25 ans dans une startup – billet n.10

Introductionbillet n.9

« La pédagogie désigne l’art de l’éducation. Le terme rassemble les méthodes et pratiques d’enseignement requises pour transmettre des compétences, c’est-à-dire un savoir (connaissances), un savoir-faire (capacités) ou un savoir-être (attitudes). » (source Wikipédia)

Je ne voudrais pas généraliser à partir de ma seule expérience, mais il me semble que les enseignants du supérieur sont quasiment tous lancés dans le grand bain sans une once de formation à la pédagogie. On appelle cela « l’enseignement par la recherche »… L’intervenant vient essayer de transmettre tant bien que mal son savoir, un peu de son savoir-faire, plus rarement de son savoir-être. Il n’a pas été formé à cela.

Je voudrais citer ici un extrait du livre de Michel Serres « Petite Poucette » :

Jusqu’à ce matin compris, un enseignant, dans sa classe ou son
amphi, délivrait un savoir qui, en partie, gisait déjà dans les
livres. Il oralisait de l’écrit, une page-source. S’il invente,
chose rare, il écrira demain une page-recueil. Sa chaire faisait
entendre ce porte-voix. Pour cette émission orale, il demandait le
silence. Il ne l’obtient plus.

Formé dès l’enfance, aux classes élémentaires et
préparatoires, la vague de ce que l’on nomme le bavardage, levée en
tsunami dans le secondaire, vient d’atteindre le supérieur où les
amphis, débordés par lui, se remplissent, pour la première fois de
l’histoire, d’un brouhaha permanent qui rend pénible toute écoute
ou rend inaudible la vieille voix du livre. Voilà un phénomène
assez général pour que l’on y prête attention. Petite Poucette ne
lit ni ne désire ouïr l’écrit dit. Celui qu’une ancienne publicité
dessinait comme un chien n’entend plus la voix de son maître.
Réduits au silence depuis trois millénaires, Petite Poucette, ses
sœurs et ses frères produisent en chœur, désormais, un bruit de
fond qui assourdit le porte-voix de l’écriture.

Pourquoi bavarde-t-elle, parmi le brouhaha de ses bavards
camarades ? Parce que, ce savoir annoncé, tout le monde l’a déjà.
En entier. À disposition. Sous la main. Accessible par le Web,
Wikipédia, portable, par n’importe quel portail. Expliqué,
documenté, illustré, sans plus d’erreurs que dans les meilleures
encyclopédies. Nul n’a plus besoin des porte-voix d’antan, sauf si
l’un, original et rare, invente.

Fin de l’ère du savoir.

Me voilà donc à la fois en train de découvrir la pédagogie, mais aussi les effets de la révolution numérique : les étudiants n’écoutent plus aussi facilement.

Problème : ma hiérarchie me demande d’enseigner à l’ensemble de l’amphithéâtre… Pas uniquement aux deux premiers rangs occupés, mais à l’ensemble des étudiants de la promotion. Pas uniquement aux étudiants souhaitant assister à mon cours, mais faire en sorte que tous les étudiants soient présents, y compris ceux ayant pensant avoir mieux à faire ailleurs…

Il faut donc faire l’appel (en amphi!), rendre le cours intéressant, maintenir l’intérêt des étudiants pendant 2h de suite, faire en sorte qu’ils soient présents, attentifs, concentrés, prêts à écouter, comprendre, apprendre, retenir l’ensemble des informations que je vais leur transmettre…

Bref, il faut que j’essaye d’être un bon pédagogue, un bon policier, un bon juge, un bon animateur, un bon psychologue. Ferme mais juste.

Après moult essais et erreurs, voici ce que j’ai mis en place.

Billet n.11

————–

Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.