A propos Zythom

Informaticien Ex²pert Judiciaire, Irresponsable de la SSI, 3 enfants, marié à une avocate (ma vie n'est pas facile). Clé PGP: 0u 41-j3 m15 c3773 pu741n d3 cl3f

Comment devenir Expert Judiciaire en 2010

Mes lecteurs réguliers le savent bien, j’ai un marronnier sur ce blog: tous les mois de janvier, j’écris un billet sur la procédure à suivre pour devenir Expert Judiciaire.

Tout d’abord, et avant tout, vous devez lire ce texte législatif.

Puis (re)lire ce billet de l’année dernière qui reste d’actualité.

Ca y est? Vous êtes motivé à bloc? Vous êtes déjà en train de constituer votre dossier?

Avant toute chose, il faut également connaître le côté obscur de la force…

Comme je suis moi-même en train de reconstituer ma demande, puisqu’un expert judiciaire n’est maintenant inscrit sur les listes que pour cinq ans, et que mon penchant naturel est plutôt pessimiste d’envisager toutes les éventualités, j’ai effectué quelques recherches sur internet concernant les experts judiciaires radiés non reconduits sur les listes.

Je suis tombé sur le site du Dr Marc Girard.

Bon, visiblement, cette personne est assez remontée contre le système, mais qui suis-je pour savoir où est la vérité?

(re)Bon, le site annonce très vite la couleur: « Ce site n’est pas un blog, car je n’ai pas vocation à rejoindre la cohorte des frustrés qui, par la grâce du Web, tranchent de tout en stigmatisant sans complexe les grands de ce monde (le plus souvent dans une syntaxe assez impitoyable elle aussi), quitte à brailler au scandale ou à jouer les martyrs quand leurs dérapages verbaux leur attirent – trop rarement à mon sens – les ennuis normalement prévus par la loi… »

Mais, puisque finalement cette introduction n’est pas complètement fausse, y compris pour mon propre blog, et malgré sa dureté impitoyable, je me suis surpris à trouver des passages forts intéressants, et qui concernent mon billet d’aujourd’hui, dans un article intitulé « L’expert dans les prétoires« , ou « Quand l’expert, fût-il « judiciaire », n’a pas l’heur de plaire à la Justice… »

Extraits:

L’influence de l’expert judiciaire:

« […] il est patent – et il suffit d’interroger les juges pour s’en apercevoir – que si objectivement nul que soit l’expert, c’est presque à coup sûr que les magistrats s’en tiendront à son expertise et rien qu’à elle. Alors que j’ai l’expérience réitérée de leur mépris absolu pour des expertises d’une centaine de pages assorties d’une documentation unique dès lors qu’elles sont privées, j’ai également celle d’un jugement fort médiatisé cette fois favorable à la victime, où l’expertise d’un pauvre médecin de quartier manifestement ignorant de tout s’était limitée à une quinzaine de lignes soutenant sans un élément de preuve que la cause des troubles ne pouvait être que le vaccin. De telle sorte que s’il est classique de poser que l’expert n’a pas à dire le droit, force est de constater qu’en pratique, c’est bien à lui qu’il revient de dire le juste – puisque, sauf exception rarissime, il sera aveuglément suivi par le juge. »

Sur l’inscription sur les listes d’experts judiciaires:

« On n’a pas idée de la naïve inconscience avec laquelle de pauvres techniciens – parfois arrivés aux plus hautes sphères de la corporation expertale – peuvent se vanter de la façon dont leur reconnaissance par les juges a métamorphosé en réussite inespérée une carrière professionnelle jusqu’alors ignorée par les pairs voire franchement vouée à l’échec: tant il est vrai qu’avec un système de désignation aussi aberrant que le nôtre, on est réputé compétent lorsqu’on a réussi à se faire désigner expert judiciaire au lieu d’être nommé expert en reconnaissance d’une compétence documentable. »

Sur l’incompétence:

« l’incompétence m’est toujours apparue au contraire comme la principale menace, de loin la plus fréquente, qui pèse sur l’expertise. Typologiquement, cette incompétence peut être triple. Incompétence absolue, comme ces pauvres médecins de quartier n’ayant jamais été capables de développer une clientèle et vouant une reconnaissance éperdue aux quelques magistrats qui les ont sortis de la médiocrité professionnelle, lesquels savent bien, en retour, qu’ils obtiendront tout ce qu’ils veulent de ces zélés clients: il suffit d’interroger les avocats pour constater que certains experts sont dûment catalogués comme hommes-liges de tel ou tel magistrat, et que certains poussent même l’inconscience jusqu’à s’en vanter. Incompétence relative, comme cet éminent patron de gynécologie resté dans la mémoire de ses confrères pour avoir accepté une mission visant un acte échographique malheureux quand, notoirement, il n’avait jamais lui-même pratiqué la moindre échographie de sa vie. Incompétence interdisciplinaire enfin, en entendant par ce concept caractériser l’incapacité de l’expert à comprendre le besoin de ses interlocuteurs et à s’en faire comprendre: car si l’expert judiciaire, pour rester dans le sujet, n’a pas à dire le droit, du moins doit-il suffisamment comprendre le droit pour apercevoir ce dont les magistrats ont besoin afin de se réapproprier des éléments de fait leur permettant de dire le juste. »

Expertise et décision:

« […] Ce qui ressort de tout cela, c’est qu’il n’y a pas d’étanchéité entre les processus pourtant bien distincts de l’expertise et de la décision: en s’autorisant à influencer la sélection des experts, les décideurs pèsent évidemment sur l’émergence et la prédominance d’un scientifiquement correct. A l’inverse, il sera tenu gré à l’expert de prendre en compte, dans son raisonnement, les exigences du décideur: par exemple de se référer à une notion juridique de «lien direct et certain» en dépit de son incongruité technico-scientifique, et de permettre, ce que faisant, aux magistrats de botter en touche sans avoir à réfléchir […] »

Sur la solitude de l’expert:

« Cette question de la désignation permet aussi de relever un point fondamental: quelles que soient son incompétence ou sa malhonnêteté, l’expert est tout nu quand il est seul. Ce n’est pas son expertise présumée qui lui donne le pouvoir, mais le pouvoir qu’on lui octroie qui crédibilise son expertise. »

Sa conclusion:

« Mais je voudrais conclure sur trois remarques.
Premièrement, alors que les décideurs tendent spontanément à s’abriter derrière leur incompétence technique dès lors qu’ils sont mis en cause, il faudra bien, un jour, déporter la question de leur responsabilité à celle de leur choix d’expert qui, le plus souvent, privilégie la docilité clientéliste sur la compétence documentable.
Deuxièmement, j’ai appris à penser que le bon expert, finalement, c’est celui dont on peut se passer: celui qui, dans le processus interdisciplinaire de l’expertise, permet aux demandeurs de l’évaluation de se réapproprier des éléments de fait, simples, compréhensibles, aisément vérifiables, suffisants pour affronter en connaissance de cause le processus décisionnel.
Troisièmement, s’il est exact que l’incompétence soit la menace la plus grave sur le processus de l’expertise – et qu’elle renvoie du même coup à l’incompétence synergique des décideurs – force est de se demander si nous n’en sommes pas arrivés au but cherché depuis déjà longtemps par les puissances de l’argent: réduire à pas grand-chose toutes les instances d’enseignement ou de recherche, polluer la transmission scolaire ou universitaire par les dogmes de l’entreprise et du libre marché, réaliser enfin le rêve monstrueux de la «destruction du savoir en temps de paix», pour reprendre le titre tristement pertinent d’un ouvrage récent. En ce sens, la question la plus grave de notre colloque n’est peut-être pas tant «comment retrouver la confiance en l’expertise?» que, bien plus simplement: «existe-t-il encore des experts?».
 »

Je ne partage pas toutes les opinions du Dr Marc Girard, mais je pense qu’il peut être bon avant que vous ne vous engagiez dans la difficile voie de l’expertise judiciaire, pour vous d’en connaître plusieurs descriptions.

Ce qui est sûr, lorsque l’on se met au service de la Justice, c’est qu’il faut accepter que celle-ci vous laisse sur la touche, en refusant votre inscription sur la liste des Experts Judiciaires – ou votre réinscription. Avec toutes les conséquences que cela peut avoir.

Pour ma part, je vous dirai si j’ai été repris, mais probablement pas avant le mois d’octobre 2010.

Je retourne à mon dossier de candidature. Il y aura bien un magistrat pour apprécier la qualité de mon travail…

Billet rédigé le 10/01/10 à 10h01 🙂

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Source image: williamsburgsculpture.com

Back to the wish list

J’ai horreur de regarder vers le passé, à un point tel que je ne regarde que rarement mes albums photos, mais il est bon parfois de se poser, pour clore un projet par exemple, ou faire un bilan.

J’avais fait en janvier 2009 une « wish list » sur laquelle je vais me pencher aujourd’hui:

– être toujours vivant, si possible en bon état [ok, ça, c’est bon]

– arriver enfin à mettre en place le tri sélectif au boulot [ok, reste à valoriser la récupération du papier par une filière de recyclage]

– stopper l’inflation du nombre de PC à la maison (10 aujourd’hui) [ok, remplacement du serveur Debian par un NAS]

– arriver à obtenir le paiement des expertises judiciaires effectuées (un an de retard) [oui et non, toujours un an de retard, malgré ma lettre au Président de la République]

– ranger mon bureau professionnel [raté]

– ranger mon bureau personnel [re raté, pas d’excuse]

– faire une sortie « accrobranche » avec les enfants [ok, ambiance Koh Lanta]

– acquérir une paire de lunette vidéo 3D [raté, mais j’ai bon espoir]

– diminuer le nombre de billets en mode brouillon sur ce blog (55 aujourd’hui) [ok, mais j’ai triché, j’ai mis tous les billets en un seul brouillon…]

– migrer l’ensemble des serveurs du boulot (>6ans) vers de nouveaux serveurs virtualisés [yes&no, we have done it, mais il reste plusieurs serveurs importants à migrer]

– arriver à faire fonctionner cette $#%µ& régulation de chauffage au boulot [raté, mais le propriétaire s’y intéresse]

– remplacer les chaudières gaz du boulot (2x800kW quand même) par des / panneaux solaires / éoliennes / chaudières bois / forages géothermiques (rayer les mentions inutiles) [pas fait, mais le projet d’étude a démarré]

– externaliser la messagerie du boulot vers une solution du type Gmail [oui, ça, c’est fait]

– travailler moins et gagner plus [raté, je travaille plus pour le même salaire, mais mon boulot est de plus en plus intéressant]

– faire évoluer le serveur web de la commune [yes, et le conseil municipal en est content!]

– faire évoluer les serveurs web du boulot [oui et non, migration et MAJ oui, virtualisation oui, mais la vraie évolution sera pour 2010]

– faire évoluer le serveur web personnel [raté, faire un vrai site web, c’est un boulot de pro]

– faire plus de formations pour préparer le renouvèlement quinquennal sur la liste des experts judiciaires (si les magistrats veulent encore de moi) [ok, une formation cette année, soit infiniment plus que l’année dernière]

– faire un peu plus de sport et plus régulièrement [ok, je me suis mis à la course à pied et au tennis]

– m’intéresser de plus près aux outils des Pentesters [raté, là aussi, c’est un métier]

– m’intéresser de plus près aux travaux scolaires de mes enfants [oui un peu et non car pas assez]

– m’intéresser de plus près aux travaux extra scolaires de mes enfants [ok, mais peut mieux faire]

– assister au moins une fois à une Berryer [raté]

– rencontrer IRL Me Eolas, Me Tarquine, Mme Aliocha, Mr Boulet ou Mr Sid, et être capable d’aligner une ou deux phrases sans balbutier [1 sur 5 suffit pour dire ok ici]

– et bien sur, continuer de rêver [ok, ça, on ne pourra pas me l’interdire].

Bilan: sur 25 vœux, 12 ok, 4 oui/non et 9 ratés… Soit une note de 11,2

Doit mieux faire!

Mais cette liste de prend pas en compte tous les autres projets qui sont apparus en cours d’année, ni toute la chance que j’ai d’avoir des proches qui m’aiment, ni la joie que j’ai de vous avoir si nombreux sur ce blog!

Et maintenant, sans pour autant partir d’une page blanche (hu hu), voilà qu’une nouvelle année commence. Et avec elle de nouveaux challenges. J’en parlerai peut-être dans un prochain billet.

Il me reste à céder à une tradition:
Bonne année à tous! Qu’elle vous apporte joie et bonheur. Si je peux me permettre de pasticher Margot Motin: un quintal de Chantilly Powa dans ta face! Poutoux-poutoux-coeur-paillettes-et-bonne-année 🙂

2010, l’année où l’on établit le contact.

La récupération de données, faites la vous-même

Vous avez veillé tard hier soir, vous avez malencontreusement effacé un document important, malgré les conseils de David .J. Way

Vous allumez votre ordinateur et, horreur, celui-ci ne redémarre plus, et affiche au choix: un curseur clignotant sur fond noir, un écran bleu, un message sibyllin au sujet d’un fichier manquant apparemment indispensable (NTLDR?)…

Vous faites un grand ménage de vos fichiers et, croyant travailler sur une copie de répertoire, vous effacez toutes vos photos de votre voyage exceptionnel sur l’ISS

Votre petit dernier a eu la bonne idée de supprimer votre dossier « accord final avec les chinois » pour faire de la place pour son dernier FPS, TPS, RPG, RTS ou sa variante MMO

Et bien entendu, votre dernière sauvegarde (choisir une ou plusieurs mentions):

– date de Mathusalem

– quoi, quelle sauvegarde?

– est sur un cédérom ayant servi de sous-verre à votre dernier Mathusalem

– est complète, mais non restaurable (pas de cédérom de boot, ni de logiciel adhoc)

– se trouve hors de portée sur la planète Mathusalem

– se trouve justement sur le disque dur de l’ordinateur en panne…

Bienvenu dans le monde impitoyable des problèmes informatiques.

Première règle: empêcher toute écriture sur le disque dur à problème. Par exemple, en éteignant l’ordinateur.

Seconde règle: réfléchir calmement pour éviter tout mauvais choix. C’est le moment de proposer une pause à votre enfant réclamant son jeu. N’hésitez pas à avertir votre mari/épouse/conjoint(e)/concubin(e)/amant(e)/copain(e)/colocataire/confrère/collègue/patron/subordonné/partenaire(s) sexuel(s) que vous avez un GROS problème à gérer et qu’il vous faut calme et silence. Débranchez le téléphone. N’appelez pas un ami. N’essayez pas le 50/50, ni l’avis du public.

Troisième règle: ne rien entreprendre que l’on ne maitrise pas. Ce n’est pas le moment pour essayer « un truc », surtout si c’est le fils du voisin « qui s’y connait bien » qui vous le conseille. Y’en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes!

Hypothèse de travail: votre disque dur semble fonctionner. Il ne fait pas de « clac clac » et ronronne normalement. Si ce n’est pas le cas, ou s’il s’agit d’une clef USB ou d’un disque SSD qui ne fonctionne plus sur aucun autre ordinateur, alors il ne vous reste probablement plus qu’à écouter cette musique. Si vous avez supprimé votre dossier le mois dernier, et que depuis vous avez défragmenté un disque dur rempli à 99%, ou si vous avez utilisé un outil tel que UltraShredder, WipeDisk ou WipeFile de votre LiberKey, il est peu probable que vos données soient récupérables, et dans ce cas: musique.

Que faire? La liste des opérations qui suivent ne prétend pas être la meilleure, ni exhaustive, ni complète. C’est MA liste de conseils, SGDZ. Elle pourra évoluer au gré de mes humeurs et des commentaires des lecteurs (dont je m’approprierai honteusement les bonnes idées).

1) Copie du disque endommagé.

– C’est un réflexe d’expert judiciaire. Je ne travaille jamais sur le disque dur d’origine. Si votre disque dur est en train de vous lâcher, il est préférable d’en effectuer une copie qui, certes, stressera votre disque, mais une fois seulement.

– Une fois la copie effectuée (voir ci-après), rangez votre disque dur et n’y touchez plus.

– Si votre disque d’origine n’est pas trop gros et que vous avez de la place, n’hésitez pas à dupliquer la copie. Vous pourrez alors essayer différents outils de récupération (voir ci-après) et en cas de fausse manip (loi de Edward Aloysius Murphy Jr.), vous pourrez toujours redupliquer la copie, sans toucher au disque dur d’origine. Vous n’avez pas beaucoup de place, n’est-ce pas le moment d’acheter un petit disque de 2To qui pourra toujours vous servir ensuite d’espace de stockage de vos sauvegardes?

– Si vous avez un seul ordinateur, courez acheter un disque dur USB externe (de taille supérieure au votre). Paramétrez votre BIOS pour démarrer sur le disque dur USB sur lequel vous allez installer un nouveau système tout neuf. Il vous suffit ensuite de taper la commande (si Windows, exécution sous cygwin):

dd if=/dev/disque_dur_origine of=nom_de_fichier_image

– Si vous avez deux ordinateurs (et un réseau), il me semble plus pratique de procéder comme indiqué dans ce billet, et de procéder ainsi à une prise d’image à travers le réseau. En résumé: côté PC de travail (si Windows, exécution sous cygwin)

nc -l -p 2000 > nom_de_fichier_image

et côté PC avec disque dur contenant les données endommagées, boot sous DEFT, lancement dans un shell de la commande

dd if=/dev/disque_dur_origine | nc IP_PC_de_travail 2000

– Dans tous les cas, si la commande dd ne fonctionne pas à cause de la présence de secteurs défectueux, il est possible d’utiliser la commande dd_rescue ou sa sœur ddrescue.

2) Les outils de récupération.

Comme j’ai déjà bien travaillé sur ce blog, je vous invite à lire ce billet. En résumé, je vous propose d’utiliser l’outil PhotoRec. Avec cet outil, vous pourrez récupérer tous ces fichiers là.

Vous pouvez également utiliser le live CD INSERT, sur lequel vous trouverez quelques uns des meilleurs outils de récupération (gparted, gpart, partimage, testdisk et recover).

Les linuxiens pourront utiliser avec succès le live CD PLD RescueCD avec entre autres les outils gzrt, disc-recovery-utility, e2retrieve, e2salvage, foremost, gpart, recover, recoverdm, et scrounge-ntfs.

3) L’entrainement, il n’y a que cela de vrai.

Plutôt que d’attendre que la catastrophe n’arrive, essayez un peu de récupérer un fichier effacé exprès.

Mettez en place une stratégie de sauvegarde.

Mettez en place une stratégie de sauvegarde ET de restauration.

Mettez en place une stratégie de sauvegarde ET de restauration ET testez les.

Un peu de lecture ne fait pas non plus de mal:

DataRecovery de la communauté Ubuntu

Data Recovery de Wikipedia (en anglais)

– La distribution Operator (Live CD)

Vous vous sentez fort et sur de vous… Vos données ont « ceinture et bretelles »? N’oubliez pas qu’une panne arrive même aux meilleurs: Sid et /tmp, Chappeli et la poubelle (du copain?)

4) Et après?

Si le disque dur contenant les données perdues vous semble un peu vieux, séparez vous en (en l’amenant à une déchèterie spécialisée). Ne le conservez pas pour faire des sauvegardes ou pour y stocker des données peu importantes (toutes vos données sont importantes). N’oubliez pas d’effacer les anciennes données avant de vous débarrasser du disque.

Si vous arrivez à récupérer tout seul vos données perdues, laissez moi un petit commentaire sous ce billet 😉

Si vous avez utilisé le superbe outil PhotoRec ou TestDisk, envoyez quelques anciennes pièces de monnaies à l’auteur du logiciel Christophe GRENIER, je suis sur que cela lui fera plaisir.

Si vous avez utilisé exceptionnellement une distribution Linux ou des outils OpenSource, pourquoi ne pas continuer?

Connaissez-vous Firefox, Thunderbird, Liberkey, Tristan Nitot, Framasoft? N’hésitez pas à soutenir toutes ces personnes.

Allez réconforter votre mari/épouse/conjoint(e)/concubin(e)/amant(e)/copain(e)/colocataire/confrère/collègue/patron/subordonné/partenaire(s) sexuel(s) en lui expliquant que vous étiez très énervé quand vous lui avez parlé durement. Idem pour votre enfant et son maudit jeu.

Et n’oubliez pas de rebrancher le téléphone.

Je suis

Je suis un homme.

Je suis informaticien.

Je suis responsable informatique et technique dans une école d’ingénieurs.

Je suis expert judiciaire en informatique.

Je suis conseiller municipal dans une commune de 4000 habitants.

Je suis ingénieur en informatique industrielle.

Je suis docteur en intelligence artificielle.

Je suis (un ancien) maître de conférences en informatique et automatique.

Je suis (un ancien) professeur d’informatique en école d’ingénieurs.

En fait, je suis surtout en train de retravailler mon CV.

Mais je suis aussi spéléologue (retraité).

Mais je suis aussi artificier certifié (spécialité microcharges souterraines).

Mais je suis aussi cariste.

Je ne suis pas croyant.

Je ne suis pas militant.

Je ne suis pas engagé.

Je ne suis pas spationaute, ni astronaute, ni cosmonautes, ni yǔhángyuán.

Je suis fan de science fiction (mais pas de fantastique).

Je suis fan de l’exploration spatiale.

Je suis fan de gadgets.

Je suis fan de jeux vidéos.

Je suis copocléphile.

Je suis lécythiophile.

Je suis lampacarbureophile.

Je suis fainéant contrarié.

Je suis angoissé par l’imprévu.

Je suis tourné vers le futur.

Je suis joueur.

Je suis mauvais joueur.

Je suis un frère qui regrette de ne pas téléphoner assez souvent à sa sœur.

Je suis un fils distant qui aime ses parents.

Je suis papa de trois enfants magnifiques (un garçon, deux filles).

Je suis marié avec une femme formidable qui ne veut pas que je parle d’elle sur ce blog.

Je suis surtout très fatigué.

Aussi, ne m’en voulez pas si je délaisse ce blog de temps en temps.

Manon13

Manon a treize ans. Elle travaille bien à l’école où elle a beaucoup d’amis. Elle joue, elle rit comme beaucoup d’enfants de son âge.

Ses parents l’aiment, font attention à son éducation, lui achètent ce qu’il faut, mais pas tout ce qu’elle demande. Bon, elle a quand même un téléphone portable comme tout le monde et un ordinateur dans sa chambre. Mais ils ont fait attention à ne pas céder pour la télévision dans la chambre.

Manon aime bien discuter avec ses amis le soir sur son ordinateur. Elle connait bien comme eux tous les lol, mdr et autres smileys/émoticones. Elle utilise Windows Live Messenger et arrive à suivre une dizaine de conversations sans problème. Elle a une webcam qu’elle utilise de temps en temps quand ses amis en ont une. Son pseudo, c’est manon13du31, parce qu’elle à 13 ans et qu’elle habite en Haute-Garonne, et que c’est rigolo parce que 31 c’est 13 à l’envers.

Manon utilise aussi la messagerie électronique Windows Mail pour faire passer à ses amis tous les textes amusants qu’elle reçoit. Son père n’aime pas trop ça et il appelle ça des chaines, mais c’est tellement rigolo. Et puis c’est vrai: si tu ne passes pas cet email à 15 personnes, tu risques de ne pas savoir qui est amoureux de toi le lendemain. Et ça, c’est trop important pour risquer de le rater. Et puis les parents ne peuvent pas comprendre, ils sont trop vieux. Son amoureux à elle, c’est Killian. Mais il ne veut pas encore l’embrasser.

Manon s’est inscrite sur plusieurs sites web: celui où l’on peut jouer à faire vivre des animaux, celui où ses copines discutent du beau Michael, mais si, celui DU film. Et bien entendu, Manon a un blog où elle met en ligne des photos d’elle et de ses copines. Mais elle change souvent de blog, parce son père n’aime pas trop qu’elle étale sa vie comme ça sur internet. Il ne veut pas qu’elle ouvre un compte Facebook, et ça c’est nul parce que Cindy, elle, elle en a déjà un. Alors, pour brouiller les pistes, elle crée régulièrement un nouveau blog avec un nouveau pseudo: manon13_du31, manondu31_13, manonLOL1331, manonXX13_31… Elle a même créé un blog cindy13du31 où elle a mis une photo de Bob à la piscine. Bob, c’est le mec le plus bête du collège, haha.

Un soir, Manon discute avec ses amis sur Messenger. Depuis plusieurs semaines, elle grignote quelques minutes supplémentaires auprès de ses parents qui veulent qu’elle se couche tellement tôt. Petit à petit, elle a réussi à rester plus tard, et maintenant, c’est elle la dernière à se déconnecter. Elle discute en ce moment avec sa nouvelle copine Célia super sympa qu’elle connait depuis un mois.

Ce que ne savait pas Manon, c’est que cette copine, c’est un garçon. Un grand. Un homme de 20 ans.

Ce que ne savait pas Manon, c’est qu’à chaque fois qu’elle allumait sa webcam, sa « copine » enregistrait les séquences. C’est vrai que c’était dommage qu’à chaque fois elles ne puissent pas discuter en live, mais c’était parce que la caméra de sa copine avait toujours un problème.

Ce que ne savait pas Manon, c’est que la séquence où elle fait la fofolle dans sa chambre en pyjama ridicule, et bien « Célia » l’avait enregistrée.

Et maintenant, ce garçon la menace de la diffuser sur Youtube! Il a fini par allumer sa webcam, et elle l’entend très bien lui parler. Il lui dit que si elle ne fait pas ce qu’il veut, il balance la vidéo…

Alors, elle fait ce qu’il lui dit.

Et lui, il enregistre.

Et il se filme.

Et elle doit regarder.

Ce que ne savait pas non plus Manon, c’est qu’un policier regarderait également les vidéos. Et un magistrat.

Ce qu’elle ne savait pas non plus, c’est qu’un expert judiciaire regarderait toutes les vidéos, même celles qu’elle avait effacées. Et toutes les conversations Messenger. Et tous ses emails. Et toutes ses photos. Et tous ses blogs.

Ce qu’elle ne savait pas, c’est que ses parents verraient tout cela aussi.

En fait, Manon, 13 ans, du 31, ne savait pas grand chose.

Mais maintenant elle se sent mal.

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Crédit photo: Série Cold Case.

PS: Prénoms, âge, département et histoire modifiés.

L’ESA m’a tuer

Comme beaucoup de gens, j’ai été nourri dans l’espoir qu’un jour les portes de l’espace seraient un peu plus ouvertes que dans ma jeunesse. J’avais six ans lors du premier pas sur la Lune de Neil Armstrong, et malgré l’heure tardive pour un enfant, je me souviens très bien des images en noir et blanc de la retransmission en direct.

Je pense qu’une des raisons de mon choix pour le métier d’ingénieur vient de l’admiration que j’ai porté à cet homme surnommé Mister Cool par ses collègues pour son sang-froid, son calme et sa capacité à prendre la bonne décision. Tout le monde connait l’anecdote de son rythme cardiaque à 110 p/mn lors du décollage du monstre Saturn V.

Je dois une partie de ma carrière en informatique au docteur Chandra, concepteur de HAL9000, dans la scène du film 2010 où il réactive l’ordinateur. L’intelligence artificielle imaginée alors reste encore à construire, mais la force de cette évocation m’a marqué pendant des années.

Vous l’avez compris, j’ai rêvé d’aller dans l’espace. Jusqu’à proposer même d’y faire un aller simple… Jusqu’à postuler réellement pour devenir astronaute, pour finalement me faire jeter dès la première étape

Cela ne m’a pas empêcher de continuer de rêver.

J’ai donc décider de déposer un dossier pour la mission Mars 500, qui consiste à s’enfermer sur terre pendant 500 jours dans les conditions d’un voyage vers Mars.

J’ai rempli consciencieusement le dossier en ligne sur le site ad hoc.

Et je me suis imaginé démontrant mes capacités fantastiques ouvrant les yeux à des décideurs incrédules forcés de m’envoyer sur une vraie mission spatiale. Damned, mais comment a-t-on failli rater ce candidat?

Jusqu’à cet email:

Dear Mr [Zythom],
Thank you for your interest in the Mars500 programme. Unfortunately your profile does not meet our requirements, we can therefore not consider your application for our programme.
Kind regards,
[Darth Vader], MD, PhD
Directorate of Human Spaceflight (HSF-USL)
European Space Agency

L’ESA m’a tuer.

Mais mes rêves ont la peau dure.

Après tout, Neil Armstrong avait eu le mal des transports dans sa jeunesse.

Et puis, moi, je n’aurais pas cassé l’interrupteur d’allumage du moteur de décollage avec ma combinaison

Mais le temps passe.

Indépendance

Il y a de plus en plus de lecteurs sur ce blog, et je vous remercie, chacun individuellement, de votre passage. Mais je me rends compte que cela m’impressionne un peu. C’est la raison pour laquelle j’écris de moins en moins. En contrepartie, je lis de plus en plus de blogs dont la qualité est bien supérieure à tout ce que j’ai jamais pu écrire ici. Et cela me donne des complexes.

Bien entendu, je ne cherche pas à me comparer aux autres blogs, mais je voudrais relâcher la pression que je me suis mis tout seul et revenir à l’idée initiale d’un blog plus futile et clairement sans prétention.

Indépendance vis à vis des experts:

Je ne suis pas le représentant d’une corporation, d’un groupement ou d’une association. Je n’appartiens pas à un réseau occulte, je n’entretiens pas de relations particulières dans le milieu de l’expertise, je ne suis pas le porte parole d’un mouvement particulier.

Cela me permet d’écouter sagement les doctes personnes et de disconvenir respectueusement si je ne suis pas d’accord.

Je ne suis redevable à personne et travaille en toute indépendance vis à vis de mes confrères. Cela n’empêche pas la courtoisie.

Indépendance vis à vis des magistrats:

Ce blog ne contrevient à aucune règle concernant l’expertise judiciaire. C’est la chambre disciplinaire de la compagnie des experts de justice de ma Cour d’Appel qui l’a décidé.

Je ne tire pas de gloire à être expert judiciaire, même si je suis fier d’être au service de la justice. J’aime travailler pour des magistrats, mais je n’en tire pas de bénéfice personnel. On me paye pour mon travail, je ne suis expert judiciaire que le temps de la durée de la mission confiée par le magistrat, je n’en tire pas de pouvoir particulier, ni de privilège. Je ne suis pas invité aux audiences solennelles des juridictions, et si j’ai eu la chance d’y assister une fois, c’est comme représentant de mon patron, à titre professionnel.

Je ne suis ni fonctionnaire, ni militaire, et je n’ai donc pas de devoir de réserve. Je suis soumis au secret professionnel, comme la plupart des personnes qui travaillent. Je ne peux pas faire état sur ce blog des éléments d’information qui ont été recueillis lors de mes opérations d’expertise et dont la divulgation pourrait porter atteinte à un intérêt légitime. Et c’est parfaitement normal.

Cette indépendance vis à vis des magistrats comporte également un autre volet plus difficile: il ne faut pas chercher à plaire. En effet, la tentation de plaire peut parfois être forte pour l’expert, s’il souhaite être désigné de nouveau. Il faut s’en garder, et rester sur le domaine de la technique et de la science. Il faut savoir dire « gris » quand c’est « gris », même si le magistrat vous demande un avis tranché. Il faut aussi savoir dire « je ne sais pas ».

Il faut admettre de déplaire au risque de ne plus être désigné.

Cela s’adresse aux rapports d’expertise bien entendu, mais également aux à-côtés. C’est-à-dire à ce blog. Si ce blog déplait, et bien tant pis. J’aime à croire que l’on m’a choisi pour mes compétences techniques, pas pour mes opinions, ni ma capacité à être dans le moule.

Indépendance vis à vis du lecteur:

J’ai cité plusieurs fois sur ce blog une adaptation de Michel Eyquem, seigneur de Montaigne: en français, en anglais et en chinois. Je persiste: c’est ici un blog de bonne foi, lecteur. Il t’avertit dés l’entrée, que je ne m’y suis proposé nulle fin que domestique et privée: je n’y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire: mes forces ne sont pas capables d’un tel dessein. Je l’ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis: à ce que m’ayant perdu (ce qu’ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver tous les traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entière et plus vive, la connaissance qu’ils ont eue de moi. Si c’eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse paré de beautés empruntées, ou me fusse tendu et bandé en ma meilleure démarche. Je veux qu’on m’y voit en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans étude et artifice: car c’est moi que je peins. Mes défauts s’y liront au vif, mes imperfections et ma forme naïve autant que la révérence publique me l’a permis. Que si j’eusse été parmi ces nations qu’on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t’assure que je m’y fusse très volontiers peint tout entier et tout nu. Ainsi, cher Internaute, je suis moi-même la matière de mon blog: ce n’est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain. Adieu donc.

C’est donc avec un plaisir de fin gourmet que je vous annonce le retour des billets privés, insipides, anodins, frivoles et vains.

Pédophilie et malware

Plusieurs internautes m’ont interpelé après la publication dans Numérama de l’article suivant:

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Associated Press a publié une enquête terrifiante sur des internautes accusés à tort aux Etats-Unis d’avoir volontairement téléchargé des contenus pédophiles sur leur ordinateur. Si certains parviennent à démontrer leur innocence en montrant qu’ils ont en fait été victimes de virus, d’autres sont aujourd’hui en prison pour ne pas avoir eu l’argent nécessaire à une expertise solide.

C’est une enquête effroyable qu’a publié l’agence américaine Associated Press, qui nous montre que les problèmes de solidité des preuves que nous avions régulièrement soulevé concernant le piratage et l’Hadopi sont mineurs par rapport à ceux qui peuvent ruiner la vie d’individus dans des affaires de pédophilie. Surtout lorsque la cupidité du système judiciaire américain s’en mêle.

L’agence de presse signale que « des pédophiles peuvent exploiter des PC infectés par des virus pour stocker et regarder à distance leur planque sans crainte d’être pris« . Le journaliste Jordan Robertson dit avoir « découvert des cas où des personnes innocentes ont été étiquetées comme pédophiles après que leurs collègues ou proches sont tombés sur de la pornographie infantile placée sur un PC à travers un virus ». Le problème, c’est que la justice est très lente à se rendre compte des erreurs de l’instruction, qu’elle ne croit pas toujours les internautes accusés à tort, et qu’ils n’ont pas toujours la possibilité de se défendre. Parce qu’il « peut coûter aux victimes des centaines de milliers de dollars pour démontrer leur innocence« .

L’article raconte ainsi l’histoire de Michael Fiola, qui fut suspecté d’utiliser son poste de travail pour télécharger des contenus pédopornographiques. Il a subi menaces de mort, dégradations de son véhicule et insultes de la part d’amis, et a dû vider toutes ses économies, faire un emprunt et vendre sa voiture pour dépenser les 250.000 dollars de frais juridiques nécessaires à sa défense. Grâce à cela, il a pu prouver que son ordinateur portable était infecté par un vers qui téléchargeait automatiquement des contenus pédophiles, et rendait ce contenu accessible à distance. Il fut finalement innocenté, onze mois après le dépôt de la plainte.

Le logiciel était programmé pour visiter jusqu’à 40 sites pédopornographiques à la minute, pour récupérer un maximum de contenu. Puis une nuit, quelqu’un s’est loggé sur l’ordinateur et a consulté les contenus téléchargés pendant une heure et demie. Le pédophile qui contrôlait le malware pouvait ainsi accéder aux contenus sans laisser sa propre adresse IP sur les serveurs où étaient stockés les images.

Robertson raconte d’autres affaires, comme celle d’un père de famille dont un virus avait changé la page d’accueil de son navigateur en 2003. C’est sa fille de 7 ans, dont il a perdu la garde à cause de cela, qui a découvert que la nouvelle page d’accueil était un site pédophile.

Mais le plus effroyable, c’est l’histoire de Ned Solon, un habitant du Wyomming condamné à six ans d’emprisonnement pour avoir téléchargé des fichiers pédophiles sur son ordinateur. Tami Loehrs, l’experte qui était parvenue à innocenter Michael Fiola, est persuadée de l’innocence de Solon. Les cinq vidéos incriminées étaient toutes présentes dans le même dossier « incomplete » du logiciel de P2P utilisé (sans doute eMule ou eDonkey), où les téléchargements sont soit toujours en cours, soit corrompus. « Je ne pense vraiment pas » qu’il a téléchargé volontairement les fichiers pédophiles, assure Lohers. « Il y avait trop de preuves que ça n’était pas lui« .

Mais Tami Loehrs n’a jamais fini l’expertise de l’ordinateur, à cause d’un « conflit avec le juge à propos de sa rémunération« .

Solon, qui dort encore en prison et clame son innocence, n’avait pas les moyens de la payer. Et le tribunal a jugé le prix, de plusieurs centaines de milliers de dollars, trop élevé. Le doute n’a pas profité à l’accusé, en attendant l’appel en cours.

L’expert mandaté par le procureur, lui, maintient ses accusations. « Il avait c’est vrai un ordinateur très propre par rapport à certaines autres affaires que je fais« , reconnaît-il. Mais il estime que l’antivirus de Solon fonctionnait très bien, et qu’il n’a trouvé lui-même aucun virus sur l’ordinateur de Ned Solon.

Sans parler cette fois de virus, il est pourtant tout à fait possible de télécharger par erreur un fichier sur eMule en se basant sur son nom, sans connaître son contenu réel. Il ne faut pas des centaines de milliers de dollars pour le démontrer.

« On pense tous qu’on est innocent en prison. Personne ne me croit parce que c’est ce que tout le monde dit », constate Solon. « Tout ce que je sais c’est que je ne l’ai pas fait. Je n’ai jamais mis ces choses là. Je n’ai jamais vu ces choses là. Je peux seulement espérer qu’un jour la vérité éclatera« .

[Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com]

PS: J’ai modifié le 1er lien fourni dans l’article original, préférant renvoyer vers l’article d’Associated Press plutôt que vers celui de tech.yahoo.com. J’espère que Guillaume Champeau me pardonnera.
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Les questions que l’on me pose sont résumées dans le commentaire d’Antoine sous le billet précédent:

Et je me pose alors la question, cherchez-vous la trace éventuelle d’un malware de ce type sur les supports que vous analysez? Etes-vous limité par la formulation de la demande d’expertise par le juge d’instruction?

Alors, je me suis rappelé que je me posais la même question face aux premiers épisodes de ma série favorite Dr House: mais pourquoi ne font-ils pas tous les examens possibles: tomographie axiale calculée par ordinateur (scanner), tomographie par émission de positons (petscan), imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM), analyses sanguines (j’insiste sur le pluriel), etc.

Dans un article de 2007 « Un expert judiciaire face à la pédophilie« , je concluais: « La mission, rien que la mission » et « respect de la loi française » sont les deux mamelles de l’expert judiciaire (si je puis dire).
Sans être juge et encore moins justicier.
Tout cela rend ces missions très longues et éprouvantes. »

Alors pour répondre clairement et franchement:
Oui, le cadre de l’expertise judiciaire est très précisément fixé par le magistrat qui me désigne.
Oui, j’effectue toujours une recherche des virus et malware sur les scellés qui me sont confiés, alors que cela ne m’est pas demandé.
Oui, dans mon rapport, je n’écris pas « le suspect a téléchargé tel ou tel film pédopornographique », mais j’écris « j’ai trouvé sur le scellé tel ou tel film pédopornographique », en expliquant que je ne peux pas savoir qui manipule l’ordinateur.
Oui, et pas seulement parce que c’est ma nature, je vis dans l’angoisse de passer à côté d’un piratage particulièrement bien camouflé, et de subir ce que cet expert du passé a subi.

Et enfin oui, la justice en France n’est pas dotée par le gouvernement du budget suffisant pour garantir que ce qui est décrit dans cet article ne s’est pas déjà passé en France ou ne se passera pas.

Et pourquoi cela ne tomberait-il pas sur vous?

Parlez-en à votre député.

CL 82

Il m’arrive de suivre à distance les travaux des députés lorsque le sujet m’intéresse. Internet nous permet aujourd’hui de nous glisser rapidement dans la peau d’une petite souris et de pouvoir assister, presque en direct, aux débats des commissions. Je reprends ici un débats sur le fichage des suspects. Il m’a paru intéressant tant par la qualité des remarques effectuées (pour éviter l’utilisation du mot « fichier », vous parlez de « répertoire » ou de « dossier », l’allusion au film « Minority Report », etc), que par les frissons qui m’ont parcouru lorsque je sentais la proximité du précipice.

La suite est longue, mais elle se lit comme un roman. Et j’aime lire ce genre de roman.

Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Mercredi 4 novembre 2009
Séance de 10 heures
Compte rendu n° 13

[…]

La Commission en vient à l’amendement CL 82 du Gouvernement.

Amendement CL82 présenté par le Gouvernement :

Après l’article 5

Insérer l’article suivant :

« Après le titre XX du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré un titre XX bis ainsi rédigé :

« « Titre XX bis

« « Du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires

« « Art. 706-56-2. – Le répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, tenu par le service du casier judiciaire sous l’autorité du ministre de la justice et placé sous le contrôle d’un magistrat, est destiné à faciliter et à fiabiliser la connaissance de la personnalité et l’évaluation de la dangerosité des personnes poursuivies ou condamnées pour l’une des infractions pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru, et à prévenir le renouvellement de ces infractions.

« « Le répertoire centralise les expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires des personnes mentionnées à l’alinéa précédent, réalisés au cours de l’enquête, de l’instruction, du jugement, de l’exécution de la peine, préalablement au prononcé ou durant le déroulement d’une mesure de surveillance ou de rétention de sûreté, ou durant le déroulement d’une mesure de sûreté ordonnée à la suite d’une décision d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, d’un jugement ou arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou d’un classement sans suite motivé par l’article 122-1 du code pénal ou en application des articles 706-135 et 706-136 du présent code ou L. 3213-7 du code de la santé publique.

« « Les modalités et conditions de fonctionnement du répertoire sont déterminées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« « Ce décret précise notamment les personnes habilitées à consulter ce fichier ou à être destinataires des informations y figurant, les conditions dans lesquelles est conservée la trace des interrogations et consultations dont il fait l’objet, ainsi que la durée de conservation des informations qui y sont inscrites et les modalités de leur effacement. » »

M. le rapporteur (M. Jean-Paul Garraud). Le Gouvernement a repris l’un de mes amendements, déclaré irrecevable en vertu de l’article 40 de la Constitution. Il s’agit de la proposition n° 13 du rapport que j’avais remis au Premier ministre le 18 octobre 2006, à savoir la création d’un « répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires (RDCPJ) ». Ce répertoire permettrait par exemple de mieux informer l’autorité judiciaire quand un individu lui est présenté à l’issue d’une garde à vue. En effet, elle doit alors prendre des décisions très rapides sans avoir connaissance d’éléments d’information essentiels.

Le répertoire contiendrait les expertises, examens et évaluations psychiatriques, médico-psychologiques, psychologiques et pluridisciplinaires réalisés dans le cadre de l’enquête, de l’instruction, du jugement ou de l’exécution de la peine, afin d’éviter la déperdition de renseignements, par exemple entre deux tribunaux éloignés géographiquement l’un de l’autre. Il permettrait aussi aux psychiatres et psychologues appelés à se prononcer sur un individu de disposer d’éléments plus complets concernant son passé.

Enfin, il aurait l’avantage de limiter les actes surabondants, inutiles et coûteux pour la collectivité publique.

Mme Delphine Batho. J’entends vos arguments en ce qui concerne la nécessité de constituer un dossier personnel conservant l’ensemble des expertises et informations, afin d’évaluer le risque de récidive – l’évaluation de la dangerosité, c’est autre chose.

Mais j’observe d’abord que, pour ne pas employer le mot « fichier », on parle de « base de données » ou de « répertoire ». Et surtout, je constate que l’amendement du Gouvernement pose problème car il porte sur des données dites sensibles, notamment celles concernant la santé. Il est tout à fait contraire aux recommandations que Jacques Alain Bénisti et moi avions formulées dans notre rapport et à la proposition de loi relative aux fichiers de police que la Commission des lois a adoptée. Celle-ci déterminait précisément, en cas de création d’un fichier, ce qui devait relever respectivement de la loi et du décret. De plus, nous demandions de prendre l’avis de la CNIL, voire du Conseil d’État.

Ne rééditons pas l’erreur commise avec le FNAEG, le fichier national automatisé des empreintes génétiques qui, sans aucune étude d’impact, a été créé puis a vu son périmètre élargi. À ce stade, il convient de rejeter l’amendement CL 82, contraire à la proposition de loi que nous avions votée. On peut cependant ouvrir une réflexion sur la question du dossier personnel.

M. Dominique Raimbourg. Il y a tout d’abord un problème de faisabilité : comment collecter les données concernant les 600 000 personnes condamnées annuellement par les tribunaux correctionnels, auxquelles s’ajoutent 3 500 condamnés criminels ?

Pour le reste, je souscris aux observations de Mme Batho. J’ajoute que l’intéressé doit avoir accès à son dossier et être en mesure d’y faire verser des pièces démontrant qu’il a évolué. Si, après avoir été condamné à plusieurs reprises pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, il a suivi une cure de désintoxication, il doit pouvoir verser au dossier cet élément à décharge.

M. Philippe Houillon. Cet amendement s’intéresse à « la dangerosité des personnes poursuivies ». Quid de la présomption d’innocence ? Les personnes relaxées ou acquittées seront-elles maintenues dans le fichier ? Si tel est le cas, je ne puis voter cet amendement.

M. le rapporteur. S’il faut donner tous les éléments d’appréciation à l’autorité judiciaire pour évaluer la dangerosité d’un individu, c’est précisément pour préserver la présomption d’innocence.

Monsieur Raimbourg, le champ d’application de la mesure serait limité aux infractions pour lesquelles le suivi socio-judiciaire est encouru.

M. Philippe Houillon. « Encouru »…

M. le rapporteur. Le fait de porter davantage d’éléments d’information à la connaissance de l’autorité judiciaire et de l’autorité médicale permettrait de mieux évaluer l’individu au moment où il faut prendre des décisions rapides et lourdes de conséquences pour sa liberté individuelle.

Madame Batho, la centralisation des informations dans ce répertoire ou fichier – le terme ne me fait pas peur – permettrait aussi de mieux renseigner le casier judiciaire national. Actuellement, les inscriptions au casier judiciaire sont trop lapidaires.

Notre objectif est de prendre toutes les garanties dans l’évaluation de la dangerosité, qui reste subjective. Ce répertoire ne serait pas attentatoire aux libertés publiques ; au contraire, il contribuerait à leur préservation.

M. Philippe Houillon. Je ne suis pas opposé à l’idée d’améliorer les informations. Il reste que des personnes poursuivies, par définition, ne sont pas condamnées et demeurent présumées innocentes. À supposer que j’accomplisse l’effort intellectuel d’admettre que des personnes puissent, en cours de procédure, être inscrites dans un fichier, l’amendement ne dit pas ce qu’il adviendra après une éventuelle décision de relaxe ou d’acquittement. Le dernier alinéa de l’amendement prévoit certes qu’un décret déterminera notamment la durée de conservation des données, mais il est probable qu’un certain temps passera entre la fin d’une procédure et l’effacement du nom de la personne – à supposer qu’il soit effacé.

De surcroît, le texte passe de la notion de culpabilité à la notion de pathologie. A ce sujet, il est dommage que les amendements déposés avant l’article premier n’aient pas été défendus.

M. le rapporteur. Il n’est pas question de mettre en cause la présomption d’innocence. Les personnes poursuivies, par définition, ne sont pas encore jugées et, pour mieux les juger, il faut fournir les éléments nécessaires à la juridiction compétente. Ne mettons pas la charrue avant les bœufs !

M. Philippe Houillon. Avec cet amendement, je pense que c’est le cas !

M. le rapporteur. Les enquêtes de personnalité et les expertises psychologiques ou psychiatriques effectuées en d’autres lieux du territoire, à l’occasion d’autres affaires judiciaires, seront simplement transmises à l’autorité chargée de juger et à l’autorité médicale chargée d’apprécier la personnalité de l’individu.

Les peines, faut-il le rappeler, sont fixées en fonction de la gravité des faits, mais également de la personnalité de leur auteur et de sa faculté de réadaptation. Tous les éléments concourant à l’individualisation de la sanction vont dans le bon sens. Il est par conséquent normal que les personnes poursuivies soient inscrites à ce fichier.

Quant aux conditions de retrait de ce répertoire, elles seront fixées par décret en Conseil d’État, en conformité avec les procédures habituelles en matière de fichiers, notamment la consultation de la CNIL. Et la personne aura évidemment accès aux éléments du fichier la concernant.

Bref, le but est d’informer au mieux l’autorité judiciaire, qui est souveraine et indépendante.

Mme Delphine Batho. Votre argumentation ne m’a pas convaincue. Au demeurant, dans un contexte où le système Cassiopée, l’accès aux informations judiciaires et la dématérialisation de la chaîne pénale ne fonctionnent pas, ce débat a quelque chose de lunaire.

Vous n’avez pas répondu à deux de mes observations. Premièrement, l’amendement du Gouvernement renvoie à un décret la question des données sensibles, celle de l’accès au fichier et celle de la durée de conservation des données, tous sujets qui, selon la proposition votée par la commission des Lois, devraient relever de la loi. Deuxièmement, que pense la CNIL de ce dispositif ?

M. Charles de La Verpillière. Je suis favorable au principe d’un tel fichier, qui aurait son utilité, mais en l’état, cet amendement risque la censure du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Jacques Urvoas. Nous le saisirons, n’en doutez pas !

M. Charles de La Verpillière. Deux points méritent approfondissement.

D’abord, je redoute que le fichier contienne des données recueillies au cours d’une procédure précédente n’ayant pas donné lieu à une condamnation, pour cause de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement.

Ensuite, cette mesure, de toute évidence, sort totalement du cadre de la loi « informatique et libertés » de 1978. Afin d’assurer sa constitutionnalité, il est donc indispensable de l’assortir de précisions, concernant notamment la liste des personnes habilitées à consulter le fichier.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne saurais être plus clair que nos collègues Houillon et La Verpillière. Monsieur le rapporteur, je vais vous offrir le film Minority Report.

M. Dominique Raimbourg. Le casier judiciaire, qui est l’un des rares fichiers fiables, présente l’inconvénient d’être lent et lapidaire. Mais ce n’est certainement pas au détour d’un tel amendement, qui n’a rien à voir avec l’objet principal du texte, que l’on peut ouvrir le débat à ce sujet.

M. Alain Vidalies.
Nos collègues de la majorité partagent nos préoccupations.

Les praticiens le savent, la délinquance sexuelle est souvent brandie dans le cadre des conflits intrafamiliaux, avec des plaintes abusives pour attouchements à l’occasion de l’exercice du droit de visite ou d’hébergement. Neuf fois sur dix, ces affaires se concluent par un non-lieu. Pourtant, si votre amendement est adopté, les pères poursuivis à tort subiront, outre cette ignominie, celle de l’inscription au fichier.

Nous partageons les mêmes objectifs concernant les grands prédateurs – reste à déterminer comment il convient de les répertorier et de les soigner. Pour autant, il ne faut pas bafouer les principes juridiques relatifs au champ de compétence de la CNIL et la présomption d’innocence, ni négliger le fait que des centaines de milliers de personnes risqueraient d’être concernées. Ce ne serait pas raisonnable. On peut trouver d’autres moyens pour que les juges accèdent aux expertises qui leur sont nécessaires.

M. le rapporteur.
J’aimerais que l’on évite les amalgames et les références cinématographiques qui n’ont rien à voir avec ce qui nous occupe.

M. Jean-Jacques Urvoas. Minority Report évoque la prévision de la dangerosité !

M. le rapporteur. L’évolution des mesures de sûreté est la seule solution juridique qui respecte l’ensemble des droits et permette de répondre à des drames affreux. Quand certains collègues se retrouveront face à un micro, interpellés à propos d’actes commis par des personnes particulièrement dangereuses, j’espère qu’ils se souviendront des propos qu’ils auront tenus ce matin.

M. Alain Vidalies. Quatre lois successives n’ont pas suffi ! Que mettrez-vous dans la prochaine ?

M. le rapporteur. Il ne s’agit pas de cinéma mais d’un dispositif validé par le Conseil constitutionnel, hormis une mesure relative à l’application dans le temps de la loi du 25 février 2008. La légitimité des mesures de sûreté peut être contestée mais elles existent au Canada, aux Pays-Bas ou en Allemagne, autant de pays qui ne sont pas des dictatures. Pourquoi le sort des individus particulièrement dangereux serait-il différent en France, alors que celui des victimes est le même partout ?

Cet amendement ne vise pas à créer un fichier de police, mais un répertoire destiné à mieux renseigner l’autorité judiciaire amenée à juger un individu sur des faits particulièrement graves. S’agissant d’individualiser la peine, les informations qu’il contiendra pourront jouer dans les deux sens – soit dans celui de la fermeté, soit dans celui de la clémence. Le principe de présomption d’innocence n’est pas battu en brèche, bien au contraire.

Mais puisqu’il s’agit désormais d’un amendement du Gouvernement, peut-être conviendrait-il d’entendre son avis.

M. Philippe Vuilque. Je comprends mal pourquoi le rapporteur s’entête, même si cet amendement est issu de l’une de ses propositions. Les députés de l’opposition comme de la majorité ont soulevé des problèmes juridiques. Nous nous devons d’élaborer des lois applicables, et donc, quand quelque chose ne va pas, de le dire. Il serait à l’honneur du Gouvernement de réécrire son amendement afin qu’il convienne à tout le monde. Le soumettre au vote en l’état serait une erreur.

Mme Brigitte Barèges. Je ne vois là qu’un développement du casier judiciaire, qui est aussi un fichier. Celui-ci n’est pas toujours bien renseigné et certains dossiers anciens ne peuvent être retrouvés. L’existence d’un volet concernant les expertises psychiatriques et psychologiques me paraît très utile.

Le dispositif doit-il s’appliquer aux personnes poursuivies ? Les praticiens du droit ont tous en mémoire des cas de non-lieu ou de classement sans suite faute de preuves qui ont été suivis d’une nouvelle affaire. Il faut y penser, sans présupposé idéologique ou partisan.

J’ignore s’il convient d’adopter cet amendement en l’état ou de le réécrire mais un vrai problème se pose et il faut oser l’affronter.

M. Jacques Alain Bénisti, président. Dans la proposition de loi que Delphine Batho et moi avions rédigée, nous parlions de « catégories de fichiers ». L’amendement ne créant pas de nouvelle catégorie de fichier, il n’y a pas d’obstacle à procéder par voie de décret.

M. Jean-Pierre Schosteck. D’après le dernier alinéa de l’amendement, le décret « précise notamment les personnes habilitées à consulter ce fichier ou à être destinataires des informations y figurant, les conditions dans lesquelles est conservée la trace des interrogations et consultations, ainsi que la durée de conservation des informations inscrites et les modalités de leur effacement ». Il s’agit bien des interrogations qui ont été formulées. La seule question que je me pose est de savoir si cela ne relèverait pas plutôt du domaine de la loi.

M. le rapporteur. Comme l’amendement le précise, cela relève d’un décret en Conseil d’État, pris après avis de la CNIL.

M. Jacques Alain Bénisti, président.
Puisque Mme la garde des sceaux doit nous rejoindre dans cinq minutes, je vous propose de poursuivre la discussion en sa présence.

L’amendement CL 82 est réservé.

[…]

La Commission reprend l’examen de l’amendement CL 82, précédemment réservé.

M. Jacques Alain Bénisti, président. Je salue l’arrivée de Mme la garde des sceaux, qui va nous éclairer sur l’amendement CL 82.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés. Je suis désolée de n’arriver que maintenant, mais le Conseil des ministres s’est prolongé.

L’amendement CL 82, dont je vous avais parlé dans ma présentation générale et qui a été mis au point avec votre rapporteur, a pour but de fournir à ceux qui prennent les décisions tous les éléments d’information dont on peut disposer au sujet de la personne, en particulier les expertises psychiatriques, particulièrement utiles pour apprécier sa dangerosité. Le Gouvernement a repris l’amendement que votre rapporteur avait déposé, l’article 40 lui ayant été opposé. Certaines affaires récentes ont en effet bien montré que l’information du juge pouvait être insuffisante ; et ce fichier est destiné à faire connaître aux magistrats et aux experts les antécédents de la personne. Cela me paraît être une mesure de bon sens, visant l’efficacité.

Le fichier est limité aux personnes qui sont poursuivies ou condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. Ce dispositif permettra tout à la fois d’éviter des expertises redondantes et de ne pas perdre les renseignements qui ont été réunis.

M. Philippe Houillon. Tout le monde comprend l’objectif, mais le problème vient de ce que les personnes « poursuivies » sont visées. Cela signifie que l’on n’exclut pas les primo-délinquants. Or si le raisonnement que vous venez de développer peut se concevoir pour une personne qui a déjà été condamnée, il est difficile de l’admettre pour quelqu’un qui ne l’a jamais été. Si une personne est poursuivie pour la première fois, le magistrat va ordonner des expertises ; et alors qu’elle bénéficie de la présomption d’innocence, elle va se retrouver dans ce fichier, dans des conditions qui pour l’instant ne sont pas précisées puisqu’elles sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

M. le rapporteur. Si une personne est poursuivie pour la première fois, il n’y a rien à son sujet dans le fichier, mais il est important de rassembler sur elle des éléments qui, le cas échéant, pourront être utilisés la deuxième fois.

M. Philippe Houillon. Le problème est de savoir ce qui se passe dans le cas d’un acquittement ou d’une relaxe.

M. le rapporteur. C’est bien au sujet des personnes poursuivies qu’il faut avoir des éléments d’information, afin de prononcer un meilleur jugement : une fois qu’elles sont jugées, cela ne sert plus à rien !

M. Dominique Raimbourg. Vous nous demandez de créer un fichier rassemblant des données personnelles, mais ne pourrait-on plutôt faire en sorte que le casier judiciaire fonctionne mieux ?

M. Charles de La Verpillière. Que ce fichier soit destiné à servir au juge appelé à prendre une décision sur une personne poursuivie, nous le comprenons. Ce qui fait débat, c’est la possibilité que figurent dans ce fichier des éléments recueillis au cours d’une affaire précédente qui n’a pas donné lieu à condamnation.

Autre interrogation : peut-on, alors que l’on n’est pas dans le cadre de la loi de 1978, se contenter de renvoyer à un décret en Conseil d’État des dispositions aussi importantes que la liste des personnes ayant accès au fichier ?

Mme Delphine Batho. Y a-t-il eu une réflexion sur les rapports entre ce nouveau fichier qu’on nous propose de créer et l’actuel fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS) ?

J’observe que cet amendement déroge à l’ensemble des propositions qu’avait faites la Commission des lois en matière de fichiers de police. Il renvoie à un décret la question des données sensibles telles que les expertises psychiatriques, celle des personnes habilitées à consulter le fichier et celle de la durée de conservation des informations ; or la Commission des lois avait souhaité que ces points relèvent de la loi. D’autre part, nous avions demandé que, lorsque le Gouvernement ou des parlementaires proposent de créer par la loi un nouveau fichier, l’avis de la CNIL soit sollicité. Celle-ci a-t-elle été consultée ? A-t-on demandé l’avis du Conseil d’État ? A-t-on réalisé une étude d’impact ?

M. Dominique Perben. La question centrale est la présence dans l’amendement du mot « poursuivies », signifiant bien – faute de quoi il suffirait de parler des « personnes condamnées » – que le fichier contiendra des informations sur une personne qui a été poursuivie mais n’a pas été condamnée. Si une personne est acquittée, je crois que les éléments la concernant ne doivent pas figurer dans le fichier.

M. Étienne Blanc. Il me semble au contraire nécessaire de maintenir le mot « poursuivies » : lorsqu’une personne est poursuivie après avoir déjà été condamnée pour des affaires antérieures, il est bien qu’un fichier permette de connaître ses antécédents. Pour répondre aux observations qui ont été formulées, je propose de préciser que sont exclues, pour l’alimentation du répertoire, les affaires qui ont abouti à un classement, une relaxe ou un acquittement.

Mme le ministre d’État. Monsieur Raimbourg, le casier judiciaire ne peut pas remplacer ce répertoire car il ne contient pas les éléments que nous visons, en particulier les expertises psychiatriques.

Le renvoi à un décret en Conseil d’État correspond tout simplement au respect des articles 34 et 37 de la Constitution. Il ne s’agit évidemment pas de passer outre la volonté du législateur – et le Conseil d’État est là pour apporter des garanties.

S’agissant des personnes poursuivies, je ne suis pas opposée à la recherche d’une meilleure rédaction. Mais faisons attention : pensons à ces cas de délinquance sexuelle où les actes n’ont pas été jugés suffisamment graves pour qu’il y ait une condamnation. Et pensons aux classements pour irresponsabilité pénale : ne faut-il pas faire figurer les personnes déclarées irresponsables dans le répertoire ?

MM. Dominique Raimbourg et Alain Vidalies. Dans ce cas-là, bien sûr, il n’y a pas d’objection.

Mme le ministre d’État. Je vous demande par ailleurs de songer au problème de la réitération.

Enfin, Madame Batho, je suis d’accord pour préciser dans la loi, sans renvoyer sur ce point au décret en Conseil d’État, que les personnes habilitées à consulter le répertoire sont les magistrats et les experts. Je vous propose donc de rectifier l’amendement en remplaçant, au dernier alinéa, les mots « les personnes habilitées à consulter ce fichier ou à être destinataires des informations y figurant » par les mots « les conditions dans lesquelles les magistrats et experts peuvent consulter ce répertoire ou être destinataires des informations y figurant ».

Mme Delphine Batho. Il ne faudrait pas non plus renvoyer au décret la question des données sensibles et celle de la durée de conservation des données, éléments qui, selon le rapport de la Commission des lois, devaient relever de la loi.

Mme le ministre d’État. Un rapport parlementaire peut exprimer des souhaits, mais la loi n’a pas à empiéter sur le domaine réglementaire.

M. Philippe Gosselin. Il nous faut en effet respecter les articles 34 et 37 de la Constitution. Au demeurant, le décret sera examiné par la CNIL – où nous sommes deux députés à siéger.

M. le rapporteur. Pour tirer les conclusions de notre discussion, je vous propose un sous-amendement CL 83 tendant à compléter le dernier alinéa par la phrase suivante :

« En cas de décision de classement sans suite, hormis les cas où cette décision est fondée sur le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, de décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, les données concernant la personne poursuivie sont immédiatement effacées ».

La Commission adopte le sous-amendement CL 83, puis elle adopte l’amendement CL 82 rectifié, ainsi sous-amendé.

Texte original: https://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cloi/09-10/c0910013.asp

L’avenir de l’expertise judiciaire

L’activité d’expert judiciaire reste recherchée, si j’en crois les informations qui me parviennent de différents interlocuteurs.

Je pense, mais ce n’est qu’une intuition, que cela tient au fait que les magistrats désignent sur les listes d’experts plutôt des personnes d’expérience, ayant déjà fait leurs preuves avec une carrière exemplaire. Ils désignent donc des personnes ayant une grande partie de leur carrière derrière eux à laquelle vient s’ajouter cette reconnaissance de leurs compétences.

Dans mon cas, ayant été nommé expert judiciaire à 35 ans, et exerçant depuis 11 ans, je considère n’avoir pas démérité et avoir jusqu’à présent été à la hauteur, même si la tenue de ce blog en a irrité plus d’un (et j’aime les euphémismes).

Pour autant, plus je vieillis, et plus j’ai le sentiment de bonifier. Jean Rostand n’écrivait-il pas « Quand j’étais jeune, je plaignais les vieux. Maintenant que je suis vieux, ce sont les jeunes que je plains« .

Mais voilà qu’approche la date de ma demande de réinscription quinquennale, et avec elle ma possible radiation de la liste des experts judiciaires, au bon vouloir de la commission associant les représentants des juridictions et des experts, et de l’assemblée générale des magistrats du siège.

Je fais donc un bilan personnel de mon activité d’expert judiciaire. Et parallèlement, j’imagine ce que pourrait-être de mon point de vue l’organisation idéale de cette activité.

[Attention: ce qui suit n’est que l’expression d’une opinion personnelle qui ne saurait prétendre atteindre le niveau de sagesse de mes pairs regroupés en association 1901 reconnues d’utilité publique et seuls habilités à faire pression exprimer auprès des pouvoirs publics une position officielle représentant l’ensemble des experts judiciaires de justice.]

Je ne suis qu’un petit scarabée.

Mon point de vue ne concerne que ce que je peux connaître, c’est-à-dire seulement une partie du domaine des expertises judiciaires en informatique.

Quels sont les problèmes revenant le plus souvent à mes antennes:

– le cout trop élevé d’une expertise

– sa durée trop longue

– la solitude de l’expert face aux parties

– le cout trop élevé des logiciels et matériels d’investigation

– des lois complexes en permanente évolution

– le travail pour l’honneur et pour la patrie.

A tous ces problèmes, je vois une solution séduisante: le regroupement des experts judiciaires au sein de laboratoires agréés et leur professionnalisation.

Reprenons les problèmes un à un:

1) Le cout des expertises judiciaires informatiques.

Pour ma part, les dépenses que j’effectue se répartissent comme suit:

– le temps passé sur l’expertise proprement dite

– les achats de matériels (ordinateurs, bloqueurs, disques durs, cordons…)

– les achats de logiciels inforensiques (tout ne peut pas être effectué avec les logiciels gratuits)

– les charges normales (URSSAF, CANCRAS et CARBALAS…)

– les charges spécifiques (assurances, cotisations, formations…)

– le temps passé en formation

– le temps passé en taches administratives.

Chaque expert effectue ses propres dépenses dans son coin. Il est évident qu’un regroupement ferait baisser ses couts, qui sont répercutés sur les notes de frais et honoraires.

2) La durée trop longue.

Dès lors qu’un expert judiciaire exerce un métier par ailleurs, il est parfaitement compréhensible que l’activité d’expertise passe après. Si ce fonctionnement permet d’avoir comme experts des professionnels « naturellement » aguerris (puisque formés à la technique par leurs activités professionnelles), le temps de cerveau disponible doit être trouvé dans les périodes de congé, les soirs ou les week-ends. Or, certaines expertises demandent beaucoup de temps. Un expert professionnel pourra consacrer toutes ses forces et tout son temps à son expertise. Et comme le temps, c’est aussi de l’argent, la durée des expertises fondra comme neige au soleil.

3) la solitude de l’expert face aux parties.

Une expertise demande des compétences techniques, mais également des compétences juridiques, diplomatiques et psychologiques. La mise en commun de toutes ces expériences, le tutorat naturel des jeunes experts par leurs anciens sous la forme par exemple d’experts juniors/séniors comme dans les SSII permettrait d’améliorer la qualité des expertises judiciaires.

La présence éventuelle d’un avocat attaché au laboratoire agréé permettrait de soulager l’expert d’une grande partie des aspects juridiques. Après tout, l’avocat n’est-il pas « expert en droit »?

4) le cout trop élevé des logiciels et matériels d’investigation.

Un logiciel d’investigation commercial coute environ 5000 euros. Cela représente beaucoup d’argent pour une personne seule. Regroupés dans un laboratoire agréé, les experts pourraient utiliser des logiciels achetés en commun. Si la licence d’utilisation l’autorise bien entendu.

Pour ma part, et les lecteurs de ce blog le savent bien, je suis un fan du modèle économique induit par l’opensource. Il existe des logiciels d’analyses inforensiques opensources qui peuvent être utilisés tels quels pour mener à bien des expertises judiciaires. Et ces logiciels peuvent être améliorés ou adaptés.

Je crains que les pouvoirs publiques n’aient pas compris l’importance stratégique des logiciels opensources. La France a une grande tradition des grands projets informatiques où sont englouties d’importantes sommes d’argent. Imaginez le cout minime d’une équipe de développeurs travaillant au développement d’un projet tel que Sleuth kit/Autopsy. Tous les experts du monde pourraient alors profiter des avancées françaises.

Et une telle lucidité, une telle vision bénéficierait évidemment au politique qui l’aurait mise en place!

5) des lois complexes en permanente évolution.

Un tel laboratoire agréé travaillerait bien évidemment de façon étroite avec un ou plusieurs avocats qui lui seraient attachés. Cela permettrait aux experts de consacrer leur temps de formation aux évolutions techniques et non aux évolutions législatives.

J’avais eu l’embryon de cette idée dans ma proposition n°4 aux candidats à la présidence de la République lors des élections de 2007.

6) le travail pour l’honneur et pour la patrie.

Le système actuel où l’expert judiciaire mène de front deux activités en parallèle: son activité professionnelle et son activité d’expert judiciaire me fait m’interroger sur la réelle maitrise de tout le spectre technologique auquel l’expert en informatique a affaire. A moins d’être à la retraite et de consacrer toutes ses forces à ses expertises, j’ai le sentiment que le système entraine bénévolat et amateurisme.

Ce ne serait pas le cas avec la professionnalisation, et l’inscription du laboratoire agréé et de ses experts sur les listes de plusieurs cours d’appel et listes nationales, « agrément » accordé pour cinq ans renouvelable après audit selon des règles normatives.

Bien entendu, la professionnalisation permettrait aux juridictions de disposer de devis concurrentiels selon des procédures publiques.

Bien entendu, le système ne pourrait être fiable que si l’Etat s’engage auprès des laboratoires agréés à des paiements à 30 jours sur facture.

Il se trouve qu’une partie des idées présentées dans ce billet est déjà expérimentée avec succès en France: le LERTI est un laboratoire créé en 2004 par cinq experts judiciaires inscrits dans les cours d’appel de Chambéry, Lyon et Grenoble. Ce laboratoire a prêté serment en tant que personne morale (j’en avais parlé ici en février 2007).

Je citerai cette page de leur site web concernant les qualification et expérience: « Les experts du LERTI ont réalisé plus de 600 missions pour le compte d’entreprises, d’administrations ou de particuliers.
Ces missions recouvrent un éventail à peu près complet de tous les usages abusifs ou illicites de l’informatique ainsi que ses emplois délictueux ou criminels.
Elles ont permis de mettre en œuvre un très large spectre de pratiques et techniques informatiques spécialisées.
Cette expérience a conduit à la rédaction de nombreuses procédures d’investigation internes qui permettent un traitement exhaustif, efficace et rapide des missions confiées au LERTI.
Les experts du LERTI sont tous membres d’associations professionnelles de haut niveau pour lesquelles ils dispensent des formations avancées sur les techniques d’investigation. »

J’ai pu discuter avec quelques uns de ces experts judiciaires et je peux vous dire que je me sens tout petit face à eux, en particulier dans le domaine de la téléphonie.

La création du LERTI semble ne pas avoir fait du tout plaisir à certains experts judiciaires. Je crois même savoir que ces personnes ont cru que Zythom était le pseudonyme d’un des membres du LERTI, ce qui m’aurait valu cette gentille procédure. N’ayant pas eu le droit d’avoir accès au dossier, ni au nom de mon accusateur, je ne le saurai jamais.

Je ne sais pas si l’avenir de l’expertise prendra la voie décrite dans ce billet, mais je pense que l’artisanat de l’expertise, tel que je le pratique, est voué à disparaitre.

Pour un cout minime d’adaptation côté législatif, mais au prix d’une révolution du côté des experts.

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Crédit image: Les bédéastes imageurs.