les choses se compliquent un peu puisque notre utilisateur souhaite évidement pouvoir accéder à son agrégateur depuis l’extérieur et depuis son téléphone intelligent. Qu’à cela ne tienne, il met en place une redirection de port sur sa box d’accès à internet, en l’occurrence ici, une FreeBox. Il installe une application (gratuite) sur son téléphone : « TTRSS 2 ».

Comme il connaît l’adresse IP fixe que lui fournit son FAI préféré, il peut l’indiquer à l’application de son téléphone et lire son journal quand bon lui semble, contribuant ainsi à l’augmentation de la joie sur Terre…

Notre homme ne se doute pas qu’il vient de commettre une (petite) erreur qui va le ridiculiser aux yeux (malveillants) du monde. En effet, non content de lire son journal personnel partout sur la planète, via son serveur TTRSS autohébergé, notre utilisateur est allé plus loin : comme il ne souhaitait pas apprendre par cœur son adresse IP personnelle, il a logiquement utilisé les services d’un nom de domaine qu’il possède pour sa société de consultant (notre homme est autoentrepreneur).

Sur le coup, il s’est méfié un peu : utilisateur assidu d’un pseudonyme sur internet, caché derrière la protection relative d’un VPN, n’y avait-il pas là un risque de dévoiler son identité réelle associée à sa petite entreprise quand il se connecte à son serveur TTRSS avec son navigateur ?

Que nenni pensait-il, puisque seul son navigateur (en session privée) et son téléphone utilisaient le nom de domaine de son entreprise. Il pouvait donc lire en toute tranquillité son agrégateur de flux RSS d’un côté et surfer sous pseudonyme de l’autre.

Erreur, erreur, erreur…

Il y a un petit mécanisme dont notre homme a oublié l’existence et qui est utilisé par de nombreux sites internets. Ce mécanisme s’appelle le référent. Comme je sais que très peu d’entre vous cliquent sur les liens que je me fais ch dont je truffe mes billets, voici en quelques mots une description du référent (referer en anglais) : lorsque vous cliquez sur un lien qui se trouve dans une page web, le site web sur lequel vous atterrissez est informé de l’URL de la page web dont vous venez.

Exemple : si vous cliquez sur ce lien : https://www.whatismyreferer.com et bien le site en question sait que vous venez du blog de Zythom (faites le test, le site vers lequel je vous envoie affiche en clair l’indication). Si vous utilisez Firefox, il vous suffit de faire « clic droit » à tout moment sur n’importe quelle page web et de choisir « Informations sur la page ». Vous aurez accès à l’information « URL de provenance »…

Notre homme, donc, utilise un pseudonyme et un VPN pour commenter à droite et à gauche sur internet, mais a choisi d’autohéberger son agrégateur de flux RSS en utilisant le nom de domaine de son autoentreprise. Par conséquent, à chaque fois qu’il clique sur un lien présent dans son agrégateur, le site sur lequel il arrive sait d’où il vient, avec le nom en clair de son autoentreprise et son IP personnelle.

Fail.

L’utilisateur en question pourrait être un militant soucieux de sa vie privée. Ou un dangereux terroriste. Ou un journaliste qui enquête en laissant le moins de traces possibles. Ou un policier sous couverture. Cela pourrait être simplement une personne qui souhaite séparer son activité d’internaute de ses activités IRL.

Rien de tout cela et de tout un peu.

Vous l’avez sans doute deviné, l’utilisateur dont je parle tout au long de ce billet, c’est moi… Depuis deux mois j’autohéberge tout fier TTRSS sur mon NAS pour abandonner Feedly, et je surfe, je blogue, je commente sur des sites où je laisse mon vrai nom en CLAIR à cause du mécanisme du référent.

Quel noob !

Non pas que mon identité réelle soit un grand secret, puisqu’elle est relativement facile à connaître (j’en profite pour dire bonjour à mes étudiants ;-), mais bon…

Alors, c’est penaud et légèrement embarrassé (c’est pareil) que je vais vous donner la solution que j’ai retenue pour éviter cela. J’ai d’abord essayé sur Firefox de modifier la variable « network.http.sendRefererHeader » en remplaçant sa valeur par 0. Cela marche très bien, sauf que certains sites (dont Twitter) ne fonctionnent plus correctement !

La solution consiste donc à utiliser sous Firefox le module « RefControl » et de paramétrer son comportement par défaut à « Leurre ».

Bien entendu, si l’on veut vraiment être anonyme sur internet, il y a des moyens plus efficaces, comme Tor, mais ce n’est pas l’objet de ce billet, qui est plus de se moquer de moi.

Ceci dit, à moins d’une vigilance de tous les instants, et d’une hygiène de vie numérique particulière stricte, on ne reste pas longtemps anonyme sur Internet…

Le miracle du cerveau

J’arrive à l’hôpital avec le ventre noué d’angoisse. Ma sœur m’a prévenu, ça va être un choc pour moi.

Mon père vient de faire une chute cognitive grave. Diagnostiqué Parkinson il y a trois ans, nous l’entourons de notre amour depuis. Il lutte, soutenu vigoureusement par ma mère, et se bat contre cette maladie incurable et mal connue. Brutalement, et sans raison, son cerveau l’a lâché, et il est tombé dans son appartement sans pouvoir se relever. Ma mère a appelé le SAMU, puis nous a prévenu.

Me voici en route pour son chevet à l’hôpital. J’accompagne ma mère qui va le voir tous les jours, je la soutiens, j’ai traversé la France pour ça, je dois faire bonne figure. Nous sommes lundi 16 novembre 2015. Paris vient de vivre une série d’attentats meurtriers, la France est sous le choc, les informations sont terribles et terrifiantes.

Pierre Desproges, dans sa chronique de la haine ordinaire intitulée « l’humanité », disait :

À bien y réfléchir, on pourrait diviser l’humanité en quatre grandes catégories, qu’on a plus ou moins le temps d’aimer : les amis, les copains, les relations, les gens qu’on connaît pas.

{…}

Enfin, les gens qu’on connaît pas. Les doigts nous manquent pour les compter. D’ailleurs, ils ne comptent
pas. Il peut bien s’en massacrer, s’en engloutir, s’en génocider des
mille et des cents chaque jour que Dieu fait, avec la rigueur et la grande bonté qui l’a rendu célèbre jusqu’à Lambaréné, il peut bien s’en tronçonner des wagons
entiers, les gens qu’on connaît pas, on s’en fout.


Tenez, le jour du récent tremblement de terre de Mexico, le gamin de mon
charcutier s’est coupé un auriculaire en jouant avec la machine à
jambon. Bien. Et bien quand cet estimable commerçant évoque cette date,
que croyez-vous qu’il lui en reste ? Était-ce le jour de la mort de
milliers de gens inconnus ? Ou bien était-ce le jour du petit doigt ?

Terrible constat que j’ai pu faire cette semaine : j’étais tellement effondré par la vue de mon père ne parlant plus et ne reconnaissant personne, que les massacres parisiens passaient pour moi au second plan…

En arrivant dans sa chambre, je l’ai vu assis dans un fauteuil. Le personnel de l’hôpital l’avait placé là pour qu’il reste éveillé le jour, afin qu’il dorme mieux la nuit. Une fois assis, personne ne reste avec lui, il n’y a pas de personnel pour cela. Nous, la proche famille, n’avons l’autorisation de venir que de 12h à 20h. Il est 11h40, nous avons grappillé quelques précieuses minutes pour pouvoir arriver pendant son repas. Les aides soignantes nous laissent s’occuper de lui. Ma mère lui donne à manger.

Je suis effondré, mais je ne le montre pas. Mon père, ce héros, cette personne pleine d’humour et de curiosité, se trouve assis, immobile, les yeux fermés, sans réaction ni propos cohérents.

Nous passons l’après-midi à ses côtés, à lui parler et à le réveiller car les soignants veulent le recaler sur des horaires normaux. Il ne me reconnaît pas. A 82 ans, il est devenu un légume… Je m’isole quelques minutes dans le hall de l’hôpital pour pleurer discrètement.

Le soir, je raccompagne ma mère chez elle. Je commence à évoquer le retour de mon père, l’installation d’un lit médicalisé, la prise en charge des soins, les aides à la personne. Il faut positiver. Mais j’évoque aussi le placement en centre de suivi de soins, en EHPAD

Le lendemain matin, je suis avec elle auprès du CCAS pour remplir et déposer un dossier APA. Nous visitons ensuite deux EHPAD pour retirer des dossiers et inscrire mon père sur les (longues) listes d’attente. Comme pour une greffe d’organe, il faut attendre que quelqu’un meure pour espérer avancer sur la liste. Triste réalité. Rien n’est simple, mais nous avons affaire à quelques personnes faisant preuve de beaucoup d’humanité, et qui prennent le temps de nous expliquer toutes les démarches. D’autres personnes nous prennent de haut, nous délivrent des informations partielles. Comme dans une expertise judiciaire, il faut écouter, ne faire confiance a priori à personne et se faire sa propre opinion.

Je découvre un nouvel univers, une jungle administrative, et en même temps je dois gérer la douleur de ma mère, ma propre douleur et planifier ce qui doit être le mieux pour mon père. Toute la famille est derrière nous et je reçois des dizaines de messages de soutien, de demandes de nouvelles et d’encouragement. Cela me maintient la tête hors de l’eau. La famille est présente, même à distance. Et dans ces moments-là, c’est important.

L’après-midi, nous retournons auprès de mon père. Nous découvrons un petit miracle : il a les yeux ouverts, il parle et il nous reconnaît. Il est un peu confus, mais son état n’a plus rien à voir avec celui de la veille. Nous restons avec lui tout l’après-midi, en veillant à ne pas le fatiguer, mais en le stimulant suffisamment pour qu’il reste éveillé. Le kiné arrive à le faire marcher sur quelques mètres.

Je rentre chez moi le cœur moins lourd. Ma sœur, qui m’a remplacé, m’envoie des nouvelles rassurantes. Mon père a marché 30m et arrive maintenant à manger tout seul.

La maladie a reculé.

Pour le moment.

Pour nous permettre de profiter encore de lui.

Il devrait sortir cette semaine de l’hôpital.

Le miracle du cerveau.

Et vous qui me lisez, profitez de vos proches et n’hésitez pas à leur dire que vous les aimez, tant qu’il en est encore temps.

Papa, tiens bon.

Je t’aime.

Pouvoir aider un magistrat est quelque chose d’extraordinaire

L’exercice de l’interview écrite est un genre auquel je me prête assez facilement, d’abord parce qu’il est facile car il ressemble beaucoup à l’écriture d’un billet de blog, ensuite parce que c’est toujours l’occasion de partager son expérience avec le plus grand nombre, et enfin parce qu’il correspond parfaitement à mon esprit d’escalier.

Il en va bien autrement avec l’interview orale, où le temps de réflexion est beaucoup plus court, avec un cheminement de la pensée qui doit rapidement être verbalisé. J’ai un mode de fonctionnement intellectuel qui demande du temps, je suis très loin d’être un esprit vif avec de la répartie…

C’est pour cela que j’ai d’abord refusé la demande de l’équipe de NoLimitSecu qui souhaitait m’interroger sur mon expérience d’expert judiciaire. C’était sans compter sur l’insistance de Sébastien Gioria (@SPoint) et sa capacité de persuasion…

NoLimitSecu est un podcast indépendant, animé par des personnes
passionnées qui sont parties prenantes dans le domaine de la
cybersécurité à des rôles et dans entreprises diverses. C’est donc avec un peu de stress que j’ai accepté de tenter l’expérience de l’enregistrement d’un podcast où je suis questionné par des spécialistes de la sécurité informatique, dont deux sont eux-mêmes des experts judiciaires ! Je me sentais un peu comme le médecin généraliste de campagne entouré de médecins spécialistes du CHR…

C’est peu de dire que j’étais dans mes petits souliers… Pourtant, je dois remercier Herve Schauer, Johanne Ulloa et Sébastien Giora pour leur bienveillance et la bonne ambiance qu’ils ont su installer lors de cette interview.

Vous trouverez le podcast de notre conversation sur le site de NoLimitSecu en suivant ce lien. Vous pouvez l’écouter directement sur leur site, ou le télécharger pour l’écouter dans les transports en commun ou dans votre voiture, ou pendant votre jogging, ou dans votre cuisine. Bref, c’est un podcast 😉

Nous y abordons les sujets suivants:

– Qu’est-ce qu’un expert judiciaire ? (à 1’20 »)

– A quelle occasion t’es-tu décidé à faire un blog ? (à 1’50 »)

– Pourquoi es-tu devenu expert judiciaire ? (5’25 »)

– Quels sont les différents types d’expertises ? (7’23 »)

– Comment devient-on expert ? (9’13 »)

– Peut-on refuser une mission ? (16’34 »)

– La Justice a-t-elle besoin actuellement d’experts ? (20’01 »)

– Quelles sont les missions les plus demandées par les juges ? (22’47 »)

– Est-ce que tu dors bien ? (24’15 »)

– Quels outils utilises-tu ? (25’27 »)

– Quels sont les problèmes techniques rencontrés ? (33’15 »)

– As-tu été confronté à des avocats relous ? (40’48 »)

– Pourrais-tu nous en dire plus sur tes méthodes de gestion de crise ? (44’12 »)

– Est-ce que l’expertise judiciaire est une activité passionnante ? (45’10 »)

Je vous souhaite à tous une bonne écoute.

La grosse affaire

L’avocat me contacte d’abord par email. Le message est concis et clair : merci de m’appeler par téléphone à ce numéro. Je profite de ma pause de pas-déjeuner pour mener sur internet une petite enquête sur le cabinet : une grosse structure basée au Luxembourg…

Je l’appelle avec mon téléphone privé-réservé-aux-expertises :

Bonjour, je m’appelle Zythom et vous m’avez contacté par email pour un de vos dossiers en me demandant de vous appeler.

« Euh, oui, sans doute, mais c’est le secrétariat, là. Vous voulez joindre quel avocat ? »

[Brblgblglb…] Je voudrais parler à Maître M.M. Murdock, s’il vous plaît.

« Ne quittez pas, je vous le passe ».

Bonjour, Maître Murdock à l’appareil, je suis content que vous m’ayez appelé aussi vite.

L’avocat me présente alors les grandes lignes de son dossier, puis répond à mes questions. La conversation devient de plus en plus technique. Je me rends compte que j’ai à faire à un avocat qui connaît bien l’informatique et qu’il est possible de voir où je vais mettre les pieds. Il s’agit d’un gros dossier international : une société basée à Hong-Kong poursuit un éditeur basé en suède pour dysfonctionnement de son logiciel de pilotage de navire marchand. Du gros, du lourd, de l’affaire avec des avocats partout dans le monde. J’ai un peu la tête qui tourne.

« Euh, mais quelle serait ma mission dans cette histoire ? »

A ce stade, je suis concentré comme jamais, et j’écoute, fasciné, l’avocat m’expliquer que les parties souhaitent un expert français en informatique impartial et que mon nom est sorti par le jeu d’un réseau relationnel improbable… Il me donne les détails de la mission. L’affaire m’intéresse au plus haut point, surtout que j’ai déjà traité un dossier contenant ce type de logiciel. Je demande un peu plus de détails techniques, que l’avocat me donne volontiers.

Le courant passe bien, la discussion est stimulante et intéressante.

Je parle de mes honoraires et l’avocat me dit « pas de problème ». Je demande alors où doit s’organiser les différentes réunions d’expertise, et l’avocat m’explique que compte-tenu du choix des parties de prendre un expert français, les réunions doivent être organisées à Paris. Je lui réponds « pas de problème ».

Nous raccrochons tous les deux en nous donnant quelques jours pour organiser la gestion administrative, les courriers, l’envoi des documents, etc. Je passe la nuit les yeux ouverts à me repasser la réunion téléphonique dans la tête. Il y a quelque chose qui cloche, mais quoi ?

Le lendemain, un doute m’habite : en quelle langue se déroulera la réunion ? Je rappelle aussitôt l’avocat qui me confirme que bien évidemment la réunion se déroulera en anglais… Je lui explique que, si je maîtrise parfaitement l’anglais technique et que cela ne me pose aucun problème de travailler en anglais, il m’est difficile pour autant d’envisager d’animer une réunion juridique pointue en anglais.

Il ne m’a jamais rappelé.

C’est ce qui s’appelle « To be left in the lurch »…

I will never set the Thames in fire

Ne me jugez pas…

Le coût d’une expertise

Combien coûte une expertise ?

Voilà la question qui m’est souvent posée, soit dans le cadre de mon activité d’expert judiciaire (par le magistrat qui souhaite me désigner), soit dans le cadre de mon activité de consultant freelance, soit dans le cadre de ce blog.

J’ai déjà répondu à cette question, dans différents billets :

Mais il est vrai que je rencontre encore beaucoup de personnes qui s’interroge sur le prix (élevé) d’une expertise. Ces interrogations sont légitimes.

Tout d’abord, une précision : je ne suis pas un organisme de sondage à moi tout seul. Les informations que je donne ici ne sauraient constituer une vérité universelle. Elles ne sont que le reflet des connaissances que j’ai en la matière, et qui sont très parcellaires. Elles ne concernent d’ailleurs que les expertises informatiques.

Quand quelqu’un rencontre un problème informatique, il va chercher à le faire résoudre par un informaticien. L’informaticien est un expert en informatique. Il y a des experts autoproclamés (le petit neveu qui s’y connaît en informatique), des experts de terrain (qui ont un métier dans l’informatique) et des experts diplômés (qui ont… un diplôme).

Chacun pourrait raconter des histoires croustillantes sur les trois sortes d’experts dont je viens de parler, mais il existe réellement des gens compétents dans chacune des catégories.

Il existe une catégorie un peu à part, regroupant un peu des trois précédentes : je pense aux consultants. Les consultants font métier de vendre leurs compétences aux plus offrant. Il y a des consultants dans tous les domaines, et en particulier en informatique. Il existe des consultants indépendants, dit freelance, et des consultants regroupés dans des structures qu’on appelle SSII (ok, je simplifie ;-).

Quand j’étais jeune, au siècle précédent, on appelait cela des SSCI (société de services et de conseils en informatique). C’était aussi la belle époque du Sicob (ok, je digresse).

« Expert » est une appellation générique qui n’appartient à personne et tout le monde peut s’autoproclamer expert dans un domaine de son choix. Mon parcours personnel et professionnel fait que je pense que des études et un diplôme validé sont les conditions nécessaires pour pouvoir accéder à un certain niveau d’expertise (mais vous connaissez certainement des experts excellents qui n’ont pas fait d’études ou qui n’ont pas de diplôme). Tout le monde sera d’accord pour dire que ce ne sont pas des conditions suffisantes. Il faut de l’expérience. Et des expériences réussies. Les échecs et les désillusions amènent de l’expérience, mais il faut bien qu’un jour cela se traduise par des réussites à valoriser.

Vous faites donc appel à un expert quand vous ne disposez pas des compétences nécessaires à la résolution d’un problème. C’est le cas pour votre chauffage, pour votre sommier de lit, pour votre électricité. On ne peut pas être expert en tout. Chacun dispose de sa zone de confort.

Pour trouver l’expert dont on a besoin, tous les moyens sont bons : l’annuaire (je parle du bottin, pas de l’AD), les moteurs de recherche, le bouche à oreille, la réputation, la publicité, le « vu à la télé », etc.

Pour les magistrats, une liste des experts agréés est mise à leur disposition par les Cours d’Appel de l’ordre judiciaire. Les personnes ayant leur nom sur cette liste peuvent utiliser un titre protégé : « expert judiciaire ». Pour la petite histoire, les Cours Administratives d’Appel ont récemment créé des listes ayant même objet, mais pas de titre protégé. Les compagnies d’experts ont choisi comme nom « expert de justice » pour désigner indifféremment une personne inscrite sur les listes de l’ordre judiciaire ou sur celles de l’ordre administratif.

Être inscrit sur ce type de liste donne une certaine « valeur » à la personne concernée car cette inscription se fait selon une procédure de sélection sensée garantir la qualité de son savoir et de son expérience.

Le coût d’un expert, qu’il soit judiciaire ou pas, peut être libre, encadré ou fixé. Dans mon cas, les honoraires sont libres, mais les magistrats chargés du contrôle des expertises disposent d’une grille leur permettant de repérer les experts trop chers. L’expérience m’a montré que cette grille est souvent mal utilisée…

Pour ma part, j’ai établi la grille suivante, lorsque je vends mon savoir-faire au plus offrant :

90 euros TTC / h pour les missions confiées par des magistrats

220 euros TTC / h pour les autres missions (arbitrage, expertises privées, exégèses expertales, etc.)

C’est mon prix de marché.

Comment ai-je pu fixer ce tarif ? C’est assez simple. La grille de référence utilisée par ma Cour d’Appel en 1999 faisait mention d’une fourchette de tarifs de 80 euros à 120 euros de l’heure pour les expertises informatiques. J’ai pratiqué le tarif bas pendant dix ans avant de le réactualiser. Quand on propose ses compétences à la Justice, ce n’est pas pour chercher à s’enrichir (du moins financièrement). Et pour le tarif « expert informatique », j’ai regardé ce qui se pratiquait autour de moi et établi ce montant par tâtonnement. Il y a peu de blog d’experts informatiques qui donnent ce genre d’informations. Tous les avocats à qui j’ai fait gagner leur affaire sont 100% satisfaits 😉

Bien sûr, il faut être capable d’estimer le volume d’heures qu’il va falloir consacrer à un dossier. Et tenir au courant le client par anticipation d’un éventuel dépassement du temps si l’estimation initiale s’avère franchement inadéquate. Pour ma part, je me tiens toujours strictement au devis que j’ai établi, quand bien même mon estimation s’avérerait très sous-estimée, et je restitue le trop perçu si mon estimation était à l’inverse sur-estimée (cela arrive parfois). C’est une question de principe.

Lors d’une exégèse expertale, j’ai eu l’occasion d’analyser finement le rapport d’expertise informatique d’un de mes confrères. J’ai eu la surprise de voir que son tarif horaire était de 40€/h, mais que le temps facturé était de 50h (soit un total de 2000€), là où j’ai pu faire le même travail en 10h que j’aurais facturé 90€/h (soit 900€). Cela fait une grosse différence !

Le taux horaire n’est donc pas le seul élément à prendre en compte, en plus de l’efficacité, il faut aussi comparer l’efficience… Et qui mieux que les magistrats et les avocats peut comparer l’efficience des experts ?

C’est pour cela que le conseil que je donne, à presque toutes les personnes qui me contactent par l’intermédiaire de ce blog pour me demander le coût d’une expertise, est le suivant : contactez votre avocat. Il saura mieux que quiconque vous orienter vers la meilleure procédure, et vers le meilleur expert, au coût le plus juste.

Bien sûr, tout cela a aussi un prix. C’est pour cela que les avocats se battent pour la survie du système de l’aide juridictionnelle pour que les plus démunis puissent accéder aussi à la Justice. C’est pour cela que certains experts, dont je suis, acceptent un certain nombre d’affaires pro bono.

Parce que parfois, un bon conseil, une attestation technique évidente, une note technique pédagogique qui permet à l’avocat d’éclairer le magistrat, cela peut se faire gratuitement. Même si cela engage ma responsabilité.

L’aide envers son prochain, parfois, n’a pas de prix.

Tome 6

Oyez, oyez, oyez braves gens, le tome 6 de la série « Dans la peau d’un informaticien expert judiciaire » vient de sortir ! Il s’intitule « Yéléna » en référence à la petite fille qui revient souvent dans certaines de mes expertises.

Vous pouvez le commander au format papier chez mon éditeur, et parce que j’aime l’esprit de partage qui règne sur internet, il est
également disponible gratuitement sans DRM au format PDF (cliquez sur les liens) :

Papier (238 pages chez mon éditeur lulu.com)

Pdf (2967 Ko)

Bien sûr, les tomes précédents sont encore disponibles, en format papier ou électronique sur la page publications.

Avertissements :

Les habitués du blog le savent, mais cela va mieux en l’écrivant: la
publication des billets de mon blog, sous la forme de livres, est
surtout destinée à ma famille et à mes proches. C’est la raison pour
laquelle j’ai choisi la démarche d’une autopublication. J’ai endossé
tous les métiers amenant à la publication d’un livre, et croyez moi, ces
personnes méritent amplement leurs salaires! Mise en page, corrections,
choix des titres, choix des couvertures, choix du format, choix des
polices de caractère, marketing, numérisation, etc., sont un aperçu des
activités qui amènent à la réalisation d’un livre. Je ne suis pas un
professionnel de ces questions, je vous prie donc de m’excuser si le
résultat n’est pas à la hauteur de la qualité que vous pouviez attendre.
Le fait d’avoir travaillé seul (avec Mme Zythom-mère pour la relecture, merci à
elle), explique aussi le faible prix de la version papier pour un livre
de 238 pages.

Je me dois également, par honnêteté envers les acheteurs du livre, de
dire que les billets en question sont encore en ligne et le resteront.
Les billets publiés dans le livre sont identiques, à part l’insertion des liens en clair, la correction des fautes de frappe et la mise en page.

J’espère que ce tome 6 vous plaira. N’hésitez pas à le faire découvrir autour de vous et à le partager.

En tout cas, je vous en souhaite une bonne lecture.