25 ans dans une startup – billet n.6

Introductionbillet n.5

Une école privée… Moi qui suis le pur produit de l’enseignement public, avec deux parents instituteurs. Je me renseigne un peu plus : il s’agit d’une association loi 1901 qui gère des bâtiments et des équipements publics mis à disposition par un département désireux de développer son bassin d’emploi. Le projet a l’air sérieux, la ville sympa : j’envoie mon dossier de candidature.

Quelques jours plus tard, je reçois un coup de fil pour planifier l’entretien de recrutement, et le jour J, je prends ma petite et fidèle voiture pour traverser une partie de la France. Me voici face au directeur de l’école.

« Nous sommes une startup qui a maintenant 3 ans. Nous avons montré à nos partenaires que notre projet d’école est sérieux, et maintenant nous recrutons notre équipe d’enseignants-chercheurs-ingénieurs-chefs-de-projet. Pour le poste sur lequel vous postulez, nous cherchons une personne qualifiée pour mettre sur pied le programme d’enseignement de l’informatique et encadrer une équipe de professeurs vacataires. Nous vous proposons de préparer pendant une demi-heure un plan de vos idées sur le sujet, puis de nous faire une présentation d’une demi-heure, suivie d’un échange avec le directeur des études. »

Moi: « Vous voulez que je vous prépare en une demi-heure le programme idéal d’enseignement de l’informatique d’une école d’ingénieurs ? »

Le Directeur: « Oui. Et que vous nous le présentiez en argumentant ».

Il me laisse seul dans la salle de réunion, face à une page blanche, avec cette question en tête: qu’est-ce que je ferais pour former à l’informatique les élèves-ingénieurs d’une école privée généraliste en cinq ans ?

Je regarde ma montre: il me reste 29mn.

Billet n.7

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

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25 ans dans une startup – billet n.5

Introductionbillet n.4

C’était sans compter sur ma détermination et sur ma chance : alors que je battais la campagne d’une université à une autre, du nord au sud en passant par l’est et l’ouest (et toujours à plus de 100 km de Paris), une amie postdoc m’a fait parvenir une offre d’emploi (papier) : une école d’ingénieurs se créait dans une jolie petite ville de province, et elle recrutait des professeurs.

Des professeurs.

Je regarde le descriptif du poste : ils recherchent plutôt des profils « ingénieur ayant un doctorat et souhaitant enseigner ». Ils proposent un poste intitulé « Enseignant en informatique – chef de projet ». Objectifs : définir et mettre en place l’enseignement de l’informatique d’une école d’ingénieurs en cinq ans ; encadrer des enseignants vacataires ; participer aux programmes de recherche portés par l’école…

Un poste de rêve, et je colle au profil recherché.

J’allais passer du poste de Maître de conférences à celui de Professeur !

A 30 ans !

Problème : il s’agit d’une école privée.

Billet n.6

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

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25 ans dans une startup – billet n.4

Introductionbillet n.3

J’ai soutenu mes candidatures à l’oral en
présentant mes travaux devant des jurys somnolents. Résultat : rien. Nada.

C’est en défendant une nième fois mon dossier de candidature « qualifié section 27 » devant un jury dans mon ancienne école (celle où j’ai eu mon diplôme d’ingénieur) que j’ai eu l’explication de mes échecs. J’avais reconnu dans le jury l’un de mes anciens professeurs (qui lui aussi m’avait reconnu). Lors d’une pause entre deux candidats, j’ai discuté avec lui :

Écoute Zythom, tu es titulaire de ton poste à Paris. Les procédures de recrutement nous obligent à statuer sur ton cas, car ceux qui postulent au titre de la mutation sont prioritaires sur les autres. Mais, tu comprends, nous nous sommes battus auprès du ministère pour obtenir cette création de poste, alors qu’on a formé 4 thésards dans notre labo qui vont rester sur le carreau. Alors les jeux sont faits : l’un des 4 thésards aura la place. Et toi, tu es bien gentil, mais jamais tu ne seras pris. Ni ici, ni dans aucun labo. Quand on commence la recherche quelque part, on y reste, et si on y obtient un poste, on s’y accroche, bien content de pouvoir le garder. Alors, quitter Paris pour un laboratoire de province, n’y pense pas !

C’était sans compter sur ma détermination…

Billet n.5

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

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25 ans dans une startup – billet n.3

Introductionbillet n.2

Un week-end sur deux, j’allais faire de la spéléologie ou séduire ma future femme. C’est ce dernier point qui a bouleversé ma vie.

Si j’arrive parfaitement à accepter de louer dans Paris un minuscule appartement me permettant de dormir et de rester propre, le tout pour un prix parfaitement déraisonnable, pour n’y passer que mes 9h de sommeil obligatoires, il m’est très difficile d’envisager faire cela toute ma vie, à fortiori à deux, et encore moins de fonder une (grande) famille dans ces conditions.

J’ai eu la chance de rencontrer l’Amour de ma vie, et cette passion devait passer avant toutes les autres ! Une fois ma thèse en poche, je suis devenu Maître de conférences, avec un salaire moins misérable. Cela tombait bien, parce que l’Amour de ma vie et moi, nous avons décidé de nous marier, de vivre ensemble, le tout en PROVINCE.

J’ai donc tracé un cercle de 100 km centré sur Paris et je me suis mis à chercher un travail en dehors de ce cercle. Dans l’informatique, si possible dans la recherche, avec des perspectives d’avenir et un grand jardin.

J’ai fait 40 dossiers de candidature au titre de la mutation (j’étais fonctionnaire) dans toute la France. J’ai soutenu mes candidatures à l’oral en présentant mes travaux devant des jurys somnolents.

Résultat : rien. Nada.

Billet n.4

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

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25 ans dans une startup – billet n.2

Introductionbillet n.1

Sauf que pendant mon service militaire, je m’étais mis en tête de travailler dans le domaine de l’intelligence artificielle. Et en 1989, le secteur était en pleine effervescence (déjà), mais les entreprises ne recrutaient que des gens déjà expérimentés sur le sujet. N’écoutant que mon courage et ma passion, je me suis accroché et j’ai ratissé large en appliquant ma méthode de harcèlement ciblé déjà présentée sur ce blog (lire ici).

Après de nombreux coups de téléphone et CV papiers remis en main propre, j’ai fini par décrocher un stage de pré-embauche dans un laboratoire de recherche à Paris qui travaillait sur les réseaux de neurones o/.

Deux mois après, ce laboratoire m’embauchait comme « assistant professeur », avec salaire misérable à la clé, par comparaison avec mes camarades de promotion d’école d’ingénieurs, mais avec salaire quand même : j’étais le plus heureux des Hommes !

J’apprenais tout ce qu’il y avait à apprendre sur les réseaux de neurones. J’y consacrais toute mon énergie, toutes mes journées et toutes mes nuits. Cela allait durer 5 ans. Une fois mon doctorat en poche, je suis devenu Maître de Conférences.

A la passion de la recherche en intelligence artificielle se sont ajoutées deux autres passions : un week-end sur deux, j’allais faire de la spéléologie et séduire ma future femme.

C’est ce dernier point qui a bouleversé ma vie.

Billet n.3

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

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25 ans dans une startup – billet n.1

Billet précédent (introduction)

J’ai 54 ans. Aussi loin que ma mémoire me permet de remonter, j’ai toujours été guidé dans mes choix professionnels par la passion. C’est une des clés de ma personnalité et de mon bonheur.

J’ai eu la chance de me découvrir un centre d’intérêt lorsque j’étais au collège : l’électronique. Je démontais tout ce qui passait à ma portée, et je me revois encore triturer les radios à tubes qui font aujourd’hui les délices des collectionneurs ou des décorateurs d’intérieur. Je récupérais les pièces, les vis, les condensateurs variables à air, les boutons en bakélite… J’étais abonné à la toute nouvelle revue « Électronique pratique« , et je dévastais, au désespoir de mes parents, la moquette de ma chambre avec mon fer à souder.

De l’électronique à la calculatrice programmable, il n’y avait qu’un pas, rapidement franchi. La suite est une chanson connue tant cela correspond aux clichés : création du club d’informatique du lycée (en 1979 !) avec du matériel prêté par un parent d’élève, bac C, TRS80, math sup, math spé x2, école d’ingénieurs option informatique, service militaire dans le service informatique des armées, et me voilà sur le marché du travail.

Sauf que…

Billet n.2

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

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25 ans dans une startup – introduction

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J’ai fait ces derniers mois un point professionnel un peu éprouvant, dont je ne pouvais pas parler facilement en temps réel sur ce blog. Maintenant que tout cela est derrière moi, je vais tenter d’aborder ces questions sur ce blog, pour partager avec vous sur le sens de l’engagement professionnel, que vous soyez vieux ou jeune, actif ou retraité, maître Jedi ou jeune Padawan, parce que je pense que cela peut apporter quelque chose à vos propres réflexions.

Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave, car j’écris essentiellement pour moi 😉

Comme j’utilise aussi ce blog pour tester des choses en lien avec l’écriture, je vais tenter l’expérience suivante : écrire des billets très courts, qui seront programmés pour être publiés deux fois par semaine, les mardis et jeudis, avec l’idée de travailler la narration, et un rythme plus lent que celui des réseaux sociaux.

N’étant pas un écrivain professionnel, je ne sais pas encore combien de billets
je vais écrire, ni si je tiendrai le rythme, mais le titre de
cette histoire est choisi. Ce sera : « 25 ans dans une startup ».

Je préviens mes lecteurs habituels, ce projet n’a pas vraiment d’autre intérêt que de décrire un parcours qui s’est réellement déroulé. Je ne cherche pas à décrire les parcours professionnels d’aujourd’hui tels que vécus par des millions de personnes. J’écris sur une expérience personnelle, vue depuis l’angle très réduit de ma propre perception. Je ne donne aucune leçon, à personne. Ce n’est pas l’histoire d’une entreprise, c’est plutôt l’histoire d’une personne, avec ses doutes, ses choix et ses idées. Cela a toujours été l’esprit de ce blog.

Enfin, j’ai parfaitement conscience de faire partie des privilégiés qui ont un emploi, la santé, une famille en soutien, un environnement professionnel favorable et intéressant. Être privilégié n’empêche pas de faire part de ses expériences, de son histoire ou de ses états d’âme.

Voyez cela comme une expérience d’écriture, teintée d’une légère amertume sur le temps qui passe.

Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

Billet n.1

Les réseaux des pairs

Dans une autre vie, j’ai eu l’occasion de subir un changement de directeur général. Quand vous faites partie d’un comité de direction, c’est toujours un moment « intéressant ».

Lors du premier entretien en tête à tête avec mon nouveau chef, celui-ci me demande : « Bon, Zythom, si vous me parliez un peu de votre réseau ». Et me voilà parti dans une présentation détaillée et passionnée de notre réseau informatique, sa complexité, sa technicité, ses risques de sécurité, les options de connexion à internet, les coûts. Je lui parle de switchs, de routeurs, de baies de brassage, d’onduleurs, de bornes Wifi, de fibres optiques, de sous-répartiteurs, de VLAN, de VPN… Au bout de quelques minutes, je remarque le visage un peu contrarié de mon patron. Inquiet, je lui demande si je manque de clarté dans ma présentation.

Il me répond : « Zythom, quand je vous pose cette question sur votre réseau, je parle de votre réseau relationnel. Les contacts que vous avez avec vos homologues, localement, régionalement etc. ».

Silence gêné.

« Ah. Mais votre prédécesseur me demandait plutôt de travailler seul pour être en avance sur nos concurrents. Donc, mes contacts avec mes homologues sont très limités ».

Sa réponse a changé ma vie : « Zythom, vous allez discuter avec vos homologues, échanger, vous déplacer. Je veux que vous intégriez tous les réseaux relationnels de votre domaine, avec l’idée que l’on progresse plus vite ensemble que seul dans son coin. »

Je n’ai jamais cessé depuis d’appliquer cette règle, et si j’ai un conseil à donner à toutes les personnes qui me lisent : essayez.

J’ai rencontré énormément d’experts dans ma vie : d’abord comme chercheur, puis comme enseignant, puis comme expert judiciaire, comme DSI, comme pilier de bar, et enfin comme blogueur. J’en ai vu des brillants, des fiers, des qui aiment les projecteurs, la lumière. Ceux-là sont pour la plupart des solitaires. Et il y a ceux qui arrivent à partager leurs savoirs, leurs succès comme leurs échecs.

Il a toutes sortes de réseaux d’échanges (conférences, listes de diffusion, clubs, associations, compagnies, réseaux sociaux, blogs…) mais je vais vous parler celui qui m’a fait gagner le plus de temps : le réseau des pairs.

Le réseau des pairs est plus communément appelé « communauté de pratique » en théorie de l’éducation. Voici ce qu’en dit Wikipédia :

Selon Lave et Wenger (1991), par qui le concept de communauté de pratique est apparu, et Kirschner and Wopereis (2003), une communauté de pratique
est constituée de groupes d’individus engagés dans la même occupation
ou dans la même carrière. Ces individus interagissent sur une base
continue en vue de maîtriser et d’améliorer les savoirs et savoir-faire
de leur domaine d’intérêt. Ainsi, la participation par qui
l’apprentissage se déploie, demeure un élément moteur dans une communauté de pratique et revêt un double sens d’implication et d’engagement. Lave et Wenger (1991) désignent cette forme d’apprentissage par Legitimate periphiral participation,
qui décrit l’investissement du membre au sein de cette communauté, du
stade de noviciat jusqu’à sa pleine reconnaissance par ses pairs.
L’engagement mutuel, l’entreprise conjointe et le répertoire partagé
sont parmi les caractéristiques importantes des communautés. On retrouve
les communautés de pratique dans les structures informelles.

Comme je n’ai pas la prétention de théoriser ce domaine, je vais simplement partager avec vous ma modeste expérience : quel que soit votre métier, je vous conseille de prendre contact avec un groupe de personnes ayant les mêmes préoccupations et qui sont d’accord pour partager leurs connaissances.

Exemple 1 : A force de fréquenter des salons informatiques dans ma région, j’ai fini par rencontrer des responsables informatiques avec qui j’ai sympathisé. D’abord par des discussions informelles, puis autour d’une table dans un bar. « Et si on se voyait plus souvent entre nous pour discuter de nos métiers ? ». L’idée était lancée et a abouti à la création d’un club de DSI local où l’on échange autour de nos idées, de nos problèmes, de nos projets, de nos fournisseurs, de nos coûts, de nos utilisateurs, de nos organisations métiers… Après chaque réunion, je ressors avec plein d’idées, d’envies, de solutions. Je gagne un temps colossal sur la majorité de mes projets !

Exemple 2 : Lorsque je me retrouve face à un problème que je ne sais pas résoudre dans une expertise judiciaire, après avoir cherché de manière approfondie une solution (histoire quand même de ne pas être trop ridicule si la solution est évidente), j’ai la chance de pouvoir solliciter l’aide confraternelle d’experts judiciaires sur une liste de diffusion spécialisée. Face à un problème qui me semble insurmontable, il y a très souvent quelqu’un qui s’est trouvé face au même problème et qui a trouvé une solution qu’il accepte de partager. Bien entendu, je réponds de même si j’ai moi-même quelque chose à apporter. Nous n’avons rien inventé, ce type de forum / liste de diffusion existe depuis la création d’internet.

Par ce billet, je voudrais remercier toutes les personnes qui, à un moment ou à un autre, m’ont aidé par leurs conseils ou leurs mises en garde. Que ce soit par un commentaire sous un billet du blog, un tweet, un email ou un coup de téléphone. Et aussi toutes celles et ceux avec qui j’ai pu discuter dans le « social event » d’une conférence (SSTIC/JRES/PSES ).

Par ce billet, je voudrais encourager les nerds, les geeks un peu solitaires, à surmonter leurs égos, leurs craintes du ridicule, leurs phobies relationnelles éventuelles, et à faire l’effort de rencontrer des personnes partageant leurs passions. Après tout, ce n’est pas comme si l’on manquait d’associations, de projets communautaires, de forums, de conférences…

Plusieurs conseils encore : soyez tolérants. Tolérance aux noobs, aux autres, à celles et ceux qui sont différents ou qui pensent différemment. Écoutez les idées des autres jusqu’au bout. Ayez le courage de poser des questions, de communiquer le plus clairement possible avec les autres, afin d’éviter les malentendus, les conflits. Ne sur-réagissez pas : ce que les autres disent et font ne sont qu’une projection de leur réalité et de leurs propres rêves. Lorsque vous êtes immunisés contre les opinions et les actes d’autrui, vous n’êtes plus la victime de souffrances inutiles. C’est certainement le point le plus difficile, sur lequel j’ai le plus de progrès à faire.

Ces conseils valent pour les réunions, mais aussi pour la vie en général.

20 ans d’expertises judiciaires

Dans quelques mois, je vais fêter mes 20 ans d’inscription sur la liste des experts judiciaires de ma Cour d’Appel.

20 ans…

J’ai rapporté ici sur ce blog quelques uns de mes « rapports d’étonnement » et quelques une de mes anecdotes (romancées bien entendu ;-). Deux décennies de contacts avec la justice et les justiciables, avec les policiers et les gendarmes, avec les avocats et les huissiers, avec les greffiers et les magistrats, avec Yéléna

J’y ai perdu le sommeil à cause de l’horreur des images et des films de pédopornographie, de guerre et de massacres, pauvre petit être sensible sans les filtres des reporters ni la préparation des hommes et femmes d’action (soignants, pompiers, urgentistes, militaires, etc.). Horresco referens…

J’étais seul dans mon bureau face aux défis techniques des missions données par les magistrats. J’ai appris à trouver la petite aiguille dans la botte de foin du disque dur, à décrypter les données cachées, à retrouver les mots de passe utilisés. J’ai réussi à surmonter mes angoisses de pannes des scellés, de modifications de preuve par inadvertance, de pertes de données, de mauvaise interprétation de ce que je voyais. J’ai apprivoisé la complexité administrative dans laquelle est jetée le collaborateur occasionnel du service public (pas toujours très claire).

Quand j’ai été admis à l’inscription sur la liste d’experts judiciaire de ma Cour d’Appel, j’avais 35 ans. J’étais alors le plus jeune expert judiciaire en informatique de France o/. Le suivant dans la liste avait 30 ans de plus que moi… Je trouvais ça lamentable, surtout en matière informatique. J’approche maintenant des 55 ans, et je me demande s’il est bien raisonnable de continuer… Toute ma vie, j’ai assisté, et participé activement, au développement de l’informatique. J’ai travaillé comme chercheur en intelligence artificielle, j’ai enseigné, j’ai développé un système d’information, j’ai expertisé des machines, des systèmes, des organisations, j’ai contre-expertisé des rapports d’expertise…

Je refuse de considérer que je suis trop vieux. J’ai encore tant de domaines à explorer : TensorFlow, le calcul parallèle, la sécurité informatique avec ses mystérieux SOC, SIEM, CSIRT et autres joyeusetés, les outils forensics, les nouvelles règles du jeu (LPM, RGPD…).

Professionnellement, je gère à peu près la même équipe depuis 25 ans, date à laquelle j’ai rejoins la startup où je travaille encore aujourd’hui, startup qui est devenue une belle et grande école d’ingénieurs. Mais la transformation numérique qui brasse en profondeur les processus de l’entreprise s’accompagne d’une charge de travail et de responsabilités qui ne fait que s’accroître et pour laquelle je sens que mes épaules deviennent insuffisantes : choix des serveurs, des actifs réseaux, des routeurs, des plateformes de virtualisation, des clouds, des accès internet, des outils de supervision, des systèmes d’exploitation, des câbles réseaux, des fibres optiques, des ordinateurs fixes, des ordinateurs portables, des tablettes, des bornes Wifi, des systèmes d’impression, des systèmes d’affichage, de vidéoprojection, de visioconférence, des bases de données, des logiciels métiers, des portails, des parefeux… et de toute la sécurité qui va avec ! Les ingénieurs informaticiens généralistes vieillissent mal…

Mais le côté le plus dur, ce sont les expertises judiciaires. Les techniques deviennent de plus en plus complexes, et le côté artisanal de ma pratique d’expert m’interroge de plus en plus (lire ce billet sur le sujet). J’ai maintenant peur de ne plus être à la hauteur quand on me propose une mission d’assistance à huissier de justice : quel est le matériel sur lequel je vais tomber, quelle quantité de mémoire de stockage disque, quelles technologies, quels systèmes ? Quel sens cela a-t-il quand on commence à refuser des missions ? Je refuse de devenir un expert judiciaire « carte de visite » pour alimenter ma clientèle d’expertises privées. Je pense qu’il va bientôt être temps de jeter l’éponge, et de laisser la place à de jeunes experts : il est probable que je ne demanderai pas le renouvellement quinquennal de mon inscription sur la liste des experts judiciaires. Il faut savoir partir dignement, et au bon moment. Les cimetières sont remplis de personnes qui se croyaient indispensables.

Je vais me concentrer sur mon activité professionnelle, m’encadrer de forces vives, devenir un meilleur manager, et essayer de rester en contact avec la technique. Je vais continuer à grandir avec l’entreprise qui voudra bien encore de moi. A la maison, je vais remplir mes soirées de TensorFlow et de CUDA, de OpenVAS et de ELK, de Tor et de Shodan… Je compte bien tenir encore 15 ans. 70 ans, quel bel âge pour partir à la retraite 😉

Le ton de ce blog va sans doute changer.

Mutatis mutandis.

S’amuser avec une machine virtuelle dans le cloud

Crédit image Sam Johnston (1)

Je suis un gros consommateur des outils Google : le moteur de
recherche, la messagerie, le drive, le calendrier, etc. C’est donc assez
naturellement que je me suis retrouvé à une présentation des services
proposés par la plateforme Google Cloud : cloud.google.com

Je précise que ce billet n’est malheureusement pas sponsorisé.

J’ai
découvert que l’on pouvait faire fonctionner gratuitement une (petite) machine
virtuelle dans le cloud Google. Ce billet s’adresse donc
aux personnes souhaitant découvrir le monde des machines virtuelles
hébergées sur un datacenter situé quelque part dans le monde.

Avertissements
: Philosophiquement, j’aime tout le monde : j’utilise Windows
quotidiennement, ainsi que plusieurs distributions GNU/Linux Mint, j’ai
un
compte Facebook personnel, j’aime l’association Framasoft (y compris son initiative de dégooglisation d’internet), j’utilise Twitter, j’aime Mastodon,
j’essaye de sensibiliser mon entourage et mes lecteurs à la protection
de leur vie privée, tout en mettant mes connaissances au service de la
justice et des enquêteurs, je mange de la viande et je roule en vélo
pour mon bien être et celui de la planète. Vous l’avez compris, je suis
plein de contradictions, que j’assume plus ou moins. J’évolue lentement
mais sûrement. Je reste ouvert à toutes les discussions, je teste tous
les environnements, les hébergeurs, les différentes solutions et outils.
Et je garde ce que je trouve pratique par rapport à mes usages. Je ne suis pas sponsorisé par Google, je ne travaille pas pour Google
(Larry, if you’re reading me…), je ne suis pas responsable des
manipulations que vous allez faire chez Google, ni du coût que cela
pourrait entraîner pour votre carte bancaire. Si vous ne comprenez pas
ce que je présente comme concepts ou comme commandes, il vaut mieux
rester spectateur et ne toucher à rien.

Prérequis : Vous devez disposer d’un compte Google, et accepter de
confier le numéro de votre carte bancaire à Google, qui s’engage à ne
pas la débiter si vous restez dans les limites indiquées lors de l’essai gratuit (bien lire les conditions, pas le droit de miner des cryptomonnaies…).

Démarrage :

– Connectez-vous à votre compte Google.

– Rendez vous sur https://cloud.google.com et cliquez sur « essai gratuit ».

– Remplissez les informations demandées, en lisant attentivement les conditions.

Je vous propose de suivre le didacticiel « Essayer Compute Engine », en créant une instance ayant les caractéristiques suivantes :

– Zone aux États-Unis (datacenter us-east* par exemple)

– Type de machine : micro (1 vCPU partagé) avec 0.6 Go de mémoire

– Disque de démarrage : Debian GNU/Linux 9 à 30 Go (cliquez sur Modifier pour augmenter la taille du disque).

Ces caractéristiques correspondent, au moment où j’écris ce billet, aux conditions d’une machine gratuite (cf https://cloud.google.com/free/ section Google Compute Engine) :

– 1 instance f1-micro par mois (aux États-Unis uniquement, excepté en Virginie du Nord)

– 30 Go de stockage HDD par mois, 5 Go de stockage d’instantanés par mois

– 1 Go de sorties réseau par mois, de l’Amérique du Nord vers toutes les autres régions (sauf l’Australie et la Chine)

Attention de bien rester dans ces conditions (ou de vérifier qu’elles sont toujours valables), sinon Google facturera des frais.

Le menu principal de Google Cloud Platform est situé en haut à gauche (icone avec 3 barres horizontales).

Dans le sous menu « Réseau VPC / Règles de pare-feu », vérifiez et adaptez vos règles d’accès en fonction de vos besoins.

Votre machine est accessible dans le sous menu « Compute Engine / Instances de VM ». Vous pouvez ouvrir un terminal par l’onglet SSH de votre instance (par exemple « Ouvrir dans la fenêtre du navigateur »). Vous êtes alors connectés avec votre login Google à une machine virtuelle fonctionnant sous Debian. Votre compte peut utiliser la commande sudo.

Du fait des limitations mémoires de cette configuration gratuite, je vous recommande de commencer par créer un fichier de swap (surtout si vous installez ensuite un environnement graphique) :

$ free -m

$ sudo fallocate -l 4096m /file.swap

$ sudo chmod 600 /file.swap

$ sudo mkswap /file.swap

$ sudo swapon /file.swap

$ free -m

Si la dernière commande montre que le fichier swap est bien pris en compte, ajoutez la ligne suivante à la fin de votre fichier /etc/fstab :

/file.swap none swap sw 0 0

et redémarrez l’instance.

Une mise à jour des paquets Debian me semble ensuite être un bon début :

$ sudo apt-get update

$ sudo apt-get upgrade

Personnellement, j’ai choisi d’installer l’environnement graphique LXDE :

$ sudo apt-get install task-lxde-desktop

Rem : Curieusement, pour moi ça plante à chaque fois à « Setting up dbus… », ce qui m’oblige à redémarrer l’instance, m’y reconnecter en ssh, puis à lancer la commande :

$ sudo dpkg –configure -a

Puis l’accès distant xrdp :

$ sudo apt-get install xrdp

$ sudo apt-get install tigervnc-standalone-server

$ sudo adduser zythom

Ce qui permet de se connecter à distance depuis un poste Windows avec le compte « zythom » sur l’adresse IP que vous trouverez affichée dans votre interface Google Cloud Platform près de votre instance. Dans la mire xrdp, sélectionnez le choix de session Xvnc.

Gardez un œil sur la facturation, et amusez-vous bien !

Pour ma part, je vais aller regarder un peu le sous menu TPU Cloud et faire du Machine Learning avec TensorFlow… La carte bancaire va chauffer 😉

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(1) Crédit image : Sam Johnston — modification of the Wikipedia file, Cloud
computing.svg, created by Sam Johnston using OmniGroup’s OmniGraffle and
Inkscape (includes Computer.svg by Sasa Stefanovic), CC BY-SA 3.0,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=21576051