Septième Journée de l’Informatique Légale

J’ai eu la chance de participer aux premières journées de l’informatique légale, il y a déjà quelques années. Cela avait été pour moi l’occasion de rencontrer les roxors du LERTI, dont j’avais parlé dans le billet « Un laboratoire informatique prête serment« .

Aussi, c’est avec plaisir que je peux annoncer sur ce blog l’organisation de la 7e journée de l’informatique légale qui aura lieu à Grenoble (INRIA Montbonnot) le jeudi 24 septembre 2015.

Attention, cette journée n’est pas accessible au grand public, mais réservée, sur invitation, aux spécialistes en informatique des institutions publiques et en
particulier ceux de la gendarmerie, de la police et de la douane
judiciaire et à ceux des autorités administratives indépendantes. Elle
est ouverte aux universitaires, chercheurs, ingénieurs et techniciens
des instituts et laboratoires publics ainsi qu’aux experts judiciaires
du LERTI et ses correspondants. Les magistrats férus d’informatique sont
chaleureusement accueillis (prendre contact avec le LERTI).

La journée comprend six ou sept exposés en français suivis d’un débat avec les participants.

APPEL À CONTRIBUTION

Si vous n’êtes pas invité, le meilleur moyen de participer est encore de contribuer… Voici les informations pratiques :

Soumission : 1er juin 2015

Notification aux auteurs : 20 juin 2015
Version finale : 1er septembre 2015
Présentation : 25 septembre 2015

Les contributeurs pourront choisir une durée courte (30 minutes dont 5 de débat), moyenne (45 minutes dont 10 de débat) ou, exceptionnellement et si le sujet l’impose, longue (60 minutes dont 10 de débat).

Les auteurs soumettront leur projet de communication au plus tard le 1er juin sous forme d’une synthèse accompagnée de la durée d’intervention souhaitée. Format de fichier de soumission : PDF. Le comité de programme notifiera le 20 juin les communications retenues. Les versions définitives devront parvenir le 1er septembre sous format Powerpoint ou PDF.

L’adresse de soumission est : contact [4r0b4s3] lerti.fr

Tous les thèmes relatifs à l’informatique légale seront pris en considération : aspects nouveaux, résultat de recherches, présentation d’outils d’investigation, retour d’expérience, voire bonne actualisation des connaissances. A titre d’information, les desiderata des participants de la sixième journée sont rappelés ci-dessous. Le contenu des communications doit rester technique : publicité, discours institutionnel, promotion d’une personne ou d’un produit seront refusés. Les auteurs peuvent toutefois utiliser les couleurs et les bannières de leur institution de rattachement.

Les communications sont faites bénévolement : les possibilités des organisateurs se limitent à l’invitation des auteurs au déjeuner. Toutefois la prise en charge des frais de transport et d’hébergement pourra être étudiée dans quelques cas particuliers.

Rappel des desiderata des participants de la Sixième journée
* Sujets plus techniques, retours d’expériences
* Magistrats, techniciens et experts de l’informatique légale : point de la situation
* DarkWeb, Tor : la reconnaissance légale des investigations pour identifier les auteurs d’infraction
* Comparaison des matériels et logiciels d’analyse des téléphones : forces et faiblesses de chacun
* Saisie des données d’une machine virtuelle
* Cloud, investigation, aspects judiciaires
* Modes d’attaque des codes verrous des téléphones mobiles, obtention ou contournement des codes de verrouillage
* Interception des réseaux sociaux (Facebook, …)
* NFC : escroqueries, accès, outils d’analyse, …
* Exploitation des smartphones, en particulier Windows, et des tablettes
* Données géographiques
* Analyse légale en live, applications ?
* Investigation sur Tor
* Analyse du piratage d’une liaison WiFi (fausse borne)
* Windows 8
* RFID

Cette année encore, je vais essayer d’y aller, mais je ne garantis rien. Si vous voyez quelqu’un avec des cheveux « poivre et sel » et une casquette, ce sera peut-être moi 😉

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Dessin de Pfelelep pour Zythom (cœur)

Perquisitionner un informaticien

Coup de fil d’un officier de police judiciaire: « Bonjour Monsieur l’expert, j’aurais besoin de vous pour m’assister lors d’une perquisition chez un informaticien… »

Moi : « Euh, mais vous pourriez me donner plus de détails ? »

OPJ : [détails de l’affaire]

Moi : « Euuuh (je dis souvent « euh » quand je réfléchis), mais vous savez ce qu’il y a comme matériel, le nombre d’ordinateurs, leurs marques, le nombre de disques durs, leurs tailles ? »

OPJ : « Ah, ça. [bruit de feuilles de papier qu’on tourne] Et bien en fait non. »

Nous raccrochons après avoir mis au point les autres détails de l’intervention. Je reçois rapidement par fax ma désignation en tant qu’expert judiciaire.

Je n’aime pas ça…

Je n’aime pas les perquisitions.

Je n’aime pas ne pas savoir où je mets les pieds.

Mais bon, si l’on faisait toujours ce que l’on aime…

Et puis, je n’ai pas proposé mes services à la justice pour faire des choses faciles.

Donc, dans une semaine, je dois aider la justice dans un dossier où le principal suspect est un informaticien. Bien, bien, bien.

Comment se préparer au pire ?

Je résume ma mission : je dois copier les données « utiles au dossier », sans faire la saisie du matériel. La copie intégrale des disques est souhaitée par les enquêteurs. Je n’ai aucune idée de ce que je vais trouver sur place.

Ce n’est pas la première fois que je me trouve dans cette situation.

J’ai encore plus peur.

Je range mon bureau et fait l’inventaire du matériel dont je dispose. Plusieurs disques durs internes, des câbles réseaux, un switch (pardon: un commutateur), des adaptateurs divers, quelques « vieux » PC qui pourraient être reconvertis en NAS de stockage ou en station d’analyse… Bref, je reconstitue la trousse d’intervention dont j’ai déjà parlé ici.

J’explique ensuite à mon épouse que j’ai toutes les bonnes raisons pour aller dévaliser la boutique informatique du coin. J’en ressors avec quatre disques durs de forte capacité à 200 euros pièces, un nouveau switch gigabit, de la connectique USB3, le PC de gamer dont je rêve, et une boite de DVD de qualité. Je sais bien que rien ne me sera remboursé par la justice, mais je ne veux pas me retrouver bloqué par un problème de stockage. Et puis, au fond, ça me fait bien plaisir de pouvoir justifier le remplacement des disques du NAS familial et un petit upgrade de ma station d’analyse qui me sert aussi à tester « des trucs ». J’ai déjà envie de déballer mes jouets…

Jour J, heure H, minute M, nous sommes sur place.

La maison est un peu isolée. Je note néanmoins les réseaux wifi que j’arrive à capter, avant que l’OPJ ne frappe à la porte. L’intervention commence.

Comme celle-ci, ou celle-là.

Heureusement, pas de Léo.

Puis, accompagné par un gendarme, je fais l’inventaire du matériel informatique présent dans toutes les pièces de la maison, combles et sous-sol inclus. Une box, deux consoles de jeux, présence d’un NAS dans le garage et de disques durs dans une armoire isolée.

Le cœur de réseau est un switch giga, je compte le nombre de câbles. Toutes les pièces du rez-de-chaussée sont câblées, et les pièces de l’étage sont couvertes par un réseau wifi. Enfin, deux réseaux car je capte celui de la box et celui d’une borne qui s’avère être dans les combles. Mais pour l’instant, mon objectif n’est pas de sniffer le wifi avec mon pc portable Backtrack. Je cherche les stockages de données potentiels. Telle est ma mission.

Le bureau est un bordel sans nom. Je prends des photos avant de mettre mes pieds dans les quelques espaces vides restant au sol. Je ne voudrais pas être accusé d’avoir tout mis sens dessus dessous. Il y a une quantité incroyables de clefs USB, de disques durs, de carcasses d’ordinateurs, d’écrans, de fils, de boîtiers divers… La journée s’annonce très longue, surtout que le propriétaire des lieux ne semble pas très coopératif.

Un rapide inventaire me permet de repérer les disques durs les plus gros. Le matériel principal étant sous Windows, mon livecd Ophcrack me permet de récupérer tous les mots de passe de la famille. Puis le Firefox d’un des postes me donne les autres mots de passe, dont celui du compte admin du NAS, ainsi que ceux des différentes bornes Wifi (dont une qui n’émet pas son SSID). Je tape « 192.168. » dans la barre d’adresse du navigateur qui me propose, par suggestion, une liste des adresses IP intéressantes du réseau, celles qui ont une interface d’administration web.

Je lance la copie des disques durs les plus volumineux, car je sais que cela prendra du temps. J’utilise un petit réseau giga, monté autour du switch que j’ai acheté quelques jours auparavant. Mon NAS perso s’avère inutile et restera dans le coffre de ma voiture, la grosse capacité des disques fraîchement achetés tiendra le poids des copies. Je vérifie rapidement leur température en espérant qu’ils tiennent car je n’ai pas pensé à mon ventilateur. Je trouve une grosse boîte métallique qui fera dissipateur de chaleur. Je note ce point sur le petit carnet qui ne me quitte jamais. C’est un élément important de ma roue de Deming

Une fois la copie lancée, je souffle un peu. Je trace sur un papier le réseau tel que je l’ai identifié. Je sniffe le Wifi pour repérer quelque chose d’anormal. Rien de suspect. Je branche mon petit portable sur le réseau filaire de la maison et lance une petite analyse du matériel allumé et branché. La box et le NAS répondent à mes nmaps. J’allume les deux consoles de jeux. Pas de données suspectes sur le disque dur de la box (du moins rien en rapport avec la mission), ni sur ceux des consoles de jeux. Une analyse plus poussée demanderait l’extraction des disques durs, on verra plus tard si besoin.

Les copies des disques avancent, et pendant ce temps, je procède aux copies des clefs USB et des petits disques amovibles. Pour gagner du temps, comme le disque dur de l’ordinateur portable est facile à enlever, je l’extrais et en fait une copie bit à bit sur mon portable via un cordon USB3, histoire de ne pas surcharger mon petit réseau. Je regarde la pile de dvd gravés trouvés sur place en soupirant. Le temps passe. Le temps, le temps, le temps.

Je fais une petite pause devant mes écrans où les commandes Linux comptent les téraoctets qui s’accumulent. Je me demande comment sera le futur. Je me demande comment les experts judiciaires feront dans quelques années. Les données seront-elles toutes, ou presque, externalisées ? Ou seront-elles stockées en local sur des supports qu’on mesurera en pétaoctets, en exaoctet, en zettaoctet ou en yottaoctet. Quels seront les débits et les temps d’accès aux données ? Sera-t-il encore possible d’en faire la copie intégrale en un temps raisonnable ?

Suis-je en train de faire quelque chose dont on rira dans quelques années ? Probablement. Mais dans combien de temps ?

Le temps, le temps, le temps.

Je reprends mes esprits. Je ne suis pas chez moi. Je ne suis pas le bienvenu. Je dois ranger mes affaires, les copies des différents supports de stockage sont terminées. Il me reste à en faire l’analyse, mais les vérifications faites in situ à chaud montrent que les informations recherchées sont bien là. Inutile donc de toucher à la box et aux consoles de jeux.

L’analyse des téraoctets trouvés chez un informaticien révèlent toujours des surprises. Cette fois encore, je ne serai pas déçu. Mais ça, c’est une autre histoire…

Il n’existe rien de constant

Un billet rapide entre deux projets, deux trains, deux dossiers, trois enfants et une femme (merveilleuse).

Je n’oublie pas la suite de ma petite série sur le chiffrement des emails. J’avais prévenu qu’elle se ferait « à mon rythme ». Il reste à voir un cas pratique plus simple que celui basé sur le copier/coller et le chiffrement du presse-papier. Il reste à voir la signature des emails, la sécurité relative des échanges, la mise en perspective de la pratique collective… A suivre donc.

Il n’existe rien de constant…

J’ai une charge professionnelle élevée avec beaucoup de projets dans l’école d’ingénieurs où je travaille. J’y consacre toutes mes forces, avec l’aide de toute une équipe de personnes. Il y a de vrais challenges à relever, tant du point de vue technique que du point de vue humain. Un vrai travail d’équipe. Mais cela me laisse, le soir, sans énergie, à peine bon pour un World of Tanks 😉

Il n’existe rien de constant…

Du côté « vie publique », mon activité de conseiller municipal s’est considérablement alourdie par la délégation du maire, qui m’a confié la réflexion sur le développement numérique de la commune. J’ai beaucoup d’idées, mais leurs réalisations relèvent à chaque fois du soulèvement de montagnes. C’est à la fois usant, désespérant et tellement humain : tout le monde veut que cela change, mais tout le monde critique chaque pas dans la direction du changement… des habitudes. C’est tellement plus simple de ne rien proposer et de critiquer.

Il n’existe rien de constant…

Concernant les expertises judiciaires, c’est le grand calme plat. Aucune désignation depuis de nombreux mois. Du coup, comme toujours dans cette situation, je me demande si c’est moi qui ne donne pas satisfaction, ou si c’est le budget de la justice qui empêche les magistrats d’ordonner des expertises judiciaires informatiques. Je vais vite savoir si la première hypothèse est la bonne puisque ma demande de ré-inscription sur la liste des experts judiciaires va être ré-étudiée, comme c’est la règle maintenant tous les cinq ans.

Il n’existe rien de constant…

J’ai la particularité d’être particulièrement chatouilleux sur mon
indépendance et sur ma liberté d’expression. Cela ne plaide pas toujours
en ma faveur : je mets mes compétences au service des magistrats, pas à
celui du « clan » des experts judiciaires. Un jour je paierai pour cela.

Il n’existe rien de constant…

Je n’ai pas encore de retour sur ma demande d’inscription sur la nouvelle liste des experts près ma Cour Administrative d’Appel. Là aussi, je ne connais pas les critères qui feront que mon dossier sera accepté ou pas, ni qui le défendra ou l’enfoncera.

Il n’existe rien de constant…

Je vous ai parlé plusieurs fois de mon activité débutante de consultant. De ce côté là, les perspectives sont excellentes. J’ai suffisamment de clients pour remplir mes soirées libres et mes week-ends. Je profite de ce billet pour remercier les avocats qui me font confiance. Je peux leur assurer que je mets toutes mes compétences à leur service.

Il n’existe rien de constant…

Quant à l’avenir de ce blog privé, je suis un peu dubitatif. J’ai bien conscience que beaucoup viennent y chercher des anecdotes sur l’expertise judiciaire, sur la face cachée des investigations. C’est d’ailleurs ce qui m’avait été reproché lors de l’Affaire Zythom qui m’a durablement marqué, ainsi que mes proches qui m’ont accompagné au tribunal. J’ai parfois la tentation de faire comme l’auteur de Grange Blanche dont le dernier billet se termine pas ces mots :

Mais il faut savoir arrêter quand on a le sentiment qu’on a donné tout ce que l’on pouvait, il faut savoir s’arrêter avant de ne poursuivre que par habitude.
Bonne continuation à tous.

Mais j’ai déjà arrêté ce blog une fois… Et, en suivant les conseils de Maître Eolas, je l’ai rouvert en me rendant compte que je pouvais publier des billets à mon rythme, sans pression, pour mon seul plaisir, même si je n’ai rien à dire d’intelligent.

Il n’existe rien de constant…

Ceci dit, au sujet des anecdotes d’expertises judiciaires, comme je ne peux pas romancer tous les dossiers qui me sont confiés, et que je suis de moins en moins désigné, j’ai choisi de faire comme Baptiste Beaulieu, blogueur talentueux en plus d’être l’auteur d’une « pépite d’humanité » (je cite Le Monde) et l’une des idoles de ma fille aînée qui marche dans ses pas : je propose à tous ceux qui le souhaitent de m’adresser leurs histoires d’expertises judiciaires informatiques. Que vous soyez avocat, magistrat, expert judiciaire ou simple citoyen, vos histoires m’intéressent. Je choisirai celles qui m’inspirent le plus et les ré-écrirai à ma façon, avec mes mots et mon style. Les billets en question commenceront par « L’histoire c’est X, l’écriture c’est moi ». Je trouve l’idée de Baptiste Beaulieu intéressante, et je vais essayer d’en être à la hauteur. On verra bien.

Pour raconter, écrivez ici. N’hésitez pas.

« Il n’existe rien de constant si ce n’est le changement » (Bouddha).

Récupération de données

J’ai déjà fait part ici même plusieurs fois des techniques que j’utilise pour récupérer des données dans le cadre de mes expertises judiciaires.

Je vous propose aujourd’hui une méthode assez simple qui m’a permis de récupérer tout un ensemble d’images, de films et de musiques d’un ami bien en peine de voir son disque dur tomber en panne. Lisez bien l’ensemble du billet avant de commencer, entraînez vous sur un vieux disque, essayez de comprendre les différents paramètres de chaque commande pour les adapter à votre cas. Je ne suis pas responsable des problèmes que vous allez générer… (mais je compatis 😉

Conditions :

Vous êtes rendu destinataire d’un disque dur illisible, mais qui semble fonctionner correctement : vous pouvez le brancher sur un ordinateur, vous l’entendez démarrer sans bruit suspect, sans odeur particulière, mais le système d’exploitation ne le voit pas, ne le détecte pas ou ne retrouve aucune donnée.

Matériels :

J’utilise deux ordinateurs. Le premier sera celui dans lequel sera placé le disque dur illisible. Vous devez être capable de le faire démarrer sur CD, DVD ou clef USB. Le deuxième ordinateur est sous Windows et dispose de suffisamment d’espace disque pour pouvoir stocker une image du disque que vous allez récupérer. Les deux ordinateurs sont branchés sur le même réseau.

Logiciels :

– la distribution DEFT que vous placerez sur CD, DVD ou clef USB

– le logiciel PhotoRec que vous téléchargerez en choisissant la bonne version de Windows (32 ou 64 bits).

– un répertoire appelé « partage » sur l’ordinateur Windows et configuré de manière à être accessible en écriture avec le compte windows « zythom »

Procédure :

– Placez le disque dur illisible dans le premier ordinateur

– Bootez le sur la distribution DEFT

– Puis tapez les commandes :

#mkdir   /root/tempo

(création d’un répertoire provisoire en mémoire vive dans /root)

#mount  -t cifs  -o username=zythom   /root/tempo    192.168.0.1/partage

où 192.168.0.1 est l’adresse IP de l’ordinateur Windows.

– Tapez ensuite la commande :

#dd_rescue   /dev/sda  /root/tempo/image.dd

où « /dev/sda » doit être le device correspondant à votre disque dur illisible (à adapter selon votre configuration).

– Patientez quelques minutes ou quelques heures (ou quelques jours), en fonction de la taille de votre disque dur.

– Quand la commande est terminée, vous pouvez éteindre l’ordinateur n°1. Vous devez disposer d’une image bit à bit du disque dur illisible sur votre ordinateur n°2, celui sous Windows, dans le répertoire « partage », sous le nom « image.dd ». Cette image peut être exploitée par différents logiciels pour y récupérer les données, en particulier photorec.

– Sur l’ordinateur n°2, dans une fenêtre de lignes de commandes, tapez la commande : photorec  image.dd

– Suivez les indications du logiciel PhotoRec et laissez le extraire toutes les données qu’il reconnaît.

– Envoyez ensuite vos dons au créateur du logiciel,par exemple en regardant les dates et origines de vos pièces de la zone euro 😉

Si ma technique ne fonctionne pas, parlez en avec un informaticien et ne vous découragez pas : il y a plein d’autres méthodes permettant de récupérer les données. Seul conseil valable dans tous les cas : n’utilisez plus le disque dur, vous risquez d’effacer définitivement les données que vous essayez de récupérer.

Bon courage.

PSES 2014

Chaque année depuis maintenant 5 ans, Pas Sage en Seine (PSES) propose un cycle de conférences, de talks, de rencontres, avec des bidouilleurs, des « gens du réseau », des artistes, des hacktivistes, des entrepreneurs, des journalistes, des curieux…

Depuis ma lointaine province, j’entendais parler de cette manifestation, sans pour autant avoir pu m’y rendre. Cette année, l’un des organisateurs, Skhaen, m’a contacté pour m’inviter à faire une présentation de mon activité d’expert judiciaire, avec comme sujet « Vous n’avez vraiment rien à cacher ? ».

J’ai eu plaisir à venir et à rencontrer un tas de gens sympathiques et curieux qui ont suivi ma présentation avec bienveillance. Pour ceux qui n’ont pas pu venir à Numa y assister, les organisateurs l’ont mis en ligne :

Mon seul regret: ne pas avoir pu assister aux 4 jours de conférences…Surtout qu’il y avait du beau monde : Manhack, Stéphane Bortzmeyer, Kitetoa, Maître Eolas, et bien d’autres !

Encore bravo aux organisateurs pour le travail fourni et les résultats obtenus.

Merci à Skhaen pour l’invitation et l’accueil.

A quand une casquette PSES ?

😉

Les vidéos des présentations PSES 2014.

Petit guide de survie à l’expertise informatique

J’ai beaucoup apprécié le billet du blog « Eclat(e) d’une jeune avocate » intitulé « Petit guide de survie à l’expertise construction (part I)« . J’y ai retrouvé certaines situations que j’ai pu vivre en expertise, ou dont ma femme (avocate) me parle quand elle est elle-même en expertise.

Sans nécessairement écrire le billet croisé dont je n’ai pas le talent, je me suis dit « tiens, ça, c’est une bonne idée de billet ». Voici le résultat.

Sachez à titre liminaire que toutes les situations ci-après exposées reposent sur des faits réels que j’ai vécus ©.

Une expertise judiciaire, du point de vue de l’expert judiciaire, ça commence par la lecture des missions envoyées par le magistrat. Ces missions sont souvent écrites à l’origine par l’avocat d’une des parties, en général celle qui demande l’expertise. L’avocat ayant lui-même retranscrit ce que son client lui a demandé, ledit client ayant essayé de traduire ce que son service informatique lui a remonté comme problème. Ceux qui connaissent le jeu du « téléphone arabe » peuvent imaginer facilement le résultat final. Prévoir donc un coup de fil au magistrat, à l’avocat, au client et au responsable informatique pour avoir une explication de texte avant d’accepter les missions demandées.

Puis vient le moment palpitant consistant à faire coïncider les agendas pour organiser la première réunion. L’usage veut que l’expert appelle en premier les avocats, puis les parties. Dans la pratique, il est conseillé d’appeler en premier le chef d’entreprise du lieu où se trouve le matériel à expertiser, afin de savoir s’il existe une salle de réunion assez grande pour loger tout le monde, et si l’entreprise n’est pas en plein inventaire, ou en congés (ou en liquidation !), à la date retenue par les avocats. Ensuite, muni de trente créneaux pour les six mois à venir, vous pouvez commencer à contacter les avocats… pardon, les secrétariats des cabinets d’avocat. Prévoir de vous munir du numéro de référence du dossier donné par le cabinet d’avocat appelé, du numéro de référence du dossier donné par le greffe du tribunal, du nom de l’entreprise, etc. Commencer toujours sa première phrase par « Bonjour, je suis M. Zythom, expert judiciaire (à prononcer distinctement), je souhaite parler à Maître Bâ, pour organiser une première réunion d’expertise, dans le dossier « Entreprise GrosClient », le tout avec une voix caverneuse et assurée, pour franchir le barrage du secrétariat.

Une fois des dates communes trouvées entre les agendas des avocats et le votre, entamer la ronde des agendas des parties. Au passage, s’assurer que l’avocat contacté est toujours mandaté par le client, et en profiter pour relever les prénom et nom du gérant de l’entreprise. Prévoir un deuxième tour avec les avocat si aucune date ne s’avère satisfaire tout le monde. Ne me parlez pas de doodle, personne ne semble connaître son existence dans cet univers parallèle au mien.

Prévoir un coup de fil au greffe du tribunal pour lui indiquer que la date fixée pour le dépôt du rapport pose un léger problème, étant entendu que l’échéance de six mois initialement inscrite dans les missions, correspond en fait à la date arrachée pour la première réunion. Obtenir une prolongation de mission.

Adresser un courrier recommandé avec avis de réception aux parties et à leurs avocats pour leur indiquer les date, heure et lieu de réunion. Fournir les coordonnées GPS aux avocats parisiens, et vérifier que l’heure de début de réunion est compatible avec les différents trains des parties concernées, ou les distances en voiture fournies par Google maps ou Mappy (ajouter 30mn pour les horaires indiqués par iPhone Plans…)

Ne pas oublier de demander aux parties de fournir une copie des pièces du dossier afin de pouvoir s’assurer que le déchiffrage des missions est compatible avec les pièces. Interdire l’envoi par fax, certains secrétariats n’hésitant pas à vous refaxer les 90 pages déjà envoyées sous prétexte qu’une page n’est pas passée. Demander un numérotage des pages. Remettre toutes les pièces en ordre, certains secrétariat ayant eu du mal avec l’agrafeuse, voire avec le recto/verso du photocopieur qui vient de changer.

Chaque partie vous enverra toutes ses pièces, identifiée avec un numéro différent. Il vous faudra tout classer selon votre choix, et apposer votre propre numérotation, avec bordereau récapitulatif reprenant tous les numéros utilisés par les parties.

Certains cabinets facétieux vous enverront leur dossier en original. Prévoir la demande de récupération en début de réunion. Faire des copies à vos frais…

Quand la date fatidique s’approche, ne pas hésiter à envoyer un petit email aux parties pour leur rappeler l’échéance imminente. Ne pas répondre aux suppliques de déplacement de la date, même celles assorties des menaces les plus explicites du genre « si vous ne déplacez pas cette réunion, je demande votre récusation » (!), ou « je ne pourrai pas être présent car j’ai un dossier « TresGrosClient ». Tenir bon. Repenser à l’énergie qu’il a fallu pour coordonner les agendas. Penser au ton froid du greffe quand vous avez demandé une prolongation de date de dépôt du rapport.

Le jour de la réunion, il faut arriver en avance pour repérer les lieux. Rien n’est plus ridicule qu’un expert perdu dans la campagne en train de chercher le lieu de la réunion qu’il a organisée. Arriver la veille est une option. Arriver deux jours avant est un manque de confiance en son GPS.

Venir habillé « en dimanche » est un signe de compétence. Il faut éviter les T-Shirts geeks, les baskets ou les chemises hawaïennes. Un expert judiciaire en informatique est avant tout un expert judiciaire, un sachant, un savant, une personne comprise de ses seuls semblables. L’habit fait le moine, il faut assortir la cravate, la veste, la chemise, le pantalon, les chaussettes et les chaussures. Ne pas hésiter à demander conseil à son épouse. Ne pas tenir compte des remarques étonnées des enfants qui prennent leur petit déjeuner. Une avocate m’a fait remarqué une fois, sur un ton dubitatif, que j’étais en chemisette. Il faut savoir que dans certains milieux autorisés, les chemisettes sont combattues et leurs porteurs exposés sur l’escalier des gémonies.

Entrer le premier dans la salle de réunion et choisir soigneusement sa place, souvent repérable par l’unique fauteuil en cuir présent dans la salle. Ne pas tenir compte du soulèvement de sourcil du PDG de l’entreprise quand il entrera dans la salle de réunion, légèrement en retard.

Refuser tout café/croissant/petit pain au chocolat qui pourrait vous être proposés, en précisant bien « je ne peux pas accepter de collation qui ne soit pas proposée en présence des tous les participants, et en leur absence, du fait de l’obligation du contradictoire ». La double négation et le sens obscur de la phrase assoit votre prestige auprès de la secrétaire qui vous accueille.

L’heure de la réunion étant arrivé, ne pas céder aux appels désespérés de l’avocat(e) perdu(e) dans la campagne et qui voudrait que vous veniez la chercher dans un village homonyme mais situé à 300 km du lieu de réunion. Commencer la réunion à l’heure pile, chaque région ayant son soi-disant quart d’heure qui ne sert qu’à justifier l’impossibilité chronique de certains à arriver à l’heure.

Expliquer le rôle de l’expert judiciaire. Rappeler qu’il n’est pas expert en droit, afin de valoriser aux yeux de leurs clients les avocats présents. Lire les missions à voix haute, ce qui permet aux experts en droit de se rappeler le dossier, lu en diagonal dans le train.

Enfin, le cœur du problème technique peut être abordé. C’est le moment où les clients, chauffés à blanc depuis tant de mois (d’années?), se jettent des SCUD et sortent des tranchées… D’où l’importance de la présence des avocats qui jouent un rôle actif pour jeter de l’huile sur le feu traduire modérer les propos de leurs clients.

Au bout de deux ou trois heures de réunion, tout le monde se calme petit à petit et les sachants peuvent commencer à s’exprimer. C’est alors le début du règne des informaticiens, le temps des sigles et des remarques rigolotes des avocats : « heu, Monsieur l’expert, ERP c’est bien Établissement Recevant du Public, éclairez moi ? »

Le repas est pour moi un moment solitaire. Il se limite à un paquet de biscuits avalé rapidement pendant que je classe mes notes, numérote les pièces étudiées, et commence à rédiger les premières réponses aux questions du magistrat.

L’après-midi est consacré à la somnolence des avocats et des PDG présents. Les informaticiens se complaisent dans des discussions précises sur les concepts qui leur sont chers. Parfois, un avocat appuie les dires de son client avec une intervention brève et prudente. Un bon expert sait laisser de la place à chacun pour que tout le monde « fasse le job ».

Après une phase d’écoute active, vient ensuite le temps des premières prises de position. Il faut donner un avis. L’expert prend position. La tension remonte.

En fin de réunion, prendre date immédiatement, en présence de toutes les parties, pour une prochaine réunion. Non seulement cela économise tous les courriers RAR, mais aussi tout le temps perdu à contacter tout le monde plusieurs fois… Gare à ceux qui sont partis en avance.

Une fois la réunion terminée, féliciter tout le monde pour la bonne tenue de la réunion, même si les SCUD volaient bas et en nombre.

Dès le soir, relire ses notes et les mettre au propre, écouter son dictaphone, noter les phrases clefs, les moments forts, les remarques pertinentes.

Dès le lendemain, commencer son pré-rapport. Ecrire aux avocats pour donner une date limite de réception des pièces complémentaires demandées en réunion.

Recharger l’encre du fax.

Préparer la réunion suivante.

Donner une date limite pour les dires.

Recevoir des dires volumineux le jour d’expiration du délai.

Modifier en profondeur son rapport pour prendre en compte les dires.

Recevoir des dires tardifs hors délai.

Pleurer.

Recevoir des dires après le dépôt du rapport auprès du greffe.

Pleurer.

Recevoir un courrier incendiaire parce qu’on n’a pas pris en compte les dires hors délai.

Pleurer.

Assister à l’audience où son rapport est discuté par les parties.

Pleurer chaudement.

Recevoir un compliment du magistrat qui trouve votre rapport clair et complet.

Être en joie.

Recevoir sa note de frais et honoraire.

Payer avec : la facture de l’encre du fax, le remboursement des traites de la Ferrari, le dernier Call of Duty…

Et le soir, au coin du feu, discuter avec ma femme du sens caché du dernier texte modifiant le déroulement de la procédure expertale : ♥

Expert près la Cour Administrative d’ Appel

Pour la première fois, les Cours Administratives d’Appel sont tenues de mettre en place un tableau des experts. Si vous souhaitez postuler pour y être inscrit, il faut déposer la demande d’inscription avant le 15 septembre prochain. Je vous recommande d’anticiper cette date le plus possible pour éviter le rejet inéluctable de votre demande en cas de dossier incomplet.

Mais avant, revoyons tout cela tranquillement.

Qu’est-ce que donc que la justice administrative ?

N’ayant jamais étudié le droit, je fais parti des Mékeskidi en la matière. Heureusement, il y a d’excellents sites qui expliqueront tout cela mieux que moi, à commencer par celui de Maître Eolas:

le grand divorce de 1790 : la séparation des autorités administratives et judiciaires

L’autre justice

L’autre Justice (2)

Pour ceux qui ont le tort de ne pas lire ces trois billets, voici un raccourci :

Il existe en France deux juridictions séparées : l’ordre administratif et l’ordre judiciaire. L’existence de ces deux ordres de juridictions distincts est en France le produit de l’histoire, fruit de la volonté d’empêcher le juge judiciaire de s’immiscer dans les questions de l’administration (source Wikipédia).

Tenant compte des déboires qu’ont connus les Rois de France avec les parlements et craignant d’être entravés à leur tour dans leur action, les révolutionnaires construisent un système visant à empêcher les magistrats d’influer sur la vie politique et législative.

Du juge, ils n’attendent que la stricte application de la loi, émanation de la souveraineté populaire, qui ne souffre ni interprétation, ni détournement -interdiction leur est faite de prendre des décisions de règlement, et obligation leur est faite d’en référer au législateur pour interpréter la loi. Mais avant tout, les révolutionnaires interdisent aux juridictions judiciaires d’exercer leur contrôle sur les différends susceptibles de naître entre les administrés et l’administration.

Dès lors, sont créés deux ordres distincts : un ordre administratif, chargé du contentieux administratif opposant les citoyens à l’administration, et un ordre judiciaire, chargé de régler les conflits entre personnes privées et de sanctionner les infractions à la loi. (source justice.gouv.fr)

Et les experts dans tout cela ?

Attention, en parlant d' »experts », il faut bien préciser le mot, tant la notion est floue et prête à confusion dans la langue française. Les tribunaux de l’ordre judiciaire, lorsqu’ils ont besoin de l’aide d’un technicien pour juger une affaire, font appel à des personnes inscrites sur une liste tenue par chaque Cour d’Appel. Les personnes inscrites sur ces listes sont appelés « experts judiciaires ».

Jusqu’au 31 décembre 2013, un seul article du code de justice administrative faisait référence à l’établissement des tableaux d’experts: « chaque année, le président procède, s’il y a lieu, à l’établissement du tableau des experts près la juridiction qu’il préside« . Depuis le 1er janvier 2014, cet article est remplacé et les Cours Administratives d’Appel doivent mettre en place une liste expertale.

Expert administratif ?

Quel sera le titre donné à ces « nouveaux » experts, je ne sais pas. Le décret n°2013-730 du 13 août 2013 portant modification du code de
justice administrative, ne parle en effet (dans son chapitre IV) que
« d’un tableau des experts auprès de la cour et des tribunaux
administratifs du ressort ». Mais les associations qui regroupent les personnes inscrites sur ce type de liste ont trouvé un terme: au lieu « d’expert judiciaire », il faudrait maintenant parler « d’expert de justice ». Toutes les associations ont donc changé leurs noms (ou sont en train de le faire), ce que vous pouvez constater dans votre moteur de recherche favori en tapant les mots clefs « compagnie » « expert » « judiciaire » (exemple ici avec mon moteur préféré).

Pour ma part, je trouve tout cela un peu confus, puisque l’inscription à une association d’experts n’est pas obligatoire, et qu’il y aura des experts judiciaires non administratifs, des experts administratifs non judiciaires et des experts judiciaires et administratifs… J’attends d’y voir plus clair avec un texte de loi. En attendant, je parlerai d’expert administratif, ou d’expert près une cour administrative d’appel.

Il est à noter qu’aucune procédure n’a été créée (à ma connaissance) pour le tableau des experts près le Conseil d’État, qui est le pendant de la Cour de Cassation.

La procédure d’inscription

Le président de la cour administrative d’appel procède aux inscriptions, après avis d’une commission composée des présidents des tribunaux administratifs du ressort et d’experts en nombre au moins égal au tiers de ses membres. Il arrête les inscriptions en fonction des besoins des juridictions dans les différents domaines d’activité dans lesquels les juridictions administratives peuvent avoir recours à une expertise. Ces domaines d’activité sont recensés dans une nomenclature arrêtée par le vice-président du Conseil d’Etat.

Vous noterez la ressemblance avec la nomenclature utilisée par l’ordre judiciaire.

Voici quelques rubriques pouvant intéresser un informaticien:

E. ― INDUSTRIES

E.1. Électronique et informatique.

E.1.1. Automatismes.

E.1.2. Internet et multimédia.

E.1.3. Logiciels et matériels.

E.1.4. Systèmes d’information (mise en œuvre).

E.1.5. Télécommunications et grands réseaux.

F. ― SANTÉ

F.5. Biologie médicale et pharmacie.

F.5.5. Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication.

G. ― MÉDECINE LÉGALE, CRIMINALISTIQUE ET SCIENCES CRIMINELLES

G.2. Investigations scientifiques et techniques.

G.2.5. Documents informatiques.

Si vous travaillez dans un service informatique:

G.3. Armes. ― Munitions. ― Balistique.

G.3.1. Balistique.

G.3.2. Chimie des résidus de tir.

G.3.3. Explosifs.

G.3.4. Munitions.

G.3.5. Technique des armes.

sans oublier

H.1. Interprétariat.

H.1.3. Langue française et dialectes.

H.3. Langue des signes et langage parlé complété.

(rhooo, je plaisante…)

Les conditions pour être inscrit au tableau des experts administratifs

Pour être inscrit, l’expert doit satisfaire à cinq conditions définies à l’article R. 221-11 du code de justice administrative :

– Justifier d’une qualification et avoir exercé une activité professionnelle, pendant une durée de dix années consécutives au moins, dans le ou les domaines de compétence au titre desquels l’inscription est demandée, y compris les qualifications acquises ou les activités exercées dans un État membre de l’Union européenne autre que la France ;

– Ne pas avoir cessé d’exercer cette activité depuis plus de deux ans avant la date de la demande d’inscription ou de réinscription ;

– Ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale ou d’une sanction disciplinaire pour des faits incompatibles avec l’exercice d’une mission d’expertise ;

– Justifier du suivi d’une formation à l’expertise ;

– Avoir un établissement professionnel ou sa résidence dans le ressort de la cour administrative d’appel.

Les experts déjà inscrits sur les listes d’experts judiciaires sont réputés satisfaire, à l’issue de la période probatoire, aux conditions énoncées aux quatre premiers points.

Comment s’inscrire ?

Le dossier de demande d’inscription doit être adressé au président de la cour administrative d’appel avant le 15 septembre (il serait folie de l’envoyer le 14 septembre!). La première inscription est faite pour une durée probatoire de trois ans à l’issue de laquelle l’expert peut demander sa réinscription pour une période de cinq ans (art. R.221-12).

Le président de la cour administrative d’appel prend l’avis d’une commission présidée par lui-même et composée des présidents des tribunaux administratifs du ressort de la cour et d’experts inscrits au tableau de la cour (au moins deux experts sans que leur nombre puisse excéder le tiers des membres de la commission) (art. R.221-10). La commission tient compte des besoins des juridictions du ressort (art. R.221-14). La décision de refus d’inscription ou de réinscription d’un candidat doit être motivée (art. R.221-15). Les décisions de refus d’inscription ou de réinscription d’un candidat, de retrait ou de radiation d’un expert du tableau peuvent être contestées. Elles sont examinées par une autre cour administrative d’appel (art. R.221-19).

Les experts inscrits au tableau d’une cour administrative d’appel doivent adresser à la fin de chaque année civile un état des missions qui leur ont été confiées, des rapports déposés et des missions en cours ainsi que des formations suivies au cours de l’année (art. R.221-16).

Il est important de noter que l’importance de la partie du document suivante :

« Les organismes de droit public ou privé intervenant dans mon domaine d’activité avec lesquels j’entretiens des liens directs ou indirects sont les suivants : …… » où le candidat doit mentionner les organismes de droit public (État, collectivités territoriales, établissements publics tels que CHU, etc.) ainsi que les organismes de droit privé (sociétés de droit commercial, compagnies d’assurances, laboratoires privés, associations, etc.) avec lesquels il entretient des relations qui ne sont pas occasionnelles, sous quelque forme que ce soit.

Et après ?

Je suis en train de constituer mon dossier. Je suis toujours enthousiaste à l’idée de mettre mes compétences au service de la justice. Mes contacts au sein de la magistrature administrative sont dubitatifs sur l’idée d’avoir besoin d’un expert en informatique. Cela m’étonne: n’y aurait-il pas de litiges entre les citoyens et l’administration en France où l’informatique serait partie prenante ?

On verra bien si mon dossier est retenu. Si non, tant pis, je retenterai une deuxième fois (comme pour celui d’expert judiciaire).

Je ne manquerai pas de vous tenir au courant du suivi.

Je vous prie de croire, chère lectrice, cher lecteur, à l’expression de mes salutations distinguées.

Zythom

Ordonnance de Louis XIV donnée à St Germain en Laye en avril 1667

J’aime bien de temps en temps me plonger dans des ouvrages anciens concernant les expertises judiciaires. Je trouve en général ces ouvrages sur internet, numérisés par Google, ou par Gallica.

En 1667, l’Ordonnance de Saint-Germain-en-Laye codifie la justice civile et pose une partie des bases du Code Louis. Les trente cinq « titres » traitent surtout de la hiérarchisation des différents tribunaux, de la discipline des magistrats et toilettent la procédure. Ils modifient aussi les règles relatives à l’état civil, constituant ainsi une importante étape dans la construction de l’État en France.

Pour mon plaisir, et peut-être pour celui de quelques experts ou juristes, je vous retranscris ici le texte du Titre XXI, intitulé: « Des descentes sur les lieux, Taxe des Officiers qui iront en Commission, Nomination et rapports d’Experts. »

[NDZ: Descentes : Action de se transporter dans un lieu par autorité de justice, ou par action policière, pour en faire la visite, pour y procéder à quelque perquisition, etc. Source Wiktionary]

J’ai ajouté parfois des commentaires sur l’ordonnance, commentaires que j’ai trouvés dans un ouvrage de 1755 rédigé par M. SALLÉ, Avocat au Parlement. Ils m’ont paru intéressants.

Attention, plongée dans l’Histoire…Vous y trouverez un peu de tout, y compris un article renvoyant les détails à un décret jamais pris (article 22) et sur les difficultés déjà rencontrées avec les photocopies (article 23) 😉

Ordonnance de Louis XIV donnée à St Germain en Laye en avril 1667

Titre XXI.

« Des descentes sur les lieux, Taxe des Officiers qui iront en Commission, Nomination et rapports d’Experts. »

Article I.

Les Juges, même ceux de nos Cours, ne pourront faire descente sur les lieux dans les matières où il ne se présente qu’un simple rapport d’Experts, s’ils n’en sont requis par écrit par l’une ou l’autre des parties, à peine de nullité, de restitution de ce qu’ils auront reçu pour leurs vacations, et de tous dépens, dommages et intérêts.

Article II.

Les Rapporteurs des procès pendants en nos Cours, Requêtes de notre Hôtel et du Palais, ne pourront être commis pour faire les descentes ordonnées à leur rapport ; mais sera commis par le Président un des Juges qui aura assisté au Jugement, ou, à leur refus, un autre Conseiller de la même Chambre ; ce qui sera aussi observé et gardé pour les descentes ordonnées en l’Audience.

[NDZ: procès pendants : on dit qu’une affaire est « pendante » lorsqu’un tribunal a été saisi et que la cause n’a pas encore jugée]

Article III.

Dans les Bailliages, Sénéchaussées, Présidiaux et autres Sièges, l’ordre du tableau sera gardé, à commencer par le Lieutenant Général et autres principaux Officiers, et les Conseillers qui auront assisté en l’Audience ou au rapport de l’instance.

Article IV.

Les Commissaires pour faire les descentes seront nommés par le même Arrêt ou Jugement qui les ordonnera.

[NDZ: Dans la France de l’Ancien Régime, le nom de commissaire est donné à partir du XVIe siècle à des agents du pouvoir royal chargés d’exécuter en son nom des fonctions temporaires dans les provinces du royaume. Il vient du verbe latin committere (envoyer en mission) et a donné « commission ». Le roi, et son conseil, peuvent nommer et révoquer à tout moment un commissaire royal, à la différence des titulaires d’offices, propriétaires de leur charge. Source Wikipédia]

Article V.

Les Commissaires ne pourront faire les descentes sans la réquisition de l’une des parties ; et sera tenue la partie requérante, consigner les frais ordinaires.

Article VI.

L’Arrêt ou Jugement qui ordonnera la descente, et la Requête portant réquisition pour y procéder, seront mis pardevers le Commissaire, qui donnera sur la première assignation un jour et lieu certain pour s’y trouver ; le tout signifié à la partie ou à son Procureur : et sera tenu le Commissaire de partir dans le mois du jour de la réquisition ; autrement sera subrogé un autre en sa place, sans que le temps du voyage puisse être prorogé, à peine de nullité et de restitution de ce qui aura été reçu.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Le temps du voyage une fois indiqué, il ne peut plus être prorogé ; ce qui est contraire aux anciennes Ordonnances, et notamment à celles de Charles VII et de Louis XII rapportées dans le Code Henry, Livre 2. titre 22 suivant lesquelles on renvoyait toutes les Commissions, au temps des Vacations, afin que le service de la Chambre ne fût point interrompu par l’absence des Officiers. Mais on a considéré depuis, que ces retards n’étaient véritablement que pour l’intérêt des Juges, et qu’ils étaient très préjudiciables aux Parties, par une suspension de huit ou neuf mois qui pouvait arriver dans les procès par ce moyen. C’est pourquoi comme depuis ces siècles reculés, on a augmenté le nombre des Officiers dans chaque Tribunal, et qu’il n’est plus conséquemment à craindre que l’absence de quelques-uns d’entre eux par rapport aux Commissions particulières, cause aucune interruption dans le service, on a mis des bornes légitimes à l’exécution de ces Commissions.]

Article VII.

S’il y a causes de récusation contre le Commissaire, elles seront proposées trois jours avant son départ, pourvu que le jour du départ ait été signifié huit jours auparavant ; autrement sera passé outre par le Commissaire, et ce qui sera fait et ordonné, exécuté nonobstant oppositions ou appellations, prises à partie, et récusations, même pour causes depuis survenues, sauf à y faire droit après le retour du Commissaire.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Une Partie qui a intérêt de s’envelopper dans les ténèbres, et qui a lieu de craindre les éclaircissements que doit répandre dans la contestation un Procès-verbal de Descente, met souvent tout en œuvre pour l’empêcher. Dans cette vue, elle attend quelquefois au dernier moment du départ du Commissaire, pour le récuser ou pour le prendre à partie. Notre Ordonnance y pourvoit, en statuant que les récusations ne pourront être proposées que trois jours au moins avant le départ. Mais il faut pour cela que ce départ ait été indiqué au moins huit jours auparavant par une signification juridique, sans quoi on ne peut imputer aucune
faute ni aucune négligence à une Partie qui ignorait le départ ou qui n’en avait point été avertie à temps, pour n’avoir pas plutôt proposé ses moyens de récusation. Mais aussi lorsqu’après avoir été avertie à temps, elle n’a pas profité
du délai de l’Ordonnance pour mettre au jour ses causes de récusation, l’opposition qu’elle peut faire par la suite, même la prise à partie et l’appel, n’empêchent point le Commissaire de passer outre au Procès-verbal de Descente; et tout ce qu’il ordonne à cet égard, à son exécution provisoire, comme faisant partie de l’instruction ; sauf ensuite, et après la Descente achevée, à faire droit, s’il y a lieu, sur la prise à partie ou les moyens de récusation proposés.
]

  

Article VIII.

Les Jugements qui ordonneront que les lieux et ouvrages seront vus, visités, toisés, ou estimés par Experts, feront mention expresse des faits sur lesquels les rapports doivent être faits, du Juge qui sera commis pour procéder à la nomination des Experts, recevoir leur serment et rapport ; comme aussi du délai dans lequel les parties devront comparaître pardevant le Commissaire.

Article IX.

Si au jour de l’assignation l’une des parties ne compare, ou qu’elle soit refusante de nommer ou convenir d’Experts, le Commissaire en nommera d’office pour la partie absente ou refusante ; pour procéder à la visitation avec l’Expert nommé par l’autre partie ; et en cas de refus par l’une et l’autre des parties d’en nommer, le Commissaire en nommera d’office ; le tout sauf à récuser : et si la récusation est jugée valable, il en sera nommé d’autres en la place de ceux qui auront été récusés.

Article X.

Le Commissaire ordonnera par le procès verbal de nomination des Experts, le jour et l’heure pour comparaître devant lui, et faire le serment ; ce qu’ils seront tenus de faire sur la première assignation : et dans le même temps sera mis entre leurs mains l’Arrêt ou Jugement qui aura ordonné la visite, à quoi ils vaqueront incessamment.

Article XI.

Les Juges et les parties pourront nommer pour Experts des Bourgeois ; et en cas qu’un Artisan soit intéressé en son nom contre un Bourgeois, ne pourra être pris pour tiers Expert qu’un Bourgeois.

[Commentaire de M. SALLÉ sur les tiers Experts: 

Sur la représentation de leur rapport, ou [les Experts] sont d’avis unanime, ou ils sont d’avis différent. Si leur avis se trouve unanime, il sert ordinairement de base au Jugement qui intervient. Mais s’ils sont contradictoires dans leur façon de penser, la Justice nomme d’office un tiers Expert pour les départager ; on observe, pour la nomination et la prestation de serment de ce tiers Expert, les formalités ci-dessus prescrites pour les autres Experts.
Cependant s’il s’agissait d’une contestation entre un Bourgeois, et un Artisan pour ouvrages de son métier, en cas de contrariété d’avis des premiers Experts nommés, on ne saurait choisir pour tiers Expert, un Artisan ; parce qu’il y aurait lieu de craindre que la considération de son intérêt personnel, dans une occasion pareille, ne le fit pencher en faveur de l’Artisan, Partie dans la contestation. C’est
pourquoi pour éviter cet inconvénient, comme c’est l’avis du tiers Expert qui fait la loi, on ne peut alors en choisir d’autres qu’un Bourgeois.
]

Article XII.

Les Experts délivreront au Commissaire leur rapport en minute, pour être attaché à son procès verbal, et transcrit dans la grosse en même cahier.

[NDZ: Autrefois, les jugements étaient recopiés à la main par les greffiers et la délivrance de la copie était payante, facturée à la page. Les greffiers avaient alors pris l’habitude de recopier l’exemplaire facturé de la décision en gros caractères (la décision était grossoyée). Aujourd’hui, en droit français, la grosse d’un jugement civil est la copie exécutoire de la décision (arrêt, jugement ou ordonnance), délivrée par le Greffe aux parties à la procédure. Au contraire, la minute (en menus caractères) est l’exemplaire de la décision conservé par le Greffe. Source Wikipédia]

[NDZ: l’article XII est à interpréter comme suit: les Experts ne sont pas obligé de rédiger leur rapport sur place, mais peuvent le transmettre au Commissaire après coup.



Commentaire de M. SALLÉ:

L’Article 185. de la Coutume de Paris assujettissait les Experts à « faire, rédiger et signer la minute de leur rapport sur le lieu, et avant que d’en partir » de peur qu’étant gagnés dans la suite par quelques-unes des Parties, ils ne se prêtassent à y changer, ou à y ôter quelque chose après coup. En conféquence on se proposait de renouveller cette disposition par un Article exprès de notre Ordonnance. Mais M. le Premier Président de Lamoignon observa que la disposition de la Coutume de Paris pouvait être bonne pour son détroit, parce que les Procès-verbaux ne se faisaient ordinairement que dans Paris ou aux environs ; mais qu’elle ne pourrait être rendue universelle pour tout te Royaume, sans causer de grands frais aux Parties ; que les Experts étaient dans l’usage, pour accélérer, de faire sur les lieux seulement leurs notes et observations qui leur servaient ensuite à rédiger chez eux leur rapport à loisir sans que cela occasionnât aucunes vacations de plus aux Parties ; qu’on ne pourrait abolir cet usage et introduire en son lieu et place la disposition de la Coutume de Paris, sans donner lieu à une augmentation considérable de vacations et de dépenses. Ces inconvénients ont déterminé à supprimer l’Article qui avait été inséré à cet égard dans le projet de l’Ordonnance.
Ainsi à l’exception du ressort de la Coutume de Paris, les Experts ne sont point assujettis à dresser leurs rapports sur les lieux ;ils peuvent en rédiger la minute chez eux, pour la joindre au Procès-verbal du Commissaire, ou la remettre aux Greffiers de l’écritoire dans les lieux où il y en a d’établis.
]

Article XIII.

Si les Experts sont contraires en leur rapport, le Juge nommera d’office un tiers qui sera assisté des autres en la visite ; et si tous les Experts conviennent, ils donneront un seul avis et par un même rapport, sinon donneront chacun leur avis.

Article XIV.

Abrogeons l’usage de faire recevoir en Justice les procès verbaux des descentes, et rapports des Experts, et pourront les parties les produire ou les contester si bon leur semble.

Article XV.

Défendons aux Commissaires et aux Experts de recevoir par eux ou par leurs domestiques aucuns présents des parties, ni de souffrir qu’ils les défraient ou payent leur dépense directement ou indirectement, à peine de concussion [NDZ: Profit illicite que l’on fait dans l’exercice d’une fonction publique. Source Wiktionary] et de trois cents livres d’amende applicable aux pauvres des lieux ; et seront les vacations des Experts taxées par le Commissaire.

Article XVI.

Les Juges employés en même temps en différentes commissions, hors les lieux de leur domicile, ne pourront se faire payer qu’une seule fois de la taxe qui leur appartiendra par chaque jour, qui leur sera payée par égale portion par les parties intéressées.

Article XVII.

Lors que les Juges seront sur les lieux pour vaquer à des commissions et descentes, et qu’à l’occasion de leur présence ils seront requis d’exécuter une autre commission, ils ne seront payés par les parties intéressées à la nouvelle commission et descente, que pour le temps qu’ils y vaqueront, et les parties intéressées à la première commission payeront les journées employées pour aller sur les lieux où la première descente devait être faite, et pour leur retour.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Pour tenir la balance exacte sur ce point, notre Ordonnance distingue deux cas ; savoir, celui où le Commissaire part du lieu de son domicile dans l’intention d’exécuter plusieurs Commissions en même temps; et celui où se trouvant sur les lieux, il est requis, fortuitement et à l’occafion de sa présence, d’exécuter une autre Commssion.

Dans le premier cas, c’est-à-dire, lorsque le Juge se transporte hors du lieu de son domicile pour exécuter plusieurs Commissions à la fois ; si quelques-unes de ces Commissions n’occanonnent point une augmentation de voyage, toutes les Parties intéressées dans chacune de ces Commissions, doivent supporter par égale portion les frais, tant du voyage que du séjour. Mais si l’une de ces Commissions donnait lieu à une augmentation de voyage, le coût de cette augmentation ne doit tomber que sur les Parties intéressées à cette Commission : c’est une charge qui leur est particulière, indépendamment de la contribution générale.
Dans le second cas au contraire, c’est-à-dire, lorsque l’exécution d’une nouvelle Commission n’est que fortuite, et que le Commissaire est requis d’y vaquer parce qu’il se trouve sur le lieu, à l’occasion d’une première qui est l’objet de son transport, les Parties intéressées dans cette Commission fortuite, n’ayant point donné lieu au voyage du Commissaire, elles ne doivent point entrer dans les frais du voyage et du retour ; elles doivent seulement payer les Vacations employées à la nouvelle Commission, au prorata du temps qui y aura été employé.
]

Article XIX.

Les Commissaires seront tenus de faire mention sur les minutes et grosses de leurs procès verbaux, des jours qui auront été par eux employés pour se transporter sur les lieux, et de ceux de leur séjour et retour, et de ce qui aura été consigné par chacune des parties, et reçu des taxes faites pour la grosse du procès verbal, et de ceux qui auront assisté à la commission ; le tout à peine de concussion et de cent livres d’amende.

Article XX.

Si les Commissaires sont trouvés sur les lieux, ils ne prendront aucune vacation pour leur voyage ni pour leur retour ; et s’ils sont à une journée de distance, ils prendront la taxe d’un jour pour le voyage, et autant pour le retour, outre le séjour.

Article XXI.

Chacune des parties sera tenue d’avancer les vacations de son Procureur, sauf à répéter si elle obtient condamnation de dépens en fin de cause ; et si outre l’assistance de son Procureur elle veut avoir un Avocat ou quelque autre personne pour conseil, elle payera ses vacations sans répétition. Si néanmoins la partie poursuivante se trouvait obligée d’avancer les vacations pour l’autre partie, exécutoire lui sera délivré sur le champ, sans attendre l’issue du procès.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Les Parties n’ayant pas pour l’ordinaire une connaissance personnelle, assez exacte de ce qui donne lieu à la Descente des Commissaires, la présence de leurs Procureurs par cette raison, est le plus souvent de nécessité absolue pour faire sur les lieux les observations, dires et réquisitions qui peuvent administrer à la Justice les lumières qu’elle cherche sur les faits contestés. C’est pourquoi on n’a jamais fait difficulté d’allouer dans ces cas les Vacations des Procureurs des Parties, sans néanmoins qu’elles puissent se faire assister d’autre Conseil, si ce n’est à leurs frais et sans aucune répétition soit provisoire soit définitive.

Mais auparavant l’Ordonnance, celui qui provoquait la Descente était obligé de payer par provision et sauf à répéter en définitif, non seulement les Vacations des Commissaire, Greffier et Huissier, mais encore celles de tous les Procureurs des Parties. Ce dernier point a paru une vexation odieuse au Législateur, et c’est ce qui l’a déterminé à régler qu’à l’avenir chaque Partie avancerait provisoirement les Vacations de son Procureur, sauf à répéter définitivement en cas de gain de cause. Par une suite de ce Règlement, si la Partie provoquante, se
trouvait contrainte, pour accélérer, d’avancer les Vacations du Procureur de l’autre Partie, elle est autorisée à en obtenir exécutoire de remboursement, sur le champ et sans attendre l’événement du procès.
]

Article XXII.

Lors que les Officiers feront des descentes ou autres commissions hors la Ville et Banlieue de l’établissement de leur Siège, ils ne prendront par chaque jour que les sommes qui seront par Nous ci-après ordonnées par une Déclaration particulière.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Dans le projet primitif de cet Article, Messieurs les Commissaires tant du Conseil que du Parlement devaient régler les droits des Officiers employés en Commissions. Mais les Commissaires n’ayant pas eu le temps de vaquer à cette liquidation, on renvoya sur cela à une Déclaration particulière qui n’a point paru depuis. Nous ne connaissons sur cela d’autre Règlement postérieur à l’Ordonnance qu’un Arrêt du Conseil en date du premier Septembre 1684 rendu pour les Officiers de la Cour des Aides à Montpellier, qui taxe aux Conseillers allant en Commission hors la ville, la somme de 15 livres par jour tant pour eux
que pour leurs valets et chevaux, lorsque le Roi sera seule Partie, et 9 livres en sus, lorsqu’il y aura Partie Civile ; au Substitut du Procureur Général, moitié ; au Greffier les deux tiers y compris la grosse, aux Procureurs le tiers et aux Huissiers le tiers. Mais cet Arrêt n’ayant point été revêtu de Lettres Patentes enregistrées dans les Cours, il n’y a pas force de Loi.]

Article XXIII.

Pourra la partie plus diligente faire donner au Procureur de l’autre partie, copie des procès verbaux et rapports d’experts, et trois jours après poursuivre l’Audience sur un simple acte, et produire les procès verbaux et rapports des Experts, si le principal différend est appointé.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Cet article a changé l’usage où l’on était auparavant, (du moins au Parlement) de prendre, toujours et indéfiniment, un apointement sur les Procès-verbaux de Descentes et Rapports d’Experts. Cet usage était fondé sur la difficulté qu’il y a, de faire voir à l’Audience une carte, une figure et description des lieux ; choses qui par elles-mêmes demandent une inspection personnelle et particuliere de tous les Juges, laquelle parait incompatible avec l’Audience.

[…] L’esprit général de l’Ordonnance est que tout soit porté à l’Audience, et y soit jugé, s’il est possible.]

————————————————-

Sources bibliographiques:

– Ordonnance de Louis XIV Roy de France et de Navarre donnée à Saint Germain en Laye au moi d’avril 1667 (pdf)

– L’esprit des Ordonnances de Louis XIV tome premier (Gallica)

L’erreur et l’expertise judiciaire

La hantise de l’expert judiciaire est de commettre une erreur. Je cite souvent l’histoire du professeur Tardieu qui a probablement fait condamner nombre d’innocents. Et pourtant il ne s’était toujours prononcé qu’à coup -qu’il croyait- sûr.

Au delà des ignorances des futures avancées de la science, toujours en mouvement, l’expert judiciaire reste humain et est donc faillible à ce titre. Il peut commettre des erreurs et celles-ci peuvent avoir un impact considérable sur la suite du processus judiciaire.

Je suis tombé par hasard sur cette page de www.kitetoa.com où se trouvent deux rapports d’experts judiciaires qui vont illustrer mon propos.

L’affaire concerne un informaticien poursuivi pour contrefaçon. Le premier expert judiciaire intervenant dans cette affaire est contacté par un magistrat qui lui demande de venir étudier le dossier au palais et de répondre à plusieurs questions. La démarche est particulière puisque le magistrat ne demande pas à l’expert judiciaire de mener des investigations techniques sur les scellés (qui existent pourtant dans cette affaire), mais d’étudier un dossier papier et de donner son avis dessus. L’expert a accepté sa mission, et à mon avis, son erreur réside dans cette acceptation.

Extrait du rapport du 1er expert judiciaire:

Page 3

I) Lecture des éléments du dossier en la présence de Madame le Juge H.

Nous , Monsieur R., avons procédé à la consultation du dossier No du Parquet [42], no d’instruction [101], afin de répondre à la mission confiée.

Ensuite, pour chacune des questions posées, l’expert judiciaire commencera sa réponse par « A la lecture des faits exposés dans les éléments de la procédure nous pouvons répondre… »

Un deuxième expert judiciaire s’est penché, en appel semble-t-il, sur le travail de son confrère. Voici son analyse:

Extraits du rapport du 2e expert judiciaire:

Page 5

Les investigations judiciaires ont été confiées à l’Office Central de Lutte contre la Criminalité liée aux Technologies de l’Information et de la Communication (OCLCTIC).



Au cours de ses investigations, l’OCLCTIC a placé sous scellé deux éléments techniques : le scellé numéro « UN » (cote D 74), qui correspond à la copie de l’espace d’hébergement alloué au site internet de « G. », et le scellé numéro « R-UN » (cote D 60), qui correspond au fichier « VGNaked.zip », téléchargé à partir du site internet « www.g…..net ».



Une mission d’expertise technique a été confiée à Monsieur R., dont le rapport précise que la mission a été réalisée sur l’unique fondement de la « lecture des éléments du dossier en la présence de Madame le Juge H. ».



Ce seul et unique fondement des travaux d’expertise est confirmé par la phrase : « A la lecture des faits exposés dans les éléments de la procédure », qui introduit chacun des trois paragraphes de conclusion du rapport de Monsieur R.



Sur ce seul et unique fondement des travaux d’expertise, le rapport de Monsieur R. conclut par l’affirmative sur l’ensemble des faits reprochés à Monsieur G., c’est-à-dire sur la modification et l’adaptation du logiciel ViGuard, sur la mise à disposition, gratuite ou onéreuse, d’un logiciel ViGuard créé à partir des éléments permettant la suppression ou la neutralisation du logiciel ViGuard.

[…]

Page 16

Le scellé numéro « UN », correspondant à la copie de l’espace
d’hébergement alloué au site internet de « G.3, n’a fait l’objet d’aucune
expertise technique.



Il est donc techniquement
impossible de caractériser et de fonder les éléments techniques d’une
infraction à propos de ce scellé.



Le scellé numéro « R-UN », correspondant au fichier « VGNaked.zip », téléchargé à partir du site internet « www.g…..net », n’a fait l’objet d’aucune
expertise technique.



Il est donc techniquement
impossible de caractériser et de fonder les éléments techniques d’une
infraction à propos de ce scellé.

Pages 17-18

[…]

Ces éléments informatiques n’ont pas été analysés par l’expert désigné.

[…]

Cela signifie que les éléments techniques placés sous scellé par l’OCLCTIC, essentiels à la compréhension du dossier et indispensables à la qualification de l’infraction éventuelle, n’ont pas été analysés au cours de l’expertise technique réalisée par Monsieur R.



Cela signifie également que Monsieur R., au mépris des règles expertales fondamentales, a émis ses conclusions sans avoir procédé à aucune analyse des éléments techniques contenus au sein des scellés.



Comment, dans ces conditions, Monsieur R. peut-il affirmer et conclure être en présence « d’un cas avéré de modification et de réassemblage de tout ou partie de logiciel », sans qu’aucune analyse des éléments informatiques que sont le logiciel original et le logiciel modifié ait été réalisé, sans que soient décrits la méthode et les outils du désassemblage et du réassemblage, et sans que soient précisées la nature et l’ampleur des modifications ?



De même, comment, dans ces conditions, Monsieur R. peut-il affirmer et conclure à « la distribution gratuite de logiciels tirés du source du logiciel ViGuard », sans avoir eu accès au code source du logiciel ViGuard, sans avoir analysé la nature et le contenu du ou des fichiers mis en cause, et sans avoir vérifié et analysé les conditions de la mise à disposition du ou des fichiers mis en cause ?



Enfin, comment, dans ces conditions, Monsieur R. peut-il affirmer et conclure que Monsieur G. « diffuse bien tous les éléments, comportements, logiciels, extraits de code et informations permettant la neutralisation du produit ViGuard », sans présenter la liste et le contenu de ces éléments, comportements, logiciels, etc., sans avoir défini, ni comment, ni en quoi, le logiciel ViGuard pouvait être neutralisé par ces éléments, et sans avoir procédé à aucun test protocolaire démontrant que l’ensemble de ces éléments permet effectivement (condition nécessaire et suffisante) de neutraliser le logiciel ViGuard ?



Dans ces conditions, les conclusions du rapport d’expertise de Monsieur R. sont donc d’un point de vue technique totalement infondées et injustifiées, et par voie de conséquence, ne peuvent en aucun cas être retenues pour caractériser ou fonder une infraction.

[…]

La charge est dure et sans appel. Qui a dit que les experts se soutiennent les uns les autres… Remarquez au passage que l’analyse du deuxième expert suit rigoureusement les règles de déontologie des experts judiciaires: « l’expert qui remet une note ou des observations écrites sur les travaux d’un confrère, doit le faire dans une forme courtoise, à l’exclusion de toute critique blessante et inutile. Son avis ne peut comporter que des appréciations techniques et scientifiques« .

Ce que je cherche à mettre en avant est qu’il est toujours possible de corriger l’erreur d’un expert judiciaire, à condition de le faire le plus tôt possible. Si l’expertise judiciaire est contradictoire, faites vous accompagner de votre propre expert (un expert peut mener une expertise privée à vos côtés et s’assurer que son confrère respecte les règles de l’art en matière d’expertise judiciaire). Parlez en avec votre avocat.

Lorsqu’un expert judiciaire adresse son pré-rapport aux parties, celles-ci peuvent émettre des remarques, en général sous forme de questions à l’expert. Ce sont « les dires à expert ». Faites vous aider par un expert qui saura faire préciser un point ou lever un doute. Parlez en avec votre avocat.

Lorsque le rapport est définitif, les choses sont plus compliquées, mais l’affaire n’est pas encore jugée. Il vous est possible de demander un rapport d’expertise privée qui analyse de façon critique le rapport déposé. Parlez en avec votre avocat. Même chose si vous faites appel.

L’erreur est de croire que tout s’arrange tout seul et que les magistrats verront facilement les défauts éventuels d’un rapport d’expertise, surtout sur les points très techniques. L’erreur est de croire que la dépense est inutile, ou que la justice est gratuite. L’erreur est de se laisser faire sans mettre toutes les chances de son côté.

Pour l’expert, l’erreur sera de croire qu’il faut accepter toutes les
missions demandées par le magistrat, sous prétexte que ce dernier est
garant de la procédure.

Pour l’avocat, l’erreur est de penser qu’il pourra seul détecter les failles techniques d’un rapport d’expertise. Il est expert en droit, rarement en technique.

Bien entendu, je prêche pour ma paroisse…

Le petit blogueur et l’ANSSI

En discutant avec les personnes du stand de l’ANSSI aux JRES2013, je me suis rendu compte que mon billet intitulé « L’ANSSI et le test Google » avait fait grincer quelques dents… Cela m’a désolé car ce n’était vraiment pas le but. En relisant le billet, je me suis dit que je n’avais pas été très clair et que l’autodérision dont j’avais essayé de faire preuve n’était pas bien passé et que n’était resté que le dénigrement d’un processus de recrutement.

Voici donc quelques points que j’aimerais clarifier:

L’ANSSI, Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information, est une structure gouvernementale étatique chargée d’assurer la sécurité et la défense des systèmes d’information de l’état et des sociétés stratégiques françaises. Vous trouverez tous les détails de son fonctionnement et de son histoire sur son site, ou sur la page Wikipédia qui lui est consacrée.

N’étant ni spécialiste de la sécurité, ni DSI dans un établissement sensible ou stratégique, je n’ai entendu parlé de l’ANSSI que lorsque j’ai été invité au SSTIC 2012 (où je me suis fait déchirer mon blog, merci de me le rappeler..) pour parler de l’activité d’expert judiciaire.

J’ai alors découvert l’existence de l’ANSSI, son mode de fonctionnement et pu discuter avec des personnes passionnantes, toutes très compétentes dans leur spécialité. Pour dire les choses autrement, l’ANSSI regroupe un nombre impressionnant des spécialistes de la sécurité informatique, et est la seule structure française à recruter de manière importante dans ce domaine.

C’est pourquoi, j’ai voulu voir si un profil comme le mien pouvait les intéresser, sachant que MOI j’étais très intéressé par leur profil. Hélas, mes compétences ne correspondaient pas au poste pour lequel j’ai postulé. J’ai donc logiquement pris une veste. Fin de l’histoire.

Le billet « L’ANSSI et le test Google » raconte tout cela, mais avec comme sujet principal une moquerie de ma part sur les tests mesurant les compétences. Il faut dire que je travaille depuis 25 ans dans des établissements d’enseignement supérieur et que les méthodes et pratiques d’enseignement et d’éducation (ce que l’on appelle « la pédagogie« ) sont au cœur de mes préoccupations. Et comme tout enseignant, j’ai des idées bien arrêtées sur ce sujet. Je ne vais pas réécrire le billet…

Mais alors que je ne faisais qu’écrire une moquerie dans un billet de petit blog, j’oubliais un point très important: les employés de l’ANSSI sont tenus à la plus grande discrétion. Ils ne disposent pas d’une liberté qui m’est chère: la liberté d’expression. Ou plutôt, ils en disposent, mais avec un fort encouragement à la discrétion. C’est comme cela. Je rappelle que l’ANSSI est rattachée au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, et que si chacun à l’ANSSI pouvait raconter sa vie dans un blog, tout cela ne ferait pas très sérieux (mais serait certainement très intéressant)…

[Certains de mes confrères experts judiciaires me rappellent parfois que mon blog « ne fait pas très sérieux », voire « est la honte de l’expertise judiciaire », ou encore « mais qui est le CON qui tient ce blog? ». Seulement voilà, c’est mon petit coin d’internet, ma manière de profiter de cet espace de liberté. Je n’oblige personne à me lire et je rappelle qu’on est toujours le CON de quelqu’un. Je souffre du fait que les ordres des avocats ont encouragé ceux-ci à ouvrir des blogs, mais que les compagnies d’experts n’ont rien fait sur le sujet. C’est tellement XXème siècle…]

Ce n’est jamais intelligent de lancer une pique (une pichenette ?) contre des personnes qui ne peuvent pas répondre. Je travaille suffisamment avec les gendarmes pour comprendre cela.

Je voudrais donc m’adresser aux personnes de l’ANSSI qui ont trouvé mon billet désagréable et faire remonter un commentaire que j’avais écrit sous le billet: « oui, je suis déçu car j’aurais bien voulu travailler avec les roxors de l’ANSSI« . 

Ma consolation : je suis sur la photo présentant le directeur général de l’ANSSI sur la page Wikipédia d’icelle 😉

Et pour les autres, souvenez vous : tout s’arrange autour d’une binouze, surtout au SSTIC.