Ce moment magique où le disque dure

Mon activité d’expert judiciaire en informatique est connue de mon entourage et de mes amis, en particulier le fait que je sais « faire parler » un disque dur. Il m’arrive donc parfois d’être contacté par un ami qui m’avoue son désespoir de ne plus arriver à lire les données de son disque dur. La conversation donne en général ceci:

« Je n’arrive plus à accéder à mon disque dur externe. J’y stocke les photos de la famille. Je me suis pris les pieds dans l’alim et le disque dur a volé dans la pièce… Quand je l’ai rebranché, plus rien. »

Ce moment gênant où le disque dur ne démarre plus…

« … mais rassure moi, tu as bien des sauvegardes? »

Ce moment troublant où l’on réfléchit à la date de la dernière sauvegarde.

« Heu, mouis, mais pas récentes. »

« Bon. Qu’est ce qu’il fait comme bruit ton disque dur? »

« Et bien, justement, il ne fait plus aucun bruit. Enfin, si, un petit sifflement d’une seconde, puis rien pendant deux secondes, puis de nouveau un petit sifflement… »

« Ok. Ton disque dur est mort. Tu peux faire une croix sur tes données. »

Ce moment particulier où l’on annonce que toutes les données sont perdues à jamais…

« Non!? Et tu ne peux rien y faire? Même toi?

« Bah. A l’impossible nul n’est tenu. Si ton disque est mort, à part l’intervention d’une société spécialisée avec démontage en salle blanche, je ne vois pas. »

Le deuil.

Étape 1: le choc.

Cette courte phase du deuil survient lorsqu’on apprend la perte. C’est une période plus ou moins intense où les émotions semblent pratiquement absentes.

Exemple: « …!? »

Étape 2: la colère.

Phase caractérisée par un sentiment de colère face à la perte. La culpabilité peut s’installer dans certains cas. Période de questionnements.

Exemple: « Mais c’est nul! Tu peux rien faire? Mais alors, comment je vais récupérer mes données? $#%!§ (biiip) »

Étape 3: le marchandage.

Phase faite de négociations, chantages…

Exemple: « Non, mais tu peux vraiment rien faire? Et si je t’envoie le disque dur, tu peux essayer quand même? Avec un peu de chance… Et puis, toi, tu sais y faire avec ça. A chaque fois que je t’appelle, mon PC remarche, même quand tu interviens à distance! »

Étape 4: la dépression.

Phase plus ou moins longue du processus de deuil qui est caractérisée par une grande tristesse, des remises en question, de la détresse.

Exemple: « Toutes les photos depuis la naissance du dernier!!! Pourtant, j’avais décidé d’acheter ce disque dur pour faire des sauvegardes. Mais bon, voilà, plutôt qu’un disque de secours, c’est vite devenu un disque principal, avec toute la place qu’il proposait. Comment je vais faire? »

Étape 5: l’acceptation.

Dernière étape du deuil où l’endeuillé reprend du mieux. La réalité de la perte est beaucoup plus comprise et acceptée. L’endeuillé peut encore ressentir de la tristesse, mais il a retrouvé son plein fonctionnement. Il a aussi réorganisé sa vie en fonction de la perte.

Exemple: « Écoute, j’ai bien compris que je n’avais aucune chance de récupérer mes données, mais plutôt que de jeter le disque dur, je te l’envoie pour que tu tentes l’impossible, même le démontage. Si tu y arrives, c’est fantastique, et si tu ne peux vraiment rien faire, c’est tant pis pour moi. »

Une fois le disque dur récupéré, j’ai immédiatement branché celui-ci sur une prise de courant. Résultat: bzzz (1s) « … » (2s) bzzz (1s), etc.

Comme expliqué à mon camarade, je ne suis pas magicien. Un disque dur est un miracle de technologie, une mécanique de précision. Tellement précis que les têtes de lecture sont profilées pour flotter sur un coussin d’air au plus près des plateaux magnétiques.

Je démonte quand même le boitier USB. J’en extrais le disque dur que je branche directement sur mon PC. Même bruit particulier. Comme si quelque chose empêchait les plateaux de se mettre à tourner. Je pars me coucher.

Le lendemain soir, je retrouve le disque dur que j’ai posé sur mon bureau où il va finir sa vie comme presse-papier. Je le regarde, pensif. Bzzz, « … », bzzz, « … », c’est vraiment comme si le moteur électrique n’arrivait pas à lancer la rotation des plateaux. J’inspecte les vis particulières qui scellent le boitier. Je sais que si je l’ouvre, dans l’atmosphère normalement poussiéreuse de mon bureau, je condamne définitivement les données stockées sur les plateaux.

Il ne me reste plus qu’une seule chose à tenter, une méthode que je tiens de mon père, qu’il tenait lui même de son père.

Je branche le disque dur sur une alimentation SATA externe que j’utilise lorsque je n’ai plus assez de branchements issus de l’alimentation de mon PC. Je constate qu’il fait toujours ce bruit de « démarrage bloqué ».

Je le saisis fermement.

Je le soulève de 10 cm au dessus de mon bureau.

Je frappe cette mécanique de précision, sensible et fragile, sèchement sur la surface de bois de mon bureau.

Une fois.

Deux fois.

Sur la tranche.

Sur le dessus.

Ce moment fascinant où l’on tape sur le bureau avec un disque dur.

Et ce soir là, un petit miracle s’est produit. Quelque chose que je n’avais jamais vécu auparavant. Le genre de truc qu’on lit sur internet sans vraiment y croire, du même genre que le coup du congélateur. Impossible ou improbable, il a toujours quelqu’un qui vous jure que ça marche, que ça a marché.

J’ai frappé un disque dur sur mon bureau, et il s’est remis à fonctionner. La méthode utilisée par mes père et grand-père sur leur télévision fonctionne donc. C’était donc vrai, la force brutale peut vaincre l’ingénierie la plus pointue.

J’ai pu récupérer toutes les données et rendre à un papa heureux toutes ses précieuses photos. J’ai certainement un peu entamé la durée de vie de son disque, mais je l’ai prévenu: « fais tes sauvegardes et prie pour que ton disque dure ».

—————

– Cette anecdote n’a aucun intérêt si ce n’est peut-être parce qu’elle est parfaitement authentique.

– J’engage mes lecteurs à ne pas répéter cet acte désespéré sur leurs propres disques durs, et encore moins sur des disques durs ne leur appartenant pas. Il s’agit effectivement ici d’un miracle. Et par définition, cela ne se reproduira pas.

– Aucun scellé n’a été blessé pendant cette séquence.

Message de service

Pour répondre à plusieurs personnes qui me questionnent à propos de ce blog, j’ai créé une page FAQ en haut du blog, que j’alimenterai au fur et à mesure que le besoin s’en fera sentir.

Par ailleurs, j’entreprends, essentiellement pour mes parents qui n’ont pas d’ordinateur, un travail d’autopublication similaire à celui que j’avais entrepris en 2007. Je vais faire une sélection de billets déjà publiés que je vais cette fois commenter à la façon d’Asimov (en moins talentueux évidemment).

En 2007, j’avais publié mon livre aux éditions Lulu.com. J’ai comme objectif cette fois d’y mettre en place également le téléchargement gratuit d’une version pdf pour ceux qui seraient intéressés.

On verra le temps que j’arrive à consacrer à ce petit projet, mes parents étant très sensibles à la grammaire et à l’orthographe…

Stats 2011

Tenir un blog, c’est aussi aller de temps en temps regarder les statistiques de consultations, c’est-à-dire les traces que vous laissez lorsque vous me faites l’honneur de venir par ici.

Seulement voilà, aucun outil n’existe pour établir des données véritablement fiables, ce qui constitue souvent un casse tête pour les dircoms et leurs webmasters.

Pour ma part, j’utilise Google Analytics depuis l’ouverture de ce blog et cela m’amuse de savoir que mes lecteurs de 2011 utilisent à plus de 58% Firefox, devant Chrome (17%) et IE (12%).

Pour avoir une petite idée de la volumétrie, Google Analytics m’indique que pour l’année 2011, le blog a reçu 135 351 visites contre 126 040 en 2010 et 103 767 en 2009.

Mais comme vous revenez plusieurs fois sur le blog, je trouve le paramètre « visiteurs uniques » plus pertinent (pour ce qu’il vaut réellement…):

53 694 en 2011

56 061 en 2010

42 514 en 2009

Mais si vous revenez, c’est qu’un nouveau billet est annoncé par votre agrégateur de flux RSS, un tweet ou un de vos cercles Google+ (à moins que vous soyez simplement plusieurs derrière un proxy a venir lire le même billet). C’est pourquoi, je trouve que l’indicateur le plus pertinent est le nombre de visiteurs uniques divisé par le nombre de billets à l’année:

53 694 visiteurs uniques en 2011 pour 50 billets, soit 1073 lecteurs

56 061 en 2010 / 60 billets, soit 934 lecteurs

42 514 en 2009 / 112 billets, soit 380 lecteurs

27 471 en 2008 / 146 billets, soit 188 lecteurs

17 687 en 2007 / 200 billets, soit 88 lecteurs et

876 en 2006 / 52 billets, soit 16 lecteurs.

Bien sur, ces chiffres sont très approximatifs, car un nouveau lecteur peut très bien lire plusieurs billets en une seule visite, ou comme je l’ai dit, plusieurs lecteurs se cacher derrière une seule adresse IP. Ma famille, mes amis, ma sœur, mes cousins et leurs amis ont très bien pu mettre en place une stratégie de clics à partir de plusieurs ordinateurs/téléphones/tablettes depuis chez eux ou depuis leurs employeurs pour faire augmenter les stats de ce blog, pensant me faire plaisir.

En 2011, vous étiez dans 130 pays, ce qui ne lasse pas de me faire voyager virtuellement dans des contrées où je n’irai probablement jamais.

Ceux qui viennent ici en passant par un moteur de recherche, ont très majoritairement tapé dans celui-ci le mot clef « Zythom » (7982), en 2e position vient « expert judiciaire informatique » (365) puis « devenir expert judiciaire » (254), ce qui me gène un peu pour quelqu’un qui parle pas mal de son service militaire ou de ses souvenirs d’enfance 😉 Vous êtes quand même 109 à atterrir ici après avoir tapé « images pedophiles », 108 pour « image pédophile », 85 « image pedophile », 74 « image pedophilie », 71 « images pédophiles » et 5 « nudisme et pédophilie »… Je ne juge pas ces visiteurs, car je pense à la citation suivante: « Je me suis jeté dans la boue plus d’un demi-million de fois. Cela permet-il d’en déduire quoi que ce soit sur mon état mental? » Sepp Maier (gardien de but allemand).

Si vous êtes venus ici après avoir cliqué sur un lien ailleurs que dans un moteur de recherche (ou dans vos marques-pages), vous êtes, en 2011:

– 16076 en provenance de maitre-eolas.fr

– 1908 via boulesdefourrure.fr

– 1375 via sid.rstack.org

– 1234 via sebsauvage.net

– 969 via maitremo.fr

– 542 via laplumedaliocha.wordpress.com et

– 530 via standblog.org

Que tous ces grands blogueurs en soient remerciés. On dit parfois que le blogueur est un loup pour le blogueur, mais ce n’est pas nécessairement vrai.

Vous êtes 66% sous Windows, 17% sous Linux et 12% sous Mac. Seuls 1,3% d’entre vous ont la chance de me lire sur fond blanc sur iPhone…

Et n’oubliez pas, alors que 2012 sera l’année des sondages, « Les statistiques, c’est comme le bikini. Ce qu’elles révèlent est suggestif. Ce qu’elles dissimulent est essentiel. » (Aaron Levenstein)

To do is to be (Platon)

To be is to do (Marx)

Doo be doo be doo (Frank Sinatra).

2011 est mort, vive 2012

En relisant mon billet de l’année dernière, je me rends compte qu’il est toujours valable concernant les différents bilans sur mon activité d’expert judiciaire et mes vies professionnelle, publique et personnelle. La vie continue, et une année est passée dont j’ai relaté certains évènements ici même.

Il me faut par contre faire le point sur ma liste de résolutions 2011:

– être toujours vivant, si possible en bon état [ok, ça, c’est bon]

– arriver à obtenir le paiement des expertises judiciaires effectuées (deux ans de retard) [OUI, le solde m’a été réglé juste avant Noël !!]

– acquérir une paire de lunette vidéo 3D [raté, mais j’ai toujours bon espoir d’une baisse des coûts avec l’arrivée des TV 3D]

– arriver à faire fonctionner cette $#%µ& régulation de chauffage au boulot [raté, mais le propriétaire a prévu des travaux au budget 2012…]

– faire évoluer les serveurs web du boulot [YES, outre un gros projet d’évolution de notre ERP, un projet Extranet a démarré en 2011 et se poursuivra sur 2012]

– faire un peu plus de sport et plus régulièrement [OUI, vélo tous les jours + aviron une fois par semaine]

– m’intéresser de plus près aux outils des Pentesters [raté, là aussi, c’est un métier. Par contre, je suis invité en 2012 à une manifestation importante sur la sécurité, j’en parlerai ici même]

– assister au moins une fois à une Berryer [encore raté]

– postuler pour une inscription sur la liste de la Cour de Cassation [raté]

– suivre plus de formations techniques, en particulier auprès des pentesters [raté]

– approcher quelques experts judiciaires pour leurs soutirer des billets invités [OK, mais seule une personne a accepté]

– me préparer à devenir expert judiciaire « prestataire de services » [ok ;-]

– mettre en place des enquêtes de satisfaction clients auprès des étudiants [raté]

– encourager le personnel de l’établissement à venir en vélo plutôt qu’en voiture [OUI: construction d’un garage à vélo en 2011]

– venir moi-même en vélo [Ok, cf billet ici]

– acheter un vélo [Yes]

– migrer le système d’information de mes trois sites de production [Ok pour 2]

– suivre de près la rénovation de l’école primaire de ma commune [Ok, chantier démarré et suivi de près]

– finir l’implantation de l’aire d’accueil des gens du voyage et les accueillir [raté, recours de la commune voisine :(]

– dire et montrer l’amour que je porte à mes proches et être réellement présent dans les difficultés. C’est un peu simplet, mais la vie a aussi besoin de choses simples [Ok, mais pas assez à mon goût]

Si j’ai bien compté, cela fait 12 résolutions réalisées pour 8 toujours dans les tuyaux… Finalement, l’année 2011 n’a pas été si mal de ce point de vue 😉

Comme il faut toujours aller de l’avant, je complète avec les résolutions suivantes:

– mettre à jour et étoffer l’offre de conférences sur l’expertise judiciaire (et revoir mes tarifs 😉 que je propose aux lycées, aux universités et aux grandes écoles;

– passer (et rester!) sous la barre mythique des 25 pour mon IMC

– apprendre à déléguer efficacement pour mettre en valeur mes collaborateurs et les faire progresser;

– maintenir avec plaisir le rythme de 4 à 5 billets par mois;

– continuer à répondre présent aux magistrats qui me le demandent;

– manger un fruit par jour…

Je sens que 2012 va être une belle année.

Bonne année à tous! Qu’elle vous apporte joie et bonheur.

Et parce que j’aime bien pasticher Margot Motin:

un quintal de Chantilly Powa dans ta face!

Poutoux-poutoux-coeur-paillettes-et-bonne-année

🙂

Astreintes de Noel

A quelques minutes de fêter Noël avec les gens que j’aime, j’ai une pensée pour tous les hommes et femmes qui sont ce soir d’astreinte au travail, en particulier les magistrats, policiers, gendarmes, pompiers, agents EDF et tous ceux qui travaillent dans les hôpitaux.

Et tous ceux qui sur les routes vont tenter de recoller les morceaux de vies brisées.

Je n’oublie pas non plus les informaticiens qui veillent sur le bon fonctionnement de leurs systèmes, ni les avocats qui répondent présents auprès de ceux qui ont besoin d’eux. J’ai aussi une pensée pour tous ceux qui ne peuvent pas être près de leurs amis ou leur famille pour une raison ou pour une autre.

Depuis ma maison douillette, avec mon nœud papillon un peu ridicule qui fait sourire tous ceux que j’aime, je vous adresse à tous mes meilleurs vœux de Noël.

Le don du sang

J’ai toujours eu peur des piqures et pourtant, je suis un adepte du principe du don du sang. Il me faut donc lutter en permanence contre ma phobie et faire un effort surhumain pour aller donner mon sang.

Les étudiants de l’école d’ingénieurs où je travaille organisent régulièrement la venue d’une équipe de collecte de sang. A chaque fois, je sens une peur panique monter en moi à l’idée même de devoir me faire piquer le bras.

Cela remonte à l’époque de mon service militaire.

Nous étions tous en file indienne, les 180 appelés du régiment, pour passer la visite médicale. Pourquoi celle-ci n’était-elle pas organisée en petit groupe avec horaire de convocation, je ne le saurai jamais. Une longue file d’attente était donc en place, depuis la porte de l’infirmerie, jusque dans la cour, en passant par toute une série de couloirs dans lesquels nous attendions silencieux. L’entrée dans l’infirmerie se faisait par une porte, la sortie par une autre un peu plus loin, dans le même couloir.

J’étais dans le début de la file.

A chaque sortie d’un appelé, celui-ci remontait tout le couloir pour sortir dans la cour. Nous lui demandions ce qui se passait à l’intérieur, et surtout si ça faisait mal. Les réponses étaient variables, un peu floues, et l’inquiétude régnait dans la file.

Mon tour est vite arrivé. J’entre dans la pièce. Je salue l’infirmière d’un « bonjour madame ». Elle me répond sèchement: « On dit bonjour Capitaine, et je suis médecin ». Oups. Elle me demande de me dévêtir pour l’examen. « Heu, dévêtir comment? ». « Vous vous mettez torse nu et en sous vêtement. » « Oui Capitaine. Ai-je l’autorisation de garder mes chaussettes? ». Son regard noir m’a servi d’autorisation.

[Je vous passe l’épisode toujours embarrassant de la palpation des testicules, pour en arriver directement à la prise de sang.]

« Allongez-vous ici, et tendez votre bras en serrant le poing ».

J’obtempère en prenant la précaution de regarder attentivement un détail sur le mur opposé à mon bras. C’est d’ailleurs intéressant de constater que je n’ai absolument aucun souvenir de ce que mes yeux pouvaient bien observer, mais que je sens encore aujourd’hui l’aiguille entrer dans mon bras. Je me souviens très bien également des mots utilisés par ma Capitaine-médecin en retirant l’aiguille: « Merde, merde, merde » tout en courant à l’autre bout de la pièce chercher un énorme paquet de coton.

A ma question posée d’une voix blanche: « Heuu, qu’est-ce qu’il se passe? », elle a répondu succinctement: « Rien, j’ai juste claqué la veine ».

A ce stade du récit, je dois préciser que mes notions d’anatomie remontent au découpage d’une grenouille et au dépeçage d’une moule au lycée, et que pour moi, une veine est une sorte de tuyau dans lequel coule du sang. Une « veine claquée » est donc pour moi l’équivalent d’un tuyau d’arrosage sous pression qui vient d’éclater.

En fixant le mur de plus en plus intensément, l’image qui s’impose à mon cerveau concernant mon bras gauche est donc un petit geyser de sang qui doit éclabousser toute une partie de l’infirmerie.

Je palis légèrement.

Le médecin revient immédiatement avec un ÉNORME paquet de coton qu’elle place entièrement sur mon bras blessé, en me demandant de bien vouloir le maintenir en place avec ma main valide, tout en exerçant une pression pour arrêter le sang.

Je palis un peu plus.

Elle s’empare d’une bande et entreprend d’effectuer le plus gros bandage que j’ai jamais pu voir sur un bras en emprisonnant l’intégralité du paquet de coton. Elle me montre le flacon de sang ponctionné et étiqueté. Elle me prie de bien vouloir sortir pour laisser la place au suivant.

Je me lève et me dirige avec précaution vers la sortie.

A ce moment là, une méchante idée a germé dans mon cerveau mauvais. Et si je faisais une blague à mes compagnons d’infortune?

J’ai donc mis ma veste de survêtement sur l’épaule, ouvert la bouche et essayé d’avoir la tête la plus livide possible (ce qui était relativement facile).

Je suis sorti dans le couloir.

Un grand silence s’est aussitôt fait.

J’ai remonté doucement la file d’attente.

A chaque question « qu’est-ce qui s’est passé? », je répondais « ha la vache, y m’ont pas raté! », en tenant mon bras bandé comme s’il était cassé.

Je ne sais pas si c’était les vapeurs d’éther dans le couloir ou le temps d’attente débout excessivement long, mais je sais que plusieurs appelés sont tombés dans les pommes après mon passage.

Le lendemain, je soulevais doucement l’emplâtre de coton, et miracle de la cicatrisation, seul restait de l’explosion veineuse un petit bleu.

De cette expérience, j’ai attiré beaucoup d’estime et de respect de mes camarades.

Et une peur bleue des piqures.

C’est pour cela que je dois me forcer pour aller donner mon sang.

Parce que je risque de tomber dans les pommes devant les étudiants.

Mais surtout parce que c’est nécessaire.

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PS: Lorsque j’ai pu jeter un coup d’œil à mon dossier militaire, j’ai pu y lire « flacon de prise de sang égaré ». Tout ça pour ça…

Revons un peu

Bienvenue en France!

Félicitations! Il faut du courage pour s’installer dans un nouveau pays et nous sommes heureux que vous ayez choisi la France. Vous avez entrepris un nouveau départ qui vous offre des possibilités stimulantes. Votre première année en France sera chargée d’émotions et remplie de changements. Vos chances de réussite seront plus grandes si vous prenez le temps de vous renseigner sur ce qui vous attend et sur ce qu’on attend de vous.

Le présent guide vous offre un aperçu de la vie en France. Vous y trouverez la description de vos droits et responsabilités en tant que résident permanent français ou en tant que citoyen français.

La société et les valeurs françaises peuvent différer de celles auxquelles vous êtes habitué; certaines pratiques culturelles françaises pourront vous sembler étranges en regard des normes établies dans votre culture d’origine. En même temps, certaines pratiques culturelles de votre pays peuvent être jugées inacceptables en France.

Le fait de pouvoir parler le français à votre arrivée en France facilitera votre adaptation. Chaque jour est une occasion d’apprentissage! Trouver un emploi. Participer à la vie de votre quartier. Les françaises et les français estiment qu’ils doivent prendre leurs responsabilités pour obtenir le type de collectivité dans laquelle ils désirent vivre. Tandis que vous vous habituez à la vie en France, n’hésitez pas à poser des questions. Peu importe la ville où vous vivrez, vous trouverez des gens qui vous aideront à vous adapter à votre nouvelle vie et à vous intégrer à la société française.

Dans les semaines, les mois et les années à venir, vous aurez bien des occasions de participer pleinement à la vie française. Profitez-en. Vous et votre famille pourrez grandir ensemble à côtoyer d’autres françaises et français et à contribuer à une vie meilleure pour tous. Vous êtes chez vous.

Le guide « Bienvenue en France » vous indiquera également avec qui communiquer si vous avez besoin d’aide ou si vous désirez plus d’information. Vous avez probablement déjà reçu beaucoup de renseignements généraux sur votre nouveau pays. Les pages qui suivent vous aideront à obtenir des renseignements plus précis sur certaines choses comme les cours de langue et le logement, ainsi qu’à trouver un emploi et une école pour vos enfants en France. Nous ne pouvons vous fournir tous les renseignements dont vous avez besoin, mais nous pouvons vous indiquer les noms des ministères, des organismes et des organisations qui pourront soit vous offrir de l’aide directement, soit vous diriger vers une autre source d’information.

Les organismes d’aide aux immigrants peuvent vous aider à vous tailler une place dans la société française, et bon nombre de leurs services sont gratuits. Communiquez avec eux pour connaître les services qu’ils fournissent. Vous trouverez la liste de ces organismes à la page consacrée aux services pour les nouveaux arrivants du site web « vos droits – service public« .

Nous espérons que le présent guide vous aidera à vous adapter à votre nouvelle vie, une vie que nous vous souhaitons remplie de bonheur et de succès.

Bienvenue en France!

Mode de vie des français

La France est un pays immense. Afin de comprendre ce qu’être français représente, il est important de savoir certaines choses au sujet de nos trois peuples fondateurs, soit les Gaulois (peuple celtique), les Romains (peuple italique) et les Francs (peuple germanique). La société française actuelle est en grande partie la fusion des héritages gallo-romains, des apports germaniques et du christianisme .

La vie au quotidien se déroule la plupart du temps en français. Des gens de divers horizons et de diverses religions, ethnicités et cultures se sont établis en France. Toutefois, les français partagent des valeurs centrales qui orientent et façonnent la vie de tous les jours. Nous sommes fiers de notre identité, de notre histoire et de nos réalisations.

La France dispose d’institutions juridiques et démocratiques qui remontent au Moyen Âge. Ces traditions sont encore vivantes aujourd’hui au sein du Parlement et des assemblées législatives des différents territoires. Nos lois et nos gouvernements sont là pour assurer le traitement équitable des personnes et l’égalité des chances pour tous. Nos lois protègent aussi les minorités. Ensemble, nous nous efforçons de maintenir une société sécuritaire, pacifique et prospère.

La résidence en France et la citoyenneté française entraînent des droits et des responsabilités

Les droits et les responsabilités des citoyens français nous viennent de notre histoire. Nos lois, nos traditions, nos identités et nos valeurs communes sont à l’image de ces droits et responsabilités.

Le fait de vivre en France signifie que vous partagez plusieurs des mêmes droits et responsabilités que les citoyens français. Si vous devenez citoyen français, vous jouirez de tous ces droits et devrez assumer l’ensemble de ces responsabilités.

Grâce aux sacrifices et aux efforts de gens dans le passé, vous avez aujourd’hui, en tant que résident en France, les droits suivants :

– Exprimer librement vos opinions, y compris par la liberté de presse;

– Vivre où vous désirez au pays;

– Pratiquer la religion que vous voulez ou n’en pratiquer aucune;

– Vous associer à toute personne de votre choix et vous rassembler pacifiquement;

– Être protégé contre une arrestation ou une détention illégale ou injustifiée de la part de l’État (gouvernement);

– Bénéficier des services du gouvernement français.

En tant que résident en France, vous avez notamment les responsabilités suivantes :

– Respecter la loi;

– Apprendre le français;

– Travailler pour subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille;

– Venir en aide à autrui;

– Protéger notre patrimoine et notre environnement naturel.

Les citoyens français ont aussi le droit de :

– Voter aux élections municipales, cantonales et nationales;

– Faire une demande de passeport français, et entrer au pays et en sortir librement;

– Se présenter à une élection.

En tant que citoyen français, vous avez la responsabilité de :

– Faire partie d’un jury lorsque vous y êtes appelé;

– Témoigner au tribunal, si requis;

– Exercer votre droit de vote de manière libre et démocratique.

Les françaises et français, ainsi que leurs enfants et leurs familles, s’attendent à se faire traiter avec équité, tolérance et respect. En retour, nous nous efforçons de traiter les autres de la même manière. Nous croyons en l’égalité entre hommes et femmes et ne tolérons pas la discrimination fondée sur la race, l’âge, l’orientation sexuelle ou une déficience physique ou mentale. La dignité des personnes est bien établie dans nos lois et traditions.

Il est interdit aux parents de forcer leurs enfants à se marier contre leur gré. La polygamie est illégale selon le Code Pénal, et ainsi, les mariages multiples ne sont pas reconnus par la législation française d’immigration. Ceux et celles condamnés pour avoir pratiqué la polygamie sont sujets à voir leur résidence permanente révoquée.

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Ce texte est une légère modification du début d’un texte canadien qui commence ici. J’en ai pris connaissance par un tweet de @GrandNicolas retweeté par Maître Eolas.

J’aimerais réellement que notre gouvernement, d’aujourd’hui ou de demain, s’en inspire. Il est inutile de réinventer la roue.

Il y a beaucoup de pays qui sont en avance sur nous.

Le Canada en fait partie.

J’affronterai ma peur

Lorsque j’étais en classe de seconde, j’ai eu à faire un exposé en physique sur un thème libre. Très marqué par mes lectures scientifiques d’alors, j’avais choisi les Tokamak. Pendant l’exposé, je me souviens avoir du expliquer le phénomène de fusion nucléaire à une classe un peu ennuyée. Il faut dire que je n’en avais pas moi-même compris grand chose, si ce n’est que le rapprochement de deux atomes légers produit un atome plus lourd (somme des deux atomes) et beaucoup d’énergie (le côté « magique » de la réaction).

Ce qu’il me reste de cette expérience éprouvante (surtout pour mes camarades), c’est l’idée qu’il ne vaut mieux pas se lancer dans un exposé que l’on ne maitrise pas, même devant une assemblée qui ne s’y intéresse pas, mais aussi l’idée un peu romantique que deux êtres qui unissent leurs efforts peuvent construire quelque chose de plus grand que s’ils devaient s’y prendre séparément. J’ai pu vérifier ce dernier point de nombreuses fois au cours de ma vie, et en particulier dans ma vie privée.

L’éducation des enfants et l’organisation de la vie d’une famille sont deux exemples particulièrement flagrants: c’est beaucoup plus facile à deux. Le pire est qu’on ne s’en rend compte que lorsque l’un des deux fait défaut, de la même façon qu’on n’apprécie vraiment d’avoir l’usage de ses deux jambes qu’après avoir passé plusieurs semaines dans le plâtre.

Dans mon cas, il s’agit de l’hospitalisation de ma moitié pour une opération a priori bénigne. Nous voici donc tous les deux le jour J dans la chambre d’hôpital en train d’attendre l’heure H et la minute M. Sachant que nous devions ABSOLUMENT nous présenter à 8h pour une raison totalement inconnue de nous encore aujourd’hui alors que l’opération était prévue à 16h…

A 15h45, un homme tout de vert vêtu vient chercher mon épouse et son lit pour les emmener vers le bloc opératoire.

Moi: « Quelle sera la durée de l’opération? »

Lui: « Environ 45mn, ne vous inquiétez pas tout ira bien. »

Tu parles, qu’est-ce qu’il peut bien en savoir? Qui me dit qu’il n’est pas là pour me donner le change, tel un Mérovingien d’hôpital?

Me voici donc seul dans une chambre doublement vide.

15mn passent. J’imagine Grégory regardant du haut de la salle d’observation vitrée mon épouse endormie.

30mn. Ma Time Line Twitter me tient compagnie. Je regarde ma montre de plus en plus souvent en rêvant être Ravel, agent du Nexx, capable de me déplacer dans le temps pour y remettre de l’ordre.

45mn. J’imagine la sortie du bloc, les chirurgiens aux fronts trempés de sueur épongés par des infirmières nues sous leur blouse expérimentées. J’imagine des chirurgiennes aux fronts trempés de sueur épongés par des infirmiers bodybuildés expérimentés.

46mn. Bon. Pourquoi est-ce qu’elle n’est pas revenue?

A partir de ce moment, mon esprit rationnel commence à envisager tous les cas possibles, fidèle à mon film d’horreur permanent. Les minutes deviennent des heures, les heures des années.

Je me suis alors souvenu d’un moyen de lutte contre l’angoisse: la litanie du Bene Gesserit contre la peur:

« Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l’esprit.

La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale.

J’affronterai ma peur.

Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.

Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.

Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien.

Rien que moi. »

Comme je ne suis pas le Kwisatz Haderach, l’être suprême, on ne peut pas dire que ce mantra ait fonctionné. Ma peur était toujours là et prête à se transformer en peur panique.

Il fallait donc que j’affronte ma peur. Je suis allé voir les infirmières qui papotaient devisaient dans un petit bureau jouxtant la chambre.

Moi: « Heu, vous pensez que ma femme va bientôt revenir? Parce que là, j’attaque les ongles de ma deuxième main… »

Elles (unanimes): « Mais monsieur, votre femme se trouve en salle de réveil. Et en général, ça dure bien plusieurs heures. »

Dès le départ, au lieu de demander au petit bonhomme tout vert combien de temps allait durer l’opération, j’aurais du demander dans combien de temps ma femme allait remonter…

Au temps pour moi.

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Je dois préciser que pendant ces heures d’attente, plusieurs personnes m’ont adressé des petits messages d’encouragement par email ou via Twitter. Qu’elles soient toutes ici remerciées. J’ai un peu honte d’avoir envisagé le pire qui heureusement n’est pas arrivé, et d’avoir eu le soutien de certains qui sont dans une situation où le pire est malheureusement arrivé (relisez la phrase lentement, je suis presque sur qu’elle a un sens).

Grâce à vous, et au dieu bienveillant des roots, j’ai pu affronter ma peur.

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J+3: Me voici en train de réaliser de manière concrète la place que prend la pièce manquante de mon couple dans l’organisation de la vie de la famille. C’est la mystérieuse propriété de la fusion dont je parlais au début de ce billet, avant de me perdre dans le récit de mon angoisse hospitalière: on réalise beaucoup plus de choses à deux que la somme des choses que l’on réalise chacun séparément. Surtout quand les actifs (les adultes) soutenant les passifs (les ados) passent de deux à un, et que les passifs (ceux qui sont portés par les actifs) passent de trois à quatre. Un rééquilibrage s’avère nécessaire.

Première étape: assurer l’essentiel.

Le travail professionnel, les expertises judiciaires, le travail pour la commune.

Les conduites à l’école et aux activités extrascolaires des enfants.

Les repas, ce qui inclut les courses.

Les lessives (une à deux par jour), ce qui inclut le tri du linge (foncés, clairs, couleurs, 30, 40, 60, 90), le choix des programmes (coton 40 ou 40 fréquence plus, avec essorage ou sans?), le séchage, le repassage (externalisé) et le rangement (sous traité aux enfants).

Les récupérations à l’école (tiens, mais il est 19h[1] !).

Deuxième étape: faire des choix pour survivre.

Sont passés à la trappe: les heures de surfs, les analyses simulées de récupération de données, la glande veille technologique.

Ont été grandement diminués: le temps passé sur Twitter, Xbox, Call of, les jeux passionnants et la lecture.

Le pain frais quotidien a été remplacé par du pain tranché congelé, les repas variés et équilibrés par une permutation pâtes/purée/salade/riz/maïs accompagnés d’un random sur quenelles/steack haché/knackis/thon/pizza/jambon, pour l’instant pour la grande joie des enfants, qui m’ont quand même fait remarquer l’absence de légumes frais (de quoi?).

Troisième étape: dormir et tenir six semaines. Faire des offrandes aux différentes Pythies et Sibylles.

J’affronterai ma peur.

Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.

Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.

Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien.

Rien que moi.

Et nous deux.

Et nous cinq.

ET l’énergie dégagée.

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[1] Note à benêt: 16h30 sortie école, 18h30 fin de garderie si récupération sortie école pas possible, 19h penser à amener des fleurs et une boite de chocolat à la garderie, 20h commissariat, 21h chez les voisins, le lendemain Tribunal pour enfants (salauds de voisins, maudite mémoire).

Crédit images darkroastedblend.com

Je me demande ce qu’il est devenu aujourd’hui

Il a sa main posée sur mon épaule, nos regards sont rivés l’un à l’autre, je vois dans ses yeux qu’il sait qu’il va mourir…

C’était une fin d’après-midi ensoleillée.

Mais revenons au début de cette journée particulière.

8h du matin, nous sommes réunis dans la cour de la caserne. Nous sommes en treillis militaire. C’est la 4e fois que l’on change de tenue aujourd’hui, depuis notre réveil de 5h du matin… Le gradé nous annonce que nous allons faire un exercice important aujourd’hui et que nous n’avons pas droit à l’erreur. D’un air grave, il nous dit: « Nous allons vous apprendre à utiliser des armes NBC! Transmetteur Zythom, pouvez-vous rappeler à la section qu’est-ce que ça veut dire? »

Moi: « Heu, N pour Nucléaire, B pour Bactériologique et C pour Chimique. Heu, mon Adjudant! »

Lui: « Et savez-vous ce qu’ANP signifie, transmetteur Zythom? »

Moi: « Heu, A pour Acide, N pour Nucléique, P pour Peptidique, mon Adjudant? »

Lui: « Mais non, ignorant inculte, c’est un Appareil Normal de Protection !!! Je vous présente votre meilleur ami pour aujourd’hui, l’ANP M51. Le caporal Desann va vous montrer comment le mettre et le replier. »

Et pendant toute la matinée, nous avons appris à déplier ce masque à gaz (anti gaz) de sa sacoche, à le mettre sur le visage, à le retirer et à le replier.

A ce stade du récit, je dois faire une parenthèse qui concerne un des hommes de ma chambrée, un certain Binks. Binks était un brave gars, mais un peu simplet. Il ne savait pas faire son lit, il n’arrivait pas à apprendre le pliage des draps et des couvertures. Il riait fort, mais agaçait beaucoup des hommes de ma chambrée car à cause de lui, nous étions souvent punis. C’était un peu notre Santiago à nous. Incapable de comprendre le principe de la ligne de mire, il tirait à plus de 20m de la cible sous la surveillance stressée des gradés. Les séances de montage/démontage des armes étaient un supplice pour lui, et l’objet de fréquentes punitions, car il était incapable de remonter quoi que ce soit.

En tant que chef de chambrée, j’étais responsable de Binks. J’avais très vite décidé de le mettre de côté quand nous préparions la chambre pour l’inspection et nous rangions son armoire et son lit pour lui. Un brave gars quand même. J’ai du le protéger un peu plus quand le bruit a couru dans la section que si une personne se suicidait dans une chambre, toute la chambrée était réformée… Certains auraient bien voulu le voir « sauter » par la fenêtre. Une brave chambrée quand même…

Binks n’était pas très adroit de ses mains, ni très agile dans sa tête. Je le regardais plier son masque à gaz pendant l’exercice et je voyais bien qu’il n’y arrivait pas. Avant qu’il ne soit puni à faire des pompes qu’il n’arrivait pas à terminer, je me suis rapproché de lui. Nous avons fait les exercices ensemble, et je pliais son masque à gaz après avoir plié le mien.

Ceci explique pourquoi, lorsque les gradés ont demandé à ce que l’on se mette par deux, il m’a accroché le bras en me disant: « avec toi ». L’exercice consistait à mettre le masque à gaz sur la figure, à retenir son souffle, à dévisser le filtre et à le brandir en l’air, puis à le revisser sur son masque.

Tout le monde connait la difficulté que l’on a, à réinsérer un filetage dans un trou taraudé, surtout quand le dit trou se trouve sous votre menton sans pouvoir le regarder. Autant dire mission impossible pour Binks…

L’exercice dura une bonne heure, à l’extérieur, sous un soleil de plomb qui nous faisait transpirer sous nos treillis et nos ANP. Je crois bien ne jamais avoir vu Binks réussir à revisser son filtre une seule fois. Il respirait donc lourdement l’air chaud ambiant, après seulement quelques secondes, car il ne savait pas retenir son souffle très longtemps.

L’adjudant nous a alors réuni par chambrée pour nous décrire l’exercice final. Il s’agissait d’entrer dans une pièce enfumée avec nos ANP sur le visage. Une fois à l’intérieur, portes fermées, nous devions retirer nos filtres, les brandir en l’air, attendre que tout le monde soit prêt, et au signal, les échanger avec notre binôme avant de les revisser en place et de pouvoir à nouveau respirer.

« La fumée dans la pièce est du gaz lacrymogène, ça pique les yeux, mais vous devez faire comme si c’était mortel. Aujourd’hui des homme vont mourir! » lâche l’adjudant.

Nous entrons dans la pièce à la queue leu leu. L’un d’entre nous agite les bras et nous bouscule pour ressortir. Son masque était mal ajusté. Notre premier « mort » par les gaz.

Nous voici face à face par deux. Binks est devant moi. Il a sa main posée sur mon épaule, nos regards sont rivés l’un à l’autre, je vois dans ses yeux qu’il sait qu’il va mourir… Au top, nous enlevons nos filtres. Je vois Binks dévisser le sien, puis prendre une grande bouffée d’air, après avoir enlevé son filtre. Il est « mort » sur le coup.

Je me demande ce qu’il est devenu aujourd’hui.

Dennis MacAlistair Ritchie

J’ai commencé la programmation sur un IBM 5100 prêté par un parent d’élève à notre petit club d’informatique de lycée, en 1979… Le professeur de Maths qui nous encadrait bénévolement pendant la pause déjeuner nous avait initié à l’algorithmique sur un problème de réduction de fractions entières. La programmation s’effectuait en BASIC.

Parallèlement, je découvrais comme beaucoup de jeunes de cette époque les joies de la programmation en assembleur sur ma calculatrice, une TI57.

Puis, après avoir travaillé un mois l’été, j’avais réussi à m’acheter un vrai ordinateur, un TRS-80 modèle I muni de 16Ko de mémoire vive. L’année suivante, je travaillais encore un mois pour m’offrir l’extension mémoire 48Ko…

Je venais d’avoir mon bac, et je découvrais les joies de l’informatique personnelle et ses logiciels perfectionnés: Wordstar, VisiCalc, Moonbase Fallout…

Ma véritable initiation aux langages évolués viendra en école d’ingénieurs avec Pascal, Fortran, Lisp et Smalltalk.

Finalement, je ne découvrirai le langage C que pendant mon doctorat, parallèlement (si je puis dire) au langage Occam. Tous mes travaux de recherche se sont fait avec l’aide de ces deux langages.

Mais la maîtrise véritable des subtilités du langage C, et la découverte de son histoire, ne viendra que lorsque j’ai eu la charge de l’enseigner à mon tour en école d’ingénieurs. Utiliser un langage de programmation, c’est une chose, préparer un cours pour l’enseigner, puis affronter les questions des étudiants en TP, c’est une autre chose. J’ai passé cinq années très riches sur ce sujet, en me creusant la tête chaque année sur la meilleure manière de faire passer les concepts de pointeurs à des étudiants non informaticiens. J’ai pris les exemples les plus simples, les comparaisons les plus claires possibles, j’ai travaillé les sujets de TP pour qu’ils soient progressifs et didactiques. J’ai usé ma salive, mes cordes vocales, mon énergie pour que 100% de mon amphithéâtre maîtrise les concepts, et pas seulement les deux premières rangées, toujours attentives. J’ai menacé, tempêté, félicité, encouragé, noté, dénoté, soutenu, maintenu, poussé mes étudiants pour qu’ils restent concentrés, qu’ils perçoivent la magie de la programmation, la joie de la réussite à faire fonctionner un programme complexe.

La vie m’a ensuite écarté de ces joies et peines de l’enseignement. Je n’ai pas beaucoup pratiqué la programmation, en tout cas plus dans des conditions aussi stimulantes. J’ai à peine effleuré la programmation orientée objet. Un peu de php, un zeste de python, un doigt de html, xml, et autres joyeusetés.

Je suis resté bloqué sur l’époque du langage C.

C’est pourquoi j’ai aujourd’hui une pensée émue pour les proches de Dennis MacAlistair Ritchie qui nous a quitté ce 8 octobre 2011.

#include <stdio.h>

int main(int argc, char ** argv) {

printf(« Goodbye Worldn »);

return (EXIT_SUCCESS);}

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Source photo: Wikipédia.