Le bd-bloggueur Ucciani a organisé le premier festiblog virtuel.
Il m’a fait une dédicace que je place ici, violant ainsi le deuxième commandement de ce blog…
Tant pis! Et merci à JM Ucciani 🙂
Le bd-bloggueur Ucciani a organisé le premier festiblog virtuel.
Il m’a fait une dédicace que je place ici, violant ainsi le deuxième commandement de ce blog…
Tant pis! Et merci à JM Ucciani 🙂
Après le retour de vacances, après la rentrée des étudiants, après la fin des « vacances judiciaires », voici venu le temps des « deux milliards de trucs à faire »…
Etant malheureusement sujet à la procrastination, mais d’autre part responsable devant mon employeur, aimant devant ma famille, méticuleux et toujours-dans-les-temps devant les magistrats, il me faut gérer correctement l’avalanche des tâches prioritaires.
J’ai donc décidé de procéder scientifiquement et avec méthode: depuis une quinzaine de jours, je consacre un temps chaque jour aux tâches que je n’ai pas envie de faire mais qui sont importantes: je consacre à ces tâches pénibles chaque jour une heure au boulot, une 1/2h à la maison, un 1/4h pour les expertises!
Incroyable mais vrai, cela marche!
Professionnellement, ma pile de dossier « pénibles » diminue. Côté privé, les plantes du jardin sont arrosées (enfin pas tous les jours, mais bon), et le rangement de mon bureau avance. Enfin, les factures à faire et autres tâches fastidieuses concernant les expertises échappent à l’enlisement.
En comptant 8h de sommeil, il me reste donc 13h disponibles pour m’éclater au boulot, en famille et en expertise! Elle est pas belle la vie.
« Il y a les malins et les pas malins. Et le moins malin des malins n’est pas beaucoup plus malin que le plus malin des pas malins. Mais en cas de nombre impair, il peut être les deux à la fois. »
Philippe Geluck « L’avenir du Chat »
Un expert judiciaire est une personne dont la pertinence de l’avis technique est reconnue. Cet avis peut être recherché par une partie indépendamment de toute action en justice (par exemple). L’expert judiciaire joue alors le rôle de conseil, compétent techniquement et procéduralement.
De fait, les expertises peuvent être classées en deux catégories : les expertises privées ou officieuses, et les expertises judiciaires (pénales et civiles). Les expertises privées se déroulent dans un cadre contractuel où l’avis expertal est requis à titre personnel ou conciliatoire.
André Comte-Sponville, lors du XVIIe congrès national des experts judiciaires à Marseille le 22 octobre 2004, a parfaitement présenté les différences entre les deux catégories:
« La mission-type de l’expert est de dire le vrai, autant qu’on peut le connaître, c’est-à-dire le possiblement vrai et le certainement faux… Il doit être impartial, indépendant et objectif…Le conseil, lui, n’est pas impartial: il a pris parti. Il peut être indépendant intellectuellement, mais surtout il s’engage… au service de la victoire. Le conseil dit l’utile… Expert du juge, expert de l’une des parties, conseil de l’une des parties… rien n’interdit que le même individu (bien sûr dans trois affaires différentes) occupe tantôt l’une, tantôt l’autre de ces trois postures; mais il semble exclu qu’il occupe les trois et même deux des trois, dans la même affaire. »
Ce dernier point est bien entendu confirmé par les règles de déontologie du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice (extraits):
I-7) L’expert doit conserver une indépendance absolue, ne cédant à aucune pression ou influence, de quelque nature qu’elle soit. Il doit s’interdire d’accepter toute mission privée de conseil ou d’arbitre, à la demande d’une ou de toutes les parties, qui fasse directement ou indirectement suite à la mission judiciaire qui lui a été confiée.
Lire également le chapitre V entièrement consacré à ce sujet.
La revue « Experts » mène chaque année une enquête statistique auprès de ses lecteurs sur la base d’un formulaire à retourner. En 2006, 12 experts de la spécialité « Informatique – électronique – télécommunications » ont répondu pour la période d’activité qui couvre sept 2004 – août 2005. Extraits:
Nombre de missions par expert:
6,9 en moyenne (min=0, max=20)
Origine des missions:
Tribunal de Grande Instance = 45,8 %
Tribunal de Commerce = 35,4 %
Juge d’Instruction = 14,6 %
Tribunal d’Instance = 2,1 %
Cour d’Appel = 2,1 %
Conseil de Prud’hommes = 0 %
Juridictions administratives = 0 %
Durée moyenne d’une mission:
8,1 mois.
Prix (HT):
3937 euros en moyenne (min=2500, max=11000).
Taux horaire de l’expert:
90,69 euros (min=80, max=100).
Extraits de Enquêtes d’activités (revue Experts).
Je renvoie tous ceux qui pensent « et vous, et vous? » à la lecture de ce court billet où je dévoile une (petite) partie de mes propres statistiques. Je peux ajouter que je suis malheureusement plutôt en bas de chaque fourchette. Peut-être est-ce lié à l’endroit où j’habite…
Enfin, toutes les personnes qui pensent que tout cela coûte fort cher doivent lire ce billet sur ce thème.
J’en extrais cette citation parce que je l’aime bien:
« On dit que la plupart des hommes tombent en quelque sorte à genoux sur la seule mention de l’argent. Je n’ai vu rien de tel. Je vois bien que les hommes ont besoin d’argent et s’occupent premièrement à en gagner ; cela veut dire seulement que l’homme mange au moins deux fois par jour, et choses semblables. Mais un homme qui ne pense qu’à manger et à gagner, cela est rare ; c’est une sorte de monstre. Et pareillement, celui qui ne pense qu’à étendre ses affaires, et à ajouter des millions à des millions est une sorte de monstre. Quant aux opérations intellectuelles que suppose cette manie d’acquérir, elles sont tellement communes et faciles que personne ne les jugera au-dessus de soi. Où donc courent les hommes dès qu’ils sont assurés de leur pâtée ? Ils courent au stade, et ils acclament un homme fort, un homme agile, un homme courageux ; ce sont des valeurs qui ne s’achètent point, des valeurs estimées bien plus haut que l’argent. Ou bien ils vont au concert, et crient de tout leur coeur et casseraient les banquettes en l’honneur de quelque artiste ; et certes ils savent que le plus riche des hommes ne peut s’offrir cette gloire. Quant aux puissances de pur esprit, nul ne les méconnaît ; nul ne les mesure aux millions. Personne ne demande si Einstein est bien riche. »
Alain (Propos I – la Pléiade – Gallimard 1956)
Au fil de mes pérégrinations googlesques, je suis tombé sur le blog de Jean-Claude HALLEY, Président d’Honneur de la Compagnie des Experts près la Cour d’Appel de BASSE-TERRE. Ingénieur des Arts et Métiers, il est attaché à la Guadeloupe et s’intéresse à tout ce qui touche de près ou de loin à ce Pays.
Un article a particulièrement attiré mon attention: Expertise Judiciaire, ou comment en une (longue) page, résumer toute une vie d’expert judiciaire.
Je ne connais pas cette personne, mais cela donne envie d’aller en Guadeloupe de la rencontrer.
Je suis sur qu’il aurait bien des anecdotes à raconter!
L’expert judiciaire exerce ces missions la plupart du temps seul. Il arrive parfois qu’il se sente bien seul…
Il m’est arrivé, il y a quelques années, d’avoir à remplir une mission inhabituelle (pour moi): un tribunal de commerce m’avait demandé de récupérer des données clients sur un serveur dans une entreprise en faillite et de faire l’inventaire du parc informatique pour faciliter le travail du commissaire priseur.
J’ai d’ailleurs appris à mes dépens à cette occasion qu’il y a un certain nombre de points à vérifier avant de se déplacer pour une telle expertise. Je raconte ici la suite des évènements.
Quand un expert se déplace pour effectuer une mission, il est rarement mis au courant des détails très techniques qu’il va rencontrer. Dans cette affaire, et malgré mes nombreuses questions auprès de mes différents interlocuteurs, il m’était impossible d’avoir la moindre information technique intéressante: combien de PC, quel système d’exploitation (windows, VMS, GCOS, Debian, AIX, Irix, Mac OS, NetBSD…), type des disques (SCSI, IDE…), leur capacité (1 Go, 10 Go, 100 Go, 1 To…). Bon, par contre, tout le monde pouvait me donner le mot de passe du serveur (c’est déjà ça).
Pour préparer mes affaires, je procède donc exactement comme pour une expédition lointaine dans un pays dont on ne connait ni la géographie ni le climat. Je mets dans une valise tous les éléments techniques qui pourraient m’être utile: graveur externe, disques IDE et SCSI, bloqueur d’écriture, nappes de fils, alimentations, tournevis, lampe électrique, unité centrale, écran, PC portable, DVD et cédéroms vierges, papier, crayons, câbles et cartes réseaux, switch, clef USB, disquettes…
Me voici donc, de bon matin, à deux cents kms de chez moi, seul dans cette entreprise fermée depuis plus d’un an. L’entreprise est installée dans un grand appartement de six pièces. Il flotte dans l’air comme une odeur de renfermé. J’ouvre les volets.
Je repère très vite le serveur (installé dans la cuisine aménagée pour l’occasion en salle serveur). L’électricité ayant été remise la veille, j’appuie sur le bouton de démarrage après avoir vérifié l’état général des connexions électriques. Le serveur s’allume dans un bruit d’enfer qui semble normal.
Assis devant l’écran, je fais mes premières constations: bios, nombre et type de disques, OS, messages d’alerte… jusqu’à la fenêtre de demande d’identification. J’entre le mot de passe indiqué dans les documents qui m’ont été fournis: sésame ouvre toi, ça marche! Je récupère les données sur mon disque externe USB reconnu par l’OS (Windows 2000). C’est un coup de chance car aucune de mes nappes ne correspondent au système SCSI du serveur. Cela fait une heure que je suis là et la première partie des missions est déjà accomplie. Je suis content.
Là où cela s’est un peu corsé, c’est quand j’ai voulu remettre en état le réseau en place. En effet, de nombreuses données sont présentes sur les disques durs des différents PC et tous ne disposent pas de port USB, alors qu’ils sont tous connectés en réseau. Rien ne fonctionne, aucune machine ne voit le serveur. Petite inspection à quatre pattes en salle serveur: le réseau a été « saboté ». Il s’agit en effet d’un réseau éthernet avec des câbles et connecteurs de type BNC qui doit se terminer par un bouchon de 50 ohms sur un raccord en « T ». Or le câble arrivant sur le serveur est directement raccordé à la carte réseau. Ça ne peut pas fonctionner. Le sabotage est intentionnel. Déjà à cette époque, l’utilisation de câbles réseaux BNC commençait à se faire rare. Et nul bouchon à l’horizon: ni sur le câble, ni dans l’appartement, ni dans ma valise. Début des ennuis.
Je referme bien l’appartement à clef, puis commence à chercher un magasin d’informatique ou d’électronique. Je n’ai pas de carte détaillé de la ville, pas d’accès internet, nous sommes samedi midi, la ville est déserte. Je demande aux commerçants qui sont incapables de me renseigner. Je prends mon véhicule et commence mes recherches. 2h plus tard, après avoir écumé les zones industrielles, les centres commerciaux, je tombe sur un petit magasin de maquettes qui vend aussi un peu d’électronique. Dans le capharnaüm du magasin, nous trouvons le vendeur et moi quelque chose qui ressemble à une paire de résistances terminales BNC… Victoire et retour dans l’entreprise.
Réseau fonctionnel, je commence à récupérer les données de chaque poste de travail (il y en a dix!). L’après midi bien entamé y passera. Le soir arrive, la pénombre aussi. Les yeux fatigués, je me lève pour allumer la lumière: rien. Tous les plafonniers ont été vidés de leurs néons et ampoules. J’allume tous les écrans et reprend le travail dans la lumière blafarde. Je sors ma lampe de poche et m’en sers pour me déplacer entre les meubles. Certains écrans grésillent. Je me sens seul.
A l’époque, je n’ai pas de téléphone portable, je ne peux donc pas prévenir mon épouse de ne pas s’inquiéter. Les ombres et les fantômes de l’entreprise suffisent déjà à me mettre mal à l’aise. Quelques craquements se produisent dans les pièces voisines. Le changement de température sans doute. Au fait, il n’y a pas de chauffage… Je mets mon manteau et bouge un peu les bras pour me réchauffer. Je note sur ma « check list » de penser à prendre des vêtements chauds la prochaine fois.
23h. Fini. Je ramasse tous mes équipements, toutes mes affaires et toutes mes notes. Je remets tout en état. J’éteins et ferme tout. Me voici dans le couloir avec ma lampe de poche et mon sac de sport rempli de matériel sur l’épaule. Je me rends compte soudain que je n’ai pas pensé à prévenir les voisins ni la police de ma présence. J’ai vraiment l’air d’un cambrioleur. Par chance, personne ne viendra m’inquiéter.
Sur le chemin du retour, il n’y a personne sur la route.
Je suis encore seul.
Vous avez toujours rêvé de mettre vos talents au service de la Justice?
Vous vous sentez capable de procéder à l’analyse d’un disque dur, d’une clef USB ou d’un cédérom tout abimé?
Vous n’avez pas peur d’organiser une réunion et de l’animer avec sérénité?
Vous n’avez pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs?
Les mots Warrant, Verus dominus, Usucapion, Urssaf, Quérable, Léonin, Forclusion, Exécution provisoire, Contradictoire ne vous font pas peur et vous vous sentez capable d’apprendre leur définition par coeur?
Vous êtes prêt à accepter un refus poli de votre dossier malgré sa grande qualité?
Vous savez chiffrer les dommages financiers causés par une informatisation partiellement ratée à cause d’un bug non reproductible?
Vous savez trouver un texte du Journal Officiel sans connaître sa date de parution?
Si vous avez répondu « Oui » à toutes ces questions, vous pouvez postuler pour devenir expert judiciaire (mais cela ne suffira pas!).
Commencer par lire attentivement le bon Journal Officiel (celui du 30 décembre 2004) en allant directement au texte 63 intitulé « Décret n°2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires« .
Ensuite vous lisez cette page, puis celle-ci et enfin cette dernière page.
Maintenant si vous avez la moindre question, j’essaierai d’y répondre.
SGDZ*
(*) Sans Garantie De Zythom
En procédure civile, lorsque l’une des parties a le sentiment de ne pas avoir été entendue, ou qu’il ne lui a pas été apporté de réponse satisfaisante aux questions posées, cette partie, par l’intermédiaire de son avocat, et de façon contradictoire en en adressant une copie à l’autre partie, à la faculté de rédiger un document qui s’intitule « dire à expert » qui expose par écrit sa position. L’expert est obligé de répondre aux dires des parties.
Article 276 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC pour les intimes)
L’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.
Toutefois, lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.
Lorsqu’elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu’elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.
L’expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.
Extrait du livre blanc de l’expertise judiciaire:
En principe, le dire, que l’expert doit joindre à son rapport, doit formuler des observations ou des réclamations des parties.
Le dire doit être porteur d’une argumentation : la preuve en est que l’expert doit lui donner une suite et l’annexer à son rapport.
Or, on constate fréquemment que:
– il y a une inflation des dires, en particulier en fin d’expertise, voire à la veille du dépôt du rapport;
– il en est qui visent seulement une transmission de pièces techniques, demandées ou non par l’expert, comme si le conseil voulait s’assurer qu’elles seraient bien examinées;
– certains dires constituent plus une manière de poursuivre un dialogue conflictuel entre certains avocats ou certaines parties en prenant l’expert à témoin, qu’un apport d’argument;
– d’autres suggèrent de véritables extensions de mission sans respecter le formalisme des textes;
– des dires trop longs sont surchargés d’arguments hors sujet par rapport à la mission d’expertise ou même soulèvent des problèmes de droit pur qui échappent évidemment à la compétence procédurale de l’expert et au champ de la mission;
– les avocats laissent parfois leurs clients ou leurs experts d’assurance rédiger eux-mêmes des dires peu clairs souvent chargés de subjectivité, voire d’agressivité ou de contrevérités;
– ces dires hors sujet sont souvent d’un volume excessif; ils encombrent inutilement les diligences et l’avis de l’expert.
On assiste ainsi à une dérive de l’emploi du dire, qui, de support d’arguments, se transforme en un processus systématique, à la fois procédé dilatoire et rideau de fumée.
L’expert est plutôt mal protégé contre cette déviation qui constitue une véritable pollution de l’expertise.
Le juge auquel il va s’adresser ne pourra, en l’état des textes et de l’usage qu’en font certains avocats, que lui recommander de les appliquer, c’est-à-dire d’annexer au rapport des écrits largement digressifs et de formuler à leur sujet un avis, qui pourra alors être très bref… et consistera à préciser que le dire n’a aucun rapport avec la mission.
Il reste en outre à l’expert à régler, en accord avec les parties et leurs avocats ou, à défaut, avec le juge, le problème de la jonction au rapport des annexes des dires, dont le volume est souvent beaucoup plus important encore que celui des dires eux-mêmes.
Une anecdote:
J’avais déposé un pré-rapport auprès des parties afin qu’elles puissent formuler des dires. J’avais donné comme souvent une date limite correspondant à un vendredi soir afin de disposer du week-end pour répondre aux dires.
C’était avant l’introduction d’internet dans la procédure aussi les dires étaient traditionnellement adressés sous forme papier. Il me fallait donc un temps certain pour:
– soit saisir les dires sur mon ordinateur (par OCR ou saisie manuelle), ce qui est énervant quand on sait qu’une personne les a déjà saisis sous forme numérique avant de les imprimer…
– soit procéder à un découpage-ciseau-collage savamment synchronisé avec l’impression de mes réponses.
Il faut bien un week-end complet pour cela.
Dimanche soir, à 2h du matin (lundi donc en fait), mon rapport était fin prêt: 50 pages, dont 10 de savants collages et 200 pages d’annexes.
Lundi midi, je saute mon repas pour courir à la reprographie près de l’école (j’y croise souvent quelques uns de mes étudiants légèrement embarrassés de trouver l’un de leurs tortionnaires dans ce temple de la copie du savoir). Un exemplaire pour chaque partie (trois dans cette affaire), deux exemplaires pour le magistrat (la justice ne rechigne pas à faire parfois quelques économies sur le dos de la partie qui paiera l’expertise). Je garde l’original pour moi.
Lundi soir, en rentrant chez moi avec tous ces exemplaires
sous le brassur les bras, que vois-je sur mon télécopieur: un dire (tardif) de vingt pages.Aaaaaaarg.
La date de dépôt du rapport était fixé par le magistrat au lendemain mardi. L’avocat indiquait qu’il me fallait tenir compte de son dire à défaut de nullité de mon rapport.
Que faire?
Bien sur, je pouvais expliquer que le dire étant arrivé trop tard, je n’avais pas pu l’intégrer à mon rapport avant de l’imprimer, etc. Mais j’ai le sentiment que ce type d’argument trop terre à terre ne tient guère et donne une piètre image de l’expert (et pourtant!).
J’ai donc couru jusqu’au Palais pour y déposer mon rapport en case.
Au retour, j’ai écris de ma plus belle plume:
« Maître, ayant déposé mon rapport, je ne suis plus en charge de ce dossier. Les dires que vous m’avez adressé ce jour hors délai n’ont donc pas pu être pris en compte. »
Cela a fait tout un patakès.
Mais le magistrat m’a donné raison!
Nous sommes le 05/09/2036 et je sens que je vais bientôt quitter cet univers. Je regarde vers le passé et je me souviens.
Tiens, une anecdote rigolote: vous n’allez pas le croire, mais j’ai commencé à écrire mes souvenirs au début du siècle, en 2006. A l’époque, on appelait cela tenir un « blog ». Et justement, c’est aujourd’hui la date anniversaire puisque j’ai commencé le 5 septembre 2006.
Au bout d’une année, j’avais écrit 217 billets relatant certains évènements de ma vie privée, de ma vie professionnelle ou de mon activité d’expert judiciaire.
J’étais jeune alors, j’étais plein de vie et mes enfants s’accrochaient à moi dès que je rentrais de ma dure journée de labeur. Après les avoir embrassé dans leur lit, je m’éclipsais dans mon bureau pour écrire ce journal intime public.
Le plus amusant est qu’à l’époque des gens lisaient encore sur des écrans posés près de la machine qui nous permettait de communiquer.
Mais le plus drôle, c’est que certains me posaient des questions, le plus souvent directement, et parfois sous forme de commentaires directement placés sous les bêtises que j’écrivais.
C’était une belle époque. Les gens étaient heureux, la vie était radieuse et mes rhumatismes inexistants.
Alors aujourd’hui, je fête cet anniversaire avec une pensée émue pour tous ceux qui m’ont écrit. Je lève ma souris à leur santé (enfin ce qui fera office de souris…)
Tchin.
Cela faisait longtemps que je voulais faire un billet sur le thème du « geek », mais je viens de tomber sur un billet très bien fait qui traduit exactement mon fond de pensée.
Alors, comme un vulgaire « Troll », je vais dire « Pareil », « Bien dit », et « je suis d’accord avec vous » et vous envoyer à la lecture de ce que je n’ai pas su écrire:
« Parce que ça commence à bien faire… »
Un petit extrait quand même:
À une époque, la Terre était peuplée de beaucoup de gens pauvres, d’une minorité de riches, et parmi eux, d’une toute petite minorité de geeks, qui se tapaient une honte permanente de par leur simple existence […] mais désormais il existe également ce que j’appellerai ici la communauté des pseudo-geeks, qui eux ne se tapent pas du tout la honte, et sont au contraire plutôt hype […] Un geek, c’est donc quelqu’un qui est passionné d’informatique et potentiellement de sciences en général, et qui passe une très grande partie de son temps sur son ordinateur à essayer d’en tirer plus que ce qui lui a été vendu […]
Je dois ajouter que parmi les critères qualifiants cités (allez lire le billet, c’est tellement juste), je me reconnais dans les suivants:
– Être capable de tenir une discussion sur les langages de programmation plusieurs heures (mon côté prof).
– Être fortement agacé par la fuite en avant vers le convivial (mon côté chercheur).
– Savoir pourquoi « Software is like sex » (mon côté privé)…
En fait, plus qu’un « geek » dont le mot me semble trop récent (au moins dans mon vocabulaire), je me sens plus un « hacker » au sens premier du terme, c’est-à-dire « bidouilleur ». Je me souviens d’ailleurs que du temps de ma jeunesse, dans notre coin TRS80, nous avions inscrit sur une banderole-papier-listing « hacker’s corner ». Et le terme n’avait alors aucune connotation « pirate ».
Suis-je resté « hacker » en ce sens premier: oui un peu, mais plus avec ce côté virtuose d’antan.
Suis-je alors un « geek » des temps moderne? Non, probablement pas.
Je reste un passionné d’informatique, même si ma passion pour l’intelligence artificielle s’est un peu émoussée au contact de la dure réalité du chercheur besogneux que j’étais.
Et avec l’âge, je suis peut-être devenu un bobo de l’informatique…
J’ai par contre acquis un certain sens civique et je mets le peu de savoir technique que j’ai au service de la justice.
En attendant la relève.