Le témoin

Il arrive qu’on demande à l’expert judiciaire de venir témoigner lors d’un procès. Un de mes confrères à bien voulu me faire l’honneur de raconter son expérience sur mon blog dans ce billet.

Cela ne m’était jamais arrivé, jusqu’à cette semaine.

Je dois dire que je n’étais pas pressé de vivre cette expérience (mais suffisamment curieux quand même pour souhaiter le faire au moins une fois dans ma vie).

J’ai reçu il y a quelques mois l’email suivant:

Bonjour Monsieur l’expert,

Je vous informe que je vais vous citer comme témoin dans le dossier X dans lequel vous m’avez adressé un rapport d’expertise privée particulièrement clair et précis.

Vous allez recevoir une convocation pour une audience qui aura lieu le 1er avril (ce n’est pas une plaisanterie) au TGI de Vulcain.



Je vous remercie de me dire si vous acceptez de venir témoigner, afin que je lance la procédure.



Je vous prie d’accepter, Monsieur l’expert, mes salutations respectueuses,



Signé: Maître Spock

Enfin, ce moment tant craint était arrivé: participer à un procès, devant une cour, dans un tribunal, en public, devant tout le monde, comme dans les séries ! J’en parle aussitôt à mon épouse qui me répond d’un air entendu: « j’espère que tu seras indemnisé vas-y ça me fera des vacances« .

Je réponds donc « oui » à Maître Spock et quelques jours plus tard, un huissier de justice sonne à ma porte pour me remettre en main propre une citation comme témoin pour l’audience du 1er avril (je ne m’en remets pas) d’un tribunal situé à l’autre bout de la galaxie France…

Je note le rendez-vous dans mon agenda de ministre, je pose un jour de congé auprès de mon employeur pour cette date, je déplace les rendez-vous déjà programmés.

Le temps passe.

La date s’approchant, je prend mes billets de train et j’achète les tickets de métropolitain nécessaires à mon transport jusqu’au tribunal. Le week-end précédent, je me plonge dans le rapport que j’avais déposé dans ce dossier, j’apprends par cœur les faits, les dates et tous les éléments techniques du rapport, les annexes, les critiques remarques de la partie adverse sur mon travail, les éléments de procédure… Bref, je passe un bon week-end (qui en plus est celui du second tour des élections municipales où j’ai tenu un bureau de vote et soit dit en passant fêté ma la victoire de ma liste et ma brillante élection). Bref je bosse à fond le dossier.

Plus le jour approche et plus je sens une boule d’angoisse se former. Mon épouse me rassure: « tu vas en chier y arriver, tu es le meilleur ».

Le jour J, je prends le train le matin très tôt pour traverser la France, tellement tôt que, malgré 4 heures de train, j’arrive devant le tribunal avec deux heures d’avance. J’en profite pour repérer les lieux, trouver la salle d’audience, me présenter au greffe, me faire expliquer un peu la procédure: « bah, vous allez prêter serment, puis vous faire cuisiner répondre aux questions ».

Je trompe mon stress en allant me glisser dans le public (peu nombreux) d’un procès d’assises qui se tenait dans la salle voisine (véridique). Une histoire de cambriolage par des pieds nickelés, de coups de couteaux, de séquestration, de vol… On se détend comme on peut.

Un quart d’heure avant l’audience, Maître Spock arrive et m’explique comment il voit les choses: « vous allez être isolé dans la salle des témoins, puis l’huissier viendra vous chercher, vous prêterez serment, puis je vous poserai quelques questions, puis la cour vous posera aussi quelques questions, ainsi que la partie adverse ». Devant mon visage transpirant, il ajoute: « mais ne vous inquiétez pas, rien de compliqué. Soyez vous même et répondez sans trop entrer dans les détails techniques ».

Ok.

Donc l’inconnu total.

Je ne sais pas quand on va venir me chercher.

Je n’assiste pas aux débats.

Je ne connais pas les questions qui vont m’être posées.

Je ne sais pas où je vais poser mon sac, mon manteau, mon pull, mon écharpe (je suis en chemise car je transpire déjà 10L d’adrénaline).

Je ne sais pas qui est qui dans la salle (Président, procureur, avocats, parties). Je ne connais que deux personnes: Maître Spock et l’innocent qu’il défend.

Ah si, je sais une chose: la presse judiciaire est là.

Ok, ok.

Mon coeur bat la chamade.

[minute historique: autrefois afin de parlementer ou lors d’une reddition, on émettait un
signal avec un tambour ou une trompette ; on appelait cela battre la
chamade
, source Wikipédia]

Me voici en train d’attendre dans la salle des témoins (en fait dans la salle des pas perdus, le tribunal ne disposant pas de salle pour isoler les témoins).

Comme d’habitude, je constate avec un étonnement tout scientifique, que si l’on note t le temps d’attente, mon niveau de stress augmente proportionnellement à t, alors que mon encéphalogramme varie en 1/t…

Je fais alors la seule chose que je sais faire dans ces cas là: je récite la litanie contre la peur des sœurs du Bene Gesserit:

Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l’esprit.

La peur est la
petite mort qui conduit à l’oblitération totale.

J’affronterai ma peur.

Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.

Et lorsqu’elle
sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.

Et là où
elle sera passée, il n’y aura plus rien.

Rien que moi.

J’appelle mes followers Twitter à l’aide. Ils me remontent le moral.

Les minutes passent.

Je ne sais pas si mon affaire passe en premier (il y a plusieurs affaires convoquées à la même heure).

Les minutes semblent être des heures.

Des personnes entrent dans la salle d’audience: des personnes en robes noires, des personnes à l’air sombre, des personnes angoissées, des personnes avec des blocs notes, des avocats rigolards, un policier…

Les minutes deviennent une heure.

Je sursaute à chaque sortie d’une personne dont je suis persuadé qu’elle vient me chercher. Je n’ai pas hâte d’entrer dans l’arène, j’ai envie qu’on m’oublie, je suis pressé d’en finir, j’ai hâte d’entrer dans l’arène.

Les minutes deviennent deux heures.

J’entends quelques bribes de mots en provenance de la salle, je reconnais la voix de stentor de Maître Spock. Je sens que je vais bientôt être appelé.

Je regarde sur internet l’origine du mot « stentor » [minute culturelle: dans la mythologie grecque, Stentor (en grec ancien Στέντωρ / Sténtôr) est le crieur de l’armée des Grecs lors de la guerre de Troie. Son nom vient du verbe στένειν / sténein qui signifie « gémir profondément et bruyamment, mugir ». Il reste dans l’expression populaire « avoir une voix de Stentor » qui, dès l’Antiquité, signifie avoir une voix très puissante, retentissante et parfaitement audible. Les scholiastes d’Homère précisent que Stentor est d’origine thrace, qu’il est le premier à se servir d’une conque comme trompette de guerre et qu’il est mis à mort après avoir été vaincu par le dieu Hermès dans une joute vocale. Source Wikipédia]

J’en profite également pour relire le serment des témoins: « Je jure de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité. » (source Wikipédia: liste des serments).

Je relis la litanie contre la peur.

(normalement, si j’ai réussi mon exercice d’écriture de billet, vous êtes là maintenant chaud bouillant comme je pouvais l’être).

Quand, soudain, l’huissier audiencier sort de la salle et

(roulement de tambours)

(sonneries de trompettes)

(mon cœur s’arrête)

(je me lève, au ralenti, style « Matrix »)

(ça fait mal au doigt, hein)

Ah, tiens, non, ce n’est pas l’huissier audiencier, c’est Maître Spock.

Maître Spock:

« Bonjour Monsieur l’expert, je suis désolé, mais l’affaire est reportée ».

Ah, ok.

« Mais elle est reportée à une date ultérieure que je vous communiquerai dès que j’en aurai connaissance ».

Oui. Bien sur.

« Je suis désolé »

Oui, moi aussi.

Nous sommes sortis du tribunal pour aller prendre un verre avec la presse judiciaire. Après quelques bières, mon sang contenait à nouveau quelques globules rouges. Les discussions portaient sur le futur nouveau gouvernement. Fidèle à ma longue habitude des réunions publiques (c’est-à-dire lorsque je participe à un groupe de plus de deux personnes), je suis resté dans un coin à écouter et à boire les paroles des célébrités présentes.

Bilan:

Points négatifs:

– un procès auquel je ne pouvais pas assister (puisque cité comme témoin)

– 8h de transport (TGV, métro, RER)

– 2h d’attente car arrivé en avance

– 2h d’attente en salle des pas perdus faisant office de salle des témoins

– une journée de congés perdue

– je ne sais pas si je serai remboursé (car je n’ai pas été appelé à la barre)

– ce billet de blog qui est frustrant pour tout le monde

Points positifs:

– j’ai servi la justice et tenté de participer à la défense d’un innocent

– j’ai révisé la litanie contre la peur

– j’ai serré la main (deux fois) de Pascale Robert Diard et pris un verre avec elle.

That just made my day.

L’informatique et les divorces difficiles

Je suis souvent contacté, en tant que blogueur – expert judiciaire, par des internautes qui me demandent ce qu’ils doivent faire pour prouver telle ou telle malversation de leur futur ex-conjoint sur leur matériel informatique…

La situation est en général la suivante : un couple est en procédure de divorce, le climat est très conflictuel, et au milieu trône… un ordinateur. Non que le couple se dispute la garde de la machine (encore que certains courriels que j’ai reçus montre un certain attachement parfois et en général à du matériel « Pomme »), mais plutôt que l’un accuse l’autre d’avoir piégé l’ordinateur et de collecter illégalement un certain nombre de données.

Comment constituer un dossier de preuves permettant d’accabler l’adversaire afin de lui faire rendre gorge et de le mettre minable plus bas que terre ?

Tel est en substance la question qui m’est posée à travers ce blog. Et comme j’accepte volontiers les consultations gratuites, mais que je souhaite optimiser mes réponses sur ce thème, j’en profite pour écrire mes quelques conseils sous la forme d’un billet, ce qui me permettra d’adresser à mes interlocuteurs un simple lien plutôt qu’un copié/collé…

Exemple: Daenerys et Cersei, qui vivaient ensemble avant de gagner récemment le droit de divorcer, se livrent toutes les deux une bataille terrible, avec coup bas, dénigrements et stratégies de haine meurtrière. Daenerys accuse Cersei d’avoir installé sur son ordinateur personnel un keylogger lui permettant d’avoir eu accès à tous ces mots de passe, et de surveiller à distance toute sa correspondance. Il faut dire que Cersei est plutôt calée en informatique, la preuve, c’est elle qui a configuré le Facebook de Daenerys.

La guerre fait rage.

Heureusement, être blogueur a ses petits avantages : je suis contacté par Daenerys qui me confond avec Drogo demande de l’aide… Elle se retrouve sans le sou, nomade errant d’un appartement à un autre, avec pour seules richesses des oeufs pas frais un ordinateur MacBook Pro 15″ sous les pixels la puissance©, un iPad Air qui peut le plus pèse le moins© et un iPhone 5s 64Go toujours plus loin©. Et une seule idée: comment faire payer le plus possible Cersei pour cette infamie, elle va morfler cette salope© !

Savez vous quelles sont les professions qui voient les gens toujours sous leur plus mauvais côté ? Les proctologues et les avocats spécialisés dans les divorces… Et les avocats qui me lisent savent que la colère d’un conjoint cela peut prendre des proportions extrêmes…

Oui, mais comment faire mordre la poussière à son adversaire ?

Comment prouver sa faute ?

Comment expliquer au juge que l’autre c’est le mal et que la surveillance de ma vie privée ne relève pas ici des prérogatives de la NSA ?

Comment démonter le disque dur pour l’analyser sans risque ?

Comment le copier sans compromettre les preuves ?

Comment établir les preuves de manière irréfutables ?

De même qu’un bon avocat sait calmer la colère de son client et essaye toujours de le guider vers la procédure de divorce la moins conflictuelle possible, dans l’intérêt de tous, un bon expert saura guider son client vers le meilleur conseil technique, dans l’intérêt de tous.

Première chose à faire : éteindre son ordinateur et le ranger proprement à l’abri de l’humidité et des chocs. Le plus tôt sera le mieux. Oui, je sais, c’est un cadeau de votre amant auquel vous tenez beaucoup. Oui, c’est une machine hors de prix à laquelle vous attachez beaucoup d’importance.

Mais n’y touchez plus ! Investissez dans un nouvel ordinateur, ce ne sera que le début d’une longue série de dépenses.

Ensuite, réinitialisez tous vos mots de passe (de toutes manières, vous n’en avez qu’un ou deux, pas vrai ?). Faites le pour tous vos comptes.

Et réinitialisez vos téléphones (tant pis pour vos contacts, de toutes manières, avec le divorce, beaucoup de contacts vont disparaître…) et réinitialisez vos tablettes à leurs configurations d’origine. Recréez des comptes emails, recréez des comptes iTunes, recréez des comptes Ubuntu… Bref, recommencez une nouvelle vie numérique.

Puis contactez votre avocat, Maître Tyrion, pour lui demander conseil sur les suites à donner au piratage de votre ordinateur. Si vous êtes sur que celui-ci a été perverti par votre maintenant-ennemi-juré.

Et parmi les moyens de constitution de preuve, il y aura l’analyse réalisée par un expert judiciaire en informatique.

Je précise ici : PAS l’analyse faite par un ami qui s’y connaît, la preuve, il travaille comme informaticien dans une grosse boîte. Non : une analyse de ce type doit être faite par une personne assermentée et habituée à procéder à une analyse inforensique de matériel informatique confié par la justice. Vous ne demanderiez pas à un ami de faire un constat d’huissier, non ?

L’expert judiciaire n’est pas nécessairement le meilleur technicien du monde, ou le plus grand spécialiste en sécurité informatique, mais c’est une personne expérimentée et habilité par la justice à intervenir pour établir un rapport sur les faits et rassembler de manière scientifique les preuves avérées qu’il aura constatées.

J’oubliais : cette analyse aura un coût. Mais Daenerys est prête à tout pour se venger, non ?

La justice française ayant l’un des budgets honteusement les plus faibles d’Europe, il faudra probablement quelques années mois avant qu’un expert ne soit désigné pour procéder à l’analyse de l’ordinateur incriminé. L’expert judiciaire analysera ensuite les centaines de gigabits du disque dur. Si vous êtes sous Windows, ce sera simple mais long. Si vous êtes sous GNU/Linux ou MacOS, ce sera plus compliqué car mieux protégé. N’oubliez pas de lui fournir les différents mots de passe utilisés à l’époque.

Puis viendra la contre expertise, le procès, l’appel du procès, la cassation.

Donc, si vous êtes sûr que votre ex-conjoint a piégé votre ordinateur et que vous en avez subi un préjudice terrible, oui, cela en vaut la peine. Mais n’oubliez pas qu’un grand avocat a dit récemment: « La justice, c’est une administration à laquelle on a donné le nom d’une vertu. Ça n’est rien d’autre que cela. Elle a les qualités et les défauts d’une administration. Moi, je ne voudrais pas avoir à faire à la justice. » (source)

Une autre manière de faire consiste à se poser et à réfléchir. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Mon conjoint m’a certes joué un mauvais tour en espionnant toutes mes correspondances, mais n’est-il pas plus simple de tourner la page ? Cela mérite-t-il que j’y consacre toute cette énergie et tout cet argent ?

L’expertise judiciaire informatique peut être la bombe atomique de votre divorce. Mais un simple reset est parfois la meilleure solution – et le meilleur conseil d’ami.

Le petit garçon qui est en moi

En lisant ce billet de l’astronaute Alexander Gerst
sur le blog d’Anne @Cpamoa, je me suis posé la question « quelle part y
a-t-il encore en moi des rêves du petit garçon que j’ai été »…

Enfant, je me nourrissais des exploits des astronautes américains. La conquête de l’espace ouvrait des horizons infinis. J’étais persuadé aller dans l’espace avant la fin du (20e) siècle. Je rêvais d’impesanteur et de chute libre dans un ascenseur. Je rêvais de marcher sur Mars.

L’astrophysique regorgeait de mystères qui me fascinaient. Je regardais plein d’espoir des formules incompréhensibles dans l’encyclopédie Universalis de mes parents. Je rêvais de courbure d’espace et d’écoulement du temps.

Je dévorais tous les articles scientifiques des revus dont j’attendais l’arrivée dans la boite aux lettres avec impatience. Les Tokamaks n’avaient pas de secret pour moi. J’en avais même fait le sujet d’un exposé devant ma classe de seconde qui me laisse le souvenir d’un silence gêné et d’un professeur prompt à passer à l’exposé suivant… Je rêvais des bienfaits d’une énergie abondante et non polluante.

J’étais fasciné par la programmation des petits calculateurs qui
apparaissaient ça et là. Les progrès rapides de la puissance de calcul
et des capacités de stockage me laissaient entrevoir l’arrivée proche
d’une intelligence artificielle dont j’essayais d’imaginer les
conséquences sur la vie de tous les jours. Je connaissais tout sur la
programmation de ma petite calculette, et mes idoles s’appelaient SHRDLU et Lisp. Je rêvais d’interroger un Multivac ou un HAL 9000. Mes héros sont alors Ada Lovelace et Alan Turing.

Je passais mon temps à construire des automates cellulaires

Je construisais des vaisseaux spatiaux avec mes pièces de Meccano.

La science était ma religion, le progrès scientifique ne s’arrêterait jamais et améliorerait le monde.

Aucun de ces rêves d’enfant ne sont devenus réalité.

Il ne reste en moi que l’amertume de leur disparition.

On ne devrait jamais grandir.

Ordonnance de Louis XIV donnée à St Germain en Laye en avril 1667

J’aime bien de temps en temps me plonger dans des ouvrages anciens concernant les expertises judiciaires. Je trouve en général ces ouvrages sur internet, numérisés par Google, ou par Gallica.

En 1667, l’Ordonnance de Saint-Germain-en-Laye codifie la justice civile et pose une partie des bases du Code Louis. Les trente cinq « titres » traitent surtout de la hiérarchisation des différents tribunaux, de la discipline des magistrats et toilettent la procédure. Ils modifient aussi les règles relatives à l’état civil, constituant ainsi une importante étape dans la construction de l’État en France.

Pour mon plaisir, et peut-être pour celui de quelques experts ou juristes, je vous retranscris ici le texte du Titre XXI, intitulé: « Des descentes sur les lieux, Taxe des Officiers qui iront en Commission, Nomination et rapports d’Experts. »

[NDZ: Descentes : Action de se transporter dans un lieu par autorité de justice, ou par action policière, pour en faire la visite, pour y procéder à quelque perquisition, etc. Source Wiktionary]

J’ai ajouté parfois des commentaires sur l’ordonnance, commentaires que j’ai trouvés dans un ouvrage de 1755 rédigé par M. SALLÉ, Avocat au Parlement. Ils m’ont paru intéressants.

Attention, plongée dans l’Histoire…Vous y trouverez un peu de tout, y compris un article renvoyant les détails à un décret jamais pris (article 22) et sur les difficultés déjà rencontrées avec les photocopies (article 23) 😉

Ordonnance de Louis XIV donnée à St Germain en Laye en avril 1667

Titre XXI.

« Des descentes sur les lieux, Taxe des Officiers qui iront en Commission, Nomination et rapports d’Experts. »

Article I.

Les Juges, même ceux de nos Cours, ne pourront faire descente sur les lieux dans les matières où il ne se présente qu’un simple rapport d’Experts, s’ils n’en sont requis par écrit par l’une ou l’autre des parties, à peine de nullité, de restitution de ce qu’ils auront reçu pour leurs vacations, et de tous dépens, dommages et intérêts.

Article II.

Les Rapporteurs des procès pendants en nos Cours, Requêtes de notre Hôtel et du Palais, ne pourront être commis pour faire les descentes ordonnées à leur rapport ; mais sera commis par le Président un des Juges qui aura assisté au Jugement, ou, à leur refus, un autre Conseiller de la même Chambre ; ce qui sera aussi observé et gardé pour les descentes ordonnées en l’Audience.

[NDZ: procès pendants : on dit qu’une affaire est « pendante » lorsqu’un tribunal a été saisi et que la cause n’a pas encore jugée]

Article III.

Dans les Bailliages, Sénéchaussées, Présidiaux et autres Sièges, l’ordre du tableau sera gardé, à commencer par le Lieutenant Général et autres principaux Officiers, et les Conseillers qui auront assisté en l’Audience ou au rapport de l’instance.

Article IV.

Les Commissaires pour faire les descentes seront nommés par le même Arrêt ou Jugement qui les ordonnera.

[NDZ: Dans la France de l’Ancien Régime, le nom de commissaire est donné à partir du XVIe siècle à des agents du pouvoir royal chargés d’exécuter en son nom des fonctions temporaires dans les provinces du royaume. Il vient du verbe latin committere (envoyer en mission) et a donné « commission ». Le roi, et son conseil, peuvent nommer et révoquer à tout moment un commissaire royal, à la différence des titulaires d’offices, propriétaires de leur charge. Source Wikipédia]

Article V.

Les Commissaires ne pourront faire les descentes sans la réquisition de l’une des parties ; et sera tenue la partie requérante, consigner les frais ordinaires.

Article VI.

L’Arrêt ou Jugement qui ordonnera la descente, et la Requête portant réquisition pour y procéder, seront mis pardevers le Commissaire, qui donnera sur la première assignation un jour et lieu certain pour s’y trouver ; le tout signifié à la partie ou à son Procureur : et sera tenu le Commissaire de partir dans le mois du jour de la réquisition ; autrement sera subrogé un autre en sa place, sans que le temps du voyage puisse être prorogé, à peine de nullité et de restitution de ce qui aura été reçu.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Le temps du voyage une fois indiqué, il ne peut plus être prorogé ; ce qui est contraire aux anciennes Ordonnances, et notamment à celles de Charles VII et de Louis XII rapportées dans le Code Henry, Livre 2. titre 22 suivant lesquelles on renvoyait toutes les Commissions, au temps des Vacations, afin que le service de la Chambre ne fût point interrompu par l’absence des Officiers. Mais on a considéré depuis, que ces retards n’étaient véritablement que pour l’intérêt des Juges, et qu’ils étaient très préjudiciables aux Parties, par une suspension de huit ou neuf mois qui pouvait arriver dans les procès par ce moyen. C’est pourquoi comme depuis ces siècles reculés, on a augmenté le nombre des Officiers dans chaque Tribunal, et qu’il n’est plus conséquemment à craindre que l’absence de quelques-uns d’entre eux par rapport aux Commissions particulières, cause aucune interruption dans le service, on a mis des bornes légitimes à l’exécution de ces Commissions.]

Article VII.

S’il y a causes de récusation contre le Commissaire, elles seront proposées trois jours avant son départ, pourvu que le jour du départ ait été signifié huit jours auparavant ; autrement sera passé outre par le Commissaire, et ce qui sera fait et ordonné, exécuté nonobstant oppositions ou appellations, prises à partie, et récusations, même pour causes depuis survenues, sauf à y faire droit après le retour du Commissaire.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Une Partie qui a intérêt de s’envelopper dans les ténèbres, et qui a lieu de craindre les éclaircissements que doit répandre dans la contestation un Procès-verbal de Descente, met souvent tout en œuvre pour l’empêcher. Dans cette vue, elle attend quelquefois au dernier moment du départ du Commissaire, pour le récuser ou pour le prendre à partie. Notre Ordonnance y pourvoit, en statuant que les récusations ne pourront être proposées que trois jours au moins avant le départ. Mais il faut pour cela que ce départ ait été indiqué au moins huit jours auparavant par une signification juridique, sans quoi on ne peut imputer aucune
faute ni aucune négligence à une Partie qui ignorait le départ ou qui n’en avait point été avertie à temps, pour n’avoir pas plutôt proposé ses moyens de récusation. Mais aussi lorsqu’après avoir été avertie à temps, elle n’a pas profité
du délai de l’Ordonnance pour mettre au jour ses causes de récusation, l’opposition qu’elle peut faire par la suite, même la prise à partie et l’appel, n’empêchent point le Commissaire de passer outre au Procès-verbal de Descente; et tout ce qu’il ordonne à cet égard, à son exécution provisoire, comme faisant partie de l’instruction ; sauf ensuite, et après la Descente achevée, à faire droit, s’il y a lieu, sur la prise à partie ou les moyens de récusation proposés.
]

  

Article VIII.

Les Jugements qui ordonneront que les lieux et ouvrages seront vus, visités, toisés, ou estimés par Experts, feront mention expresse des faits sur lesquels les rapports doivent être faits, du Juge qui sera commis pour procéder à la nomination des Experts, recevoir leur serment et rapport ; comme aussi du délai dans lequel les parties devront comparaître pardevant le Commissaire.

Article IX.

Si au jour de l’assignation l’une des parties ne compare, ou qu’elle soit refusante de nommer ou convenir d’Experts, le Commissaire en nommera d’office pour la partie absente ou refusante ; pour procéder à la visitation avec l’Expert nommé par l’autre partie ; et en cas de refus par l’une et l’autre des parties d’en nommer, le Commissaire en nommera d’office ; le tout sauf à récuser : et si la récusation est jugée valable, il en sera nommé d’autres en la place de ceux qui auront été récusés.

Article X.

Le Commissaire ordonnera par le procès verbal de nomination des Experts, le jour et l’heure pour comparaître devant lui, et faire le serment ; ce qu’ils seront tenus de faire sur la première assignation : et dans le même temps sera mis entre leurs mains l’Arrêt ou Jugement qui aura ordonné la visite, à quoi ils vaqueront incessamment.

Article XI.

Les Juges et les parties pourront nommer pour Experts des Bourgeois ; et en cas qu’un Artisan soit intéressé en son nom contre un Bourgeois, ne pourra être pris pour tiers Expert qu’un Bourgeois.

[Commentaire de M. SALLÉ sur les tiers Experts: 

Sur la représentation de leur rapport, ou [les Experts] sont d’avis unanime, ou ils sont d’avis différent. Si leur avis se trouve unanime, il sert ordinairement de base au Jugement qui intervient. Mais s’ils sont contradictoires dans leur façon de penser, la Justice nomme d’office un tiers Expert pour les départager ; on observe, pour la nomination et la prestation de serment de ce tiers Expert, les formalités ci-dessus prescrites pour les autres Experts.
Cependant s’il s’agissait d’une contestation entre un Bourgeois, et un Artisan pour ouvrages de son métier, en cas de contrariété d’avis des premiers Experts nommés, on ne saurait choisir pour tiers Expert, un Artisan ; parce qu’il y aurait lieu de craindre que la considération de son intérêt personnel, dans une occasion pareille, ne le fit pencher en faveur de l’Artisan, Partie dans la contestation. C’est
pourquoi pour éviter cet inconvénient, comme c’est l’avis du tiers Expert qui fait la loi, on ne peut alors en choisir d’autres qu’un Bourgeois.
]

Article XII.

Les Experts délivreront au Commissaire leur rapport en minute, pour être attaché à son procès verbal, et transcrit dans la grosse en même cahier.

[NDZ: Autrefois, les jugements étaient recopiés à la main par les greffiers et la délivrance de la copie était payante, facturée à la page. Les greffiers avaient alors pris l’habitude de recopier l’exemplaire facturé de la décision en gros caractères (la décision était grossoyée). Aujourd’hui, en droit français, la grosse d’un jugement civil est la copie exécutoire de la décision (arrêt, jugement ou ordonnance), délivrée par le Greffe aux parties à la procédure. Au contraire, la minute (en menus caractères) est l’exemplaire de la décision conservé par le Greffe. Source Wikipédia]

[NDZ: l’article XII est à interpréter comme suit: les Experts ne sont pas obligé de rédiger leur rapport sur place, mais peuvent le transmettre au Commissaire après coup.



Commentaire de M. SALLÉ:

L’Article 185. de la Coutume de Paris assujettissait les Experts à « faire, rédiger et signer la minute de leur rapport sur le lieu, et avant que d’en partir » de peur qu’étant gagnés dans la suite par quelques-unes des Parties, ils ne se prêtassent à y changer, ou à y ôter quelque chose après coup. En conféquence on se proposait de renouveller cette disposition par un Article exprès de notre Ordonnance. Mais M. le Premier Président de Lamoignon observa que la disposition de la Coutume de Paris pouvait être bonne pour son détroit, parce que les Procès-verbaux ne se faisaient ordinairement que dans Paris ou aux environs ; mais qu’elle ne pourrait être rendue universelle pour tout te Royaume, sans causer de grands frais aux Parties ; que les Experts étaient dans l’usage, pour accélérer, de faire sur les lieux seulement leurs notes et observations qui leur servaient ensuite à rédiger chez eux leur rapport à loisir sans que cela occasionnât aucunes vacations de plus aux Parties ; qu’on ne pourrait abolir cet usage et introduire en son lieu et place la disposition de la Coutume de Paris, sans donner lieu à une augmentation considérable de vacations et de dépenses. Ces inconvénients ont déterminé à supprimer l’Article qui avait été inséré à cet égard dans le projet de l’Ordonnance.
Ainsi à l’exception du ressort de la Coutume de Paris, les Experts ne sont point assujettis à dresser leurs rapports sur les lieux ;ils peuvent en rédiger la minute chez eux, pour la joindre au Procès-verbal du Commissaire, ou la remettre aux Greffiers de l’écritoire dans les lieux où il y en a d’établis.
]

Article XIII.

Si les Experts sont contraires en leur rapport, le Juge nommera d’office un tiers qui sera assisté des autres en la visite ; et si tous les Experts conviennent, ils donneront un seul avis et par un même rapport, sinon donneront chacun leur avis.

Article XIV.

Abrogeons l’usage de faire recevoir en Justice les procès verbaux des descentes, et rapports des Experts, et pourront les parties les produire ou les contester si bon leur semble.

Article XV.

Défendons aux Commissaires et aux Experts de recevoir par eux ou par leurs domestiques aucuns présents des parties, ni de souffrir qu’ils les défraient ou payent leur dépense directement ou indirectement, à peine de concussion [NDZ: Profit illicite que l’on fait dans l’exercice d’une fonction publique. Source Wiktionary] et de trois cents livres d’amende applicable aux pauvres des lieux ; et seront les vacations des Experts taxées par le Commissaire.

Article XVI.

Les Juges employés en même temps en différentes commissions, hors les lieux de leur domicile, ne pourront se faire payer qu’une seule fois de la taxe qui leur appartiendra par chaque jour, qui leur sera payée par égale portion par les parties intéressées.

Article XVII.

Lors que les Juges seront sur les lieux pour vaquer à des commissions et descentes, et qu’à l’occasion de leur présence ils seront requis d’exécuter une autre commission, ils ne seront payés par les parties intéressées à la nouvelle commission et descente, que pour le temps qu’ils y vaqueront, et les parties intéressées à la première commission payeront les journées employées pour aller sur les lieux où la première descente devait être faite, et pour leur retour.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Pour tenir la balance exacte sur ce point, notre Ordonnance distingue deux cas ; savoir, celui où le Commissaire part du lieu de son domicile dans l’intention d’exécuter plusieurs Commissions en même temps; et celui où se trouvant sur les lieux, il est requis, fortuitement et à l’occafion de sa présence, d’exécuter une autre Commssion.

Dans le premier cas, c’est-à-dire, lorsque le Juge se transporte hors du lieu de son domicile pour exécuter plusieurs Commissions à la fois ; si quelques-unes de ces Commissions n’occanonnent point une augmentation de voyage, toutes les Parties intéressées dans chacune de ces Commissions, doivent supporter par égale portion les frais, tant du voyage que du séjour. Mais si l’une de ces Commissions donnait lieu à une augmentation de voyage, le coût de cette augmentation ne doit tomber que sur les Parties intéressées à cette Commission : c’est une charge qui leur est particulière, indépendamment de la contribution générale.
Dans le second cas au contraire, c’est-à-dire, lorsque l’exécution d’une nouvelle Commission n’est que fortuite, et que le Commissaire est requis d’y vaquer parce qu’il se trouve sur le lieu, à l’occasion d’une première qui est l’objet de son transport, les Parties intéressées dans cette Commission fortuite, n’ayant point donné lieu au voyage du Commissaire, elles ne doivent point entrer dans les frais du voyage et du retour ; elles doivent seulement payer les Vacations employées à la nouvelle Commission, au prorata du temps qui y aura été employé.
]

Article XIX.

Les Commissaires seront tenus de faire mention sur les minutes et grosses de leurs procès verbaux, des jours qui auront été par eux employés pour se transporter sur les lieux, et de ceux de leur séjour et retour, et de ce qui aura été consigné par chacune des parties, et reçu des taxes faites pour la grosse du procès verbal, et de ceux qui auront assisté à la commission ; le tout à peine de concussion et de cent livres d’amende.

Article XX.

Si les Commissaires sont trouvés sur les lieux, ils ne prendront aucune vacation pour leur voyage ni pour leur retour ; et s’ils sont à une journée de distance, ils prendront la taxe d’un jour pour le voyage, et autant pour le retour, outre le séjour.

Article XXI.

Chacune des parties sera tenue d’avancer les vacations de son Procureur, sauf à répéter si elle obtient condamnation de dépens en fin de cause ; et si outre l’assistance de son Procureur elle veut avoir un Avocat ou quelque autre personne pour conseil, elle payera ses vacations sans répétition. Si néanmoins la partie poursuivante se trouvait obligée d’avancer les vacations pour l’autre partie, exécutoire lui sera délivré sur le champ, sans attendre l’issue du procès.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Les Parties n’ayant pas pour l’ordinaire une connaissance personnelle, assez exacte de ce qui donne lieu à la Descente des Commissaires, la présence de leurs Procureurs par cette raison, est le plus souvent de nécessité absolue pour faire sur les lieux les observations, dires et réquisitions qui peuvent administrer à la Justice les lumières qu’elle cherche sur les faits contestés. C’est pourquoi on n’a jamais fait difficulté d’allouer dans ces cas les Vacations des Procureurs des Parties, sans néanmoins qu’elles puissent se faire assister d’autre Conseil, si ce n’est à leurs frais et sans aucune répétition soit provisoire soit définitive.

Mais auparavant l’Ordonnance, celui qui provoquait la Descente était obligé de payer par provision et sauf à répéter en définitif, non seulement les Vacations des Commissaire, Greffier et Huissier, mais encore celles de tous les Procureurs des Parties. Ce dernier point a paru une vexation odieuse au Législateur, et c’est ce qui l’a déterminé à régler qu’à l’avenir chaque Partie avancerait provisoirement les Vacations de son Procureur, sauf à répéter définitivement en cas de gain de cause. Par une suite de ce Règlement, si la Partie provoquante, se
trouvait contrainte, pour accélérer, d’avancer les Vacations du Procureur de l’autre Partie, elle est autorisée à en obtenir exécutoire de remboursement, sur le champ et sans attendre l’événement du procès.
]

Article XXII.

Lors que les Officiers feront des descentes ou autres commissions hors la Ville et Banlieue de l’établissement de leur Siège, ils ne prendront par chaque jour que les sommes qui seront par Nous ci-après ordonnées par une Déclaration particulière.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Dans le projet primitif de cet Article, Messieurs les Commissaires tant du Conseil que du Parlement devaient régler les droits des Officiers employés en Commissions. Mais les Commissaires n’ayant pas eu le temps de vaquer à cette liquidation, on renvoya sur cela à une Déclaration particulière qui n’a point paru depuis. Nous ne connaissons sur cela d’autre Règlement postérieur à l’Ordonnance qu’un Arrêt du Conseil en date du premier Septembre 1684 rendu pour les Officiers de la Cour des Aides à Montpellier, qui taxe aux Conseillers allant en Commission hors la ville, la somme de 15 livres par jour tant pour eux
que pour leurs valets et chevaux, lorsque le Roi sera seule Partie, et 9 livres en sus, lorsqu’il y aura Partie Civile ; au Substitut du Procureur Général, moitié ; au Greffier les deux tiers y compris la grosse, aux Procureurs le tiers et aux Huissiers le tiers. Mais cet Arrêt n’ayant point été revêtu de Lettres Patentes enregistrées dans les Cours, il n’y a pas force de Loi.]

Article XXIII.

Pourra la partie plus diligente faire donner au Procureur de l’autre partie, copie des procès verbaux et rapports d’experts, et trois jours après poursuivre l’Audience sur un simple acte, et produire les procès verbaux et rapports des Experts, si le principal différend est appointé.

[Commentaire de M. SALLÉ: 

Cet article a changé l’usage où l’on était auparavant, (du moins au Parlement) de prendre, toujours et indéfiniment, un apointement sur les Procès-verbaux de Descentes et Rapports d’Experts. Cet usage était fondé sur la difficulté qu’il y a, de faire voir à l’Audience une carte, une figure et description des lieux ; choses qui par elles-mêmes demandent une inspection personnelle et particuliere de tous les Juges, laquelle parait incompatible avec l’Audience.

[…] L’esprit général de l’Ordonnance est que tout soit porté à l’Audience, et y soit jugé, s’il est possible.]

————————————————-

Sources bibliographiques:

– Ordonnance de Louis XIV Roy de France et de Navarre donnée à Saint Germain en Laye au moi d’avril 1667 (pdf)

– L’esprit des Ordonnances de Louis XIV tome premier (Gallica)

Toutes blessent, la dernière tue

Cela fait un moment que je n’ai pas écrit de billets sur ce blog…

Est-ce parce que les élections municipales me prennent tout mon temps libre ?

Non.

Le travail préparatoire prend effectivement du temps, quelques soirs par semaine (réunions de travail, réunions publiques) et le week-end (site web, listes de diffusion, distribution de tracs, porte à porte…), mais je suis loin d’être un militant à temps plein, ce dont ma commune n’a d’ailleurs pas besoin. Je suis un citoyen qui donne bénévolement du temps pour la gestion du bien commun. Cela me donnera d’ailleurs matière à plusieurs billets, réélu ou pas.

Est-ce parce que les expertises judiciaires envahissent tout mon temps de cerveau disponible ?

Non.

Mon activité d’expert judiciaire a toujours été modeste (entre dix dossiers par an et… zéro). Cette année ne fait pas exception. Je ne cherche d’ailleurs pas à avoir plus de dossiers. Je ne distribue pas de cartes de visite aux magistrats, je ne participe pas à des manifestations où je pourrais en rencontrer, je ne développe pas de réseau.

Est-ce parce que mon activité d’expert freelance explose et que les avocats s’arrachent mes créneaux libres ?

Non.

Pour ne rien vous cacher, j’ai quelques dossiers en cours qui m’occupent suffisamment, et je suis très en retard sur mon plan marketing. Je n’ai pas complètement terminé mon site web, je n’ai pas contacté les avocats de mon réseau, je n’ai pas encore contacté les différents bâtonniers pour me faire connaître… Bref, de ce côté là, je procrastine.

Est-ce mon travail comme responsable informatique et technique qui occupe tout l’espace possible ?

Non.

Je fais un travail passionnant avec des gens compétents et passionnés. J’y consacre environ 10h chaque jour, cinq jours par semaine, 46 semaines par an. C’est une tâche éprouvante que de gérer tous les problèmes techniques d’une entreprise de 900 personnes, problèmes dans le domaine informatique, électrique, hygiène, sécurité des biens, sécurité des personnes, téléphonique, entretien, chauffage, vidéoprojection, visioconférence, réseaux, etc. Mais je suis assisté d’un groupe de personnes particulièrement compétentes.

Est-ce parce que ma chère et tendre s’est cassée une côte au ski et que je me retrouve (presque) seul à gérer la maison ?

Non.

J’ai une épouse courageuse qui sait endurer la souffrance et l’appel du devoir ! Je mets simplement beaucoup plus un peu plus la main à la pâte, je découvre les courses au drive, le poids du linge sale, le poids de ses dossiers… Bref, je porte tout ce qui est lourd (et je la bichonne bien sur). Plutôt qu’une pensée émue pour moi, je vous demande d’avoir des ondes positives pour elle afin que la douleur diminue rapidement et que sa côte se ressoude au plus vite pour qu’elle puisse enfin tout porter pour qu’elle retrouve le sourire.

Est-ce parce que le tome 5 des billets du blog s’apprête à sortir ?

Non.

La plus grande partie du travail est finie, le brouillon est à la relecture impitoyable de ma mère, ancienne institutrice. Il ne restera qu’à effectuer les corrections, vérifier la mise en page, choisir la couverture, écrire les textes de la 4e de couverture (un copier/coller)… Je réfléchis actuellement à la possibilité d’en faire un livre audio, malgré le temps que cela pourrait me prendre. Mais rien n’est décidé.

Est-ce parce que je prépare ma conférence à Pas Sage en Seine 2014 ?

Non.

Même si je commence à me demander pourquoi j’ai accepté l’invitation à parler devant des barbus (et des barbues) sous mon pseudonyme Zythom de l’univers des expertises judiciaires… J’ai déjà le titre: « Vous n’avez vraiment rien à cacher ? », le plan et les idées. Et j’ai déjà choisi ma casquette. Me connaissant, je ferai les visuels à l’arrache la semaine précédant l’événement. J’espère rencontrer des lecteurs du blog pour des dédicaces pour boire un coup et discuter.

La vraie raison qui fait que je n’écris pas de billet sur le blog est la suivante:

je joue, dès que possible, à World of tanks sur ma Xbox…

J’ai déjà deux chars lourds niveau V (un T1 Heavy et un Churchill III)!

Je vous laisse, j’ai un assaut à mener…

Mes enfants sont absolument désolés de me voir ainsi déchu devant la Xbox.

Même pas honte. Tempus fugit.

Le pédophile

J’aime bien télécharger des films de toutes sortes sur internet. Des films piratés pour la plupart, et beaucoup de films pornos. A force d’essais et d’erreurs, j’ai appris pas mal de trucs pour trouver les films qui m’intéressent. Sur les forums, les gens discutent des différents outils qui leur permettent d’échanger des programmes gratuits, des œuvres du domaine public, des photos qu’ils ont prises pendant leurs vacances. J’aime bien Shareaza que j’utilise depuis longtemps. C’est un logiciel P2P qui permet de partager tout et n’importe quoi, et surtout de trouver ce que l’on recherche.

Moi, ce que j’aime, c’est télécharger tous les morceaux de musique à la mode, enfin à la mode de ma jeunesse, c’est-à-dire la Vraie Musique. J’ai tous les tubes des chanteurs que j’aime, mais dont les DVD sont trop chers pour moi. C’est pareil pour tous les films de cinéma que je n’irai pas voir en salle parce que c’est trop cher. Enfin, c’est cher mais aussi c’est un peu la honte d’aller voir un film porno ou de le louer… Alors je télécharge en masse, tous les films pornos que je trouve avec Shareaza.

Quand j’y repense, je me rends compte que mes goûts ont évolué. Avant, j’allais sur YouPorn, avec son rangement bien pratique en catégories. J’ai testé un peu tous les genres: amateur, couples, hairy, mature, voyeur, 3D, etc. Mais très vite, ma catégorie préférée a été « teen ». Toutes ces actrices en tenue d’écolière, ou avec des couettes… j’ai trouvé ça très « stimulant ». Alors, avec mon programme Shareaza, j’ai recherché parmi tous les films pornos que je pouvais télécharger, ceux plus orientés sur les jeunes filles.

Puis de « teens », je suis passé à « preteens ».

Puis de « preteens », je suis passé à « pre teen hard core », les fameuses « pthc ». Les noms des fichiers vidéos sont évocateurs: « Allan -4yo pthc pedo », « David & Helen -10yo »… Je ne parle pas anglais, mais j’ai très vite trouvé les bons mots clefs pour télécharger les films qui m’intéressent. Mon ordinateur est allumé 24h/24 et je télécharge en permanence. J’ai plus de 10 000 films maintenant.

J’ai été surpris quand la police est venue m’interroger. Je croyais que les réseaux P2P étaient protégés et qu’on ne pouvait pas savoir qui téléchargeait… Et puis dans la masse des gens qui téléchargent, je pensais passer inaperçu. Il paraît que mon adresse IP a été « flashée » en Russie lors du téléchargement d’un fichier surveillé. Le signalement à Interpol a amené la police jusqu’à chez moi et mon matériel a été saisi. Interpol, sans blague !

Lors du procès, j’ai pu lire le rapport de l’expert judiciaire qui a analysé le contenu de mon disque dur. J’ai pu voir le regard crispé des greffiers et magistrats du tribunal quand ils ont regardé quelques unes des copies d’écran, et la liste des noms de fichiers. Mon avocat a tout fait pour éviter qu’on projette des extraits de films pendant l’audience. J’ai pu constater le dégoût dans les yeux de mes proches. Il paraît que je suis un pédophile, moi qui n’ai jamais touché un enfant.

Je suis en prison maintenant, mais je lis dans le journal que je ne suis pas le seul à faire la même chose.

C’est si facile. A portée de quelques clics.

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Mes lecteurs habituels le savent bien, je romance mes histoires pour ne pas divulguer d’informations sur les dossiers sur lesquels j’interviens, avec l’autorisation de la compagnie d’expert judiciaire de la cour d’appel à laquelle j’appartiens (relire les billets de l’affaire Zythom, en particulier celui sur la décision de la compagnie). Ce billet est donc une « romance ».

Souvent, j’écris mes textes à la première personne, parce que c’est mon blog. Ici, je voulais surprendre quelques lecteurs en écrivant le billet du point de vue du pédophile. Je me demande combien se sont fait prendre, et à partir de quelle phrase ils ont compris. Les auteurs débutants se posent toujours de drôles de questions…

J’ai écrit ce texte en réaction à tout ceux qui me disent qu’ils surfent depuis longtemps sur internet et qu’ils n’ont jamais rencontré de contenus pédopornographiques, que les médias en font trop, que la police devrait faire autre chose que de traquer les internautes, que le gouvernement utilise ce faux prétexte pour censurer la liberté d’échanger des contenus numériques… S’il est évident que des forces financières sont à la manœuvre pour éviter le naufrage de leur modèle économique, il n’est pas possible de nier que nos autoroutes de l’information ne transportent pas que des marchandises légales. S’il y a beaucoup à dire sur tous ces sujets (ce qui n’est pas l’objet de ce billet), je suis personnellement confronté aux images et films échangées par les pédophiles. J’en souffre, mais je continue, parce que je suis fier d’être un petit maillon de la chaîne des gens qui luttent contre ces pratiques.

On ne peut pas nier leurs existences.

Je souffre autant de plonger dans la pédopornographie, que d’entendre dire par les uns qu’elle n’existe pas ou peu, et par les autres qu’elle justifie l’ajout de nouvelles lois avec le prétexte de « civiliser » internet.

Les pédophiles existent.

Internet facilite leurs échanges.

Les lois actuelles suffisent amplement.

Il faut simplement donner les moyens à la justice.

AMHA.

Création d’entreprise

En 2010, je réfléchissais au développement d’une activité de conseils, pour finalement faire le saut en 2013 avec la création de ma petite entreprise.

Un vieux rêve d’étudiant… Concrètement, c’est un peu plus compliqué.

1) Le choix de la structure.

En bon ingénieur de base, j’ai une idée un peu déformée de ce qu’est réellement une entreprise, même si j’y travaille. Disons que « de mon temps », ce concept n’était pas enseigné sur les bancs, ni du lycée, ni des classes prépas, ni des écoles d’ingénieurs, ni des laboratoires de recherche…

Je me suis donc retourné vers mon épouse, et je lui ai posé LA question: « mais finalement, c’est quoi une entreprise ? »… Après quelques aspirines et questions plus ou moins saugrenues, j’ai fini par comprendre que si je voulais vendre mes services, il fallait que je crée la structure juridique appropriée, avec toutes les déclarations qui vont avec.

Comme je suis tout seul, que je propose une activité de service aux avocats, la structure qui nous a semblé la plus adapté est celle de l’auto-entrepreneur. C’est d’ailleurs celle que je conseille aux experts judiciaires qui viennent de prêter serment. C’est aussi très simple du point de vue formalités: il suffit d’aller sur le site lautoentrepreneur.fr et de suivre le mode d’emploi (avec un dictionnaire).

J’ai un avantage sur le commun des mortels: mon épouse a tout fait pour moi!

J’essaye de retenir les rôles des différents organismes: unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, impôts, organismes collecteurs de taxes, assurances, retraites… Mais rien n’y fait, je suis étrangement hermétiques à cet univers. C’est l’intérêt d’être deux !

2) L’offre de base.

Comme je l’expliquais dans mon billet de 2013, je propose mes services aux avocats selon trois axes:

– assistance technique pendant les réunions d’expertise judiciaire;

– assistance dans la rédaction des dires;

– analyse critique d’un rapport d’expertise judiciaire.

Si le premier axe est assez classique, les deux autres sont basés sur un travail à distance permettant de faire baisser les coûts d’une expertise privée. Surtout que je pratique des tarifs « de lancement d’activité »: je reçois les documents de manière sécurisée, j’en fais l’analyse préalable, j’établis un devis précis, et s’il est accepté, je démarre mon travail aussitôt. Je peux être très réactif, ce qui est apprécié par les avocats qui courent souvent contre la montre.

3) La publicité.

Comment faire connaître mes propositions de service à l’ensemble des avocats de France ?

Tout d’abord, j’ai choisi d’en parler sur ce blog, ce qui m’a paru assez naturel. C’est un blog personnel, que je tiens depuis 2006, et sur lequel je parle de tous les sujets qui me tiennent à cœur. Et celui-ci en est un. Je n’ai pas à me justifier sur mes choix éditorialistes, surtout qu’un seul clic suffit pour qu’un lecteur quitte un billet vers des cieux qu’il juge plus intéressant. Ce blog n’est plus un blog de moine comme en 2007.

J’accepte donc des missions par l’intermédiaire de ma page contact, dès lors qu’elles sont proposées par un avocat.

Mais ce n’est pas suffisant, et pas assez professionnel.

Très vite, il m’a fallu créer un site internet dédié à mon activité d’autoentrepreneur. Seulement voilà, développeur web, c’est un métier. Autant j’ai su trouver un nom à mon entreprise (qui soit parlant, joli, qui sonne bien, facile à retenir, et non utilisé…) et acheter le nom de domaine, autant je galère à fabriquer LE site qui me satisfait.

Pour l’instant, j’ai un site de base chez Gandi, inclus dans l’achat du nom de domaine, mais limité en nombre de pages, et surtout ne permettant pas l’utilisation des outils statistiques de Google (il faut passer à l’offre payante). J’ai donc décidé de développer un autre site sur une plate-forme gratuite que je connais bien: Blogger. J’entends déjà rire les développeurs professionnels… mais pour l’instant, je ne m’en sors pas trop mal, même si le résultat n’est pas encore à la hauteur de mes espérances.

Le moment le plus WTF a été quand il a fallu faire une séance photos pour illustrer le site. Me voici donc habillé en costume d’expertise, poudré pour ne pas luire comme un ostensoir (© Charles Beaudelaire), et souriant maladroitement devant l’objectif amateur de mon épouse amatrice… Sur les 30 photos, seules deux ont survécu au choix impitoyable de mon fan club familial pour se retrouver sur le site. Je me demande quand même s’il ne va pas falloir passer par une agence de professionnels. On verra quand le chiffre d’affaire aura décollé.

Un point intéressant est ma découverte de l’univers des Google Adwords, avec toutes les techniques marketings associées: campagnes de publicité, ciblage, emplacement, conversion, analyses de performances, listes de mots clés, réseau de contenu, remarketing… Autant de concepts qui me sont encore étrangers et qu’il va me falloir maîtriser. Je pense que je ferai un billet dédié à ce vaste sujet, ou du moins à la découverte que j’en ferai.

Je vais également contacter mon réseau de connaissances et d’amis. Comme je n’ai pas
la fibre commerciale, je pense privilégier le contact épistolaire individuel.
Je présenterai mon projet de services et ma demande d’aide promotionnelle (du type: « parlez en autour de vous »). Il me faut faire un beau papier à entête et me réentrainer à tenir une plume…

4) Le développement.

Je n’en suis pas là. Je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à cette activité parallèle à mon vrai métier qui me passionne aussi. Il y a aussi la vie de la commune avec les élections qui approchent, les expertises judiciaires demandées par les magistrats qui sont prioritaires, et la vie de famille avec des enfants qui grandissent trop vite !

Mais si j’ai créé cette structure, c’est pour la développer. J’ai un âge où plus personne ne viendra me chercher pour me débaucher, et où mes compétences techniques vont probablement stagner. Il faut maintenant que je vende mon expérience à ceux qui sauront le mieux en profiter.

Difficile défi, surtout pour un mauvais vendeur !

Source image: huffingtonpost.fr

Dites le avec une voiture

Le jour de la Saint Valentin 2012, en rentrant (exceptionnellement) en voiture chez moi, j’ai tracé sur le sol ces deux magnifiques cœurs, complètement par hasard.

Zythom et sa zythomobile, à Mme Zythom

Les plus sceptiques d’entre vous peuvent faire l’exercice mental qui consiste à arriver avec la voiture depuis la droite de l’image (en marche avant), tourner vers l’endroit d’où est prise la photographie, puis faire une marche arrière pour garer la voiture là où elle se trouve sur la photo (à gauche). Le haut des cœurs est fait avec les roues arrières. Vous pouvez remarquer mes traces de pas sur le bord du cœur de gauche.

La flaque d’eau était positionnée idéalement pour faire ces deux cœurs que j’ai aussitôt pris en photo et offert à mon épouse adorée (faute de mieux…).

Je vous en fait cadeau aujourd’hui, parce je pense qu’il n’est pas utile de dépenser beaucoup d’argent pour dire à ses proches qu’on les aime. Une copie d’écran peut suffire !

Comme il en faut pour tous les goûts, voici un florilège d’images déjà publiée sur ce blog et qui m’ont fait penser à la Saint Valentin, allez savoir pourquoi…

La mémoire…

Le bluff

La physique de l’amour…

Toujours l’amour

La dure réalité

L’amour autrement

En deux caractères

A toi, lecteur de passage sur ce blog…

Analyse technique de l’arrêt de la cour d’appel de Paris dans l’affaire Bluetouff

La cour d’appel de Paris a rendu ce 5 février 2014 un arrêt concernant le blogueur Bluetouff. Cet arrêt est très intéressant et, à mon avis, concerne tous les informaticiens.

Deux analyses techniques complètes ont été écrites sur le sujet :

– celle du principal intéressé : la non-affaire Bluetouff vs ANSES

– celle de Maître Eolas : L’affaire Bluetouff ou : NON, on ne peut pas être condamné pour utiliser Gogleu.

Je vous en souhaite bonne lecture.

PS: Sans blague, vous pensiez vraiment que j’étais capable de faire mieux que l’une ou l’autre de ces personnes, sur le plan de la technique informatique ou sur le plan de la technique du droit ?

PS2: Cela me gène que peu de monde ne pose clairement la question de l’appel du parquet contre un blogueur militant qui pose des questions dérangeantes sur l’implication de grandes sociétés françaises (et de leurs dirigeants), ainsi que l’État français lui-même, dans ce qui pourrait être l’un des plus grands scandales de surveillance de populations (je ne parle pas du scandale de la NSA).

PS3: Je tique un peu sur le maintien frauduleux dans le STAD de l’ANSES dès lors qu’il était impossible pour l’internaute, même professionnel, de connaître la limite entre les documents supposément confidentiels et ceux destinés au public.

PS4: Dès lors, je tique également sur le vol de données… avec un wget, sans blague ! En fait, je tique sur la condamnation. Rendez-vous en cassation, puis de nouveau en appel. Ou, comment museler un simple citoyen qui s’implique.

Porte à porte

Depuis six ans, je suis conseiller municipal dans ma commune. J’ai déjà raconté sur ce blog comment j’en suis arrivé à siéger au conseil municipal. Je vais résumer en quelques phrases.

Je me suis toujours intéressé aux projets de ma commune. C’est une petite ville tranquille de 5500 habitants. Aussi, quand mon nouveau voisin m’a indiqué travailler pour la commune et qu’il m’a indiqué que le conseil municipal avait lieu le lendemain soir (de notre conversation), et qu’il était public, j’ai dit pourquoi pas. Ensuite, une fois par mois, j’ai assisté à chaque conseil municipal dans le nombreux public de trois personnes.

Quand le nombre de bureaux de vote de la commune a augmenté, du fait de l’augmentation de la population, une des adjointes est venu me voir, aussitôt le conseil municipal terminé, pour me demander si j’acceptais de l’aider à tenir un des nouveaux bureaux de vote. J’ai dit pourquoi pas. Ensuite, à chaque élection, j’ai participé à la tenue du bureau et au dépouillement.

Quand le maire a constitué sa liste, il y a six ans, il m’a contacté pour savoir si j’acceptais d’y apparaître, en antépénultième position. J’ai précisé que je n’étais adhérent à aucun parti, il m’a dit que cela ne posait aucun problème. J’ai dit pourquoi pas. Comme notre liste était la seule à se présenter, j’ai été élu avec tous les autres membres de la liste.

Depuis, je participe à la vie de la commune en prenant part aux décisions du conseil municipal (une fois par mois) et en travaillant au sein de plusieurs commissions (communication-culture, voirie-espaces verts, impôts).

Et six années ont passé. Nous voilà en train de mener campagne pour notre ré-élection. C’est ma première participation à une campagne électorale complète. Nous nous sommes réunis plusieurs fois pour échanger et préparer notre programme. Il a fallu trouver un slogan, préparer les affiches et tracts, créer le site web, le compte Twitter, la page Facebook, planifier des réunions publiques…

Puis est venu le temps du porte à porte.

C’est une vraie découverte pour moi.

Et une difficulté…

Je suis quelqu’un d’un peu renfermé. Je ne m’approche pas facilement des gens, j’ai toujours l’impression de déranger. J’étais un très mauvais dragueur, car j’avais toujours l’impression que la fille avec qui j’essayais de démarrer une conversation voyait écrit en gros sur mon front mes véritables intentions (SEXE en lettres clignotantes)… Donc, quand je m’approche de quelqu’un avec mon tract pour essayer d’engager la conversation, je sens sur mon front clignoter le message « VOTEZ POUR NOUS », et ça me met mal à l’aise.

Heureusement, nous avons fait du porte à porte à plusieurs. L’idée était qu’un « ancien » soit accompagné par un « nouveau », c’est-à-dire qu’un membre de l’actuel conseil municipal soit accompagné d’une personne non encore élue (tous les membres actuels du conseil municipal ne se représentent pas, ce qui fait que notre liste compte des « nouveaux »). Je suis donc considéré comme « anciens » et j’étais accompagné d’un nouveau, qui se trouve être un commercial de profession. Autant vous dire que c’est lui qui m’a appris à faire du porte à porte…

Tout d’abord, ne pas faire du porte à porte trop tôt le matin (8h le dimanche matin me semble une grosse erreur). Nous avons plutôt choisi de frapper aux portes l’après-midi, samedi et dimanche.

Ne pas se tenir trop près de la porte, pour ne pas indisposer les personnes.

Se présenter, sourire, expliquer la démarche, donner les éléments clefs du message et les dates de réunion.

Ne pas insister.

Durant deux week-ends, j’ai donc écumé mon quartier avec mes collègues-assistants-mais-en-fait-c’était-moi-leur-assistant. J’ai été surpris du bon accueil général que les gens nous ont fait. Plusieurs nous ont même invité à entrer pour nous réchauffer, ou nous mettre à l’abri de la pluie. Sur 200 personnes rencontrées, une seule a été agressive en dénigrant l’action de la municipalité et des politiques en général. Toutes les autres ont été bienveillantes et (relativement) à l’écoute.

A chacun nous demandions s’il avait une remarque à nous faire, un ou plusieurs problèmes à remonter. Nous avons pris des notes de chaque point indiqué. La plupart du temps, il s’agit d’un problème de voirie ou de stationnement. Souvent les gens ne comprennent pas que la place de parking publique située devant chez eux ne leur est pas réservée. La plupart des points sont des problèmes de voisinage. Il faut expliquer que la commune ne peut pas tout, et qu’il faut se parler entre voisins. Il faut surtout écouter les gens exposer leurs problèmes. Certains sont bénins, d’autres sont terribles. Tous sont importants.

« Les poubelles sont sorties trop tôt par mes voisins. Du coup, les chiens viennent fouiller dedans, les renversent et ça met des cochonneries partout ! ». Nous prenons note, rappelons qu’il faut en parler avec les voisins. Il nous faudra aussi rappeler à tout le monde les horaires de passage du ramassage des ordures, prévoir des emplacements adaptés là où les poubelles sont renversées, discuter avec leurs propriétaires…

Une femme âgée élevant seule son enfant aveugle et handicapé moteur nous a fait part de son inquiétude sur ce qui va se passer après sa disparition. Comme elle vient de s’installer sur la commune, personne n’était au courant de sa situation, situation qu’elle gère parfaitement d’ailleurs, seule depuis 40 ans… Nous sommes restés avec elle une demi-heure à l’écouter raconter son histoire, tranche de vie extraordinaire.

Un homme s’inquiète de la construction imminente d’un lotissement. Il ne pourra plus profiter du lever de soleil sur le champ en face de chez lui. Son impasse va devenir une rue. Sa vie va changer. Il faut écouter à défaut de pouvoir convaincre.

Une dame nous parle des mauvaises herbes qui poussent dans la rue. « Avant, la commune était plus propre ». Nous lui expliquons que les jardiniers communaux passent plus souvent, mais avec un produit moins toxique, et moins efficace. La protection des nappes phréatiques commence par des changements d’habitude, et la commune doit montrer l’exemple. Pas facile de convaincre.

La Poste du centre ville a été fermée,
sous prétexte qu’il y a déjà un bureau de poste dans la zone
commerciale. Vu de Paris, deux Postes dans la même commune, ça faisait
vraiment trop riche. Les personnes âgées nous font sentir qu’elles aimaient bien aller à la Poste à pied…

« Les gens roulent trop vite, mettez (ma) rue en sens unique, ce sera moins dangereux. » Nous expliquons qu’une rue en sens unique incite les gens à rouler encore plus vite. Incrédulité…

Je constate un vrai problème de communication entre la commune et ses administrés. Beaucoup de gens ne se déplacent plus maintenant à la mairie. Les habitudes ont changé. Quasiment aucun des affichages légaux (en mairie) ne sont lus. Il faut amener l’information aux administrés, et le bulletin mensuel que nous éditons ne suffit plus. Il faudra améliorer cela.

Le porte à porte, une expérience de vie.

Surtout pour un informaticien un peu ours.

On verra si nous sommes réélus…

En tout cas, on ne manquera pas de travail !