Apprendre des étrangers

– Je voudrais que mes enfants, ou leurs enfants, si jamais j’en ai, sachent ce qui fait fonctionner cette radio, ou votre chenillette, et un jour cette fusée. Je voudrais savoir beaucoup plus… Plus que je n’en peux apprendre, sans doute. Mais si je puis lancer mes compatriotes dans la voie d’apprendre par eux-mêmes, de la façon dont vous avez dû le faire… […]
– Si vous apprenez ce que vous désirez et commencez à instruire vos compatriotes, leur direz-vous d’où vous sont venues les connaissances? Pensez-vous qu’il serait bon pour eux de le savoir?
– Pour certains, oui. Ils voudraient savoir ce qu’il en est des autres mondes, et des gens qui utilisèrent la même méthode pour acquérir des connaissances à partir desquelles ils débuteraient. Les autres… eh bien, des tas de gens laissent aux autres le soin de tirer les fardeaux à leur place. S’ils savaient, ils ne se soucieraient pas d’apprendre par eux-mêmes. Ils se contenteraient de demander chaque fois qu’ils auraient besoin de savoir… comme j’ai commencé par le faire. Et ils ne concevraient jamais que si vous ne leur répondez pas, c’est parce que vous ne le pouvez pas. Ils penseraient que vous essayez de les tromper. Je crois que si je me confiais à quelqu’un, cette sorte-là le découvrirait tôt ou tard, et… eh bien, je pense qu’il serait préférable de les laisser croire que je suis un génie.

Mission gravité – Hal Clément.

This is the end

La victoire a cent pères, mais la défaite est orpheline (JFK).

Le titre vient de la musique du film “Apocalypse Now”.

Bon, c’est un peu fort pour du rugby, mais c’est la coupe du monde quand même.

Bravo les Bleus.

Je suis un imposteur

En relisant quelques anciens billets, je m’aperçois que je prends un malin plaisir à y glisser quelques citations, le plus souvent en latin.

J’ai fait du latin jusqu’en classe de terminale, mais une malheureuse impasse sur cette matière m’a logiquement et inéluctablement condamné à une piteuse à l’examen final.

Et malgré tant d’année d’études, de traductions et de versions, j’ai oublié jusqu’à la déclinaison de la rose et les significations de “datif” ou “ablatif”. J’ai pu le constater quand ma fille aînée a commencé cette langue en cinquième (à son grand désespoir…)

Alors, pourquoi cette imposture? Pourquoi truffer ce blog de citations dans la langue de Caesar? La réponse est toute simple: j’aime le latin. Pas la langue, que je ne maitrise plus, mais les sensations que je ressens devant l’utilisation de cette langue.

La maîtrise du latin, pour moi, est synonyme de culture. Cela me renvoie à ma jeunesse et aux professeurs que j’ai connus. Cela me renvoie aussi à l’étude de la civilisation romaine antique. Cela me renvoie également à Astérix, mais cela il ne faut pas l’écrire…

La première fois que j’ai visité Rome, je suis resté sans voix devant la “via sacra” dans le Forum, et devant le Colosseum. Je voyais presque passer les triomphes

Rome enfin se découvre à ses regards cruels;

Rome, jadis son temple, et l’effroi des mortels;

Rome, dont le destin dans la paix, dans la guerre,

Est d’être en tous les temps maîtresse de la terre.

Et pourquoi le latin et pas le grec alors?

Tout simplement parce qu’il n’y pas de police Symbol sur blogspot… Cela donnerait:

O kronoV didaskei touV anqropouV

Le temps enseigne les hommes

Je n’ai pas de culture, mais j’aime me cultiver.

J’aime faire semblant aussi. Et Google is my friend.

Je suis un imposteur.

Je sors de Rome, Arsace, et j’en sors pour jamais.

Archéoinformatique

« L’informatique des entreprises (…) est à l’image d’un site archéologique. (…) Tout au fond, on tombe sur de vrais fossiles, calcifiés : la carte perforée n’est plus physiquement là, mais on peut trouver son “empreinte” sur des disques durs dernier cri, jusqu’à des traces d’organisation en quatre-vingt “colonnes” ».

Pierre Vandevingste, La Recherche.

Cette remarque est tellement vraie…

Semper Fidelis

– Voici mon ordinateur. Il y en a bien d’autres comme lui, mais celui-ci c’est le mien.

– Mon ordinateur est mon meilleur ami. Il est ma vie. Je dois en être le maître comme je le suis de ma propre vie.

– Mon ordinateur, sans moi, ne sert à rien. Et sans lui, moi non plus je ne sers à rien. Je dois bien programmer, mieux que le virus qui cherche à me tuer. Il faut que je le tue avant que lui ne me tue. Et c’est ce que je ferai.

– Mon ordinateur et moi-même nous savons que ce qui compte dans cette guerre, ce ne sont pas les coups que nous tirons, ni le bruit de nos rafales ni la fumée que nous dégageons. Nous savons que ce qui compte ce sont les coups au but… LUI ET MOI, ON FERA MOUCHE…

– Mon ordinateur est humain, tout comme moi, puisqu’il est ma vie même. C’est pour ça que je veux apprendre à le connaître comme un frère. Je connaîtrai ses faiblesses, sa puissance, ses pièces, ses accessoires, son système de pointage et son clavier. Je le garderai toujours propre et prêt à servir comme moi-même je suis propre et prêt à servir. Nous ne ferons plus qu’un. C’EST COMME ÇA QU’ON FERA…

– Devant Turing, j’affirme ce serment. Mon ordinateur et moi nous sommes là pour défendre nos valeurs. Nous sommes maîtres de l’ennemi. NOUS SOMMES LES GARANTS DE MON EXISTENCE.

– Ainsi soit-il jusqu’à ce que Linux remporte la victoire, et qu’il n’y ait plus d’ennemi mais seulement la paix !

C’est fou comme le remplacement d’un mot ou deux par ci par là peut changer l’âme d’un texte

Plus X

Certaines réactions chimiques n’ont lieu qu’en présence d’un catalyseur, tels les mariages, légalisés par la présence d’un officiel. Quelques équations ne peuvent être résolues que par l’insertion d’une quantité inconnue appelée x. Si vous n’avez pas ce qu’il vous faut pour obtenir un résultat, vous devez ajouter ce dont vous avez besoin. Si vous avez besoin d’une aide extérieur qui n’existe pas, il vous faut l’inventer.

Chaque fois que l’homme s’est trouvé incapable de maîtriser son environnement les mains nues, ledit environnement a été soumis par la force ou l’entêtement par l’Homme plus x. Il en était ainsi depuis le début des Temps: Homme plus outils ou armes.

Mais x n’est pas nécessairement quelque chose de concret ou de solide, quelque chose de mortel ou de visible. Ce pouvait être aussi intangible ou indémontrable que la menace des feux de l’Enfer ou la promesse du Ciel. Ce pouvait être un rêve, une illusion, un mensonge abominable… N’importe quoi, pratiquement.

Eric Frank Russel, “Plus X”

J’aime beaucoup l’idée que quand rien ne va plus, quand vous êtes au 22e sous sol, une idée saugrenue – souvent sans rapport avec ce qui vous arrive – vous permet de toucher le fond et de remonter.

Lisez ce livre, et vous comprendrez 🙂

Le rasoir de Zythom

J’ai commencé mon travail de thèse par l’étude des Transputers et de leur langage de programmation “OCCAM”. Il s’agissait de paralléliser les calculs de rétropropagation liés aux réseaux de neurones pour les faire s’exécuter sur des “réseaux” de transputers, c’est-à-dire sur des grilles de calculs.
Il y avait dans le monde moins de 100 000 machines connectées à internet et le web n’existait pas.

Cela m’a amené à l’époque à me pencher sur le fameux “rasoir d’Occam“: Pluralitas non est ponenda sine necessitate (Les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité). Quand je dis “pencher”, j’entends plutôt “acheter l’excellent livre de science fiction de David Duncan“…

Et le rasoir de Zythom dans tout cela?
Et bien, Guillaume d’Occam aurait également prononcé ces mots célèbres : Defende me gladio et ego defendam te verbo (défends moi par l’épée, et je te défendrai par le verbe). Je fais mien ces propos et demande qu’ils soient inscrits aux frontons de tous les palais de justice.

La voix de la France

J’avais été ému par les applaudissements des représentants des nations présents à l’ONU lors de ce discours de Dominique Galouzeau de Villepin.

Je n’en ai pas trouvé la version vidéo en français sur internet (il y a bien la version anglophone, mais bon).

Remémorez vous la tension pré-guerrière de l’époque, imaginez vous devant les caméras du monde entier en train de lire ce texte, au nom de la France:

Dans ce temple des Nations Unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une conscience. La lourde responsabilité et l’immense honneur qui sont les nôtres doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement dans la paix.

Et c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie. Un pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs. Et qui pourtant n’a cessé de se tenir debout face à l’Histoire et devant les hommes. Fidèle à ses valeurs, il veut agir résolument avec tous les membres de la communauté internationale. Il croit en notre capacité à construire ensemble un monde meilleur.

Applaudissements.

Toi aussi mon fils !

Toi aussi mon fils !

Tu quoque, mi fili!

Et tu, Brute!

Le saviez-vous? Jules César, dans l’hypothèse où il a effectivement prononcé cette phrase, l’aurait exprimé en grec :«kai su, teknon» (même toi, mon enfant!), langue des élites romaines.

Si je fais ainsi étalage de ma culture googlesque, c’est simplement parce que mon ignorance me fascine et pour vous narrer la petite mésaventure qui m’est arrivée il y a peu, et qui n’intéressera que moi:

Mon ordinateur est toujours ouvert à tous les vents puisque j’y branche et débranche toutes sortes d’appareils plusieurs fois par expertise. Même la façade est démontée pour pouvoir y mettre mon boitier USB de lecture de disques durs IDE.

J’ai donc sur ma table de travail une machine dénudée particulièrement inesthétique, mais dont tous les voyants, leds et autres loupiotes clignotent à qui mieux mieux dans la pénombre de mon bureau.

Tout ceci est tentant pour des petites mains curieuses.

J’étais concentré sur un travail particulièrement difficile (la lecture d’un billet du carnet de Pikipoki sur la gestion du stress si mes souvenirs sont bons), quand ma fille ainée est entrée dans mon bureau pour discuter avec moi.

Pendant la discussion, elle me montre une lumière en disant “ah c’est joli ça”, et sans que je n’ai le temps de réagir, appuie dessus.

Il s’agissait du bouton d’arrêt du PC.

La bouche ouverte, j’ai regardé ma machine se mettre à entamer sa procédure de “shutdown” et s’arrêter.

Une saisie d’image était en cours depuis 3h.

Un article de ce blog était en cours de rédaction sans avoir été “enregistré en mode brouillon” (en mode web 2.0 cela veut dire “circulez y a plus rien à récupérer”).

kai su, teknon

Les Dieux eux-mêmes

J’ai reçu avant hier un email d’un étudiant en droit qui souhaitait que je réponde à plusieurs questions pour lui permettre de faire un exposé qui lui était demandé par un de ses professeurs. La plupart de ses questions trouvaient leur réponse dans les billets de ce blog, aussi lui ai-je répondu de venir préparer son exposé en fouillant ce blog afin de justifier de sa note par un effort personnel. Etant moi-même ancien Maître de Conférences et travaillant encore dans une école d’ingénieurs, je connais bien la tendance naturelle de la plus grande pente (on dit aussi du moindre effort). Après tout, n’ai-je pas été moi même étudiant?

Hélas, l’étudiant piqué par ma réponse a pris la mouche.

Je réponds donc ici d’un coup à tous les étudiants (et lycéens, mais ne s’autoproclament-ils pas étudiants aujourd’hui?) par cette citation:

Et comment ne pas claquer ces têtes à claques devant l’irréelle sérénité de la nullité intello-culturelle qui les nimbe ? Et s’ils n’étaient que nuls, incultes et creux, par la grâce d’un quart de siècle de crétinisme marxiste scolaire, renforcé par autant de diarrhéique démission parentale, passe encore. Mais le pire est qu’ils sont fiers de leur obscurantisme, ces minables.

Ils sont fiers d’être cons.

«Jean Jaurès? C’est une rue, quoi», me disait récemment l’étron bachelier d’une voisine, laquelle et son mari. par parenthèse, acceptent de coucher par terre chez eux les soirs où leur crétin souhaite trombiner sa copine de caleçon dans le lit conjugal.

Ceci expliquant cela : il n’y a qu’un «ah» de résignation entre défection et défécation. J’entends déjà les commentaires de l’adolescentophile de bonne mise : « Tu dis ça parce que t’es en colère.

En réalité, ta propre jeunesse est morte, et tu jalouses la leur, qui vit, qui vibre et qui a les abdominaux plats, “la peau lisse et même élastique “, selon Alain Schifres, jeunologue surdoué au Nouvel Observateur. »Je m’insurge. J’affirme que je haïssais plus encore la jeunesse quand j’étais jeune moi-même. J’ai plus vomi la période yéyé analphabète de mes vingt ans que je ne conchie vos années lamentables de rock abâtardi.

La jeunesse, toutes les jeunesses, sont le temps kafkaïen où la larve humiliée, couchée sur le dos, n’a pas plus de raison de ramener sa fraise que de chances de se remettre toute seule sur ses pattes.

L’humanité est un cafard.

La jeunesse est son ver blanc.

Autant que la vôtre, je renie la mienne, depuis que je l’ai vue s’échouer dans la bouffonnerie soixante-huitarde où de crapoteux universitaires grisonnants, au péril de leur prostate, grimpaient sur des estrades à théâtreux pour singer les pitreries maoïstes de leurs élèves, dont les plus impétueux sont maintenant chefs de choucroute à Carrefour.

Mais vous, jeunes frais du jour, qui ne rêvez plus que de fric, de carrière et de retraite anticipée, reconnaissez au moins à ces pisseux d’hier le mérite d’avoir eu la générosité de croire à des lendemains cheguevaresques sur d’irrésistibles chevaux sauvages.

Quant à ces féroces soldats, je le dis, c’est pas pour cafter, mais y font rien qu’à mugir dans nos campagnes.

Pierre Desproges, chronique de la haine ordinaire

ALors ? Deuxième ou troisième degré ?

Allez, je les aime bien MES étudiants.

Encore qu’hier, un candidat, à ma question “comment vous voyez vous dans sept ou huit ans ?” m’a répondu:

“Moi, mon rêve?, avoir une belle maison bien à moi…”

Mit der Dummheit kämpfen Götter selbst vergebens.

[Contre la stupidité, les dieux eux-mêmes luttent en vain.]

Schiller, Die Jungfrau von Orleans.