25 ans dans une startup – billet n.16

Introductionbillet n.15

En 1998, cela fait 5 ans que j’ai rejoins cette startup qui a maintenant 8 ans, et bien sur, nous branchons sur notre nouveau réseau informatique tous les serveurs déjà en place, qui font le job, et que nous maîtrisons tant bien que mal : autour de trois serveurs Novell Netware 4.1 (administration, pédagogie et recherche), les utilisateurs disposent de services d’authentification, d’impressions et de stockage de fichiers qui fonctionnent plutôt bien.

Je prends une décision difficile : la suppression de notre réseau LocalTalk et son protocole AppleTalk, et donc RIP les trois Macintosh sur lesquels certains enseignants faisaient de la PAO vers la magnifique imprimante LaserWriter… Les coûts des différents logiciels et la nécessité de rationalisation m’obligeaient à passer tout le monde sous Windows 95. Avec les nouvelles salles informatiques déployées, et les machines entrant dans les bureaux, nous atteignons 100 ordinateurs. J’enseigne les couches du modèle OSI.

Mais il manque la messagerie et l’accès à internet. A vrai dire, à cette époque, ils me manquent surtout à moi : personne n’en veut, et à part quelques chercheurs intéressés, tout le monde nous regarde en haussant les épaules. Voire avec une certaine inquiétude : « mais si tu installes une messagerie, on va nous supprimer nos casiers, nos fiches navettes congés… Et tant qu’à faire, pourquoi pas les notes de service papier !? »

Mais avant de découvrir la résistance au changement, la peur de la nouveauté et les prémisses difficiles de la révolution numérique, j’avais un vrai problème technique à résoudre : comment mettre en place un accès internet pour 30 personnes ?

Fort de mon expérience parisienne où j’avais découvert le réseau de réseaux à la fin des années 80 (le web graphique n’existait pas encore ! Nous utilisions des lignes de commandes pour échanger des fichiers et envoyer des emails. Lire le billet « Votre plus vielle donnée« ), me voici à investiguer depuis la maison avec mon PC et modem USRobotics perso sur les forums et les HOWTO… C’est l’époque de mes premiers sites persos sur Mygale.org et GeoCities et de mon FAI Worldnet puis Freesbee. J’enseigne le HTML.

Liberty Surf, Freesurf, World Online, Oreka, Fnac.net n’existent pas encore.

Le nouveau nom du portail « Pages Jaunes Multimédia », renommé « Wanadoo » en référence à l’expression argotique américaine « Wanna Do », a trois ans. Les français consultent leurs emails sur Minitel, et l’hésitation va durer.

1998, c’est avant tout et surtout pour moi la naissance de ma deuxième fille. Mon épouse est avocate stagiaire, j’enseigne et je développe le système d’information de la startup, nos journées sont bien remplies, nos soirées et nos nuits aussi 🙂

En quête d’aide pour mon problème d’accès à internet (l’ADSL est balbutiant), je me rapproche de l’université voisine qui mène la même réflexion, mais avec des moyens plus importants que les miens. Depuis 1996, elle me prêtait une machine NeXSTEP, un modem, et hébergeait mes quelques comptes emails provisoires. J’apprends à cette occasion l’existence d’un groupe de responsables informatiques réunis en association loi 1901 avec l’objectif de créer un réseau régional d’accès à internet pour les établissements d’enseignement supérieur de ma région. J’y adhère.

Je ne suis donc plus seul.

Petit, mais plus seul…

J’allais découvrir la force d’un collectif…

Billet n.17

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Faire les bons choix…

25 ans dans une startup – billet n.15

Introductionbillet n.14

Il n’y a pas de formation « responsable informatique dans une startup ». Au départ, vous vous dites que vous allez faire de votre mieux et que tout le monde va vous féliciter. Après tout, vous êtes celui qui vient éteindre l’incendie, celui qui vient régler les problèmes en trouvant des solutions…

C’est vrai.

Au départ.

Puis, très vite, vient le temps où vous êtes perçu comme la cause des problèmes. Après tout, c’est vous qui êtes responsable de l’informatique (donc des problèmes qui viennent avec).

C’est vrai aussi.

Ma première idée a été de préserver mon équipe, en les protégeant le plus possible des reproches et des coups. Cela leur permet d’être concentrés sur le support 1 et 2, pendant que je lutte pour obtenir des moyens, des crédits, des ressources humaines, tout en essayant de réfléchir aussi aux solutions que je peux apporter à plus long terme : c’est l’objet du plan d’investissement, qui s’est vite transformé en schéma directeur, puis en SDSI. Et en même temps (marque déposée), j’apprends à être admin réseau, à gérer la sécurité informatique, à dépanner les ordinateurs, à gérer le stockage, les sauvegardes, les pannes…

Pour construire le nouveau réseau informatique, j’ai rédigé le cahier des charges, puis le CCAP et le CCTP en m’aidant de documents similaires trouvés sur internet. Je suis allé voir les responsables informatiques des entreprises locales et des universités de la région. J’ai fait une synthèse de tout cela, je suis allé voir le directeur général qui a obtenu le soutien des financeurs. J’ai ensuite passé un appel d’offre, animé la commission d’ouverture des plis et de sélection des soumissionnaires. Le chantier a démarré, avec sa cohorte de problèmes et de micro-décisions. Avec au bout un nouveau réseau flambant neuf : un mélange de câbles catégorie 5e+ (la catégorie 6 allait sortir bientôt) certifiés gigabit, avec des jarretières RJ45, et de fibres optiques certifiées, elles, 10 gigabits.

Pour l’époque (1998), c’était avant-gardiste. Tellement d’ailleurs, que le budget et la raison m’ont conseillé de ne prendre en actifs réseaux que des switchs 100 Mb/s et un cœur de réseau gigabit (soit 10x moins que le maximum possible). Je préparais ainsi le coup suivant et pensais à mon « moi de dans dix ans »…

La base de l’informatique, c’est le réseau. Il faut que celui-ci soit fiable et performant. Une fois celui-ci construit, il ne reste plus qu’à le maintenir en état et appuyer dessus les ordinateurs et les logiciels adéquats, pour pouvoir atteindre et franchir cette mythique année Y2K sans voir se déclencher mon siège éjectable. Le maintenir en état dans la durée, cela veut dire de protéger les prises des branchements sauvages, d’interdire les ajouts de « bout de réseau » non certifiés (tirage de câbles par des amateurs…), de surveiller son fonctionnement avec des sondes logicielles… Un vrai métier.

Oui, mais pour le reste : quels serveurs brancher sur ce réseau et quels logiciels installer dessus, pour quels services ?

Billet n.16

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Source Wikipedia

25 ans dans une startup – billet n.14

Introductionbillet n.13

Le réseau informatique s’agrandit, jusqu’au jour où la première catastrophe est arrivée : une panne complète du réseau. Avec le recul, je me dis aujourd’hui qu’une telle situation était inéluctable.

A cette époque lointaine, le câblage n’était pas dédié à l’informatique. Dans un élan de modernité, les concepteurs des bâtiments avaient mis en place un câblage universel pour la téléphonie, la vidéo et l’informatique. Toutes les baies de brassage étaient étiquetées pour que l’attribution d’une prise terminale soit clairement effectuée : une prise pouvait donc être affectée, soit au réseau informatique (exemple: un ordinateur pour le relier aux serveurs), soit au réseau téléphonique (ex: un téléphone pour le relier au PABX), soit au réseau vidéo (ex: un téléviseur pour le relier à la régie vidéo).

Avec plus de 850 prises dans les bâtiments, ce qui devait arriver arriva : les trois réseaux supposément étanches commençaient à avoir de plus en plus d’anomalies de branchements, de boucles, de défauts, d’interférences… Et le plus sensible dans l’histoire, était le réseau informatique avec ses HUB 10Mb/s, ses tempêtes de diffusion, etc. Nous en étions arrivés au point où régulièrement, nous devions appuyer les mains à plat sur les câbles des baies de brassage pour rétablir les points de contact dans les modules IBCS infraplus…

Il fallait trouver une solution. J’ai eu beau tourner le problème dans tous les sens, je n’en voyais qu’une : faire poser un nouveau câblage, dédié à l’informatique, en faisant cette fois les bons choix technologiques.

Je découvrais alors le fondement même du métier de responsable informatique, ce qui fait sa force ou sa faiblesse : devoir faire les bons choix pour préparer l’avenir, dans un domaine aussi évolutif que l’informatique :

– GNU/Linux, BSD, Novell, Solaris, NeXSTEP, Système 7, OS/2, VMS, HP-UX ou Windows  ?

– HUB ou switchs, câblage de catégorie 5 ou 5e, fibres optiques monomodes ou multimodes ?

– Serveurs tours ou en rack, 1U ou 2U, processeurs RISC ou CISC ?

– Fortran, Prolog, LISP, langage C ou SmallTalk ?

– Ajouter des trucs au système en le touchant le moins possible, ou remettre tout à plat ?

Tels étaient quelques uns des choix qui s’offraient à moi à l’époque. Et, bien que la startup commença à avoir quelques années au compteur, pas question d’avoir une assistance à maîtrise d’ouvrage, ni un conseil de qui que ce soit.

Comme beaucoup de mes (jeunes) homologues, j’étais seul…

Billet n.15

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Source darkroastedblend.com

25 ans dans une startup – billet n.13

Introductionbillet n.12

Le lendemain de l’annonce de ma prise de fonction, toutes les personnes rencontrant des problèmes informatiques m’appellent pour que je les résolve immédiatement… Impression, mise en page, formule dans un tableur, bourrage papier, fichier effacé, etc.

Je réponds aux demandes comme je peux, mais j’essaye de donner de l’autonomie aux personnes pour qu’elles puissent s’en sortir seules la prochaine fois. J’utilise tout mon sens de la pédagogie pour former mes collègues. Hélas, le sujet est plus complexe que je ne l’imaginais et l’envie d’apprendre assez différente de celle des étudiants. Je découvre la résistance au changement…

Très vite, au bout de quelques mois, je comprends que je ne m’en sortirai pas comme ça. On ne peut pas carillonner et être à la procession, on ne peut être à la fois au four et au moulin. Je propose le recrutement d’un jeune technicien info pour m’aider sur la fonction support.

Puis, à deux, nous commençons l’amélioration des outils informatiques :

– structuration des données du serveur de fichiers

– mise en place d’un accès à internet par modem (nous sommes en 1996, la plupart des établissements d’enseignement supérieur sont déjà reliés à internet depuis au moins 10 ans !)

– installation d’IP sur les postes de travail, en cohabitation avec IPX

– mise en place d’un nom de domaine au nom de la startup

– création d’un serveur de messagerie Sendmail et d’une première passerelle, basés sur la distribution Yggdrasil Linux

– installation d’un outil de messagerie (Pegasus Mail)

– passage à Windows 95 et Windows NT

– abandon des Mac et des stations HP-UX au profit d’une uniformisation des logiciels.

En quelques années, toute l’organisation du travail va changer.

Les ordinateurs commencent à envahir très progressivement les bureaux, avec leur complexité technologique. Les dernières machines à écrire sont rangées, avec leurs duplicateurs carbones, mais sont prêtes à être sorties au moindre problème.

La startup grandit, le service informatique s’étoffe avec l’arrivée d’un deuxième technicien info.

Netscape Navigator règne sans partage et nous permet d’aller consulter les bases de données d’Altavista. La sécurité informatique commence à faire parler d’elle. Je donne sur le sujet une conférence à mes étudiants de 5eme année, basée sur l’ouvrage « Naissance d’un virus » de Mark Ludwig.

J’applique ce que j’enseigne et j’enseigne ce que j’applique. Attaques, défenses, contre-mesures, services (serveurs d’impression, serveurs de fichiers, authentification, sauvegardes…), MCO, plan d’investissement informatique.

Le réseau informatique s’agrandit, jusqu’au jour où…

Billet n.14

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.12

Introductionbillet n.11

Après trois années dédiées pleinement à la pédagogie, avec beaucoup de choses à apprendre, beaucoup de progrès à faire, j’ai complètement arrêté la recherche, d’autant plus que la startup ne développe aucun axe de recherche en informatique, et que je n’ai pas vraiment l’étoffe pour proposer de créer ex nihilo un programme de recherche avec les financements qui vont avec.

Mais sans recherche, comment rester dans le coup, techniquement ?

Bien sûr, je fais de la veille sur tous les sujets qui le nécessitent, et j’ai déjà beaucoup à faire sur mon périmètre fonctionnel : suivi des étudiants, révision du cours, animation de l’équipe de vacataires, modification des sujets de TD et de ceux de TP, enseignements en amphis, TD et TP, mise en place de projets techniques, encadrement de stagiaires, évaluation des apprentissages, participation à la promotion de l’école dans les différents salons et forums post-bac…

Mais le départ du technicien informatique, n’est-ce pas là l’occasion de revenir à mes premières amours : mettre l’informatique au service des utilisateurs ? De remplacer l’activité de recherche et son dynamisme intellectuel par une activité similaire mais plus concrète et appliquée : la gestion de l’informatique d’une entreprise naissante ? D’utiliser ma double formation d’ingénieur et d’enseignant-chercheur ?

Après mûre réflexion, je suis allé voir le directeur général et je lui ai fait la proposition suivante : « Je vous propose de créer le poste de responsable informatique et de me mettre sur cette fonction à mi-temps. Une seule condition : un rattachement hiérarchique directement à vous-même, et non plus au directeur administratif et financier. L’informatique ne doit pas être vue uniquement comme un centre de coût, mais comme un outil transversal au service de tous, avec éventuellement des arbitrages à votre niveau. »

Il m’a répondu « Ok, mais je vous préviens, vous serez à plein temps sur la fonction, en plus de votre fonction actuelle… »

J’ai signé.

Le lendemain, les problèmes tombaient comme à Gravelotte.

Billet n.13

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.11

Introductionbillet n.10

Sur le sujet de la pédagogie : rien que cette matière mériterait une saga entière de plusieurs tomes 😉

Pour faire cours court, voici mes quelques règles de base :

Appel. On ne peut pas espérer transmettre un savoir sans un minimum de présentiel. Mon cours n’est pas un MOOC. Je commente beaucoup de choses en direct live. Je fais donc circuler une feuille d’émargement que je ne quitte pas des yeux pendant le premier quart d’heure. J’accepte tous les retardataires tant qu’ils ne dérangent pas le cours (lire cette anecdote à ce sujet). Comme je sais que certains signent pour d’autres, au bout de trois amphis, je compare les signatures et, au cours suivant, j’appelle à voix haute les suspects d’absentéisme récurrent. En général, personne ne répond : effet garanti, et l’amphi est ensuite plein jusqu’à la fin du module.

Discipline. J’ai la chance d’avoir une voix de Stentor qui me permet de surmonter le brouhaha. Je me déplace tout autour des étudiants et reste parfois tout en haut de l’amphi. Cela les intrigue et remet le dernier rang dans la course. J’essaye de faire varier le cours entre répétitions, interactions et anecdotes pour maintenir l’attention.

Pause. Je fais une pause au bout d’une heure de cours. Les étudiants sortent 5mn, on perd un quart d’heure, mais l’attention peut de nouveau être soutenue. Tout le monde y gagne.

Structure du cours. Je fais souvent des retours arrière, qui agacent les bons élèves, mais qui permettent aux moins bons de rester dans la progression. Je demande aux étudiants de faire des autoévaluations entre deux cours pour les aider à apprendre. Je les encourage à poser des questions en TD et en TP.

A quoi ça sert. Je donne beaucoup d’exemples, les plus concrets possibles. L’algorithmique ne sert pas qu’à faire de la programmation. C’est une méthode de résolution de problèmes, par décomposition en sous problèmes jusqu’à ce que chaque sous problème soit simple à résoudre. Un peu comme la rédaction d’une notice de montage de meuble en kit…

Ludique. Apprendre à programmer un jeu de dames, non pas chacun de son côté, mais en travaillant en mode projet : un seul programme de jeu de dames, mais développé par 100 personnes, est un excellent moyen de mettre en pratique les méthodes de gestion de projet. Chacun a une tâche relativement simple à faire, les problèmes mis en valeur se retrouvent surtout dans la coordination.

Personnaliser. Chaque étudiant est unique. Il faut trouver le juste équilibre pour permettre à chacun d’y arriver. Il y a ceux qui travaillent pour payer leurs études, ceux qui ont besoin de temps pour acquérir des connaissances, ceux qui ont un poil dans la main, ceux qui aiment la discipline, ceux qui la détestent… Il faut discuter avec les étudiants (cafétéria, pauses, activités périscolaires…), essayer de les connaître, laisser sa porte ouverte, convoquer ceux en difficulté avant que les difficultés ne deviennent insurmontables, etc. Il faut respecter chaque personnalité et la laisser s’exprimer sans la juger. Former sans déformer. Ni moule, ni moules.

Évaluer pour former. Je fais très attention à ce que les différentes évaluations des connaissances des étudiants que je réalise ne deviennent pas une évaluation de mon manque de pédagogie. J’insiste lourdement sur les points importants : « si vous ne deviez retenir que peu de choses de ce cours, celle-ci en fait partie ». Si je constate que la moyenne de la promotion à un devoir est très basse, c’est souvent que j’ai raté quelque chose : soit j’ai été nul dans mes explications, soit j’ai mal rédigé mon sujet d’examen, soit mon barème est mauvais. Dans tous les cas, je suis en faute. Soit j’annule l’épreuve, en expliquant pourquoi aux étudiants et je recommence si possible, soit je modifie mon barème.

Une première année passe, puis une deuxième, et alors que je consacrais toute mon énergie à essayer de devenir un bon enseignant former de bons ingénieurs, tout à coup, au bout de trois ans, le technicien responsable de l’informatique démissionne.

Sa décision allait changer ma vie…

Billet n.12

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.10

Introductionbillet n.9

« La pédagogie désigne l’art de l’éducation. Le terme rassemble les méthodes et pratiques d’enseignement requises pour transmettre des compétences, c’est-à-dire un savoir (connaissances), un savoir-faire (capacités) ou un savoir-être (attitudes). » (source Wikipédia)

Je ne voudrais pas généraliser à partir de ma seule expérience, mais il me semble que les enseignants du supérieur sont quasiment tous lancés dans le grand bain sans une once de formation à la pédagogie. On appelle cela « l’enseignement par la recherche »… L’intervenant vient essayer de transmettre tant bien que mal son savoir, un peu de son savoir-faire, plus rarement de son savoir-être. Il n’a pas été formé à cela.

Je voudrais citer ici un extrait du livre de Michel Serres « Petite Poucette » :

Jusqu’à ce matin compris, un enseignant, dans sa classe ou son
amphi, délivrait un savoir qui, en partie, gisait déjà dans les
livres. Il oralisait de l’écrit, une page-source. S’il invente,
chose rare, il écrira demain une page-recueil. Sa chaire faisait
entendre ce porte-voix. Pour cette émission orale, il demandait le
silence. Il ne l’obtient plus.

Formé dès l’enfance, aux classes élémentaires et
préparatoires, la vague de ce que l’on nomme le bavardage, levée en
tsunami dans le secondaire, vient d’atteindre le supérieur où les
amphis, débordés par lui, se remplissent, pour la première fois de
l’histoire, d’un brouhaha permanent qui rend pénible toute écoute
ou rend inaudible la vieille voix du livre. Voilà un phénomène
assez général pour que l’on y prête attention. Petite Poucette ne
lit ni ne désire ouïr l’écrit dit. Celui qu’une ancienne publicité
dessinait comme un chien n’entend plus la voix de son maître.
Réduits au silence depuis trois millénaires, Petite Poucette, ses
sœurs et ses frères produisent en chœur, désormais, un bruit de
fond qui assourdit le porte-voix de l’écriture.

Pourquoi bavarde-t-elle, parmi le brouhaha de ses bavards
camarades ? Parce que, ce savoir annoncé, tout le monde l’a déjà.
En entier. À disposition. Sous la main. Accessible par le Web,
Wikipédia, portable, par n’importe quel portail. Expliqué,
documenté, illustré, sans plus d’erreurs que dans les meilleures
encyclopédies. Nul n’a plus besoin des porte-voix d’antan, sauf si
l’un, original et rare, invente.

Fin de l’ère du savoir.

Me voilà donc à la fois en train de découvrir la pédagogie, mais aussi les effets de la révolution numérique : les étudiants n’écoutent plus aussi facilement.

Problème : ma hiérarchie me demande d’enseigner à l’ensemble de l’amphithéâtre… Pas uniquement aux deux premiers rangs occupés, mais à l’ensemble des étudiants de la promotion. Pas uniquement aux étudiants souhaitant assister à mon cours, mais faire en sorte que tous les étudiants soient présents, y compris ceux ayant pensant avoir mieux à faire ailleurs…

Il faut donc faire l’appel (en amphi!), rendre le cours intéressant, maintenir l’intérêt des étudiants pendant 2h de suite, faire en sorte qu’ils soient présents, attentifs, concentrés, prêts à écouter, comprendre, apprendre, retenir l’ensemble des informations que je vais leur transmettre…

Bref, il faut que j’essaye d’être un bon pédagogue, un bon policier, un bon juge, un bon animateur, un bon psychologue. Ferme mais juste.

Après moult essais et erreurs, voici ce que j’ai mis en place.

Billet n.11

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

25 ans dans une startup – billet n.9

Introductionbillet n.8

Je n’ai jamais fait de cours avant. Mon poste précédent de Maître de conférences me cantonnait au suivi de travaux pratiques (TP) et à quelques cours de formation continue en effectif réduit.

Il s’agit cette fois d’assurer un cours dans un amphithéâtre, face à une promotion d’une centaine d’étudiants.

Ma seule expérience face à un auditoire aussi nombreux, je la devais à un colloque effectué à la suite de mon DEA, et que j’ai déjà racontée ici (lire le billet « tribun du troisième âge« ). Autant dire que je n’en menais pas large.

Il n’y a pas si longtemps, j’étais assis à leurs places dans des amphithéâtres à regarder des professeurs inconnus démarrer leurs cours. En 10s ils étaient catalogués : prof pénible, prof inaudible, prof terne… 10s !

Mon cœur bat à 3Hz…

Me voici dans l’amphithéâtre, à regarder les étudiants s’installer. Eux-même me regardent avec curiosité. Quelques semaines auparavant, ils étaient en terminale dans une salle de classe. Ils sont intimidés par ce grand amphithéâtre.

J’attends que tout le monde soit assis. J’installe mon premier transparent sur le rétroprojecteur. Je regarde mes mains : elles tremblent un peu. Je les pose sur le rétroprojecteur en faisant face aux étudiants. Je m’éclaircis la voix.

« Bonjour à tous. Je vois que certains sont un peu intimidés. Sachez que c’est mon cas aussi, car, comme vous, il s’agit de mon premier cours en amphithéâtre. »

Je vois quelques sourires sur les visages de certains étudiants qui regardent au-dessus de mon épaule. Je jette un œil derrière moi et je vois que le léger tremblement de mes mains posées sur le rétroprojecteur est amplifié sur l’immense écran derrière moi. Je retire mes mains, j’ajoute « comme vous pouvez le voir », je respire un grand coup et je me lance dans le grand bain.

2h plus tard, les étudiants sortent. J’en retrouve quelques uns dans le laboratoire informatique à déballer des cartons. Je leur demande si le cours s’est bien passé. Ils me rassurent, et me disent que si ma voix était un peu tremblante au début, ils ont aimé le « show ».

Je venais de remporter la plus importante de toutes les auditions !

Il me reste maintenant à concrétiser.

Billet n.10

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Source Pexels

25 ans dans une startup – billet n.8

Introductionbillet n.7

Rentrée de septembre 1993. Me voici assis dans mon bureau, entouré d’inconnus, dans un lieu inconnu, avec des étudiants inconnus, et un programme pédagogique inconnu…

Le directeur des études me donne un mois pour mettre sur pied mes premiers cours. Je m’attelle à la tâche. Premièrement, prendre contact avec les enseignants vacataires ayant officié l’année précédente. Les rassurer et leur présenter la feuille de route que j’ai établie (établir la feuille de route). Prendre progressivement la mesure des responsabilités qui sont les miennes et les enjeux pour les étudiants. Établir les grandes lignes d’un cours d’initiation à l’algorithmique basé sur le langage Pascal, jeter les bases des TP associés. Faire de même avec le cours d’algorithmique avancé associé au langage C. Préparer deux conférences pour les 5e années.

L’avantage d’une embauche dans une startup, le seul en fait, est de participer au lancement de quelque chose. L’école a déjà 3 ans quand je la rejoins, et donc trois (petites) promotions d’étudiants aux profils d’aventuriers. Nous sommes une dizaine d’employés à les encadrer. En fait, tout le monde entraide tout le monde : l’équipement est à déballer dans les nouveaux bâtiments construits par le département, la pédagogie est à (co)construire.

Des étudiants enthousiastes aident le technicien informatique à ouvrir les cartons des nouveaux ordinateurs, et à installer les tables et les chaises. Bien entendu, je suis avec eux, à découvrir nos nouveaux jouets : des stations de calcul sous HP-UX et des ordinateurs « compatibles IBM PC » sous Windows 3.1. Nous branchons tout cela sur le réseau Novell Netware flambant neuf.

Les rôles entre le technicien informatique et moi sont clairs : il s’occupe de tout, je m’occupe de l’enseignement. Comme il ne m’est pas hiérarchiquement rattaché, je ne suis pas son chef, je ne lui donne pas d’ordre. Ok, ça me va, j’ai suffisamment à faire de mon côté. Je crois qu’il m’aime bien, parce qu’il voit bien que je le respecte, malgré tous mes diplômes. Et que je le laisse tranquille.

Non seulement je le respecte, mais j’apprends plein de chose avec lui. Le savoir-faire concernant le réseau Apollo Token-Ring (avec des contacts en or !) que j’avais mis en place dans mon travail précédent ne m’est pas d’une grande utilité : je découvre Ethernet 10BASE-T, l’administration réseau Novell, la gestion des comptes, le brassage des prises, l’assemblage de PC…

Dans cette effervescence, je rédige les premiers chapitres de mes cours. Et fatalement, arrive le premier cours en amphithéâtre.

Je n’ai jamais fait cours avant…

Billet n.9

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Source YouTube

25 ans dans une startup – billet n.7

Introductionbillet n.6

Qu’est-ce que j’aimerais qu’un jeune élève-ingénieur généraliste retienne de ce que je pourrais lui enseigner de l’informatique (sachant qu’il n’en retiendra qu’une partie) ?

Nous sommes alors en 1993, j’ai 30 ans, et, en tant que jeune ingénieur, l’informatique est pour moi une discipline qui est à la fois théorique et pratique : théorique en ce qu’elle est une méthode de résolution de problème (génie logiciel), et pratique car elle propose des solutions concrètes (grâce aux matériels et aux logiciels). Je jette en vrac mes idées sur le papier, je les organise et voici le résultat (soyez indulgents) à la fin des 30 mn :

1ère année (accueil des bacheliers) : Algorithmique + langage Pascal + Windows 3.1

2e année : Initiation à la gestion de projet + TP projets + réseaux IP & IPX

3e année (les taupins et DUT rejoignent l’effectif) : Algorithmique avancée + langage C + architecture PC

4e année : Génie logiciel + MERISE + bases de données + UNIX + temps réel

5e année (1/2 année) : Conférences sur les sujets à la mode (calcul des images de synthèse par lancer de rayons, calculs parallèles, réseaux de neurones, internet…)

J’explique que l’algorithmique est une méthode de résolution de problèmes qui permet de structurer la pensée, que l’approche « en mettant les mains dans le cambouis » permet de montrer des solutions concrètes qui peuvent facilement être en lien avec d’autres disciplines (asservissement, commande, identification…) et que la gestion de projet doit permettre d’apprendre à travailler en équipe en montrant l’importance des échanges, des jalons et de leurs franchissements…

C’est l’été. L’entretien se passe bien. Je fais bonne impression. La startup me fait bonne impression. Je suis pris. Je signe le CDI. Je démissionne de mon poste de Maître de conférences. Je quitte Paris. Je me marie. Je pars en voyage de noces. J’emménage en lointaine province inconnue. Ma femme tombe enceinte. L’été 1993 est un bon été.

Ma deuxième vie professionnelle vient de démarrer.

La vie est belle, mais septembre 1993 approche, et avec lui, la rentrée.

Billet n.8

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.