Ce moment magique où le disque dure

Mon activité d’expert judiciaire en informatique est connue de mon entourage et de mes amis, en particulier le fait que je sais « faire parler » un disque dur. Il m’arrive donc parfois d’être contacté par un ami qui m’avoue son désespoir de ne plus arriver à lire les données de son disque dur. La conversation donne en général ceci:

« Je n’arrive plus à accéder à mon disque dur externe. J’y stocke les photos de la famille. Je me suis pris les pieds dans l’alim et le disque dur a volé dans la pièce… Quand je l’ai rebranché, plus rien. »

Ce moment gênant où le disque dur ne démarre plus…

« … mais rassure moi, tu as bien des sauvegardes? »

Ce moment troublant où l’on réfléchit à la date de la dernière sauvegarde.

« Heu, mouis, mais pas récentes. »

« Bon. Qu’est ce qu’il fait comme bruit ton disque dur? »

« Et bien, justement, il ne fait plus aucun bruit. Enfin, si, un petit sifflement d’une seconde, puis rien pendant deux secondes, puis de nouveau un petit sifflement… »

« Ok. Ton disque dur est mort. Tu peux faire une croix sur tes données. »

Ce moment particulier où l’on annonce que toutes les données sont perdues à jamais…

« Non!? Et tu ne peux rien y faire? Même toi?

« Bah. A l’impossible nul n’est tenu. Si ton disque est mort, à part l’intervention d’une société spécialisée avec démontage en salle blanche, je ne vois pas. »

Le deuil.

Étape 1: le choc.

Cette courte phase du deuil survient lorsqu’on apprend la perte. C’est une période plus ou moins intense où les émotions semblent pratiquement absentes.

Exemple: « …!? »

Étape 2: la colère.

Phase caractérisée par un sentiment de colère face à la perte. La culpabilité peut s’installer dans certains cas. Période de questionnements.

Exemple: « Mais c’est nul! Tu peux rien faire? Mais alors, comment je vais récupérer mes données? $#%!§ (biiip) »

Étape 3: le marchandage.

Phase faite de négociations, chantages…

Exemple: « Non, mais tu peux vraiment rien faire? Et si je t’envoie le disque dur, tu peux essayer quand même? Avec un peu de chance… Et puis, toi, tu sais y faire avec ça. A chaque fois que je t’appelle, mon PC remarche, même quand tu interviens à distance! »

Étape 4: la dépression.

Phase plus ou moins longue du processus de deuil qui est caractérisée par une grande tristesse, des remises en question, de la détresse.

Exemple: « Toutes les photos depuis la naissance du dernier!!! Pourtant, j’avais décidé d’acheter ce disque dur pour faire des sauvegardes. Mais bon, voilà, plutôt qu’un disque de secours, c’est vite devenu un disque principal, avec toute la place qu’il proposait. Comment je vais faire? »

Étape 5: l’acceptation.

Dernière étape du deuil où l’endeuillé reprend du mieux. La réalité de la perte est beaucoup plus comprise et acceptée. L’endeuillé peut encore ressentir de la tristesse, mais il a retrouvé son plein fonctionnement. Il a aussi réorganisé sa vie en fonction de la perte.

Exemple: « Écoute, j’ai bien compris que je n’avais aucune chance de récupérer mes données, mais plutôt que de jeter le disque dur, je te l’envoie pour que tu tentes l’impossible, même le démontage. Si tu y arrives, c’est fantastique, et si tu ne peux vraiment rien faire, c’est tant pis pour moi. »

Une fois le disque dur récupéré, j’ai immédiatement branché celui-ci sur une prise de courant. Résultat: bzzz (1s) « … » (2s) bzzz (1s), etc.

Comme expliqué à mon camarade, je ne suis pas magicien. Un disque dur est un miracle de technologie, une mécanique de précision. Tellement précis que les têtes de lecture sont profilées pour flotter sur un coussin d’air au plus près des plateaux magnétiques.

Je démonte quand même le boitier USB. J’en extrais le disque dur que je branche directement sur mon PC. Même bruit particulier. Comme si quelque chose empêchait les plateaux de se mettre à tourner. Je pars me coucher.

Le lendemain soir, je retrouve le disque dur que j’ai posé sur mon bureau où il va finir sa vie comme presse-papier. Je le regarde, pensif. Bzzz, « … », bzzz, « … », c’est vraiment comme si le moteur électrique n’arrivait pas à lancer la rotation des plateaux. J’inspecte les vis particulières qui scellent le boitier. Je sais que si je l’ouvre, dans l’atmosphère normalement poussiéreuse de mon bureau, je condamne définitivement les données stockées sur les plateaux.

Il ne me reste plus qu’une seule chose à tenter, une méthode que je tiens de mon père, qu’il tenait lui même de son père.

Je branche le disque dur sur une alimentation SATA externe que j’utilise lorsque je n’ai plus assez de branchements issus de l’alimentation de mon PC. Je constate qu’il fait toujours ce bruit de « démarrage bloqué ».

Je le saisis fermement.

Je le soulève de 10 cm au dessus de mon bureau.

Je frappe cette mécanique de précision, sensible et fragile, sèchement sur la surface de bois de mon bureau.

Une fois.

Deux fois.

Sur la tranche.

Sur le dessus.

Ce moment fascinant où l’on tape sur le bureau avec un disque dur.

Et ce soir là, un petit miracle s’est produit. Quelque chose que je n’avais jamais vécu auparavant. Le genre de truc qu’on lit sur internet sans vraiment y croire, du même genre que le coup du congélateur. Impossible ou improbable, il a toujours quelqu’un qui vous jure que ça marche, que ça a marché.

J’ai frappé un disque dur sur mon bureau, et il s’est remis à fonctionner. La méthode utilisée par mes père et grand-père sur leur télévision fonctionne donc. C’était donc vrai, la force brutale peut vaincre l’ingénierie la plus pointue.

J’ai pu récupérer toutes les données et rendre à un papa heureux toutes ses précieuses photos. J’ai certainement un peu entamé la durée de vie de son disque, mais je l’ai prévenu: « fais tes sauvegardes et prie pour que ton disque dure ».

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– Cette anecdote n’a aucun intérêt si ce n’est peut-être parce qu’elle est parfaitement authentique.

– J’engage mes lecteurs à ne pas répéter cet acte désespéré sur leurs propres disques durs, et encore moins sur des disques durs ne leur appartenant pas. Il s’agit effectivement ici d’un miracle. Et par définition, cela ne se reproduira pas.

– Aucun scellé n’a été blessé pendant cette séquence.

Message de service

Pour répondre à plusieurs personnes qui me questionnent à propos de ce blog, j’ai créé une page FAQ en haut du blog, que j’alimenterai au fur et à mesure que le besoin s’en fera sentir.

Par ailleurs, j’entreprends, essentiellement pour mes parents qui n’ont pas d’ordinateur, un travail d’autopublication similaire à celui que j’avais entrepris en 2007. Je vais faire une sélection de billets déjà publiés que je vais cette fois commenter à la façon d’Asimov (en moins talentueux évidemment).

En 2007, j’avais publié mon livre aux éditions Lulu.com. J’ai comme objectif cette fois d’y mettre en place également le téléchargement gratuit d’une version pdf pour ceux qui seraient intéressés.

On verra le temps que j’arrive à consacrer à ce petit projet, mes parents étant très sensibles à la grammaire et à l’orthographe…

Emilie 4 ans

Émilie a 4 ans et s’est faite violer plusieurs fois par un ami de son père. Ce que ne savait pas Émilie, c’est que son violeur a pris des photos et filmé la scène. En fait, Émilie, à son âge, ne sait pas grand chose de la vie, si ce n’est qu’elle fait une confiance aveugle à ses parents et aux grandes personnes en général.

Ce que ne savait pas son violeur, c’est que les photos et films qu’il a faits seraient vus sur son ordinateur par un de ses « amis » qui les a vendus ensuite via des forums undergrounds spécialisés dans les images pornographiques « exotiques ».

Ce que ne savaient ni Émilie, ni son violeur, c’est que ces scènes feraient le tour du monde en quelques mois, s’ajoutant aux images de ce type dans les compilations pédophiles qui s’échangent sous le manteau, dévoyant les sites de partage et la magnifique liberté d’internet.

Jusqu’à cet ordinateur mis sous scellé et qui se trouve sur mon bureau.

Un ordinateur dont l’officier de police judiciaire m’a raconté la courte histoire: son propriétaire est en prison pour une autre histoire, il a obtenu l’autorisation d’utiliser son ordinateur dans sa cellule, il a visionné plusieurs séries d’images pornographiques en compagnie d’autres compagnons de cellule, dont certaines à caractère pédopornographique. Il a été dénoncé, son ordinateur a été saisi, une procédure ouverte.

J’ai brisé le scellé, procédé à la copie numérique du disque dur, et commencé son analyse inforensique.

J’ai trié toutes les images extraites, et tous les films. J’ai regardé chaque image pour déterminer sa nature. J’ai vu toutes ces jeunes filles d’à peine 10 ans, dénudées, aux sourires tristes, prenant des poses suggestives. Et je t’ai vu, Émilie. Bébé à peine grandi, avec tes yeux confiants, regardant un sexe d’homme trop grand pour toi. J’ai fermé les yeux et pensé à mes trois enfants qui jouent à l’étage… J’ai pensé à mes étudiants vingtenaires qui vivent à cent à l’heure leur jeunesse insouciante. J’ai senti des larmes couler sur mes joues en me disant que, bordel, à mon âge j’étais encore trop sensible. Que je pensais qu’avec le temps, comme les étudiants en médecine, comme les pompiers, comme les policiers, j’allais m’endurcir…

Alors je rouvre les yeux et je continue mon classement. Ton prénom est dans le nom de plusieurs fichiers. Ton âge aussi, et l’histoire de ton viol. Les films sont d’une atrocité sans nom. Je redresse mon esprit vacillant en cherchant dans les métadonnées des fichiers d’éventuelles traces utiles pour les enquêteurs. Je note les dates présumées de création, de modification et de dernier accès.

Je me demande l’âge que tu as aujourd’hui. La vie que tu mènes. Un bonheur est-il possible après un début de vie aussi terrible?

Je ne sais pas.

J’imprime quelques photos pour le rapport.

Il faudra que je pense à prévenir l’opératrice du centre de photocopies où j’ai mes habitudes. Il faudra que je pense à prévenir aussi la greffière à qui je vais remettre mon rapport. A ma question, elle répondra « je ne regarderai pas, je n’arrive pas à m’habituer ». Cela m’a rassuré.

A chaque expertise où l’on me demande de rechercher des images et films pédopornographiques, je retrouve ton visage. Presque à chaque fois. Tu es mon « effet Streisand » à moi.

Émilie, je pense encore à toi. Dans mon esprit, tu auras toujours 4 ans. J’espère que dans le tien, tu as tout effacé.

Comment devenir expert judiciaire

Je reçois un courrier assez important concernant cette question, et je renvoie toujours à un billet du 1er janvier 2009. Curieusement, ce billet est toujours d’actualité et je vais me contenter de le réécrire, parce que vous le valez bien 😉

Le premier point à bien comprendre est qu’expert judiciaire n’est pas une profession, à l’exception peut-être des experts traducteurs interprètes qui semblent impliqués à plein temps (et plus). Pour la grande majorité des experts judiciaires, il s’agit d’une activité annexe et il n’est pas rare qu’un expert judiciaire ne soit désigné qu’une ou deux fois par an, voire moins. Comme les frais engagés et les honoraires sont en général payés avec deux années de retard (ou plus), vous comprendrez qu’il ne faut pas compter sur cela pour payer les logiciels d’analyses inforensiques derniers cris dont vous rêvez, ni les formations obligatoires demandées pour rester inscrit sur la liste des experts judiciaires…

Vous devez donc avoir un vrai métier, une profession qui remplit le réfrigérateur et vous permet de rester propre. De toutes façons, c’est votre vrai métier qui intéresse les magistrats, pour les compétences qu’il vous apporte, et pour l’accès aux éventuels moyens qu’il vous assure.

Les experts judiciaires sont des professionnels habilités chargés de donner aux juges un avis technique sur des faits afin d’apporter des éclaircissements sur une affaire. Ce sont des spécialistes de disciplines très variées (médecine, architecture, gemmologie, économie et finance, etc.). Leurs avis ne s’imposent pas aux juges qui restent libres.

Ensuite, devenir expert judiciaire, c’est très simple: il vous suffit de déposer un dossier avant le 1er mars de chaque année au procureur de la République. Votre dossier va suivre tout un parcours, et s’il est accepté, vous verrez votre nom inscrit sur une liste gérée par votre Cour d’Appel. L’inscription sur cette liste fait de vous un expert judiciaire. Bravo cher confrère ou chère consœur.

Reprenons au ralenti:

– quel dossier?

– quel procureur?

– quel parcours suit le dossier?

– quelles conditions devez-vous remplir?

– quelle bouteille ouvrir en cas d’inscription?

Le dossier.

Le dossier de demande d’inscription sur la liste des experts judiciaires doit comprendre toutes les précisions utiles permettant de juger de la qualité de votre candidature, notamment les renseignements suivants :

1° Indication de la ou des rubriques ainsi que de la ou des spécialités dans lesquelles l’inscription est demandée. Vous trouverez la nomenclature des branches, rubriques et spécialités dans ce document pdf.

2° Indication des titres ou diplômes du demandeur, de ses travaux scientifiques, techniques et professionnels, des différentes fonctions qu’il a remplies et de la nature de toutes les activités professionnelles qu’il exerce avec, le cas échéant, l’indication du nom et de l’adresse de ses employeurs. En terme plus simple, ressortez votre CV et mettez le à jour.

3° Justification de la qualification du demandeur dans sa spécialité. Vous avez des lettres de recommandation, des courriers de vos pairs qui admirent vos compétences, c’est le moment de les sortir de leurs cadres et d’en faire une photocopie.

4° Le cas échéant, indication des moyens et des installations dont le candidat peut disposer. Vous travaillez dans une université et avez accès aux superordinateurs, vous êtes copain avec le technicien qui gère le microscope électronique du laboratoire, vous connaissez la tata du gardien du Grand collisionneur de hadrons du CERN, et vous pouvez utiliser ces installations, si possible gratuitement, alors c’est le moment de le signaler par écrit. L’institution judiciaire est si mal pourvue en budget par les politiques en charge des affaires…

En annexe à cette demande, il peut être judicieux de joindre un extrait du casier judiciaire et une copie certifiée conforme des diplômes présentés à l’appui de la demande, ainsi que les travaux déjà effectués dans les spécialités concernées. Soyez quand même synthétique, je ne suis pas sûr qu’une copie papier de votre thèse de 200 pages soit la bienvenue.

Un coup de téléphone à sa cour d’appel peut être utile pour savoir s’il faut des documents complémentaires (photos, etc.)

Le procureur de la République.

Une fois votre dossier de demande fin prêt, vous devez l’adresser avant le 1er mars au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel vous exercez votre activité professionnelle ou possédez votre résidence ou, pour les demandes d’inscription dans la rubrique traduction, au procureur de la République près le tribunal de grande instance du siège de la cour d’appel.

Nous sommes dans la 2e décennie du 3e millénaire, donc le courrier d’accompagnement du dossier pourra être imprimé à partir d’un traitement de texte, surtout si vous avez une écriture illisible. N’oubliez pas quand même de le signer d’une belle encre bleue (éviter le rouge ou le vert, trop originaux, et le noir pour différencier la photocopie de l’original). En vrai, tout le monde se fout de la couleur de la signature, mais n’oubliez pas de signer, sinon cela fait tache (et la vache à une tache qui tache est moins bien que la vache sans tache qui tache).

Vous ne connaissez pas l’adresse du tribunal d’instance auquel écrire? Pas de panique, le site du ministère de la justice devrait être à jour et vous aider. Lien ici.

Mon conseil personnalisé: à partir d’aujourd’hui, envoyez tous vos courriers postaux ayant un lien avec votre (future) activité d’expert judiciaire, en recommandé avec avis de réception et faites en sorte que le postier dont vous dépendez devienne votre meilleur ami. Vous enverrez donc votre dossier de candidature en recommandé avec avis de réception (et conserverez le récépissé d’envoi et celui de réception dans un dossier ad hoc).

Le parcours de votre dossier de demande.

Le procureur de la République instruit la demande d’inscription initiale: il va vérifier que vous remplissez les conditions requises (voir plus loin) et recueillir tous les renseignements possibles sur vos mérites. Je ne connais pas bien le travail réalisé, mais je pense qu’il y a ce que l’on appelle une enquête de bonne moralité. Dans mon cas, un policier est venu directement à mon domicile, et comme j’étais absent (j’étais au travail), il a discuté avec ma femme pour obtenir tous les renseignements possibles sur mon parcours… C’était une autre époque, un autre siècle, un autre millénaire, avant que la police ne dispose de 80 fichiers.

Ensuite, au cours de la deuxième semaine du mois de septembre, le procureur de la République transmet les candidatures au procureur général qui saisit le premier président de la cour d’appel aux fins d’examen par l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel.

Ce qu’il se passe à chaque étape fait parti des grands mystères de la création.

Les conditions à remplir.

1° N’avoir pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs.

2° N’avoir pas été l’auteur de faits ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation.

3° N’avoir pas été frappé de faillite personnelle ou d’une autre sanction en application du titre II du livre VI du code de commerce.

4° Exercer ou avoir exercé pendant un temps suffisant une profession ou une activité en rapport avec sa spécialité.

5° Exercer ou avoir exercé cette profession ou cette activité dans des conditions conférant une qualification suffisante.

6° N’exercer aucune activité incompatible avec l’indépendance nécessaire à l’exercice de missions judiciaires d’expertise.

7° Être âgé de moins de soixante-dix ans.

8° Pour les candidats à l’inscription sur une liste dressée par une cour d’appel, dans une rubrique autre que la traduction, exercer son activité professionnelle principale dans le ressort de cette cour ou, pour ceux qui n’exercent plus d’activité professionnelle, y avoir sa résidence.

Vous ne devez pas être déçu de ne pas être inscrit dès la première demande. Le nombre d’experts retenus tient à des facteurs indépendant des candidats, comme l’évolution du nombre d’expertises, le nombre d’experts dans une discipline, les orientations générales de la Chancellerie ou encore à d’autres facteurs relatifs à l’institution judiciaire. Seuls les magistrats pourraient indiquer quels sont les critères qui tiennent aux candidats eux-mêmes. Au vu des pièces demandées, on peut toutefois estimer que les magistrats examinent la compétence, l’expérience, la notoriété, la disponibilité, l’indépendance et les moyens de remplir les missions que présentent les candidats. Un conseil: après un refus, ne pas hésiter à représenter sa candidature l’année suivante, surtout si l’on peut faire valoir des éléments nouveaux.

Bouteille à ouvrir après inscription.

Un bon champagne fera l’affaire 😉

Pour autant, l’inscription n’est pas un un diplôme supplémentaire, mais une activité supplémentaire, parfois lourde, voire dangereuse pour la psyché dans certaines expertises en matière criminelle.

Les « experts cartes de visite » et autres businessmen sont très mal vus par les magistrats et rapidement mis hors circuit.

Si votre demande est acceptée, vous serez convoqué pour prêter serment. C’est aussi le bon moment pour contacter une compagnie d’experts pour parler formations, procédures, assurance, et pour comprendre également dans quel guêpier vous êtes tombé avant de contacter les impôts, l’URSAFF et autres joyeusetés à qui vous allez expliquer votre activité (et comment ils doivent la gérer).

Mais tout cela est une autre histoire, et concernant la bouteille, n’attendez pas la clôture de votre premier dossier.

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Image: Allégorie de la Justice

Références bibliographiques:

Décret n°2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires.

– Site de la Cour de Cassation consacré aux experts judiciaires.

– Site du Ministère de la Justice et des Libertés.

Marcel 70 ans

Marcel a 70 ans et s’est acheté un PC. Un beau PC tout neuf qu’il a acheté auprès du marchand au coin de la rue. Mais Marcel n’est pas content, car au bout de trois mois son PC ne marche plus.

Alors Marcel a contacté le marchand qui lui a dit de lui amener son PC. Après l’avoir gardé deux semaines, le marchand lui a rendu en lui disant qu’il ne pouvait rien faire, que le PC n’était pas réparable à moins de changer tous les composants importants, qu’il avait du prendre une surtension liée à la foudre, qu’il aurait fallu le brancher sur une prise parafoudre…

Et Marcel, il a l’impression de se faire avoir, et ça, Marcel, il n’aime pas.

J’ai beau expliquer à Marcel qu’il ne faut pas qu’il me raconte tout ça, pas tout de suite, car le marchand n’est pas encore arrivé. Marcel ne m’écoute pas, il en a gros sur le cœur, alors il parle et me raconte son histoire. Je vois bien que Marcel est en colère, je vois bien qu’il ne m’écoute pas quand je lui explique que la procédure étant contradictoire, nous ne devons pas commencer tant que toutes les parties convoquées ne sont pas arrivées. Je cherche du regard un appui de son avocat, mais celui-ci m’indique d’un haussement d’épaule son impuissance à canaliser son client.

Marcel a 70 ans, nous sommes chez lui dans son salon, assis sur le canapé, son avocat et moi. Marcel nous a servi un café et des petits gâteaux. L’intérieur de la maison est propre et bien rangé. Il y a une petite odeur de cuisine et j’essaye de deviner le plat qu’il s’est préparé à midi. Pour détourner la conversation, je lui demande ce qu’il s’est cuisiné. Un peu surpris, il me répond et m’explique que son épouse est morte depuis cinq ans et me raconte sa vie de veuf. Le changement de sujet lui a fait du bien, il semble se détendre.

Je regarde ma montre et constate que le marchand a une demi-heure de retard. J’ai pourtant été clair sur la convocation envoyée en recommandé avec avis de réception. J’abandonne Marcel et son avocat en leur demandant de m’excuser et je téléphone au marchand. Celui-ci me répond qu’il n’a pas que cela à faire et voudrait savoir qui va payer son déplacement… Je prends alors ma voix la plus glaciale possible et lui explique que la réunion d’expertise ayant été régulièrement convoquée, celle-ci se tiendra même en l’absence d’une des parties et qu’il prend le risque de ne pas voir ses éventuelles explications prises en compte. Je lui rappelle enfin qu’il est probable que l’ensemble des frais d’expertise soit à sa charge si le magistrat en décide ainsi. Et que le compteur tourne depuis déjà une demi-heure…

Cinq minutes après, le marchand est dans la place, seul, ayant estimé inutile de se faire accompagner par un avocat. La réunion d’expertise peut enfin commencer.

Le marchand prend toute l’affaire de très haut et commence à dénigrer l’avocat de Marcel. Celui-ci ne se laisse pas faire et explique au marchand quelques aspects intéressants de la loi en matière commerciale. Je les laisse s’expliquer un peu en regardant Marcel. Celui-ci s’est assis dans un fauteuil et regarde la scène avec un petit sourire. Il a sur ses genoux un dossier contenant toutes les pièces qu’il a rassemblées.

Une fois que le marchand s’est fait calmer par l’avocat de Marcel, je reprends la parole et explique que je souhaite entendre successivement chaque partie dans le calme, explique mon rôle auprès du tribunal et énonce les missions qu’il m’a données. Je passe la parole à Marcel qui semble ravit de recommencer à tout m’expliquer: l’achat du PC auprès du marchand, l’achat d’une prise parafoudre sur les conseils de son fils, facture à l’appui avec date antérieure à celle de l’achat du PC, sa découverte de l’informatique sur son nouveau matériel, avec l’aide de son fils, la panne inexpliquée au bout de trois mois et le refus du marchand de faire jouer la garantie après avoir gardé le matériel deux semaines.

Marcel s’exprime avec des mots simples. Il est en colère mais sa voix ne tremble pas. Son avocat a sa main posée sur son bras. Il a probablement à peu près l’âge de son fils. Le marchand est debout dans un coin de la pièce et a du mal à garder son calme. Une fois que Marcel a terminé, je passe le bâton de parole au marchand.

Celui-ci explique que la carte mère a subit un choc électrique dû à une surtension qui n’est pas couverte par la garantie, que son équipe et lui ont déjà passé beaucoup de temps sur ce dépannage, un temps supérieur à la valeur marchande du produit.

En présence des deux parties, j’ouvre l’unité centrale du PC et constate l’absence de traces visibles de surtension. Je constate la présence d’une multiprise parafoudre sur laquelle est branchée l’alimentation de l’unité centrale ainsi que l’écran de l’ordinateur. Je constate que l’écran fonctionne correctement en le branchant sur mon PC de test que j’ai amené dans mon coffre de voiture. J’y branche dessus à titre de vérification le disque dur du PC de Marcel, le lecteur DVD et l’alimentation. Tous ces éléments fonctionnent correctement. Après plusieurs tests, je constate que seule la carte mère est défectueuse.

Pendant tout ce temps, Marcel observe avec intérêt mes manipulations. Je le vois même prendre des notes de mes explications, ainsi qu’une photo.

« C’est pour mon fils » m’explique-t-il.

Dans mon rapport, j’indique au magistrat que la cause de la panne est un défaut sur la carte mère, défaut d’origine inconnue, apparu pendant la période de garantie. J’indique la date approximative de la panne, basée sur l’analyse du disque dur, sur les déclarations de Marcel et le dépôt du PC chez le marchand pour réparation. Je joins au rapport un extrait des analyses d’ERDF des impacts de foudre sur la période concernée sur son réseau de distribution, montrant qu’aucune fluctuation n’a eu lieu à cette date.

Un an et demi après, j’ai appelé le greffe du tribunal pour essayer de connaître la décision du tribunal. La greffière m’a répondu: « remise en état de l’ordinateur concernant le dommage matériel, paiement des honoraires d’avocat et des frais d’expertise, et enfin un dommage moral au titre du préjudice d’agrément, le tout entièrement à la charge du marchand ».

Aujourd’hui Marcel est mort, mais je suis sûr qu’avant de disparaître, il ne s’est surement pas laissé faire.

Stats 2011

Tenir un blog, c’est aussi aller de temps en temps regarder les statistiques de consultations, c’est-à-dire les traces que vous laissez lorsque vous me faites l’honneur de venir par ici.

Seulement voilà, aucun outil n’existe pour établir des données véritablement fiables, ce qui constitue souvent un casse tête pour les dircoms et leurs webmasters.

Pour ma part, j’utilise Google Analytics depuis l’ouverture de ce blog et cela m’amuse de savoir que mes lecteurs de 2011 utilisent à plus de 58% Firefox, devant Chrome (17%) et IE (12%).

Pour avoir une petite idée de la volumétrie, Google Analytics m’indique que pour l’année 2011, le blog a reçu 135 351 visites contre 126 040 en 2010 et 103 767 en 2009.

Mais comme vous revenez plusieurs fois sur le blog, je trouve le paramètre « visiteurs uniques » plus pertinent (pour ce qu’il vaut réellement…):

53 694 en 2011

56 061 en 2010

42 514 en 2009

Mais si vous revenez, c’est qu’un nouveau billet est annoncé par votre agrégateur de flux RSS, un tweet ou un de vos cercles Google+ (à moins que vous soyez simplement plusieurs derrière un proxy a venir lire le même billet). C’est pourquoi, je trouve que l’indicateur le plus pertinent est le nombre de visiteurs uniques divisé par le nombre de billets à l’année:

53 694 visiteurs uniques en 2011 pour 50 billets, soit 1073 lecteurs

56 061 en 2010 / 60 billets, soit 934 lecteurs

42 514 en 2009 / 112 billets, soit 380 lecteurs

27 471 en 2008 / 146 billets, soit 188 lecteurs

17 687 en 2007 / 200 billets, soit 88 lecteurs et

876 en 2006 / 52 billets, soit 16 lecteurs.

Bien sur, ces chiffres sont très approximatifs, car un nouveau lecteur peut très bien lire plusieurs billets en une seule visite, ou comme je l’ai dit, plusieurs lecteurs se cacher derrière une seule adresse IP. Ma famille, mes amis, ma sœur, mes cousins et leurs amis ont très bien pu mettre en place une stratégie de clics à partir de plusieurs ordinateurs/téléphones/tablettes depuis chez eux ou depuis leurs employeurs pour faire augmenter les stats de ce blog, pensant me faire plaisir.

En 2011, vous étiez dans 130 pays, ce qui ne lasse pas de me faire voyager virtuellement dans des contrées où je n’irai probablement jamais.

Ceux qui viennent ici en passant par un moteur de recherche, ont très majoritairement tapé dans celui-ci le mot clef « Zythom » (7982), en 2e position vient « expert judiciaire informatique » (365) puis « devenir expert judiciaire » (254), ce qui me gène un peu pour quelqu’un qui parle pas mal de son service militaire ou de ses souvenirs d’enfance 😉 Vous êtes quand même 109 à atterrir ici après avoir tapé « images pedophiles », 108 pour « image pédophile », 85 « image pedophile », 74 « image pedophilie », 71 « images pédophiles » et 5 « nudisme et pédophilie »… Je ne juge pas ces visiteurs, car je pense à la citation suivante: « Je me suis jeté dans la boue plus d’un demi-million de fois. Cela permet-il d’en déduire quoi que ce soit sur mon état mental? » Sepp Maier (gardien de but allemand).

Si vous êtes venus ici après avoir cliqué sur un lien ailleurs que dans un moteur de recherche (ou dans vos marques-pages), vous êtes, en 2011:

– 16076 en provenance de maitre-eolas.fr

– 1908 via boulesdefourrure.fr

– 1375 via sid.rstack.org

– 1234 via sebsauvage.net

– 969 via maitremo.fr

– 542 via laplumedaliocha.wordpress.com et

– 530 via standblog.org

Que tous ces grands blogueurs en soient remerciés. On dit parfois que le blogueur est un loup pour le blogueur, mais ce n’est pas nécessairement vrai.

Vous êtes 66% sous Windows, 17% sous Linux et 12% sous Mac. Seuls 1,3% d’entre vous ont la chance de me lire sur fond blanc sur iPhone…

Et n’oubliez pas, alors que 2012 sera l’année des sondages, « Les statistiques, c’est comme le bikini. Ce qu’elles révèlent est suggestif. Ce qu’elles dissimulent est essentiel. » (Aaron Levenstein)

To do is to be (Platon)

To be is to do (Marx)

Doo be doo be doo (Frank Sinatra).

2011 est mort, vive 2012

En relisant mon billet de l’année dernière, je me rends compte qu’il est toujours valable concernant les différents bilans sur mon activité d’expert judiciaire et mes vies professionnelle, publique et personnelle. La vie continue, et une année est passée dont j’ai relaté certains évènements ici même.

Il me faut par contre faire le point sur ma liste de résolutions 2011:

– être toujours vivant, si possible en bon état [ok, ça, c’est bon]

– arriver à obtenir le paiement des expertises judiciaires effectuées (deux ans de retard) [OUI, le solde m’a été réglé juste avant Noël !!]

– acquérir une paire de lunette vidéo 3D [raté, mais j’ai toujours bon espoir d’une baisse des coûts avec l’arrivée des TV 3D]

– arriver à faire fonctionner cette $#%µ& régulation de chauffage au boulot [raté, mais le propriétaire a prévu des travaux au budget 2012…]

– faire évoluer les serveurs web du boulot [YES, outre un gros projet d’évolution de notre ERP, un projet Extranet a démarré en 2011 et se poursuivra sur 2012]

– faire un peu plus de sport et plus régulièrement [OUI, vélo tous les jours + aviron une fois par semaine]

– m’intéresser de plus près aux outils des Pentesters [raté, là aussi, c’est un métier. Par contre, je suis invité en 2012 à une manifestation importante sur la sécurité, j’en parlerai ici même]

– assister au moins une fois à une Berryer [encore raté]

– postuler pour une inscription sur la liste de la Cour de Cassation [raté]

– suivre plus de formations techniques, en particulier auprès des pentesters [raté]

– approcher quelques experts judiciaires pour leurs soutirer des billets invités [OK, mais seule une personne a accepté]

– me préparer à devenir expert judiciaire « prestataire de services » [ok ;-]

– mettre en place des enquêtes de satisfaction clients auprès des étudiants [raté]

– encourager le personnel de l’établissement à venir en vélo plutôt qu’en voiture [OUI: construction d’un garage à vélo en 2011]

– venir moi-même en vélo [Ok, cf billet ici]

– acheter un vélo [Yes]

– migrer le système d’information de mes trois sites de production [Ok pour 2]

– suivre de près la rénovation de l’école primaire de ma commune [Ok, chantier démarré et suivi de près]

– finir l’implantation de l’aire d’accueil des gens du voyage et les accueillir [raté, recours de la commune voisine :(]

– dire et montrer l’amour que je porte à mes proches et être réellement présent dans les difficultés. C’est un peu simplet, mais la vie a aussi besoin de choses simples [Ok, mais pas assez à mon goût]

Si j’ai bien compté, cela fait 12 résolutions réalisées pour 8 toujours dans les tuyaux… Finalement, l’année 2011 n’a pas été si mal de ce point de vue 😉

Comme il faut toujours aller de l’avant, je complète avec les résolutions suivantes:

– mettre à jour et étoffer l’offre de conférences sur l’expertise judiciaire (et revoir mes tarifs 😉 que je propose aux lycées, aux universités et aux grandes écoles;

– passer (et rester!) sous la barre mythique des 25 pour mon IMC

– apprendre à déléguer efficacement pour mettre en valeur mes collaborateurs et les faire progresser;

– maintenir avec plaisir le rythme de 4 à 5 billets par mois;

– continuer à répondre présent aux magistrats qui me le demandent;

– manger un fruit par jour…

Je sens que 2012 va être une belle année.

Bonne année à tous! Qu’elle vous apporte joie et bonheur.

Et parce que j’aime bien pasticher Margot Motin:

un quintal de Chantilly Powa dans ta face!

Poutoux-poutoux-coeur-paillettes-et-bonne-année

🙂

Astreintes de Noel

A quelques minutes de fêter Noël avec les gens que j’aime, j’ai une pensée pour tous les hommes et femmes qui sont ce soir d’astreinte au travail, en particulier les magistrats, policiers, gendarmes, pompiers, agents EDF et tous ceux qui travaillent dans les hôpitaux.

Et tous ceux qui sur les routes vont tenter de recoller les morceaux de vies brisées.

Je n’oublie pas non plus les informaticiens qui veillent sur le bon fonctionnement de leurs systèmes, ni les avocats qui répondent présents auprès de ceux qui ont besoin d’eux. J’ai aussi une pensée pour tous ceux qui ne peuvent pas être près de leurs amis ou leur famille pour une raison ou pour une autre.

Depuis ma maison douillette, avec mon nœud papillon un peu ridicule qui fait sourire tous ceux que j’aime, je vous adresse à tous mes meilleurs vœux de Noël.

Le don du sang

J’ai toujours eu peur des piqures et pourtant, je suis un adepte du principe du don du sang. Il me faut donc lutter en permanence contre ma phobie et faire un effort surhumain pour aller donner mon sang.

Les étudiants de l’école d’ingénieurs où je travaille organisent régulièrement la venue d’une équipe de collecte de sang. A chaque fois, je sens une peur panique monter en moi à l’idée même de devoir me faire piquer le bras.

Cela remonte à l’époque de mon service militaire.

Nous étions tous en file indienne, les 180 appelés du régiment, pour passer la visite médicale. Pourquoi celle-ci n’était-elle pas organisée en petit groupe avec horaire de convocation, je ne le saurai jamais. Une longue file d’attente était donc en place, depuis la porte de l’infirmerie, jusque dans la cour, en passant par toute une série de couloirs dans lesquels nous attendions silencieux. L’entrée dans l’infirmerie se faisait par une porte, la sortie par une autre un peu plus loin, dans le même couloir.

J’étais dans le début de la file.

A chaque sortie d’un appelé, celui-ci remontait tout le couloir pour sortir dans la cour. Nous lui demandions ce qui se passait à l’intérieur, et surtout si ça faisait mal. Les réponses étaient variables, un peu floues, et l’inquiétude régnait dans la file.

Mon tour est vite arrivé. J’entre dans la pièce. Je salue l’infirmière d’un « bonjour madame ». Elle me répond sèchement: « On dit bonjour Capitaine, et je suis médecin ». Oups. Elle me demande de me dévêtir pour l’examen. « Heu, dévêtir comment? ». « Vous vous mettez torse nu et en sous vêtement. » « Oui Capitaine. Ai-je l’autorisation de garder mes chaussettes? ». Son regard noir m’a servi d’autorisation.

[Je vous passe l’épisode toujours embarrassant de la palpation des testicules, pour en arriver directement à la prise de sang.]

« Allongez-vous ici, et tendez votre bras en serrant le poing ».

J’obtempère en prenant la précaution de regarder attentivement un détail sur le mur opposé à mon bras. C’est d’ailleurs intéressant de constater que je n’ai absolument aucun souvenir de ce que mes yeux pouvaient bien observer, mais que je sens encore aujourd’hui l’aiguille entrer dans mon bras. Je me souviens très bien également des mots utilisés par ma Capitaine-médecin en retirant l’aiguille: « Merde, merde, merde » tout en courant à l’autre bout de la pièce chercher un énorme paquet de coton.

A ma question posée d’une voix blanche: « Heuu, qu’est-ce qu’il se passe? », elle a répondu succinctement: « Rien, j’ai juste claqué la veine ».

A ce stade du récit, je dois préciser que mes notions d’anatomie remontent au découpage d’une grenouille et au dépeçage d’une moule au lycée, et que pour moi, une veine est une sorte de tuyau dans lequel coule du sang. Une « veine claquée » est donc pour moi l’équivalent d’un tuyau d’arrosage sous pression qui vient d’éclater.

En fixant le mur de plus en plus intensément, l’image qui s’impose à mon cerveau concernant mon bras gauche est donc un petit geyser de sang qui doit éclabousser toute une partie de l’infirmerie.

Je palis légèrement.

Le médecin revient immédiatement avec un ÉNORME paquet de coton qu’elle place entièrement sur mon bras blessé, en me demandant de bien vouloir le maintenir en place avec ma main valide, tout en exerçant une pression pour arrêter le sang.

Je palis un peu plus.

Elle s’empare d’une bande et entreprend d’effectuer le plus gros bandage que j’ai jamais pu voir sur un bras en emprisonnant l’intégralité du paquet de coton. Elle me montre le flacon de sang ponctionné et étiqueté. Elle me prie de bien vouloir sortir pour laisser la place au suivant.

Je me lève et me dirige avec précaution vers la sortie.

A ce moment là, une méchante idée a germé dans mon cerveau mauvais. Et si je faisais une blague à mes compagnons d’infortune?

J’ai donc mis ma veste de survêtement sur l’épaule, ouvert la bouche et essayé d’avoir la tête la plus livide possible (ce qui était relativement facile).

Je suis sorti dans le couloir.

Un grand silence s’est aussitôt fait.

J’ai remonté doucement la file d’attente.

A chaque question « qu’est-ce qui s’est passé? », je répondais « ha la vache, y m’ont pas raté! », en tenant mon bras bandé comme s’il était cassé.

Je ne sais pas si c’était les vapeurs d’éther dans le couloir ou le temps d’attente débout excessivement long, mais je sais que plusieurs appelés sont tombés dans les pommes après mon passage.

Le lendemain, je soulevais doucement l’emplâtre de coton, et miracle de la cicatrisation, seul restait de l’explosion veineuse un petit bleu.

De cette expérience, j’ai attiré beaucoup d’estime et de respect de mes camarades.

Et une peur bleue des piqures.

C’est pour cela que je dois me forcer pour aller donner mon sang.

Parce que je risque de tomber dans les pommes devant les étudiants.

Mais surtout parce que c’est nécessaire.

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PS: Lorsque j’ai pu jeter un coup d’œil à mon dossier militaire, j’ai pu y lire « flacon de prise de sang égaré ». Tout ça pour ça…

Revons un peu

Bienvenue en France!

Félicitations! Il faut du courage pour s’installer dans un nouveau pays et nous sommes heureux que vous ayez choisi la France. Vous avez entrepris un nouveau départ qui vous offre des possibilités stimulantes. Votre première année en France sera chargée d’émotions et remplie de changements. Vos chances de réussite seront plus grandes si vous prenez le temps de vous renseigner sur ce qui vous attend et sur ce qu’on attend de vous.

Le présent guide vous offre un aperçu de la vie en France. Vous y trouverez la description de vos droits et responsabilités en tant que résident permanent français ou en tant que citoyen français.

La société et les valeurs françaises peuvent différer de celles auxquelles vous êtes habitué; certaines pratiques culturelles françaises pourront vous sembler étranges en regard des normes établies dans votre culture d’origine. En même temps, certaines pratiques culturelles de votre pays peuvent être jugées inacceptables en France.

Le fait de pouvoir parler le français à votre arrivée en France facilitera votre adaptation. Chaque jour est une occasion d’apprentissage! Trouver un emploi. Participer à la vie de votre quartier. Les françaises et les français estiment qu’ils doivent prendre leurs responsabilités pour obtenir le type de collectivité dans laquelle ils désirent vivre. Tandis que vous vous habituez à la vie en France, n’hésitez pas à poser des questions. Peu importe la ville où vous vivrez, vous trouverez des gens qui vous aideront à vous adapter à votre nouvelle vie et à vous intégrer à la société française.

Dans les semaines, les mois et les années à venir, vous aurez bien des occasions de participer pleinement à la vie française. Profitez-en. Vous et votre famille pourrez grandir ensemble à côtoyer d’autres françaises et français et à contribuer à une vie meilleure pour tous. Vous êtes chez vous.

Le guide « Bienvenue en France » vous indiquera également avec qui communiquer si vous avez besoin d’aide ou si vous désirez plus d’information. Vous avez probablement déjà reçu beaucoup de renseignements généraux sur votre nouveau pays. Les pages qui suivent vous aideront à obtenir des renseignements plus précis sur certaines choses comme les cours de langue et le logement, ainsi qu’à trouver un emploi et une école pour vos enfants en France. Nous ne pouvons vous fournir tous les renseignements dont vous avez besoin, mais nous pouvons vous indiquer les noms des ministères, des organismes et des organisations qui pourront soit vous offrir de l’aide directement, soit vous diriger vers une autre source d’information.

Les organismes d’aide aux immigrants peuvent vous aider à vous tailler une place dans la société française, et bon nombre de leurs services sont gratuits. Communiquez avec eux pour connaître les services qu’ils fournissent. Vous trouverez la liste de ces organismes à la page consacrée aux services pour les nouveaux arrivants du site web « vos droits – service public« .

Nous espérons que le présent guide vous aidera à vous adapter à votre nouvelle vie, une vie que nous vous souhaitons remplie de bonheur et de succès.

Bienvenue en France!

Mode de vie des français

La France est un pays immense. Afin de comprendre ce qu’être français représente, il est important de savoir certaines choses au sujet de nos trois peuples fondateurs, soit les Gaulois (peuple celtique), les Romains (peuple italique) et les Francs (peuple germanique). La société française actuelle est en grande partie la fusion des héritages gallo-romains, des apports germaniques et du christianisme .

La vie au quotidien se déroule la plupart du temps en français. Des gens de divers horizons et de diverses religions, ethnicités et cultures se sont établis en France. Toutefois, les français partagent des valeurs centrales qui orientent et façonnent la vie de tous les jours. Nous sommes fiers de notre identité, de notre histoire et de nos réalisations.

La France dispose d’institutions juridiques et démocratiques qui remontent au Moyen Âge. Ces traditions sont encore vivantes aujourd’hui au sein du Parlement et des assemblées législatives des différents territoires. Nos lois et nos gouvernements sont là pour assurer le traitement équitable des personnes et l’égalité des chances pour tous. Nos lois protègent aussi les minorités. Ensemble, nous nous efforçons de maintenir une société sécuritaire, pacifique et prospère.

La résidence en France et la citoyenneté française entraînent des droits et des responsabilités

Les droits et les responsabilités des citoyens français nous viennent de notre histoire. Nos lois, nos traditions, nos identités et nos valeurs communes sont à l’image de ces droits et responsabilités.

Le fait de vivre en France signifie que vous partagez plusieurs des mêmes droits et responsabilités que les citoyens français. Si vous devenez citoyen français, vous jouirez de tous ces droits et devrez assumer l’ensemble de ces responsabilités.

Grâce aux sacrifices et aux efforts de gens dans le passé, vous avez aujourd’hui, en tant que résident en France, les droits suivants :

– Exprimer librement vos opinions, y compris par la liberté de presse;

– Vivre où vous désirez au pays;

– Pratiquer la religion que vous voulez ou n’en pratiquer aucune;

– Vous associer à toute personne de votre choix et vous rassembler pacifiquement;

– Être protégé contre une arrestation ou une détention illégale ou injustifiée de la part de l’État (gouvernement);

– Bénéficier des services du gouvernement français.

En tant que résident en France, vous avez notamment les responsabilités suivantes :

– Respecter la loi;

– Apprendre le français;

– Travailler pour subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille;

– Venir en aide à autrui;

– Protéger notre patrimoine et notre environnement naturel.

Les citoyens français ont aussi le droit de :

– Voter aux élections municipales, cantonales et nationales;

– Faire une demande de passeport français, et entrer au pays et en sortir librement;

– Se présenter à une élection.

En tant que citoyen français, vous avez la responsabilité de :

– Faire partie d’un jury lorsque vous y êtes appelé;

– Témoigner au tribunal, si requis;

– Exercer votre droit de vote de manière libre et démocratique.

Les françaises et français, ainsi que leurs enfants et leurs familles, s’attendent à se faire traiter avec équité, tolérance et respect. En retour, nous nous efforçons de traiter les autres de la même manière. Nous croyons en l’égalité entre hommes et femmes et ne tolérons pas la discrimination fondée sur la race, l’âge, l’orientation sexuelle ou une déficience physique ou mentale. La dignité des personnes est bien établie dans nos lois et traditions.

Il est interdit aux parents de forcer leurs enfants à se marier contre leur gré. La polygamie est illégale selon le Code Pénal, et ainsi, les mariages multiples ne sont pas reconnus par la législation française d’immigration. Ceux et celles condamnés pour avoir pratiqué la polygamie sont sujets à voir leur résidence permanente révoquée.

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Ce texte est une légère modification du début d’un texte canadien qui commence ici. J’en ai pris connaissance par un tweet de @GrandNicolas retweeté par Maître Eolas.

J’aimerais réellement que notre gouvernement, d’aujourd’hui ou de demain, s’en inspire. Il est inutile de réinventer la roue.

Il y a beaucoup de pays qui sont en avance sur nous.

Le Canada en fait partie.