Contre expertise

Depuis deux ans, j’accepte les expertises privées commandées par des avocats. Il s’agit essentiellement de contre expertises. Les dossiers que je découvre alors sont analysés en profondeur, tant du point de vue procédure, que du point de vue technique. Et parfois, j’ai des surprises…

Léo Tyrell est informaticien, et comme souvent, la récupération de données est une demande récurrente de son entourage. A force de pratiquer, les différents outils disponibles sur internet n’ont plus aucun secret pour lui. Il est passé Maître dans l’utilisation de PhotoRec, Recuva, PC Inspector File Recovery et autres Glary Utilities.

Plus il dépanne son entourage, et plus Léo se dit qu’il existe là certainement un marché intéressant. Il décide de créer un site internet présentant ses compétences et ses tarifs. Il s’intéresse également de près à des logiciels beaucoup plus sophistiqués, utilisés par les services d’enquêtes en tout genre: EnCase Forensic, AccessData Forensic Toolkit, X-Way Forensics

Un jour, pour une raison qui m’échappe, M. Tyrell est contacté par un juge d’instruction qui souhaite lui confier une mission. Comment le magistrat a-t-il pris connaissance de l’existence de Léo Tyrell, nul ne le sait. Par Internet probablement, ou qui sait, par le bouche à oreille.

C’est pour lui une consécration, une reconnaissance de ses compétences. Il va pouvoir mettre son savoir faire au service de la justice.

Le magistrat lui explique au téléphone qu’il travaille sur une affaire de diffamations et injures publiques sur des forums de discussions, que des ordinateurs ont été saisis, et qu’il aimerait que ceux-ci soient analysés pour retrouver le ou les auteurs des messages inappropriés. M. Tyrell, trop heureux de la reconnaissance implicite de son savoir faire, accepte avec enthousiasme.

Il reçoit quelques jours plus tard un courrier officiel du juge d’instruction avec pour mission de:

– Bien vouloir analyser les scellés UN et DEUX du PV n° 1234/5647 du SDPJ de Villevieille afin d’en extraire éventuellement des éléments constitutifs de la présente plainte;

– Faire toutes observations utiles à la manifestation de la vérité.

Comme indiqué dans le courrier du magistrat, Léo retourne le récépissé d’acceptation de mission et attend avec impatience de pouvoir récupérer les ordinateurs.

Quelques semaines plus tard, il est contacté par un Officier de Police Judiciaire pour prendre rendez-vous et venir chercher les deux scellés.

Une fois en possession des ordinateurs, il brise les scellés et démonte les disques durs à fin d’analyse. Il y trouve des emails de correspondance entre le suspect et le plaignant. Il découvre également des logiciels d’anonymisation et de VPN, utilisés probablement lors des accès aux forums de discussion.

Après quelques semaines de travail, il rend au magistrat un rapport qu’il pense brillant.

A ce stade du récit, je voudrais faire quelques remarques:

– M. Tyrell n’est pas expert judiciaire, car il n’est pas inscrit sur la liste des experts près la Cour d’Appel de sa région. Cela ne pose pas de problème particulier, car un magistrat n’est pas obligé de choisir un expert inscrit sur cette liste (à condition toutefois de motiver ce choix).

– La désignation d’un expert hors liste impose des précautions particulières: il est nécessaire qu’il ait conscience qu’il devra respecter une « déontologie » et les règles de procédure civile visées sous les articles 233 à 248, 273 à 281 et 282 à 284-1 du NCPC.

– Il devra également pouvoir justifier d’une garantie d’assurance suffisante couvrant une éventuelle mise en cause de sa responsabilité civile résultant de la mission.

– Le Code de Procédure Pénale impose la prestation de serment aux personnes non inscrites sur les listes d’experts judiciaire, à défaut par écrit (article 160). Dans le cas présent, la prestation de serment a eu lieu après l’ouverture des scellés, ce qui me semble curieux.

– L’expert nommé hors liste sera pour le reste soumis aux obligations communes à tous les experts et en particulier à la pratique de la déclaration d’indépendance. (ref Cour de Cassation).

– Enfin, l’intitulé de la mission couvre ici un champ particulièrement vaste. Sachant que l’expert désigné ne dispose que de quelques éléments du dossier qui lui sont transmis, il importe de contacter le magistrat pour se faire préciser la mission, voire se faire communiquer des pièces essentielles du dossier, comme ici par exemple, la plainte.

Afin d’analyser le travail effectué par M. Tyrell, l’une des parties me contacte et me transmet le rapport pour une contre expertise privée, entièrement à ses frais et sans garantie de pouvoir être exploitée en justice.

Mon travail commence. Il s’agit d’analyser le rapport d’expertise, d’en expliquer le contenu de manière pédagogique, et d’en effectuer la critique objective.

Dans cette affaire (romancée je le rappelle), beaucoup d’approximations ont été faites:

Sur les scellés:

– l’ouverture des scellés a été faite sans aucune précaution (pas de photographie, pas de description des contenus, pas de vérification des numéros de série, pas d’inventaire exhaustifs…).

– une liste de logiciels ayant servis à l’analyse des disques durs est bien fournie dans le rapport, mais aucune information n’est donnée sur le mode opératoire de l’utilisation de chaque logiciel.

– à aucun endroit n’est fait mention de bloqueur d’écriture, ni des précautions prises pour éviter de modifier les disques durs des scellés. Aucune somme de contrôle (hash code) n’a été calculée pour prouver la non altération des preuves.

Sur les dates d’accès internet:

– toutes les dates fournies dans le rapport font référence à la date du système d’exploitation. Mais celle-ci est-elle exacte? L’horloge du BIOS indique-t-elle une heure exacte? Le système heure d’hiver/heure d’été est-il actif? Y a-t-il eu altération de la chronologie des fichiers (par manipulation manuelle de l’horloge du système, ce qui n’est pas interdit)?

– les dates des fichiers n’ont pas été corrélés avec les dates indiquées dans les entêtes des messages emails. Aucune étude n’a été faite pour vérifier auprès des FAI que les accès constatés sur les forums correspondent aux dates fournies.

Sur les moyens techniques:

– le rapport confond compte informatique utilisé sur le PC et personne susceptible d’utiliser le compte (un membre de la famille, un ami…).

– l’un des ordinateurs est de marque Apple. Aucune mention spécifique n’est faite dans le rapport: pas d’indication sur le nom du système d’exploitation installé et sa version, pas d’état d’utilisation d’outils d’investigation spécifique à l’environnement Apple.

– le rapport cite trois logiciels commerciaux d’analyse inforensique fort onéreux. Est-il possible d’en connaître les numéros d’enregistrement de licences? (c’est un coup bas, mais il permet d’éliminer les guignols utilisant des logiciels crackés pour faire leurs investigations).

Sur le fond du dossier:

Les qualifications d’injure et de diffamation sont des notions juridiques précises que tout le monde ne maîtrise pas nécessairement. A Paris, la 17e chambre du tribunal correctionnel, dite chambre de la presse, est spécialisée dans ce domaine. C’est aussi le prétexte de billets savoureux

Faute d’avoir demandé des précisions sur sa mission, l’expert part au
petit bonheur la chance dans l’exploration des données du disque dur,
avec des requêtes basées sur des expressions régulières de mots clefs
choisis selon l’état d’esprit de l’expert et non pas guidés par une
méthode rigoureuse. Les recherches semblent avoir été faites avec comme objectif de trouver des preuves accablant le suspect.

Le plaignant et le suspect étant manifestement en contact, tous les liens prouvant ce contact sont présentés comme étant des preuves de ce contact. La démonstration ressemble fort à une tautologie (100% des gagnants ont tenté leur chance!).

Aucune exploration n’est faite « in vivo », sur une copie du disque dur par exemple, ou dans une machine virtuelle. Ne sont pas cités les logiciels installés, en lien avec le dossier, et utilisés pour accéder aux forums de discussion.

L’utilisation d’un logiciel VPN, et d’une messagerie anonymisée n’implique pas l’intention de mal agir. Chaque internaute à le droit de chercher à protéger sa vie privée.

Conclusions:

Les « experts » voulant jouer aux experts judiciaires risquent eux-aussi la mise en cause de leur compétence devant la justice. A leurs risques et périls. Dans le cas présent, le rapport d’expertise a été écarté.

Enfin, chaque citoyen peut se voir accusé injustement d’un fait dont il est innocent. Beaucoup croient que la découverte de la vérité s’effectue « automatiquement » et « gratuitement » à travers des enquêtes sérieuses menées avec tous les moyens (humains et financiers) d’une justice moderne.

Ils se trompent lourdement.

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Source photo megaportail

Pseudonymat

Je voudrais revenir sur un sujet que j’ai déjà traité plusieurs fois sur ce blog, mais qui me semble encore prêter à confusion: l’utilisation d’un pseudo pour tenir un blog.

Tout d’abord, je voudrais rappeler que je ne suis pas anonyme: j’ai un nom, celui-ci est connu de mon hébergeur, de la justice, de mes confrères de la compagnie d’experts judiciaires à laquelle j’appartiens, de ma famille, de mes amis et de beaucoup d’autres personnes.

Ma petite activité de blogueur est connue de toutes ces personnes, et je dois reconnaître que beaucoup s’en soucient très peu.

Alors pourquoi utiliser un pseudonyme pour écrire?

Quand j’ai commencé ce blog, en 2006, cela me paraissait naturel car, lorsque j’ai découvert internet en 1989, il était déjà normal à l’époque de choisir une identité numérique pour discuter sur les forums.

Quand j’ai commencé à écrire des billets « romancés » sur les dossiers judiciaires auxquels j’ai participé, je trouvais normal de le faire avec ce nom de plume.

Quand le blog a commencé à avoir un succès que je n’imaginais pas (en grande partie grâce à Maître Eolas et aux autres blogueurs qui ont eu la gentillesse de me mettre dans leurs listes de liens), plusieurs personnes ont commencé à se poser des questions sur l’identité réelle qui se « cache » derrière ce pseudonyme. Ça a donné l’affaire Zythom.

Tout d’abord, j’ai pleinement conscience que j’ai donné tellement d’indices sur ce blog personnel que toute personne qui veut bien s’en donner la peine, n’aura aucun mal à découvrir ma véritable identité. Sans compter que je suis bien placé pour savoir que pseudonyme ou identité réelle, sur internet, c’est pareil.

Je m’en fiche éperdument.

Je crois d’ailleurs que tout le monde s’en fiche également.

Ensuite, j’assume pleinement chacun des billets que j’ai écrits sur ce blog, même les plus ridicules, même les plus personnels, même les plus sombres, même les plus bêtes. Si quelqu’un n’aime pas les histoires que je raconte ou ma manière de les raconter, je comprends parfaitement cela. L’avantage énorme d’internet, c’est qu’il suffit d’un clic pour quitter ce blog et aller ailleurs y trouver des informations beaucoup plus intéressantes. Je vous encourage même à cliquer sur ma liste de liens (à droite en bas) pour aller sur le meilleur d’internet de mon point de vue.

Enfin, j’ai essayé dans chaque billet de ne pas utiliser mon faux nez pour critiquer gratuitement une personne, ou un groupe de personnes. J’ai donné parfois un avis, l’avis d’un petit expert judiciaire de province, d’un petit responsable informatique ou d’un petit conseiller municipal. Et c’est tout ce que cela vaut.

Je regrette parfois que mon blog soit l’un des seuls blogs d’experts judiciaires, alors qu’il y a tant de blogs d’avocats, de magistrats ou de médecins. Cela me donne une exposition que je n’ai pas demandée, même si elle flatte mon égo.

Je rêve parfois d’une consigne qui serait donnée par les grands experts judiciaires de ce monde, ceux qui dirigent les compagnies, ou les compagnies de compagnies: « Messieurs les experts judiciaires, ouvrez des blogs, communiquez sur vos activités sans trahir de secrets, expliquez, échangez, faites part de votre expérience. PARTAGEZ, comme l’ont encouragé les barreaux d’avocats. Sous votre vrai nom si vous voulez que votre voisine vous admire ou sous pseudonyme si cela vous chante. »

En tout cas, moi, je continue avec mon petit coin d’internet (© Sid) où je raconte les bêtises que je veux sans me soucier que mon identité réelle soit connue ou non.

Cela ne m’empêche pas d’accepter les invitations aux conférences, cela ne m’empêche pas d’accepter des expertises privées proposées par des avocats qui me contactent via ce blog, cela ne m’empêche pas de répondre aux questions des journalistes, et cela ne m’empêche pas de dormir.

En attendant, parce que cela me plait comme cela, je continue à bloguer sous pseudonyme.

Et j’encaisse très bien les coups.

Comment publier un livre

Par amour des livres, et pour laisser par écrit mes histoires à mes amis et mes enfants, je me suis lancé dans l’aventure de l’autopublication. C’est une expérience simple qui peut être faite par tout le monde.

Tout d’abord, je voudrais préciser à l’internaute arrivant sur ce billet sans connaître le blog, que je ne suis pas un professionnel de la question. Je ne suis ni éditeur, ni auteur, ni habitué des métiers liés à l’édition. Je n’ai pas d’intérêt dans les sociétés dont je vais parler, je souhaite simplement partager un retour d’expérience. Je suis quasi débutant en la matière, et mes conseils ne reposent que sur une maigre expérience. N’hésitez pas à proposer en commentaire d’autres pistes que celles que j’ai suivies. La société dont je rêve est une société où le partage est légal et encouragé.

Première étape : la matière première.

Pour fabriquer un livre, il faut d’abord disposer d’écrits. Dans mon cas, la matière première de mes ouvrages est constituée par l’accumulation des billets que j’ai publiés sur ce blog. Toute personne tenant un blog, ayant écrit une thèse ou gardant dans ses
tiroirs des cahiers noircis d’écritures, peut se lancer dans cette
aventure. Pour ma part, ce travail d’écriture était déjà fait. Je pensais que le reste était tout simple, vous allez voir que ce n’est pas si évident que cela.

Étape 2 : récupération et préparation de la matière première.

Dans mon cas, il s’agit de récupérer les billets, ce que j’ai pu faire par un export de l’ensemble du blog vers un fichier XML, suivi du tripatouillage de ce fichier pour enlever les commentaires (qui appartiennent à leurs auteurs), retirer les photos (idem) et inverser l’ordre des billets pour les mettre par ordre chronologique.

Ce travail peut être réalisé de manière élégante avec un joli script dans le langage informatique de votre choix, ou par l’utilisation chaotique de plusieurs logiciels plus ou moins performants à grand coup de copier/coller. J’ai suivi cette 2e voie…

Le but de cette étape est de disposer à la fin d’un fichier contenant tous les billets classés par ordre chronologique et contenant tous les liens d’origine encore fonctionnels. Pour ma part, j’ai travaillé sous Microsoft Word que je connaissais pour l’avoir utilisé pour écrire ma thèse, en 1991, sous Mac SE.

Étape 3 : le choix de l’éditeur.

Avant d’aller trop loin dans la mise en page, je pense qu’il faut avoir une idée plus précise de ce que vous devez fournir comme fichier à l’éditeur. Il vous faut donc choisir celui-ci (sauf bien entendu si un éditeur vous a déjà contacté auquel cas vous pouvez arrêter ici la lecture de ce billet, et recevoir toutes mes félicitations).

Après une recherche sur internet, recherche effectuée en 2007 à l’époque de la première édition du tome 1, j’ai choisi d’utiliser le service en ligne lulu.com.

D’après ce que j’ai compris, le principe part du constat que les machines qui fabriquent les livres aujourd’hui, sont entièrement numériques, et qu’il n’est pas plus compliqué de fabriquer 10000 exemplaires d’un seul livre que 1 exemplaire de 10000 livres. Cela amortit le coût des machines de production en les faisant fonctionner sur ce marché de niche en plein développement à l’époque.

Le site dispose d’accords avec des propriétaires de telles machines sur tous les continents, et les délais d’acheminement de l’exemplaire commandé (fabriqué donc à la demande) ne sont plus aujourd’hui que de quelques jours. 

J’ai donc testé. Et comme j’en ai été satisfait, je suis resté fidèle.

Étape 4 : le choix du format de livre.

Ce choix est important, car vous allez ensuite beaucoup travailler sur la mise en page, et rien n’est plus énervant après plusieurs heures de vérifications et de mises en page, de constater qu’il faut recommencer à cause d’un changement de format de livre.

Le format visé dépend de l’éditeur. A cette étape là, vous allez constater qu’il existe un grand nombre de possibilités. Vous allez devoir choisir le type de couverture (souple ou rigide), le type de reliure (à spirale, dos carré collé…) et la taille du livre (Poche, Petit Carré, Roman, Digest, A5…).

Le site lulu.com propose des aides permettant de choisir le meilleur format.

Remarque : Il n’est pas indispensable, mais cela peut être utile à ce stade, de connaître le nombre total de pages visées. Cela va dépendre du choix de la taille des caractères, des photos ajoutées, du nombre de billets sélectionnés, etc.

Je vous conseille de prendre plusieurs livres dans votre
bibliothèque, de les manipuler, de les mesurer et de choisir de cette manière
le format qui vous plaît. Gardez un livre sous la main pour estimer la taille des caractères, la taille des marges et d’autres paramètres que nous verrons plus loin.

Pour ma part, j’ai choisi le format :

– couverture souple

– reliure dos carré collé

– taille Roman (6×9, 15.24cm x 22.86cm).

Une fois fixé sur le format du livre, vous pouvez commencer la mise en page de vos écrits. Sur lulu.com, vous pouvez télécharger un modèle Word qui correspond parfaitement au format visé.

Étape 5 : le choix de la police de caractère et des billets.

Une fois en possession d’un modèle Word approprié, vous allez pouvoir y copier tout le contenu du fichier obtenu à la fin de l’étape 2.

C’est le moment de choisir la police de caractère par défaut, et sa taille. Vous avez alors un premier aperçu de ce que sera votre ouvrage final.

J’ai choisi :

– Garamond 16 pour le titre du livre

– Garamond 14 pour les titres des billets et

– Garamond 11 pour le corps du texte.

A ce stade, mon document Word contient un nombre de pages beaucoup trop élevé: c’est le moment de sélectionner les textes qui resteront dans le livre, ou de faire plusieurs tomes. Il faut relire l’intégralité de vos écrits et prendre des décisions. Vous endossez le rôle de rédacteur en chef en définissant la ligne éditoriale de votre publication. Vous pouvez décider de ne publier que des billets d’un certain thème, par ordre chronologique ou par rubrique, etc.

J’ai fait le choix de garder le joyeux mélange de ce blog perso, en gardant l’ordre chronologique et ses quatre rubriques principales:

– anecdotes d’expertises judiciaires informatiques (Expert)

– responsable informatique et technique (Professionnel)

– conseiller municipal (Vie publique)

– anecdotes pour mes amis et ma famille (Privée).

J’essaye de rester à un nombre raisonnable de pages: le tome 1 fait 188 pages, le tome 2 fait 264 pages et le tome 3, 244 pages.

Etape 6 : la mise en page.

C’est pour moi une étape longue et difficile.

Je commence d’abord par les styles.

Tout le document Word est mis en style « normal ». Puis tous les titres du document en style « Titre 1 », « Titre 2 », etc. selon le niveau de titre (titre du livre, titre d’un chapitre, titre d’un billet, etc.). Je modifie ensuite les styles pour les adapter à mon goût, et surtout pour faire en sorte que le paragraphe qui suit un style Titre X soit solidaire de celui-ci (pour éviter qu’un titre ne commence en bas d’une page par exemple).

Je modifie ensuite manuellement toutes les « notes de bas de billet » en note de bas de page. J’en profite pour ajouter de nouvelles notes de bas de page pour éclairer un point obscur, une allusion absconse ou traduire une citation latine.

Puis je m’occupe de tous les liens. Dans un livre papier, les URL ne sont pas cliquables, il faut donc les détailler en note de bas de page ou les supprimer. Comme je souhaite publier une version électronique de mes ouvrages, je ne supprime jamais un lien. Je modifie simplement le style « Lien hypertexte » de Word pour que les liens n’apparaissent pas en bleu souligné dans la version papier, mais uniquement dans les versions électroniques…

Les liens vers des billets du blog sont remplacés par des renvois vers les pages du tome concerné, si le billet est déjà publié dans un tome précédent ou dans le tome en construction.

Je rédige la page de titre, l’avant-propos, les avertissements, les remerciements et la quatrième de couverture.

Je place la numérotation des pages (paires à gauche, impaires à droite).

Je construis la table des matières.

Je place le copyright et le numéro ISBN fourni gratuitement par Lulu (obligatoires pour être accepté dans les circuits de distribution).

Puis je vérifie page par page la présentation, en ajoutant avec parcimonie des sauts de page.

Étape 7 : la correction des fautes.

Beaucoup de français sont très attachés à l’orthographe et à la grammaire. Les blogueurs sont souvent confrontés à cela et s’amusent des commentaires qui s’attachent à un détail de la forme plutôt qu’au fond. Quand vous avez passé beaucoup de temps à rédiger un billet, que vous y avez mis beaucoup de vous-même, il est parfois agaçant de lire comme premier commentaire une remarque sur une lettre qui manque. Les anglais ont un terme pour désigner cela: le Grammar Nazi.

Malgré tout, je trouve très désagréable de trouver des fautes dans un livre, surtout en abondance. Sans être un Grammar Nazi, j’apprécie qu’un lecteur me corrige une faute de frappe dans un billet, car cela contribue à l’amélioration du confort de tous. Je ne suis jamais vexé.

Je n’ai pas appris sur les bancs de l’école la réforme de l’orthographe de 1990. Pourtant, cette réforme est maintenant (un peu) enseignée en France, après avoir été adoptée depuis longtemps par tous les pays francophones. J’essaye donc de la mettre en pratique, mais j’avoue avoir du mal. Je préfère encore écrire « Maître » plutôt que « Maitre »… J’ai donc fait le choix d’un mélange entre les règles que j’ai apprises et celles que mes petits enfants apprendront peut-être. J’en parle en tout cas dans chaque introduction de mes tomes.

J’ai choisi de faire intervenir ma mère comme relectrice de mes ouvrages. C’est une ancienne institutrice de CP qui adorait son métier et qui m’encourage encore aujourd’hui à écrire correctement. J’ai commencé la primaire dans sa classe (pour la finir dans celle de mon père qui, lui, s’occupait du CM2)…

Quand j’ai appris à ma mère l’existence de la réforme de 1990, elle s’est empressée d’acheter un livre à ce sujet et, à 80 ans, s’est mise à niveau. Je voudrais lui rendre hommage et la remercier chaleureusement ici-même pour tout le travail qu’elle accomplit.

Je lui adresse par la Poste une version du « manuscrit » imprimée au format A4 recto/verso petite police, qu’elle corrige avec patience et intérêt. Elle me retourne ensuite la liasse pour que je corrige le fichier Word.

Merci Maman.

Étape 8 : le livre papier.

J’ajoute une page blanche au début du document Word (comme dans tous les livres) et le nombre de pages blanches à la fin pour obtenir un total de pages divisibles par 4 (probablement à cause d’une contrainte de fabrication). 

Je sauvegarde mon document Word au format pdf que j’uploade vers Lulu.com. Attention, pour le format pdf issu de Word 2010, ne pas oublier de cocher l’option « Compatible ISO 19005-1 (PDF/A) ».

Il ne me reste plus qu’à choisir une couverture (parmi les modèles libres de droit sur lulu.com), la police et la taille des caractères ainsi que la mise en page de la couverture. J’ai choisi :

– Couverture avant : titre Nimbus Sans L Bold 48 / Sous titre Nimbus Sans L 24

– Dos du livre (tranche) : titre Nimbus Sans L 31

– Couverture arrière : texte Nimbus Sans L 12

Ne souhaitant pas augmenter le prix du livre papier plus que de raison, j’ai choisi « impression Noir et Blanc sur papier standard (couverture en pleines couleurs).

Ça y est, je peux commander mon premier exemplaire (c’est obligatoire sur le site lulu.com pour valider la mise en ligne).

Quelques jours après, je reçois celui-ci, et en vérifie chaque page. Si tout est ok, je peux mettre en ligne le livre et commander les exemplaires pour les amis et la famille.

Étape 9 : les livres électroniques.

J’ai fait le choix de distribuer gratuitement et sans DRM les versions électroniques de mes ouvrages.

Pour cela, je repars du document Word original, dans lequel je supprime toutes les pages blanches, devenues inutiles, et les sauts de page des premières pages pour « condenser » un peu. Je fais recalculer par Word la pagination de la table des matières, ainsi que celle des renvois inclus dans les notes de bas de page (merci la touche F9).

Je modifie ensuite le style « Lien hypertexte » pour que les liens apparaissent (voir étape 6) et je sauvegarde au format PDF. J’obtiens ainsi le premier ebook.

Pour les autres formats, je m’appuie sur l’extraordinaire site 2EPUB vers lequel j’uploade la version PDF pour qu’il me la transforme sans effort en ebook pour iPad, iPhone, iPod, Kindle, Sony Reader, BeBook, Nook, Kobo et autres liseuses…

Il ne me reste plus qu’à partager ces fichiers sur le blog en utilisant la méthode que je présente dans ce billet intitulé « Partage de fichiers sur Blogger« .

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Voili, voilou. J’espère vous avoir donné envie de publier vos écrits au format papier ou dans un format électronique. En tout cas, vous êtes plusieurs milliers à avoir téléchargé la version électronique de mes publications, et cela, ça me fait très plaisir.

J’ai conscience qu’il s’agit pourtant d’un travail d’amateur. Il m’a fallu endosser tous les métiers du monde de l’édition: auteur, correcteur, maquettiste, rédacteur en chef, chef de fabrication, éditeur, diffuseur, hébergeur… sans pour autant en avoir les compétences.

Je rêve d’une bibliothèque virtuelle publique où tous les ebooks en langue française pourraient être centralisés et distribués gratuitement et sans DRM. Je rêve d’un ministère français de la culture et de la communication qui mettrait en place un tel projet…

Mais cela, c’est une autre histoire.

Je vous souhaite en attendant une bonne lecture 🙂

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Source photo Megaportail.

La petite fille

Le regard de cette petite fille me trouble.

Elle est habillée d’un vêtement très moulant, tellement moulant que les grandes lèvres de son petit sexe forment deux bosses très apparentes. Les anglo-saxons ont un terme d’argot pour désigner cela: le camel toe. La pose très suggestive de la petite fille ajoute à ma gêne.

Je passe à la photo suivante. Même petite fille, même tenue, autre pose tout aussi suggestive. Le décor ressemble à une scène de théâtre un peu poussiéreuse, comme surannée. Le sourire forcé de la petite fille et sa pose coincée ajoute à la tristesse de la scène.

Je passe à la photo suivante. Je cherche à donner un âge à la petite fille, basé sur le fait que j’ai moi-même trois enfants. Je dirai cinq ou six ans, mais je peux me tromper. Je suis expert judiciaire en informatique, pas expert médical. Ma mission concerne la recherche d’images pédopornographiques sur le disque dur que la gendarmerie m’a confié sous scellé. Cette série de photos n’entre pas dans cette catégorie.

Je passe à la photo suivante. Est-ce ma perception de père qui me fait deviner dans le regard de cette petite fille une profonde tristesse ? Sa tenue de danseuse sexy en justaucorps moulant et les poses dans lesquelles elle est photographiée me semblent relever plus de la page centrale d’un magasine porno que de celle d’un ouvrage artistique.

Je passe à la photo suivante. Le décor a changé, mais le sol de scène de théâtre est le même. Toujours dans un style un peu kitsch, la petite fille évolue maintenant en tutu très court, le buste nu. Elle est gracieuse malgré tout.

Je passe à la photo suivante, et la suivante, et la suivante…

Je me tasse dans mon fauteuil, mes épaules se voûtent. Je deviens trop sensible pour l’activité d’expert judiciaire. Je pense à mes enfants.

Je note les dates et heures des prises de vue relevées dans les métadonnées EXIF des fichiers images. J’ajoute une rubrique à mon rapport d’expertise pour cette centaine de photos, laissant le magistrat décider de la nature juridique de la possession de ces clichés.

Oui, le regard de cette petite fille me trouble vraiment. Il me rend profondément triste et désespéré du genre humain.

Je ferme mon rapport d’expertise et j’éteins l’ordinateur.

Je suis fatigué, et l’heure tardive n’a rien à voir avec ça.

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Source image Luke Chueh

J’ai choisi ce dessin pour illustrer ce billet car il m’a toujours rendu triste et mal à l’aise.

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Promotion 2017

La rentrée scolaire, pour une école d’ingénieurs comme pour toutes les écoles dans le monde, est un moment important de l’année. Les étudiants ont hâte de se retrouver pour se raconter leurs vacances, les professeurs ont rechargé leurs batteries et les services supports ont (p)réparé les locaux et les systèmes pendant la période estivale.

Parmi les étudiants qui franchissent les portes de l’école d’ingénieurs où je travaille, j’ai une pensée spéciale pour les nouveaux, et en particulier les étudiants de première année.

Je travaille dans une grande école qui forme ses ingénieurs en 5 ans, c’est-à-dire que les nouveaux étaient pour la plupart au lycée en terminale l’année dernière. Ils ont 18 ans cette année et, si tout se passe bien pour eux, ils seront diplômés en 2017: c’est la promotion 2017.

Ils sont donc nés en 1994.

C’est l’année du génocide au Rwanda.

Bill Clinton est président des États-Unis depuis deux ans, Boris Eltsine président de la Fédération de Russie depuis trois ans.

François Mitterrand termine son deuxième septennat.

C’est la guerre en Croatie depuis trois ans et en Bosnie depuis deux ans.

C’est aussi l’année des premières élections multiraciales en Afrique du Sud débouchant sur l’élection de Nelson Mandela. Ils n’ont donc jamais connu l’apartheid en Afrique du Sud (abolie en 1991).

Ils sont nés la même année que Netscape Navigator. Pour eux, les termes AppleII, MacPlus et Amiga relèvent de la
préhistoire. Ils n’ont jamais entendu parler de « station de travail », ne connaissent pas le mot microprocesseur. Pour eux, un portable, c’est un téléphone.

Ils ont pris le biberon à côté d’un Tatoo, d’un Tam-tam ou d’un Kobby mais ne s’en souviennent probablement pas.

Ils ne savent pas qu’ils sont nés en même temps que Windows NT 3.5 (NT signifiant « New Technology »), ni d’ailleurs que Windows 8 est en fait Windows NT 6.2

Ils avaient 2 ans quand le manchot Tux est devenu la mascotte du projet Linux.

Ils avaient 4 ans lors des deux coups de tête victorieux de Zidane en 1998 et 12 ans lors de celui honteux de 2006.

Ils avaient 7 ans lors des attentats du 11 septembre 2001.

Depuis qu’ils ont 8 ans, ils achètent leurs bonbons et leurs mp3 en Euro. Pour eux, le Franc est la monnaie des Suisses, ou des Colonies Françaises du Pacifique, ou de la Communauté Financière Africaine, ou de l’Union des Comores. Quand ils demandent 10 balles, ils attendent 10 euros.

Purs produits de la génération Y, ils ont pleuré la mort de Steve Jobs, mais avaient 14 ans quand Bill Gates a pris sa retraite (autant dire il y a une éternité). Pour eux, Linux, c’est surtout Android, ou éventuellement, Ubuntu.

Ils ont survécu à la canicule de 2003 (9 ans) et à la grippe A/H1N1 (15 ans).

Ils ne sont abonnés à aucune revue, et pourtant, ils n’ont jamais autant lu.

Ils n’ont jamais autant écrit, même si c’est surtout avec les pouces.

L’actualité leur arrive via Orange, ou « Google Actualités« , ou « Bing News« .

Le langage SMS n’a pas de secret pour eux, mais ils considèrent que c’est pour les « ados ». Les blogs, c’est un truc de gamin, ou un truc de vieux.

Ils sont nés la même année que ma fille aînée (qui entre en médecine).

Ils sont notre avenir.

Bonne chance à eux !

Bonjour les vieux !

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Source photo knowyourmeme.com

Vu de ma selle

J’ai participé ce week-end aux 24h du Mans vélo.

C’est dur, très dur même, surtout pour un débutant comme moi.

Et pourtant, c’est une expérience extraordinaire.

Revenons un peu en arrière dans le temps. Mon beau-frère, passionné de vélo et pratiquant ce sport à un niveau plutôt haut, recrute autour de lui pour constituer une équipe pour les 24h du Mans vélo. Cette compétition admet plusieurs sortes d’équipes: les équipes de 8, de 6, de 4 et de 2. Il est également possible de s’engager seul, ce qui a été le cas du vétéran de l’épreuve, un jeune homme de 83 ans!

Lorsque mon beau-frère m’a contacté, j’ai poliment refusé. Prendre deux fois par jour son vélo pour aller travailler, à raison de 16 km par jour, ne représente pas un entraînement suffisant pour faire une compétition.

Mais il lui manquait un huitième participant pour inscrire son équipe, et il me promettait qu’il ne me tiendrait pas rigueur de la faiblesse de mon niveau dans ce sport. J’ai donc accepté.

Ma première inquiétude est venue lors de l’examen médical avec mon médecin référent et néanmoins ami. Son air surpris et ses questions inquiètes m’ont mis la puce à l’oreille. « Non, mais sans blague, tu vas VRAIMENT participer à une course de vélo de 24h?! ». Mon état de santé étant malgré tout encore bon, il signa à regret un certificat d’aptitude à la compétition sportive.

Ma deuxième inquiétude est venue du fait que mon beau-frère (et coach) m’a prévenu qu’il fallait que je trouve un vélo pour cette compétition.

« Mais mon vélo de ville ne suffit pas? »

« Non, mais tu rigoles! Avec tes sacoches, tes trois vitesses et un poids de 15 kg… Non, non, il te faut un vélo de compétition. Je vois avec les six autres participants s’ils peuvent te prêter un vélo. »

Après quelques échanges, l’un des participants accepte de partager son vélo avec moi. Il suffira juste qu’on ne fasse pas de relais ensemble, pour avoir le temps de modifier les réglages, en particulier de la hauteur de selle.

Ma troisième source d’inquiétude est venue lorsqu’autour de la table, pendant une réunion préparatoire à l’épreuve, les membres de l’équipe ont commencé à parler de pulsations cardiaques.

« Oui, moi dans la montée du col du Ventoux, mon cardio ne monte pas à plus de 160. »

« Ah bon, moi j’ai du mal à dépasser les 150 »

Moi: « mais c’est quoi un cardio? »

Tous en chœur: « un appareil à mesurer les pulsations du cœur!! »

Me voici donc en train d’arpenter les rayons de Décathlon à la recherche d’un cardiofréquencemètre pour vélo. Je tombe sur un vendeur connaissant bien l’univers du vélo et à qui j’explique mon problème. Il me trouve un cardio adapté à mon besoin, mais semble affolé par ma démarche:

« Vous n’êtes jamais monté sur un vélo de course? »

« Non. »

« Mais vous savez si les pédales sont de type automatique? »

« Oui, d’ailleurs mon copain m’a demandé d’acheter des chaussures avec des cales. Regardez, il m’a envoyé des photos sur mon téléphone. »

« Oui, ok je vois, on en a en rayon. Mais, vous n’allez pas les essayer avant la compétition? »

« Non, car je découvrirai le vélo samedi prochain, pendant la compétition »

« Ah, parce qu’en plus la compétition à lieu samedi prochain!!?? »

Sur les conseils éclairés (et inquiets) du vendeur, je suis donc ressorti de chez Décathlon avec:

– un cardiofréquencemètre (Polar CS100), 

– un cuissard renforcé spécial fesses sensibles,

– une paire de chaussures avec des cales pour pédales automatiques,

– et une paire de pédale automatique à mettre sur mon vélo de ville pour m’exercer toute la semaine.

Je suis donc allé travailler plusieurs fois avec mon vélo de ville transformé en vélo de compétition, manquant me casser la figure à chaque arrêt, pour cause de pieds attachés aux pédales. J’ai ainsi appris à retirer d’un coup sec les cales des pédales automatiques, et à ramasser sur la route mon cardiofréquencemètre malencontreusement déclipsé en appuyant sur les touches tout en pédalant…

Quelques jours plus tard, je retrouve mes amis sur le circuit des 24h du Mans vélo, le circuit Bugatti.

Mon ami me prête son vélo, je fais quelques tours de roue pour comprendre le fonctionnement du guidon, des vitesses, des pédales et tester l’inconfort de la selle. C’est la première fois que je m’assois sur un vélo de compétition.

Samedi 15h: départ de la course.

Je suis debout sur le muret des stands avec le reste de l’équipe pour encourager le premier de notre groupe à prendre la piste (et le départ façon « Le Mans »). Le départ se déroule dans une ambiance électrique, tant la tension est forte sur les coureurs.

Les tours se succèdent, puis le premier relais.

Je commence à stresser puisque je suis le troisième coureur.

Il est 17h30, c’est mon tour.

Je suis sur la piste des stands, mon prédécesseur me transmet la puce de chronométrage, je l’attache à la cheville, je clipse mes pieds sur les pédales. C’est parti !

Le circuit Bugatti fait 4,185 km. Il possède une montée de 600 m de 3,5% à 7%, et une descente de 1000 m à 2%. Sa coupe topographique est disponible ici.

Je pars sur un train d’enfer, réalisant un temps qui restera la référence dans l’équipe jusqu’à l’entrée en piste des vrais sportifs (dont mon beau-frère). Évidement, je m’épuise vite et mes chronos augmentent sensiblement à chaque tour. Le vent est terrible, avec des rafales à 30km/h. Mon cardio indique 170, je suis dans le rouge. Le coach avance mon relais avant que je n’arrive à des temps où j’irais plus vite à pied…  J’ai tenu jusqu’à 19h, soit 1h30 de course, 9 tours soit 37,7km sans être trop ridicule.

Mais je termine hagard et avec un mal au c*l terrible, malgré mon cuissard à couche intégrée…

J’encourage ensuite le reste de l’équipe, à chaque relais et j’attends avec un peu d’appréhension le deuxième relais que je dois faire, celui de 3h du matin…

Dimanche 3h du matin: dernier relais pour moi.

Je n’ai pas dormi. Je remonte sur le vélo et donne tout ce que j’ai pendant une heure. Une des heures les plus longues depuis longtemps. C’est la première fois que je roule sur un circuit de compétition la nuit. Le vent est tombé, mais j’ai appris à essayer de prendre la roue d’un coureur. C’est difficile et je suis souvent trop loin, trop à droite ou trop à gauche. Sans compter les virages.

Je suis doublé par des pelotons TGV qui m’évitent avec grâce.

Je peine à suivre des coureurs qui font les 24h en solo…

Je prends quand même un réel plaisir à foncer dans la descente, à gérer les trajectoires dans les virages, à faire l’effort d’attraper un groupe pour m’y abriter. Malgré mon niveau, je cherche la vitesse.

Le vélo de compétition, c’est magique!

Mais encore une fois, j’ai du mal à gérer l’effort, j’en fais trop dans les premiers tours. J’ai beaucoup de mal aussi à gérer la douleur, je suis trop douillet. Comme je n’arrive pas à « faire la danseuse » sur le vélo par peur de tomber (pieds attachés, toussa…), j’ai très mal aux fesses…

Je passe le relais à 4h du matin, épuisé.

6 tours en une heure, soit 25,11 km.

Je pars me coucher pour une toute petite nuit.

Dimanche 15h: l’arrivée.

C’est à la fois une satisfaction de voir mon beau-frère franchir la ligne d’arrivée sans encombre, de savoir que nous avons tous contribué à arriver jusqu’au bout sans casse. Mais c’est aussi un soulagement, car nous allons pouvoir rentrer et DORMIR.

Nous ne sommes pas arrivés les derniers de notre catégorie, grâce aux deux « gros bras » de l’équipe et notre classement au général est plutôt flatteur pour mon niveau (nous sommes dans les 5/6e), même s’il est vrai que ce sont surtout des « solos » derrière nous.

J’ai pris un réel plaisir à participer à une vraie compétition cycliste, à côtoyer des professionnels du vélo. Même si c’est très impressionnant de les voir me doubler à vive allure et à quelques cm de mon guidon.

Je ne suis pas devenu un passionné de vélo plus qu’avant, mais je comprends mieux maintenant les efforts que ce sport demande.

Et j’en ai appris un peu plus sur mes limites.

Transfert de fonds

En 2007, après la sortie du premier tome des billets de ce blog, j’ai cherché un moyen de gestion des transactions financières simple à utiliser. Parmi tous les systèmes en place à cette époque, j’avais choisi Paypal parce que cela m’avait semblé être le système le plus répandu et qu’il était simple de l’utiliser, surtout pour les très petites sommes que j’envisageais.

J’ai donc ouvert un compte Paypal sous mon pseudonyme Zythom, sans me poser plus de question que cela. L’ouverture du compte se fait en ligne, aucun justificatif n’est demandé, roule ma poule.

Et tout à bien fonctionné jusqu’en juin 2009, quand j’ai vu soudain apparaître sur la page d’accueil de mon compte Paypal (donc après connexion) le message suivant:

Nous voulons vérifier avec vous que personne ne s’est connecté à votre compte sans votre permission.

Veuillez prendre un instant pour modifier votre mot de passe et créer de nouvelles questions secrètes. Vous devez également vérifier vos informations personnelles et vos transactions récentes. Assurez-vous que vos informations personnelles (adresse, numéro de téléphone, etc.) n’ont pas été modifiées et que vous reconnaissez toutes vos transactions récentes.

Veuillez accéder au Gestionnaire de litiges pour signaler tout paiement qui vous paraîtrait suspect. Cliquez sur Contester une transaction pour signaler une transaction non autorisée.

Comme je suis quelqu’un d’obéissant, je modifie le mot de passe et met à jour les questions secrètes, après avoir bien entendu vérifié que j’étais bien connecté sur le bon site, de manière sécurisé, etc. pour ne pas être victime de phishing.

Côté transactions, rien à signaler, je n’utilise pas beaucoup ce compte qui contient 3 euros 6 centimes (on ne dit plus 3 Fr 6 sous ;).

Sauf que voilà, Paypal me demande alors un justificatif de domicile (facture EDF par exemple) au nom de Zythom.

Patatra.

La lutte contre la grande délinquance mafieuse d’internet venait de passer par là, et mon petit compte ouvert sous pseudonyme devenait potentiellement suspect.

Je clique donc sur le lien permettant de changer le nom de mon compte Paypal. Voici le message qui s’affiche alors:

Il nous est actuellement impossible de procéder au changement de nom de l’utilisateur d’un compte PayPal. Pour utiliser PayPal, vous pouvez ouvrir un nouveau compte PayPal.

Vous pouvez apporter une modification mineure au nom associé à un compte PayPal si vous avez commis une faute de frappe.
Veuillez sélectionner le type de changement à effectuer :
– Changement de nom personnel (mariage, divorce, état-civil)
– Changement de nom personnel (incorrect à l’inscription ou changement mineur)

Là, je commence à comprendre que cela s’annonce serré. Je tente quand même la procédure « changement mineur » et, Paypal me demande une pièce d’identité avec mon « nouveau » nom. Je lâche l’affaire et ouvre un nouveau compte Paypal avec mon identité patronymique. Tant pis pour mes 3 euros 6 centimes.

Quelques années passent, et de temps en temps, la mémoire me revient de ces 3 euros 6 centimes inaccessibles qui dorment sur ce compte Paypal. Et à chaque fois, cela m’agace.

En 2009, je me reconnecte sur le compte pour lire le message suivant:

Votre compte a été restreint pendant plus de 45 jours. Il continuera à être restreint mais vous avez désormais la possibilité de virer des fonds.

Tiens, je vais donc pouvoir récupérer mes 3 euros 6 centimes et clore ce compte. Ah, mais oui, mais non, pour transférer ce montant colossal, il me faut disposer d’un compte bancaire en France ou aux Etats-Unis… au nom de Zythom.

Je vous jure que j’ai caressé l’idée d’ouvrir un compte dans une banque en ligne américaine… Avant de me rendre compte du ridicule de mon entêtement (et qu’il n’est pas possible d’ouvrir un compte en banque aux US sous pseudonyme).

Je retente la procédure de changement mineur de nom en laissant cette fois un justificatif de domicile à mon nom de famille. J’attends ensuite la réponse de Paypal. Et j’oublie l’ensemble de l’affaire.

Août 2012.

Sous la forte chaleur caniculaire, et poussé par la sécheresse de mes comptes bancaires en ce retour de vacances, ma mémoire se rappelle de l’existence des 3 euros 6 centimes de ce compte Paypal « resteint »…

Je me reconnecte.

Horreur: rien ne s’est passé.

Mes 3 euros 6 centimes sont toujours là, inaccessibles.

Mon justificatif de domicile (prouvant ma bonne foi) affirmant que j’existe bien, mais sous un autre nom, n’a eu aucun impact.

Attisé par la canicule, mon sang ne fait qu’un tour.

Pourquoi une banque autoriserait l’ouverture d’un compte sous pseudonyme, ET SON FONCTIONNEMENT PENDANT 2 ANS, pour d’un seul coup empêcher son fonctionnement (et conserver les sommes ainsi bloquées)!

Je me plains sur Twitter.

Bien entendu, cela fait (sous)rire mes followers dont certains m’expliquent l’importance de la maffia russe, du danger des échanges financiers, du rôle de Tracfin… Tout le monde se moque (gentiment) de moi, ou ignore cet appel à l’aide désespéré.

Tous, sauf un: @X_Cli.

[Pour les derniers gaulois qui résistent à l’envahisseur, @X_Cli n’est pas une demi adresse email, mais le nom d’un compte Twitter]

@X_Cli me prend en pitié, car il comprend l’aspect ubuesque de ma situation. Après quelques tweets, il me donne un lien magique, c’est-à-dire un lien permettant de contacter un être humain chez Paypal: voici le sésame.

Aussitôt, je me connecte sur mon compte restreint et je clique sur le lien fourni par @X_Cli. Je contacte le numéro de téléphone indiqué, avec les différents codes cabalistiques fournis, et après avoir franchi avec succès les différents pièges de l’automate téléphonique, je peux enfin parler à un être humain, que j’appellerai Bohort.

J’explique à Bohort mon problème. En quelques clics, il accède à mon compte Paypal Zythom et constate les dégâts.

Bohort: « Oui, mais vous avez utilisé un FAUX nom pour ouvrir un compte bancaire, et ça, ce n’est pas possible ».

Zythom: « Je n’ai pas utilisé un FAUX nom, mais un pseudonyme. Et vous m’avez autorisé à ouvrir le compte et à l’utiliser pendant deux ans sans que cela ne vous gène… »

Bohort: « Gmblggl. […] Avez-vous un autre compte Paypal? »

Zythom: « Oui. Et il a le même nom que celui présent dans le justificatif de domicile que j’ai fourni en 2009 sur le compte Zythom. »

Bohort: « Bon, je vais demander le transfert de fonds vers ce compte Paypal. Si mon superviseur donne son feu vert, et vu le montant, c’est presque sûr, vous pourrez récupérer vos 3 euros 6 centimes. »

Zythom: « YESSSSSSSSSSS. Heu, merci! Et vous pourrez fermer le compte? »

Bohort: « Ah non, ça, ce n’est pas possible ».

C’est ainsi donc que j’ai pu récupérer les 3 euros 6 centimes qui traînaient depuis 3 ans sur mon compte Paypal Zythom, sans pour autant arriver à fermer celui-ci.

Merci Twitter, merci @X_Cli, merci Paypal et merci Bohort.

Il me reste quand même une question à deux euros: arriverai-je un jour à fermer ce compte Paypal restreint vide complètement inutile? Rendez-vous dans trois ans.

Mes conclusions:

– Zythom honteux et confus, jura mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

– Pecunia non olet. Nunc est bibendum

Questions à un Juge d’Instance

Twitter est un lieu d’échanges et de dialogues. C’est aussi la possibilité pour tout un chacun de discuter avec des personnes qu’il serait parfois difficile de rencontrer. Je lis dans ma « ligne de temps » les tweets d’avocats, de magistrats, de policiers, de juristes de tout poil, et parmi eux, un juge d’instance, @Bip_Ed a bien voulu répondre à quelques questions que je me pose depuis longtemps.

Il a accepté que je publie ses réponses sur ce blog :

– Faites-vous souvent appel à des experts judiciaires, et si oui, quelles sont en général leurs spécialités ?

Comme juge d’instance je ne nomme des experts qu’en matière de vices cachés (automobile), construction (mais pour des litiges inférieurs à 10.000 €), ou parfois certains spécialistes en matière de chauffage, eau, etc. Sans oublier les géomètres pour obtenir des bornages, et évidemment les psychiatres désignés en matière de tutelle. Désignations très fréquentes en ce dernier cas, évidemment.

– Avez-vous déjà missionné des experts judiciaires en informatique ?

Pas à mon souvenir.

– Le processus d’inscription sur les listes des experts est assez obscur. Y avez-vous déjà participé, et si oui, pouvez-vous m’éclaircir sur l’analyse des dossiers et le processus de sélection ?

Je n’y ai jamais participé personnellement, n’ayant jamais exercé dans une cour d’appel. La cour nous demande simplement de tester les experts et nous sommes amenés à donner notre avis, c’est tout.

– Quelles sont les qualités que vous attendez d’un expert judiciaire ?

Qu’il respecte le contradictoire et qu’il rende des expertises claires pour les juges mais aussi pour les parties.

– Avez-vous eu déjà à faire à un expert incompétent, et si oui, comment l’avez-vous géré ?

Il y a de « bons » et de « mauvais » experts : mais évidemment et par définition ceux qui les nomment ne sont pas suffisamment au fait de leur spécialité pour se permettre de dire qu’ils sont incompétents. Les parties aux procès peuvent par contre faire remonter leur mécontentement, mais souvent parce qu’ils sont contrariés du sens que prennent les expertises.

– En tant qu’expert judiciaire depuis plus de 10 ans, je suis malgré tout surpris des faibles contacts que je peux avoir avec les magistrats qui me désignent. Est-ce normal d’avoir aussi peu d’échanges, aussi peu de discussions ?

Il faut les solliciter. Pour ma part, je ne refuse jamais de dialoguer. La limite étant le temps qui m’est précieux comme la plupart de mes collègues, du fait de la surcharge de travail.

– Que pensez-vous des « experts witness » à l’américaine ?

Que ce n’est pas transposable en droit français, les cultures procédurales des deux pays étant très différentes.

– Quel est pour vous l’avenir de l’expertise « à la française » ?

Très sombre, si on continue la politique de ces dernières années qui consistait à oublier de payer les experts.

– Auriez-vous une anecdote racontable en rapport avec une expertise judiciaire ?

Je me souviens de l’époque où les
juges d’instance étaient compétents pour envoyer un expert pour vérifier
si, comme le disait le maire de la commune, un immeuble menaçait ruine.
Dans ce cas, l’expert était nommé en urgence, et son avis était requis
pour justifier l’arrêté du maire portant interdiction d’occuper les
lieux. Le propriétaire des lieux, averti, contestait par ailleurs le
projet du maire en protestant de la parfaite santé de sa maison de
ville, qui était située entre deux autres. Quelques jours après sa
nomination, l’expert m’a adressé un rapport expliquant qu’il avait eu
toutes les peines du monde à visiter la maison en cause pour la bonne
raison qu’elle s’était entièrement écroulée (ce que je n’ignorais pas,
ayant lu les journaux)…

– Quels seraient les conseils que vous pourriez donner à un jeune expert judiciaire ?

Ne pas hésiter à contacter les juges et leur faire part des difficultés qu’il rencontre. Il est évident que si nous n’appartenons pas à la même famille, nous avons en commun le souci de régler les conflits.

– Quels seraient les conseils que vous pourriez donner à un « vieil » expert judiciaire ?

Rester, malgré tout.

———————————————-

Merci @Bip_Ed d’avoir répondu à ces quelques questions.

#FF @Bip_Ed

(i.e. il faut suivre @Bip_Ed sur Twitter 🙂

Transformations

Il en va de la vie estudiantine comme de la vie tout court: elle est faite d’une succession de transformations. J’en suis souvent le témoin privilégié.

L’entretien

Le candidat assis en face de moi vient tout juste d’avoir son baccalauréat. Il postule pour entrer dans l’école d’ingénieurs où je travaille alors comme professeur d’informatique. Il a 18 ans, il est stressé, il passe pour la première fois un entretien de motivation. Il s’appelle Paul. Je lui pose des questions sur son intérêt pour les études d’ingénieur, sur la vie qu’il pense vouloir mener dans quelques années. Il me répond quelques banalités, mais aussi quelques idées intéressantes. Il est plein d’illusions, mais il a la force de la jeunesse. Il veut changer le monde, l’améliorer, y trouver sa place. Je prends des notes, je l’évalue, je le jauge. Sera-t-il un bon ingénieur ? Question difficile à laquelle je cherche du mieux possible des réponses.

La rentrée

Les étudiants de 1ère année sont assis devant moi. C’est pour la plupart la première fois qu’ils suivent un cours en amphithéâtre. Ils sont à la fois impatients de commencer et déjà conscients des difficultés qui les attendent. Je reconnais parmi les visages quelques uns des candidats que j’ai eus en entretien de motivation. Paul fait parti de ceux-là qui se tiennent droits sur leur siège, attentifs et concentrés.

Je commence mon cours par quelques mises en garde sur la méthode de travail. J’explique la prise de notes. Je prends l’amphi à témoin du fait que personne n’a encore sorti son stylo pour prendre des notes. Cela déclenche quelques rires gênés et un remue-ménage quand tout le monde sort une feuille et un crayon…

Les jeux en réseau

J’ai toujours adoré les jeux en réseau, et encore aujourd’hui, j’aime bien me faire massacrer par les étudiants lorsqu’ils organisent un LAN dans l’école. Ils savent que j’autorise ce genre de pratique, à la condition expresse que le matériel de l’école soit respecté, ainsi que les licences des logiciels utilisés. L’association étudiante « jeux en réseau » est donc essentiellement préoccupée par la recherche de sponsors pour acquérir les précieuses licences qui seront ensuite installées sur les ordinateurs des salles par le service informatique.

Paul est en 2e année quand il s’inscrit à cette association estudiantine et notre première confrontation virtuelle est sanglante. Pourtant, les organisateurs de la séance m’ont placé au dernier rang de la salle pour me permettre de voir les écrans des autres joueurs et me donner un avantage certain. Las, mon niveau sur Half-Life est ridiculement bas quand certains de mes jeunes adversaires accusent déjà des centaines d’heures d’entraînement.

Le cours de C

Je recroise Paul lors du cours de langage C que je faisais alors en 3e année. C’est un jeune bien dans sa peau, entouré d’un groupe d’amis avec qui il passe le plus clair de son temps. Le langage C n’est pas sa passion, et les pointeurs resteront une énigme pour lui malgré tous les efforts que j’aurai déployés. Mais bon, il n’y a pas que l’informatique dans la vie… Je transmets du mieux possible l’importance de l’analyse préalable du problème, de l’algorithmie, de la méthodologie, en rappelant que le langage n’est qu’une illustration technique. Le message passe pour la majorité des étudiants.

Le stage

Le hasard des affectations aux suivis de stages a fait que Paul s’est retrouvé parmi les étudiants dont je supervisais le stage ingénieur.

Son maître de stage en entreprise, présent lors de la soutenance de stage me confiera: « c’est le 1er étudiant que j’ai en stage qui me propose de lui-même au bout d’un mois de faire un exposé au reste de l’équipe sur son sujet de stage ! ». Je ressens une certaine fierté, même si je sais que les compétences de Paul tiennent autant de ses propres efforts que de ceux de ses professeurs et de son école.

Le diplôme

Les étudiants se succèdent sur l’estrade pour recevoir leur diplôme sanctionnant cinq années d’étude. Je les connais tous, pour les avoir fréquentés tout au long de ces années. Chaque visage m’évoque un souvenir. Pour certains, je suis un professeur pénible et inflexible, pour d’autres, un professeur passionné et « intéressant ». Tous se souviendront de moi, pendant que de mon côté certains visages vont devenir flous, et des noms s’effacer de ma mémoire, remplacés par d’autres qui se profilent à l’horizon.

Paul fait parti des diplômés. Curieusement, je me souviens de son visage de jeunot lors de son entretien de motivation. Déjà cinq années ont passé.

Le gala

Chaque année, une part importante des forces des étudiants est engagée dans l’organisation du gala annuel de l’école. Tous les étudiants peuvent y participer, tous les enseignants et bien entendu, les diplômés de toutes les promotions sorties. C’est l’occasion de mettre une tenue un peu plus classe que celle de tous les jours, c’est surtout l’occasion de revoir des étudiants pour savoir ce qu’ils sont devenus. Pour beaucoup d’anciens, c’est aussi l’occasion de discuter avec certains professeurs, sans la barrière d’une certaine anxiété. C’est le moment du « parler vrai » qui peut faire mal, ou pas.

Paul est présent cette année là. Il a eu son diplôme il y a déjà 3 ans, et souhaitait revoir son ancienne école. Il vient vers moi pour me saluer. Nous discutons devant un verre, mais c’est surtout moi qui l’interroge pour savoir ce qu’il est devenu. Il me raconte ses premières années de travail, ses nouvelles responsabilités. Je lui demande ce qu’à son avis nous avions raté dans sa formation,
ce qu’il faut améliorer pour les générations actuelles et futures
d’étudiants.

La vie

Je suis maintenant responsable de service, j’ai quitté mon poste d’enseignant-chercheur. Je suis moins au contact avec les étudiants, enfin moins comme professeur que comme « service support ». Parfois, j’ai une certaine nostalgie de l’énergie qu’il faut déployer pour enseigner, pour faire passer ses connaissances, pour essayer d’intéresser les étudiants, pour parfois qu’ils écoutent simplement.

Certains anciens étudiants viennent de temps en temps dans la région et passent me faire un petit coucou. Ils me surprennent dans mon bureau envahi de dossiers, de documents, de courriers, de papiers en tout genre. Paul est passé aujourd’hui et je l’ai encore interrogé sur son activité professionnelle. Quinze années ont passé depuis son entrée à l’école, il se souvient pourtant encore de son entretien avec moi. J’avoue que de mon côté, les souvenirs sont un peu flous. Tant d’entretiens…

Je regarde dans mes archives, et fouille dans un paquet de vieilles feuilles. Je lui donne alors le document sur lequel j’avais pris mes notes lors de cet entretien de motivation. Il est ému et amusé à la fois.

Je le vois regarder son « moi » d’une autre époque et lui souhaiter bonne chance. Puis il s’en va en me saluant: « à dans dix ans alors ? »

Tant de choses se seront passées encore, tant de transformations. A dans dix ans!

Le vélo, un an après

Il y a un peu plus d’un an, je prenais la décision d’échanger ma voiture pour un vélo, pour venir sur mon lieu de travail. J’en ai parlé ici-même dans ce billet.

Eh bien, un an après, je dois dire, non sans une certaine fierté, que j’ai tenu bon et que je peux compter sur les doigts le nombre de jours où je suis venu en voiture, essentiellement à cause de la glace pendant l’hiver.

Tout d’abord, je voudrais faire un retour sur l’équipement. Le vélo acheté s’est avéré un bon choix: le nombre limité de vitesses (3) me satisfait, l’absence de dérailleur aussi et la chaîne carénée a sauvé plusieurs pantalons…

J’avais aussi investi dans un éclairage à induction magnétique (aimants sur les rayons) en remplacement des éclairages à piles ou à dynamos par frottement. Ils m’ont donné pleine satisfaction. Par sécurité, j’ai laissé l’éclairage arrière (sous la selle) d’origine (à pile) qui vient compléter ma signalisation lors des nuits noires de l’hiver.

Je suis équipé d’un casque ET d’un gilet jaune aussi voyant que seyant. Je suis certain que ce gilet m’a sauvé la vie plusieurs fois, surtout aux ronds-points. Les automobilistes sont beaucoup plus attentifs quand ils voient arriver un gros point jaune fluo à lampes clignotantes… Le casque ne m’a protégé pour l’instant que de ma porte de garage basculante.

La lutte contre les éléments naturels devait se faire avec un grand poncho. J’ai très vite arrêté, sur les conseils de plusieurs commentateurs, et lassé par l’effet spinnaker à vent debout, pour le remplacer par un pantalon de pluie ET un blouson étanche spécial randonnée. Ce dernier est suffisamment aéré pour éviter l’effet cocote-minute, que j’ai bien connu avec mes combinaisons spéléos…

J’ai également un brassard jaune fluo que je porte au poignet gauche, pour éviter de me  faire arracher le bras quand j’indique aux voitures que je souhaite continuer à tourner dans le rond-point (et OUI, je suis prioritaire).

Le danger principal n’est curieusement pas venu des voitures ou des camions, mais surtout des autres cyclistes. Chaque vélocipédiste croit en effet être le seul à vouloir dépasser un congénère, à tourner subitement à gauche ou à entrer sur la piste cyclable… Les règles effectives du code de la route à bicyclette sont donc plus subtiles que celles du code papier: il faut imaginer toutes les réactions, même les plus saugrenues, des autres usagers des pistes cyclables ou des bordures de routes.

J’aurai une pensée particulière pour l’inventeur des laisses de chien de 10 mètres à enrouleur. Qu’il brûle lentement en enfer avec les utilisateurs imbéciles de son invention.

Une autre espèce de piétons m’a également posé problème. Je me suis fait copieusement insulter par plusieurs personnes allant pedibus cum jambis parce que je faisais usage de ma pimpante sonnette afin de les avertir de ma soudaine venue. « Hey connard tu vas pas me klaxonner non ? » m’ont-ils interpeller avec allégresse, avant que je ne n’adopte la stratégie dite du « merci« . En effet, maintenant, lorsque je fais tinter ma petite sonnette afin d’éviter de surprendre désagréablement un rampant, et après que celui-ci se soit de mauvaise grâce retourné (en s’écartant grâce au cerveau reptilien), je lance un désarmant « merci! » qui en surprend plus d’un.

Certains vont même jusqu’à me renvoyer un « yapadkoi » tout aussi rafraîchissant.

Ma plus grande surprise vient de la disparition totale de mon mal de dos chronique (surnommé aussi « le mal du siècle » par mon médecin du travail). Eh bien, fini, débarrassé, envolé le mal de dos. Et pourtant, la pratique du vélo ne semble pas particulièrement recommandée pour lutter contre ce problème… A moins que la reprise de la pratique régulière de l’aviron n’ait quelque chose à voir? Ou tout simplement la deuxième partie du fameux slogan « mangez, bougez »…

J’ai finalement trouvé un cheminement quasi-parfait pour venir travailler: de 10km et 15mn en voiture, j’en suis maintenant à 8km et 20mn en vélo, avec un parcours quasiment exclusivement en piste cyclable ou en voie réservée.

Il ne me reste plus qu’à faire 1/4h d’abdos pour retrouver le physique de mes 40 30 20 18 ans. Deux fois par jour, cinq fois par semaine et 47 semaines par an.

Pour retrouver mes tablettes de chocolat 😉