
Depuis quelques années maintenant, j’utilise internet comme outil de travail, de loisir ou comme moyen d’expression.
Jeune chercheur en informatique, j’ai appris son existence en 1989 et m’en suis servi pour mon doctorat en intelligence artificielle (et ouais:). Internet était un outil réservé aux chercheurs et pour eux.
J’ai assisté ensuite à l’apparition des fournisseurs d’accès à Internet. C’est l’époque pionnière de l’Internet, devenu entretemps « Web », avec l’apparition de nombreux usages rendus accessibles au grand public.
Puis est venu le temps des marchands. Les grandes entreprises se sont installées, le business s’est déployé, la professionnalisation d’Internet s’est effectuée, au gré des bulles financières. L’outil est devenu encore plus accessible au grand public. Internet a perdu sa majuscule et est devenu indispensable à de plus en plus de personnes.
L’utilisateur que je suis s’est adapté, a évolué, a pris part aux changements. Parfois je me suis un peu opposé: je surfe toujours et encore sur un web dénué de publicités grâce au plugin AdBlockPlus de Firefox. Rien de révolutionnaire.
Je participe toujours au formidable élan de partage qui s’est emparé de la toile à cause des débits très faibles et de l’explosion du nombre d’usagers à la fin des années 90. Je rappelle que Napster date de 1999, à une époque où les modems 14.4, 28.8 étaient encore très nombreux face aux riches modems 33 et 56kbps. Et, oui, j’ai connu les bauds…
Je partage les distributions GNU/Linux que je télécharge par ailleurs, je partage des logiciels gratuits plus rares, difficile à trouver autrement sur le réseau, je partage des logiciels en accord avec mes passions et avec les licences de partage qui sont nombreuses dans ce domaine.
Je ne partage pas les produits commerciaux lorsque leurs licences l’interdisent.
Avec le temps, je me suis constitué un volume de données que je partage plutôt conséquent: 300 Go de données disponibles en upload sur ma liaison ADSL grâce aux protocoles P2P.
Mais j’ai pris conscience, il y a quelques semaines, que lorsque j’énonçais ce fait dans mon entourage professionnel ou judiciaire, de plus en plus de monde me regardait en coin. Je n’étais pas normal. Je me comportais bizarrement, voire illégalement.
Pour une partie de mon entourage, j’étais devenu à leurs yeux un PIRATE.
Dans certaines situations, cette étiquette sulfureuse peut être plutôt agréable, pour quelqu’un qui a plutôt souffert de l’époque où « informaticien » était plutôt une profession honteuse. Cette réputation est un peu une revanche de la période où, plus jeune, j’avais l’impression que les filles regardaient plus facilement vers les garçons du fond de la classe que vers ceux du 1er rang (j’étais au 2e rang, ce sont les fayots qui étaient au 1er rang!)…
Mais plus les années passent, plus les politiques s’emparent du phénomène internet et plus ils souhaitent y mettre de l’ordre. Avec les conséquences actuelles que l’on connait avec les lois HADOPI et LOPPSI. Conséquences que les politiques n’ont pas pu ou voulu percevoir, enferrés qu’ils sont avec une vision à court terme.
Et fatalement, la machine à broyer les vies va se mettre en route.
C’est donc le plus naturellement du monde que je me suis posé la question: avec mon serveur P2P, mes envies de partage et ma connaissance des réseaux éponymes, apparaître aux yeux de mon entourage professionnel et familial comme un pirate ne pouvait-il pas logiquement risquer de m’attirer des ennuis avec la police, la justice et la société toute entière.
Je me voyais déjà me battre avec le monde entier pour tenter de retrouver mon honneur perdu: mais Mme Michu, partager des distributions GNU/Linux, c’est autorisé vous savez!!! Combat perdu d’avance. L’Etat m’a battu d’avance. Alea iACTA est…
Comment concilier des aspirations qui paraissent de plus en plus libertaires et une tranquillité méritée par mon statu de quadra bobo provincial?
C’est à l’occasion d’un rêve que la réponse m’est apparue dans sa plus grande simplicité: je me voyais debout à la fenêtre de la mairie brandissant un drapeau français en criant « veux pas haine, problèmes derrière ». Les rêves les plus fous étant ceux qui l’on déchiffre le mieux, j’ai compris au petit matin que j’avais mélangé le reportage d’Arte de la veille consacré à Pierro le fou du gang des tractions avant, avec sa devise « Traction Avant, Police derrière » et une déformation phonétique du sigle informatique…
Une fois n’est pas coutume, mon cerveau nocturne s’étant comporté comme un oracle de Turing, j’ai donc pris la peine de m’enquérir d’une protection pour ma réputation afin que Madame Michu puisse de nouveau me voir comme un chapeau chevalier blanc. Lorsque l’on interdit au lieu d’éduquer, on fait du contournement un sport national avec des conséquences pires que la situation de départ.
Pour faire simple, sans aller jusqu’à l’embarrassante complexité d’un changement de nationalité, je suis allé voir les pays du monde civilisé ayant la plus haute estime de la protection de la vie privée de leurs internautes.
Etant le maître de mon avis, j’ai décidé que la Suède réunissait ces deux critères (civilisation et vie privée). J’ai été aidé un peu par cette multinationale (ce qui peut surprendre en matière de vie privée) et beaucoup par cette personne privée cette communauté.
J’ai choisi Anonine associé à VPN Lifeguard, dans une machine virtuelle vmware Window XP sans IPv6. Beaucoup l’on déjà fait, d’autres le feront. Je n’ai pas changé mes habitudes de surf, je n’ai pas honte de ma vie privée, ni ne fais de choses honteuses en privée.
Et vous n’imaginez pas ma joie quand je surfe sur internet, ou quand je partage mes distributions GNU/Linux, sous les traits d’un grand et beau suédois. C’est comme cela que j’aimerais que vous pensiez à moi, quand vous verrez mon adresse IP dans vos logs.
Dans mes bras Ikea! Hej Stockholm!
Broderskap frihet jämlikhet!
Et je vais pouvoir réouvrir le relais Tor que j’avais fermé par peur d’illégalité…