Il y a un mois, j’ai reçu sur mon lieu de travail un courrier d’un de mes fournisseurs informatiques dont la teneur est à peu près la suivante:
« Vous utilisez le logiciel XX pour gérer votre comptabilité et votre paie. Or, ce logiciel va bientôt être remplacé par le logiciel YY. L’éditeur ne nous informe pas de la durée de maintenance de votre logiciel actuel, mais vous fait bénéficier d’une réduction de 50% pour le passage de XX à YY. »
Je précise que l’éditeur de YY a été racheté par son concurrent, éditeur de XX.
J’ai cru à une mauvaise blague, et j’ai enterré le courrier (je reconnais que je pratique parfois la politique de l’autruche).
Le commercial nous harcèle depuis, les utilisateurs et moi, tant et si bien que j’ai du organiser une réunion d’information avec lui.
La réunion confirme bien la disparition « programmée » de notre logiciel au profit du nouveau, des conditions avantageuses « pour l’instant », le tout avec un sentiment d’urgence généré par l’habile commercial.
Vient le moment où je pose la question de la reprise des données.
Hochement de la tête de chaque utilisateur (qui n’avaient pas envisagés que leurs données ne soient pas réintroduites dans le nouveau logiciel), réponse gênée du commercial: heu, pour la paie, ce n’est pas possible.
Je vous passe les détails plus ou moins sérieux des explications qui ont suivies (modèles conceptuels des données non compatibles, etc.). La réunion se termine vaille que vaille et je réunis tout mon petit monde pour un débriefing.
Les utilisateurs sont effondrés…
Tel Zorro chevauchant au secours des opprimés, je tente de remonter le moral des troupes:
Bon, côté compta, tout semble OK. Il suffit de jeter l’ancien logiciel, de croiser les doigts pour que le nouveau s’adapte bien à notre environnement (j’ai une pensée émue pour notre serveur SQL déjà bien surchargé), de suivre une formation (longue) sur le nouveau et tout va bien.
Je vois déjà leur moral remonter d’un cran (leurs épaules s’affaissent).
Reste le logiciel de paie. J’ai cru comprendre que vous souhaitiez conserver les bulletins de salaire depuis l’origine, que vous souhaitiez pouvoir, à la demande, en réimprimer un et qu’à tout moment, un salarié ou un organisme de contrôle, ou de calcul de retraite, pouvait vous en demander un. J’ai la solution.
Je dois dire que tout le monde m’écoutait, suspendus à mes lèvres, dans une ambiance de concentration extrême…
Je vous propose un datawarehouse maison.
Inconscients du jeu de mots, ils m’écoutent présenter le concept:
Un datawarehouse est un entrepôt de données (une base de données) qui se caractérise par des données:
– orientées « métier » ou business;
– conçu pour contenir les données en adéquation avec les besoins actuels et futurs de l’organisation, et répondre de manière centralisée à tous les utilisateurs;
– non volatiles: stables, en lecture seule, non modifiables;
– intégrées en provenance de sources hétérogènes ou d’origines diverses (y compris des fichiers externes de cotation ou de scoring);
– archivées et donc datées : avec une conservation de l’historique et de son évolution pour permettre les analyses comparatives.
(source: wikipedia).
Dans le cadre de mes expertises judiciaires, j’ai eu à rencontrer de nombreux types de datawarehouse, plus ou moins sophistiqués, plus ou moins performants. La plupart ont montré leurs limites concernant la dimension temporelle, sauf un. C’est celui-là que je vous propose de mettre en place.
Roulement de tambours, suspense à couper au couteau, nous entendons une mouche se poser à l’autre bout du bâtiment.
A l’aide du logiciel actuel, je vous propose d’imprimer tous les bulletins de paie sur papier et de les ranger dans une armoire antifeu au sous-sol avec les archives, dans des dossiers classés par salariés. Vous y classerez, également sur papier, toutes les analyses éventuellement faites (évolutions individuelles des salaires, analyses RH, etc) et les différents documents confidentiels propre au suivi de chaque salarié (entretien annuel, bilan de compétence, etc).
Dans dix ans, dans vingt ans, toutes vos données seront encore accessibles.
Aucun changement de logiciel, d’imprimante, de machine, de serveur n’aura de conséquence sur notre datawarehouse. Pas de problème de version d’Excel, de disquette devenue illisible, de disque dur en panne, de serveur SQL obsolète, de maintenance, de transfert de données, de sauvegarde, de mot de passe oublié, de format incompatible, de langage d’interrogation abscons, de pilote d’impression introuvable…
J’avoue qu’ils ont été surpris de ma proposition, surtout venant d’un informaticien. Après un petit temps de réflexion, tous ont accepté avec enthousiasme.
J’ai maintenant un entrepôt de données maison fiable.
Et vous verrez, il résistera mieux que le votre.