Mélanges

J’ai plusieurs activités que je mène en parallèle : ma vie professionnelle de responsable informatique et technique, une activité d’expert judiciaire, un mandat de conseiller municipal (délégué au développement numérique de la commune), des missions de conseils auprès des avocats, une vie familiale, une identité numérique et une vie personnelle (et sportive)…

Tous ces univers sont relativement étanches et indépendants.

J’ai des collègues de travail dont je suis relativement proches, j’ai de très bonnes relations avec des confrères experts judiciaires, je m’entends très bien avec mes colistiers de la commune (même avec certains de l’opposition, c’est dire ma bonne composition), j’ai une vie familiale riche et grisante, des copains…

Mais je ne suis pas quelqu’un de très bavard (sauf quand on me lance sur mes marottes 😉 et en dehors de ma proche famille, je n’ai pas d’ami, au sens que Montaigne donnait à ce terme (Par « ami », j’entends « quelqu’un qui peut traverser la France en cas de coup dur », pas un lien Facebook)

Finalement, je me sens assez seul, et ce blog me permet de tromper ce sentiment par l’écriture, en parlant de moi (oui, je sais, ce blog perso est TRES égocentré).

Pourtant, je peine à expliquer à la
plupart des personnes que je rencontre, l’intérêt des interactions
issues du monde virtuel. Probablement parce que le mot « virtuel » n’est
pas approprié. Un blog, un compte Twitter, une page Facebook, cela permet de générer des interactions sociales, des échanges d’idées, des piques, des blagues, des nouvelles sur tous les sujets, avec des vrais gens qui vivent dans le vrai monde réel.

Les outils numériques me permettent d’échanger avec un nombre très important de personnes, sans avoir à aller boire un coup au café, sans m’abrutir devant le journal télévisé, sans attendre la prochaine réunion familiale. Cela m’ouvre sur le monde, moi qui suis un peu autiste.

Quand je retrouve les copains avec qui j’ai fait mes études, j’ai du mal à leur faire comprendre l’intérêt des blogs. J’ai beau leur expliquer que ce blog m’a permis de rencontrer des gens formidables, de discuter avec des internautes par réseaux interposés, de participer à des conférences, de progresser dans mon savoir faire et dans mes opinions, je sens une certaine résistance de leur part…

Twitter est un outil plus compliqué à expliquer, car derrière la simplicité du concept se cache des interactions et des codes plus complexes. C’est un outil également très chronophage, que j’utilise avec parcimonie, car j’ai le souhait de lire TOUTE ma ligne de temps, c’est-à-dire TOUS les tweets des personnes que je suis. Je suis aussi le roi du retweete et je tweete souvent des liens d’articles de blogs que j’aime bien. Je suis assez pauvre en création personnelle (du coup vous pouvez me suivre sans crainte d’être flooder, enfin pas souvent 😉

Ma personnalité se transforme, au gré des passages d’un type d’interactions à un autre. Je suis sérieux dans mon travail, en charge d’une équipe, d’un groupe d’étudiants ou d’un projet. Je sais décider, trancher, avancer, tel un petit Salomon de Prisunic (©Desproges). Alors que dans ma vie publique de conseiller municipal, je suis beaucoup plus hésitant, à l’écoute, près à changer d’avis. Et sous mon identité numérique, je m’épanche volontiers sur mes sentiments, mes doutes, mes souffrances, ce que je ne fais jamais dans mon univers professionnel.

Je souffre d’un trouble dissociatif de l’identité : j’ai plusieurs personnalités qui se mélangent, et chacune se complaît dans un univers particulier. C’est assez étrange. Je peux assister à un événement très privé et me faire la réflexion, tout à fait hors de propos, « tiens, ça ferait un bon sujet de blog ». Je peux me rendre compte en réunion d’expertise que le problème évoqué pourrait tout à fait concerner le système informatique de ma société. En faisant la fête avec mes copains, j’ai parfois envie d’en faire profiter mes followers sur Twitter.

Mes copains sont bienveillants envers moi, les internautes qui me lisent
aussi, pour la plupart. Mes collègues, les étudiants, les magistrats, les clients me
trouvent compétent, enfin certains. Ma famille et ceux qui me côtoient de près, me trouvent un peu étrange, comme un grand gamin. Tous ces mondes se mélangent et s’interpénètrent, comme une surface de Boy.

Je m’enrichis de ces différences et, quand « les autres » m’effraient un peu, le filtre de l’écran me rassure un peu. Je suis un enfant qui ne veut pas mûrir.

Je crois que j’abuse aussi parfois des mélanges.

Mais c’est un abus fort commun et très plaisant.

Yelena

Encore une expertise où je regarde, encore et encore, des photos de petites filles violées. Je les trie par thème de torture, par catégorie d’âge supposé, par poses pornographiques.

Et il y a cette petite fille qui revient souvent. Je l’ai appelé Yéléna.

Le décor est sordide : des pièces sombres à l’ameublement minimaliste, avec des papiers peints d’un autre temps. Les fenêtres sont sales, le matelas du lit est bosselé, les meubles abîmés. Parfois sur les photos, j’aperçois un texte en alphabet cyrillique qui me fait imaginer que tu es peut-être russe, ou bulgare, ou serbe, enfin slave quoi. D’où le prénom que je t’ai donné, Yéléna.

Depuis le temps que je trie ce type de photos, d’une expertise judiciaire à une autre, je t’ai croisée plusieurs fois, toi et ton regard triste au sourire forcé. Dans le meilleur des cas, tu es en mini bikini moulant, prenant des poses de strip clubs. Dans les pires, tu manipules des sexes d’hommes bien trop grands pour ton corps.

Et ces photos tournent, tournent, reviennent et repartent, d’un serveur à un autre, détournant cette magnifique liberté d’échange offerte par internet. Et plutôt que de lutter plus efficacement contre les tortionnaires, les politiciens prennent le prétexte de la présence de tes photos pour restreindre les libertés de tous au profit d’un petit nombre, avec des lois scélérates.

Mais de tout cela, tu n’en as cure, et je le comprends.

Le flicage d’internet, c’est en ton nom, mais ce n’est pas pour toi.

Mon rôle se limite à découvrir la trace de la présence de tes photos et films sur le disque dur d’un internaute, qui sera ensuite probablement condamné pour possession d’images pédopornographiques. Je sais aussi que des policiers traquent les pédophiles, les réseaux assouvissant leurs penchants, ceux qui prennent les photos, ceux qui vendent les corps de fillettes de ton âge. Avec un certain succès. Le droit à l’oubli, ce n’est pas pour toi.

Lors de mes premières missions en recherche d’images pédopornographiques, j’étais un jeune papa découvrant les joies et l’amour de ses enfants. La vision de ces photos et de ces
films me touchait profondément. J’ai souvent raconté sur ce blog ces moments douloureux, parce que pour moi, c’était une façon d’évacuer toute l’horreur que je ressentais.

J’ai souvent pleuré en silence devant mon écran.

Je serrais plus fort mes enfants le soir en les couchant, et je ne pouvais pas m’empêcher de penser à toi, de temps en temps. Qu’es-tu devenu ? Quel âge as-tu maintenant ? As-tu survécu à cette enfance infernale ?

Bien sur, je ne le saurai jamais.

Je continue à apporter mon aide aux enquêteurs, je fais ma petite part du labeur, avec un constat qui me fait peur : aujourd’hui, quand je regarde tes photos, Yéléna, je ne ressens plus rien. Je ne pleure plus devant mon écran. Je me suis endurci, insensibilisé. Je les trie par thème de torture, par catégorie d’âge supposé, par poses pornographiques.

Et il y a cette petite fille qui revient souvent. Je t’ai appelé Yéléna.

Cela signifie, en russe, « éclat du soleil ».

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Source photo @thereaIbanksy

La recette

Les litiges entre un prestataire informatique et son client peuvent trouver naissance dans des détails de méthodologie qui prennent toute leur importance quand il faut répartir les responsabilités.

Et souvent, c’est la mission de l’expert judiciaire.

Dans cette affaire, que je romance à titre d’exemple, le contrat est clair : le prestataire s’engage à développer un site web « avec une gestion rigoureuse et transparente en sept étapes » :

– Lancement du projet
– Spécifications fonctionnelles et techniques
– Conception graphique du site
– Prototypage
– Réalisation du site
– Tests d’intégration et de qualification
– Mise en production et lancement du site

La brochure annexée au contrat de prestation détaille chaque étape, les mérites et le savoir faire du prestataire.

Le problème ici est que le client n’a pas été satisfait du résultat de son prestataire et refuse de payer le solde de la facture, alors que le site web est en ligne et fonctionnel. Le ton est monté, les courriers en recommandé échangés, puis l’affaire s’est retrouvée devant la justice qui a désigné un expert judiciaire pour tirer les choses au clair…

Et me voilà en charge du dossier.

Il est facile d’imaginer un mauvais client qui, quoiqu’il arrive, ne sera jamais satisfait de la prestation qu’il trouve très chère pour un résultat qui sera toujours insuffisant à ses yeux.

Il est tout aussi facile d’imaginer un prestataire qui vend très chère une prestation basique à un client ignorant des choses techniques, certaines affaires récentes mettent même en avant des sommes considérables englouties dans des développements web où les difficultés techniques sont sans rapport avec les montants facturés…

Cette différence de connaissances entre un prestataire et son client se traduit par des obligations pour le prestataire. Elles sont principalement de deux types : l’obligation de conseil et l’obligation de renseignement.

D’après le « Lamy informatique et réseaux » (en sa version 2010, si quelqu’un veut me sponsoriser pour la version la plus récente, je suis preneur. M. Lamy si vous me lisez…), l’obligation de conseil du professionnel informatique s’inscrit dans une obligation plus large qui est l’obligation d’information. Cette dernière suppose, outre l’obligation de conseil, une obligation de renseignement et une obligation de mise en garde.

Par exemple, certains fournisseurs n’hésitent pas à insérer dans leurs contrats informatiques une clause stipulant que :

« Le client est conscient que le projet informatique qui va être développé entre les parties au sein de son entreprise est complexe et qu’il est susceptible de remettre profondément en cause son organisation et ses méthodes de travail, ainsi que la qualification du personnel et suppose une collaboration étroite entre les parties, un dialogue permanent dans un esprit de confiance et de respect mutuel. »

Le prestataire doit donc, pour se dégager de toute responsabilité, attirer l’attention du client sur les contraintes d’utilisation du système, les exigences de l’environnement du système et de toutes les difficultés éventuelles auxquelles le client pourra faire face durant les phases de démarrage et d’utilisation du système.

Le devoir de conseil est renforcé lorsque le client est profane ou peu expérimenté, ainsi que le rappelait déjà la Cour d’Appel de Paris en 1983 : « (…) ce devoir étant d’autant plus rigoureux que les clients sont mal informés en la matière ».

C’est particulièrement flagrant lors du déroulement de la procédure de recette.

Lors des débats, le prestataire a affirmé que « la mise en ligne du site vaut quasiment (sic) pour acceptation de la recette, puisque le site devient dès lors visible au public », puis ensuite que « le site est en ligne et fonctionne, il est donc officieusement (sic) en phase de maintenance »

Je ne suis pas de cet avis, car s’il est en effet courant de mettre un site internet en ligne alors qu’il est toujours en phase de développement, pour la simple raison qu’il faut faire des tests « grandeurs natures », l’usage est de mettre les codes sources du site sur un serveur dit « de pré-production », avec une adresse web provisoire, commençant par exemple par www4, et paramétré pour ne pas être indexé automatiquement par les moteurs de recherche, pour éviter qu’il ne soit utilisé par les internautes. Le site est donc en ligne pour subir des tests en condition réelle de fonctionnement, avec comme objectif de faire valider le travail par le client. Le fait qu’il soit en ligne et qu’il « fonctionne », ne signifie pas non plus qu’il est en phase de maintenance. Il manque la recette par le client.

L’obligation de réception qui pèse sur le client est la contrepartie de l’obligation de délivrance qui pèse sur le prestataire informatique. Cette obligation de réception existe dans tous les contrats informatiques, qu’ils aient pour objet la vente ou le louage d’un matériel, d’un système informatique, la fourniture d’un logiciel ou d’une prestation informatique. Elle est importante notamment du fait que son exécution conditionne généralement ensuite le paiement du prix (CA Paris, 13 mai 1981, Sté ICL c/ Sté provencale de surveillance, Juris-Data, n°22752), qui est une des obligations majeures du client.

Pour satisfaire à son obligation de réception, le client met généralement en œuvre une procédure convenue à l’avance avec son cocontractant que l’on dénomme « procédure de recette ». Les modalités de sa mise en œuvre par le client varie cependant suivant les contrats et la nature des livrables.

Lorsqu’il s’agit d’effectuer la recette d’un matériel informatique, le client doit généralement établir un procès-verbal de réception qui atteste que le matériel livré paraît conforme à ce qui avait été commandé. Les choses deviennent plus complexes lorsqu’il s’agit pour le client de prononcer la recette d’un logiciel spécifique. Il est alors usuellement pratiqué un processus de recette en deux étapes successives : une recette provisoire, suivie d’une recette définitive.

La recette provisoire correspond à la phase initiale de vérification du livrable à satisfaire aux spécifications du contrat (la recette provisoire d’un site web est en générale effectuée en ligne sur le serveur de pré-production), tandis que la recette définitive, qui intervient ultérieurement, permet de vérifier le bon fonctionnement du logiciel ou du système en service régulier (c’est-à-dire, comme dans la terminologie des marchés publics, dans des conditions proches de l’activité opérationnelle, et, en l’espèce, en ligne, sur le site définitif de production).

Toute difficulté considérée par le client comme affectant l’aptitude du logiciel ou du système doit faire l’objet d’une réserve accompagnée de fiches d’anomalies remises au prestataire (voir not. Bitan H., Contrats informatiques, Litec, 2002, n°21). Si les anomalies constatées sont particulièrement bloquantes (c’est-à-dire qu’elles empêchent toute mise en œuvre suffisante du logiciel ou du système durant la phase de recette définitive), le client peut aussi surseoir à prononcer la recette provisoire tant que ces anomalies ne sont pas corrigées.

On voit donc bien que la simple mise en ligne d’un site web et son accès (supposé) au public, ne peuvent pas suffire à justifier l’acceptation de la recette du site (et encore moins tacitement).

Il importe donc que le prononcé de cette recette soit mûrement réfléchi. En cas de difficultés techniques particulières ou d’un niveau d’anomalie trop important, il est prudent pour le client de refuser de prononcer la recette définitive et de réclamer une nouvelle période de tests de validité, voire de réclamer après deux recettes manquées, la réécriture de tout ou partie de l’application, sous peine de demander la résiliation du contrat aux torts du fournisseur.

Je vois trop souvent des dossiers où le client fait une confiance aveugle à son prestataire en refusant de réfléchir sur les aspects pourtant basiques relevant d’une gestion de projet informatique. Certes le prestataire est un sachant technique, mais le client doit prendre sa part dans la gestion de projet, et une bonne procédure de recette en fait partie. Ce que ne peut ignorer le prestataire.

Pour des raisons évidentes de confidentialité, je ne peux pas vous dire quelle était, à mes yeux, la répartition des responsabilités dans ce dossier, mais j’espère vous avoir fait réfléchir sur l’importance de la gestion de projet (des deux côtés de la barrière), sur la procédure de recette en particulier, et enfin sur le rôle d’un expert judiciaire en informatique.

Quot homines, tot sententiae

Autant d’hommes, autant d’opinions

Térence, Le Phormion, v. 454

6e saut PAC

Le sixième saut de la formation PAC est le dernier saut accompagné avec un moniteur. L’objectif de ce saut est de faire des rouleaux longitudinaux dans un sens, puis dans l’autre. C’est assez rigolo (voir vidéo). Le moniteur m’a aussi proposé de choisir tout seul ma manière de sortir de l’avion : j’ai choisi « sortie de dos avec double salto arrière ».

Mais le souvenir marquant que j’aurai de ce saut est la perte de mes surlunettes…

Sur la vidéo, à 38″, on voit bien que je cherche à remettre en place les surlunettes qui protègent les yeux et recouvrent mes lunettes de vue. A 40″, j’abandonne car j’ai compris très vite que je ne réussirai pas à les remettre. Je fais alors une croix sur mes lunettes de vue qui risquent de partir à tout moment (j’ai des branches droites) à cause de la vitesse de chute.

Après le débriefing, le moniteur (à qui rien n’échappe), m’a félicité pour ma gestion du problème en me racontant que certaines personnes préfèrent mettre la priorité sur la conservation des lunettes plutôt que sur la gestion du saut…

Ce qui est le plus amusant, c’est que ma seule pensée pendant cette fin de chute libre a été la question suivante : « si je perds mes lunettes de vue, est-ce qu’elles peuvent blesser quelqu’un ? ». Bien entendu, mon cerveau était pas mal occupé par la gestion de mes émotions et du saut pour ne pas se lancer dans des calculs de vitesse limite de chute…

Cela ne m’a pas empêché de mettre les deux mains sur les yeux (à 1’05 ») pour éviter que mes lunettes ne soient éjectées lors de l’ouverture du parachute 😉

6e saut PAC… et le problème des lunettes !

Ce billet clôt cette série sur mon apprentissage du parachutisme. Le septième saut (et dernier de la formation PAC) est un saut solitaire (ie sans moniteur). C’est le saut qui m’a fait le plus peur. Je l’ai déjà raconté dans le billet « septième ciel« . J’ai depuis effectué également deux autres sauts en solo, avec toujours autant de sensations, le week-end qui a suivi mon stage de formation (j’étais toujours en vacances).

Pour ceux que cela intéresse, il faut savoir qu’un stage PAC coûte assez cher : 1300 euros pour 7 sauts, mais qu’ensuite, chaque saut coûte « seulement » 40 euros (location du parachute incluse). Tous les clubs ne proposent pas ce type de formation, renseignez-vous avant de vous déplacer. Je vous recommande bien sur le club de Royan où j’ai fait ma formation : « Europhénix 17« , mais comme je n’ai pas encore pratiqué d’autres « Drop Zones », je ne suis pas forcément d’un bon conseil 😉

J’ai appris beaucoup de chose d’un sport passionnant, mais il me reste encore beaucoup à apprendre. La seule chose que j’ai refusé d’apprendre, car cela me stressait trop, est le pliage du parachute. J’ai été le seul stagiaire à faire son septième saut avec un parachute encore plié par un professionnel : tous les autres stagiaires ont sauté avec un parachute qu’ils avaient pliés eux-mêmes ! Chacun ses limites dans la gestion du stress, les miennes commencent là. Peut-être apprendrai-je en 2015, car cela me semble faire partie de la philosophie des pratiquants, et que les sensations fortes sont aussi le moteur de ce sport…

Un ouvrage pdf que j’ai trouvé bien fait et complet (pour ce que je peux en juger) et que je recommande à ceux qui veulent réviser la théorie enseignée pendant la formation : Manuel Notions de Base – Premiers sauts et perfectionnement (site de la Fédération Française de Parachutisme).

Et n’oubliez pas : « Les esprits sont comme les parachutes, ils ne fonctionnent que lorsqu’ils sont ouverts » (Louis Pauwels).Les esprits sont comme les parachutes. Ils ne fonctionnent que quand ils sont ouverts.

Source citations sur la page Parachute – Citations – Dicocitations

5e saut PAC

C’est le quatrième jour de formation. Tous les stagiaires se sont levés très tôt pour être présents comme demandé dès 8h à l’ouverture du club. Le temps semble meilleur que les jours précédents : pas de vent, et une couche nuageuse qui semble peu épaisse.

Je fais partie de la deuxième rotation du jour : je monte donc rapidement dans l’avion sous le regard envieux de mes camarades. Le temps peut changer rapidement, le vent se lever, donc personne n’est jamais sûr de sauter (même une fois dans l’avion, le vent peut être trop important en altitude).

Objectif de ce saut : faire une sortie de l’avion en roulé-boulé avant, puis des rotations de 360° à plat, à droite et à gauche.

C’est la vidéo qui a le plus impressionné mes enfants et mes neveux et nièces ! La sortie en roulé-boulé est plutôt amusante à faire (voir vidéo). Quand je tends les bras et les jambes, je me retrouve cette fois sur le dos, alors que je n’ai rien demandé. Du coup, je peux faire le retournement que je n’avais pas pu faire lors du saut précédent (voir 4e saut PAC) : il suffit de bien se cambrer, et HOP on se retourne comme une crêpe. C’est tellement rapide que j’ai une jambe qui part en avant et que je ressemble à un pantin désarticulé (tous les enfants ont bien rigolé avec cette vidéo). Les virages à plat sur 360° sont plutôt réussis, mais je perturbe l’harmonie de la figure en regardant mon altimètre comme on regarde sa montre (ce qui stoppe net la rotation).

5e saut PAC, ou le pantin désarticulé qui cherche à se stabiliser 😉
Musique audionautix.com (Pentagram)

Le vol sous voile s’est bien passé. Le moniteur m’a fait faire mes premiers 360° sous voile (pour me faire descendre plus vite). C’est très impressionnant !

Contrairement à toutes les autres prises de terrain (effectuées en U), cette fois-ci, le moniteur m’a fait exécuter une approche en S (voir image ci-dessous).

Source image : FFP (pdf)

Atterrissage sur les fesses, mais ça, je commence à avoir l’habitude 😉

4e saut PAC

Après mon atterrissage à la Usain Bolt de ce matin (lire 3e saut PAC), le deuxième saut de la journée est beaucoup plus calme, même si le vent est limite TRES fort…

L’objectif du saut est de savoir de retourner quand on se retrouve comme une tortue sur le dos. Pour varier les plaisirs, la sortie de l’avion se fera de dos. Petit frisson garanti pour un débutant comme moi ! Le vrai problème, c’est que je me suis retrouvé immédiatement sur le ventre, et que malgré mes efforts, je n’ai pas réussi à me mettre sur le dos pour faire l’exercice. Sur la vidéo, on voit mes piteux efforts pendant trois secondes pour essayer de me mettre sur le dos. J’arrête assez vite pour me concentrer sur la stabilisation de ma position. C’est en effet (et je ne le savais pas) la première fois que le moniteur ne me tient pas du tout pendant la première partie de la chute libre. Du coup, je découvre un balancement d’avant en arrière que j’ai du mal à corriger…

Je passe le temps en essayant de faire des 360° à plat, sans avoir prévenu le moniteur qui me fait vite comprendre que c’est lui le boss (il me prend fermement par le bras !)

J’ai changé de combinaison à la demande du moniteur, qui voulait que je porte quelque chose de (beaucoup) plus ample pour freiner un peu ma chute. Son explication : « j’en ai marre de donner un coup de rein pour te rattraper à cause de ton poids à cause de ta combinaison trop moulante ».

4e saut PAC

Le vent est encore plus fort que le matin, la descente sous voile se fait immobile, face au vent, face à la mer, avec une vue magnifique. Un moment magique !

J’écoute un peu moins les ordres donnés dans mon oreillette, d’autant moins que, comme le matin, il y a deux voiles de la même couleur. L’atterrissage est cette fois presque parfait, mais toujours sur les fesses.

Je commence à me prendre en main.

Je commence à faire le tri dans mes sensations : je suis moins béat.

Je sens la peur commencer à s’infiltrer en moi, et cela me rassure : rien n’est plus dangereux dans une activité à risque qu’une personne qui n’a pas peur.

Ce qui commence à me faire peur, c’est la procédure de secours.

Extrait du manuel :

« En cas de mauvaise ouverture du parachute principal, il sera nécessaire d’effectuer une procédure de secours. Cette procédure consiste à se désolidariser de sa voilure principale en tirant sur la poignée de libération (O_O) pour ensuite déclencher l’ouverture de la voilure de secours en tirant sur la poignée d’ouverture de son conteneur. Cette procédure permet d’éviter une interférence entre votre voilure principale mal ouverte et certainement instable et votre voilure de secours.« 

Vous avez bien lu, en cas de problème avec votre parachute mal ouvert, il faut le larguer ! Oui, oui ! Donc imaginez un peu : vous êtes en chute libre, c’est génial, vous faites des supers figures, et puis vient le temps où l’altimètre vous dit que le sol se rapproche fissa. Vous ouvrez le parachute et PAF, il s’ouvre mal (voire pas du tout). Donc, là, il faut DECIDER tout seul de virer le parachute, alors que vous êtes secoué de tous les côtés, balancé ou en rotation rapide, pour retomber en chute libre (le sol se rapproche encore plus vite), puis de tirer sur une AUTRE poignée, pour ouvrir le parachute de secours.

Mais oui.

Pour cela, on s’entraîne au sol, physiquement ET mentalement.

Il faut :

1) regarder la poignée de libération (à droite)

2) la saisir à deux mains (sans la tirer tout de suite)

3) porter le regard sur la poignée du parachute de secours (à gauche)

4) tirer la poignée de libération à fond sans quitter du regard la poignée du parachute de secours

5) saisir la poignée du parachute de secours

6) la tirer à fond (et prier).

Après renseignement auprès des moniteurs, il semble qu’un saut sur 1000 nécessite une procédure de sécurité.

Sincèrement, je ne sais pas comment je vais réagir si cela m’arrive… Je sens la peur s’insinuer sournoisement en moi. C’est le moment d’une petite litanie contre la peur :

Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l’esprit.

La peur est la
petite mort qui conduit à l’oblitération totale.

J’affronterai ma peur.

Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.

Et lorsqu’elle
sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.

Et là où
elle sera passée, il n’y aura plus rien.

Rien que moi.

J’ai hâte pour mon saut suivant !

3e saut PAC

Troisième jour de stage. J’ai dormi comme un bébé suite aux deux sauts de la veille. L’altitude, le stress, l’âge, tout ça quoi… Le temps est meilleur mais le vent est assez fort (8 m/s), juste au dessous de la limite autorisée (10 m/s je crois).

Ce vent va avoir des conséquences importantes sur mon troisième saut, vous allez voir…

L’un des objectifs de ce saut est d’apprendre à tourner à plat, à gauche, puis à droite. Pour cela, c’est très simple, dixit le moniteur, il suffit d’enfoncer le coude dans l’air (coude gauche pour tourner à gauche, droit pour tourner à droite). Pas si simple pourtant quand on manque de souplesse… 

« Sauter d’un avion en parfait état n’est pas un acte naturel. Alors exécution et profitez de la vue », disait le sergent Tom Highway (Clint Eastwood) dans Le Maître de Guerre. La sortie de l’avion est toujours OK, je ne ressens pas de peur particulière. La température extérieure est aujourd’hui de -5°C, mais je ne sens pas la morsure du froid. Je suis concentré sur l’exercice et surpris que cela fonctionne correctement, mais pas autant que je le voudrais. J’étais sensé faire un 360° à gauche puis à droite (en suivant les signes du moniteur), mais je n’ai osé faire que des timides quart de tours (voir la vidéo).

C’est donc 45″ de chute libre plutôt calmes, je commence à sentir les choses un peu mieux, même sans vraiment maîtriser grand chose. La traversée du nuage (à 31″) reste un moment impressionnant pour moi. Les choses vont se compliquer à l’atterrissage.

3 saut PAC – tourner à plat

Ce que les vidéos ne montrent pas, puisque ce n’est pas moi qui filme, c’est toute la partie « vol sous voile », c’est-à-dire après que le parachute se soit ouvert. Il semble que les parachutistes s’intéressent d’ailleurs plus à la chute libre qu’à cette phase là, dite de transport.

Avant d’atterrir, donc, vous profitez pendant 5 à 6 mn d’une descente lente sous voile. Enfin, lente, c’est vite dit puisque la vitesse de chute est d’environ 4 m/s, soit 15 km/h. Pour illustrer, cela correspond à peu près au saut que vous feriez si vous montez sur votre bureau… A mon âge, c’est rude ! (on ne se moque pas)

Première chose à faire dès que la voile s’ouvre : vérifier qu’elle est ouverte correctement. Puis saisir les commandes (bras en l’air) et les tirer jusqu’aux hanches pour mettre la voile « en œuvre », puis reprendre la position de pilotage de la voile (bras hauts).

Ensuite, il faut regarder où l’on se situe, c’est-à-dire trouver l’aérodrome. Ce n’est pas si évident que cela, et sur l’un de mes sauts, je n’ai pas réussi à le trouver jusqu’à ce que l’idée me vienne de faire un demi-tour (l’aérodrome était derrière moi, panique dans la tête du gros oiseau)…

La descente parachute ouvert présente deux risques particuliers : la collision et l’atterrissage sur obstacle : il faut donc regarder où se trouvent les autres voilures, vérifier sa hauteur, s’orienter par rapport au terrain et en fonction du vent.

Avant la formation, je pensais simplement qu’une fois le parachute ouvert, il suffisait d’attendre que le sol se rapproche et de faire un roulé-boulé dans l’herbe. Que nenni ! Vous devez rester dans une « zone d’évolution » puis vous diriger vers un point de rendez-vous situé à 300 m de hauteur. A partir de ce point de rendez-vous (que l’on vous a indiqué juste avant de monter dans l’avion car il change si le vent change), vous entamez le circuit d’atterrissage (comme un avion).

Le circuit d’atterrissage le plus utilisé en parachutisme (information donnée pendant ma formation) est le circuit en U ou PTU (prise de terrain en U). A partir du point de rendez-vous de 300 m, il faut faire successivement :

1) Une étape en vent arrière

2) Une étape en vent de travers

3) Une dernière étape en vent de face pour se poser.

Un U quoi. Évidement, pour compliquer, il y a les U main droite et les U main gauche…

On essaye toujours de se poser face au vent pour réduire la vitesse horizontale par rapport au sol. En effet, en l’absence de vent, votre voile vous fait avancer horizontalement à environ 8 m/s (29 km/h). Avec un vent de face de 5 m/s, vous n’avancez plus qu’à 3 m/s (11 km/h) par rapport au sol, ce qui est plus confortable pour rester sur ses deux jambes.

Vous ajoutez à cela que le sens du vent et sa vitesse ne sont pas toujours les mêmes en fonction de votre hauteur. Vous pouvez avoir un vent fort en altitude dans un sens donné et un vent tournant au sol avec une autre vitesse…

C’est pour cela que les débutants comme moi, disposent d’une oreillette radio dans laquelle sont donnés les ordres de guidage par un moniteur au sol. Autant vous dire que pour moi, c’est parole d’évangile ! Le moniteur au sol surveille la descente de toutes les voiles et nous dirige en donnant des ordres précis du type « voile rouge, quart de tour à droite ! ». Le problème, c’est que tout le monde est sur le même canal de fréquence (utilisé également par le centre de voile tout proche, mais ça, c’est une autre histoire), et donc que tout le monde entend les mêmes ordres. Heureusement, chacun connaît la couleur de sa voile et agit en conséquence.

Oui, mais… sur ce saut, deux voiles avaient la même couleur (avec une petite différence : un trait jaune pour l’une, un trait vert pour l’autre). Et notre guide terrestre adoré s’est un peu emmêlé les pinceaux. J’étais sous voile rouge (avec trait jaune délavé) à environ 70 m du sol, bien face au vent, en train d’entamer ma dernière phase du circuit d’atterrissage, quand j’ai entendu un ordre sec dans mon oreillette : « voile rouge demi-tour gauche BORDEL ! ». Bien obéissant, en bon élève appliqué, j’ai fait un rapide demi-tour gauche… Ce qui m’a mis vent arrière ! Ensuite, étant trop près du sol, impossible de corriger quoi que ce soit.

Un simple et rapide calcul (que je n’ai évidement pas fait à ce stade du saut, bien plus occupé par l’arrivée rapide du sol), montre qu’avec un vent d’environ 8 m/s et une vitesse horizontale relative de 8 m/s qui s’additionnent en vent arrière, j’ai atterri à 16 m/s, soit 57,6 km/h. Je ne suis pas armé pour courir à cette vitesse là, même sans harnais (je rappelle que la vitesse de pointe d’Usain Bolt est de 44,72 km/h sur 100 m).

Bref, toutes ces explications pour vous dire que je me suis rétamé de tout mon long sur 10 m en broutant de l’herbe.

Je me suis relevé le plus dignement possible et j’ai fait signe que tout allait bien. Puis quelqu’un est venu me chercher en quad…

Je n’avais qu’une seule envie, recommencer !

Maso, je vous dis 😉

2e saut PAC

Le deuxième saut était encore mieux !

Un seul moniteur, le plaisir de mieux maîtriser son saut… avec un nouvel objectif : faire la flèche (voir la vidéo). Les sensations sont différentes : je suis toujours concentré, mais sur la nouveauté, un peu comme une sauvegarde incrémentielle…

Ce deuxième saut se fera le même jour que le premier saut. J’ai encore toutes les sensations en tête, et la crainte d’une procédure de sécurité (ouverture du parachute de secours).

Les objectifs qui m’ont été fixés par le moniteur pour ce saut sont simples :

– sortir correctement de l’avion

– trouver rapidement une position stable (il est maintenant seul à me tenir)

– faire la flèche lorsqu’il me fait le signe ad hoc avec sa main

– reprendre une position stable

– lire ma hauteur sur mon altimètre

– faire une poignée témoin

– surveiller mon altimètre pour ouvrir le parachute à 1700 m

– gérer le vol sous voile (toujours avec les conseils via l’oreillette)

– atterrir correctement et au bon endroit.

Mes prédécesseurs ont sauté dans un nuage (voir vidéo) alors que j’ai la chance de profiter d’une trouée. Tous les objectifs à réaliser sont atteints, sauf peut-être ma poignée témoin (j’ai mis la main un peu à côté, immédiatement corrigé par le moniteur). J’oublie un peu de regarder mon altimètre après chaque exercice, et je m’en rappelle d’un seul coup (d’où le geste un peu brutal)…

Mais cette fois, c’est bien moi qui ouvre le parachute, tout seul comme un grand, malgré la présence de la main du moniteur sur la mienne.

2e saut PAC : faire la flèche

Ce que ne montre pas la vidéo, c’est que je m’attendais à une ouverture en douceur du parachute, comme lors du premier saut. Or, et c’est en forgeant que l’on devient forgeron, chaque ouverture de voile est différente. Sur ce deuxième saut, ma voile s’est ouverte brutalement, me secouant comme un pantin désarticulé ! J’en ai gardé deux magnifiques bleus sur le haut des bras… Mais l’adrénaline des 45″ de chute, puis de la gestion de la voile et de l’atterrissage m’a fait ressentir une puissance qui m’a rappelé mes 20 ans 😉

L’atterrissage s’est fait comme pour le premier saut : sur les pieds, pour amortir, puis sur les fesses, pour le confort.

Le mauvais temps ne permettra pas de faire comme prévu le troisième saut le jour même. Ce n’est que partie remise. Deux montées à 4200 m et deux poussées d’adrénaline d’une demi-heure ont eu raison de mes capacités physiques : ce soir-là, j’ai dormi comme un bébé, en rêvant d’une chute dans un couloir lumineux qui se terminait par « Oh mon Dieu, c’est plein d’étoiles ! » 😉

1er saut PAC

J’ai peur que ce blog ne devienne trop sérieux, trop lié à mes activités « professionnelles »… Je souhaite que cela reste un petit blog perso sans prétention. Je vais donc revenir sur ce qui a été pour moi LA découverte de cet été : le parachutisme.

Ce billet fait donc suite au billet « Premier saut J-20 » et à celui « Septième ciel« , dans une nouvelle rubrique « Parachutisme« .

Depuis longtemps, je souhaitais tenter l’expérience de sports « à risque » avant d’avoir atteint un âge ou un état physique qui m’en empêcherait. J’ai pratiqué pendant de nombreuses années la spéléologie, sport qui associe condition physique, explorations et analyses scientifiques des sous-sols (j’en ai souvent parlé ici). Je garde précieusement mon matériel, mais mes mousquetons me servent plutôt maintenant à accrocher mon hamac plus que les cordes statiques…

Je ne désespère pas de tester un jour le saut à l’élastique, le parapente et le vol à voile ! Mais cet été, j’ai testé pour vous le saut en parachute, la faute à mon 50e anniversaire (passé depuis un an, mais j’ai un peu procrastiné…).

Il y a deux façons de tester le parachutisme : le saut en tandem (on dit aussi baptême), ou la Progression Assistée en Chute (ou méthode PAC). Le saut en tandem est la façon la plus simple de découvrir la chute libre, puis le vol sous voile.
L’ensemble du saut est pris en charge par le moniteur, laissant le
passager profiter pleinement de ces instants exceptionnels. Vous êtes accroché au moniteur comme un sac, et vous n’avez rien d’autre à faire que de crier regarder et profiter du spectacle. Même la sortie de l’avion est gérée par le moniteur.

Dans le cas d’une formation PAC, le moniteur vous apprend à gérer toutes les phases du saut, et ensuite, c’est à vous de prendre les commandes… Voyons d’un peu plus près pourquoi cela fonctionne en toute sécurité.

Je suis arrivé le premier jour à l’aérodrome ne sachant pas trop comment tout cela allait se passer. En tant que spéléologue (et responsable technique), je suis très attaché à la sécurité. J’étais donc en observation sur ce point et très exigeant. Après tout, c’est ma vie que je confie à des inconnus.

Une fois les formalités d’inscription effectuées (certificat médical obligatoire), nous avons été accueillis par les moniteurs du club qui nous ont présenté le déroulement de la journée. Nous étions 12 stagiaires, âgés de 16 ans à 51 ans (oui, c’était moi le doyen), tous en bonne forme physique (sauf moi qui avait un peu peur pour le poids, le dos et les oreilles…). Il faut faire moins de 90 kg, et la balance du matin indiquait 89,9 à jeun tout nu (mais avec les deux pieds sur la balance), rapport aux vacances bien arrosées reposantes.

La matinée et l’après-midi ont été consacrées à des cours pendant lesquels on nous a appris entre autre chose la position à prendre à la sortie de l’avion (accroupi, un genou au sol, les mains sur l’autre genou), puis en chute libre (à plat ventre, bien cambré), la communication par geste, le geste d’ouverture du parachute, la trajectoire à suivre sous voile (après ouverture du parachute), les commandes et, bien sur, l’attitude à avoir en cas de problème… Une bonne moitié d’entre nous avait déjà sauté en tandem, l’autre moitié jamais. Je faisais partie des newbies intégraux.

Le temps plutôt maussade de cet été ne nous a pas permis d’effectuer notre premier saut dès le premier jour… Mais dès le lendemain, je pouvais monter dans l’avion !

Le premier saut PAC est particulier : chaque stagiaire est accompagné lors du saut par DEUX moniteurs. Lors de tous les autres sauts, un seul moniteur suffira à nous guider dans notre progression, mais lors du premier saut, personne ne peut vraiment savoir comment se comporter, se stabiliser, se maîtriser, se gérer, etc. La présence de deux personnes, une de chaque côté, est très rassurante.

Sur la vidéo qui suit, vous allez pouvoir voir les images brutes de la caméra d’un de mes moniteurs. Je suis dans le 2e groupe à sortir de l’avion, ce qui m’a permis de voir un peu comment cela se passait. J’ai une très seyante combinaison orange prêtée par le club. Je n’ai pas de stress particulier, toute mon attention est prise par l’enregistrement de mes sensations : « souviens toi de ce moment là, c’est la première fois ! », me dis-je.

Le bruit dans l’avion est assez fort, et nous sommes tous serrés comme des sardines.
Il y a trois stagiaires PAC, chacun accompagné de ses deux moniteurs,
soit neuf personnes, auxquelles il faut ajouter le pilote. La porte est ouverte lorsque l’on atteint la hauteur de 4200m. Le premier groupe saute. Je les regarde avec concentration. Je suis surpris de ne pas avoir peur. Je jubile plutôt. Le moniteur me demande de me mettre en place, main sur le genou. J’obtempère. Je regarde en bas. Le moniteur me corrige : regarde loin devant. J’obéis. Il compte trois et GO. Je m’élance sans effort, soutenu étroitement par les deux moniteurs.

Le bruit change de nature. Le vent relatif lié à la vitesse horizontale de l’avion nous fait partir en biais, comme expliqué lors de la formation de la veille. La vitesse de chute augmente rapidement. Je suis stable, et pour cause : les deux moniteurs me tiennent fermement. Je prends la position (enfin presque), et souhaite ABSOLUMENT regarder en bas. Le moniteur qui filme corrige la position de ma tête (deux fois ;-). La chute s’effectue en toute sécurité.

L’exercice consiste à faire une « poignée témoin », c’est-à-dire à chercher sous le parachute la poignée qui permettra son ouverture. Exercice réussi (à 53″). Il faut ensuite vérifier sa hauteur en regardant l’altimètre, que je regarde comme on regarde une montre (à 1’11 ») ! Les deux moniteurs passent le temps en « discutant » derrière mon dos, tout en me surveillant.

A 1700m, après 43s de chute libre (soit une moyenne de 209 km/h !), je mets la main sur la poignée d’ouverture et j’attends « je ne sais quel signal » ! Le moniteur saisit ma main et déclenche l’ouverture (1’15 »). La voile s’ouvre correctement, ouf. Ce sera l’unique fois où mon parachute se sera ouvert avec autant de douceur.

Dès l’ouverture, mes deux moniteurs me laissent gérer et s’offre un petit rab de chute libre. Vous pouvez apprécier sur la vidéo une prise de vue « en piqué », suivie d’une ouverture de voile et d’un panoramique sur Royan et son bord de mer.

1er saut PAC

La vidéo ne montre pas les 6mn de vol sous voile dans le silence, le plaisir de commander un parachute qui est, en fait, une voile rectangulaire parfaitement maniable par un débutant, ni l’atterrissage sur les fesses ! Toute cette phase s’effectue sous les ordres d’un moniteur au sol qui vous guide par radio (chaque stagiaire dispose d’une oreillette). Sécurité absolue.

Si le parachute ne s’ouvre pas, la voile de secours s’ouvrira toute seule à 800m. Si le parachute s’ouvre mais mal, j’ai appris la veille à le libérer et à ouvrir la voile de secours, procédure révisée dans l’avion. Sécurité, sécurité !

Les sensations de chute n’ont rien à voir avec tout ce que j’ai pu ressentir auparavant, en particulier dans les parcs d’attraction : aucune nausée, pas d’estomac qui remonte ou autre sensation désagréable. Cela ressemble plus aux sensations que l’on peut ressentir quand on met son bras par la fenêtre à 130 km/h en voiture et que l’on joue avec l’air…

Avec une seule envie dès l’atterrissage : ressauter !

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Crédit image : darkroastedblend.com

Expert ou Huissier

Je suis souvent sollicité pour mener à bien des constatations concernant du matériel informatique en tant qu’expert judiciaire. Je suis alors obligé d’expliquer à mon interlocuteur qu’à mon avis il est préférable pour lui de passer par un huissier de justice s’il souhaite que les constatations soient opposables à une partie adverse.

Quelques explications me semblent nécessaires.

Un expert judiciaire est une personne inscrite sur une liste ad hoc d’une cour d’appel ou de la cour de cassation. Cette personne n’est en « mission judiciaire » que lorsqu’elle est sollicitée par un magistrat. Le reste du temps, c’est une personne normale, sans « super pouvoir » particulier.

Il est possible (et relativement fréquent) que cette personne soit contactée par un particulier ou une entreprise parce que son nom apparaît sur la liste de la cour d’appel (ou celle plus prestigieuse de la cour de cassation). Mais dans ce cas, l’intervention se fait à titre personnel, sans mission officielle demandée par un magistrat. On parle alors de mission privée.

Lorsque j’établis un rapport d’expertise privée, celui-ci n’a pas la même valeur que le rapport que je rédige dans une mission d’expertise judiciaire.

Lorsque je rédige un rapport d’expertise judiciaire au pénal, à la demande d’un juge d’instruction par exemple, je travaille seul. Les questions qui me sont posées sont très factuelles : y a-t-il présence de telle ou telle information sur le disque dur de l’ordinateur, l’ordinateur a-t-il été utilisé pour visiter tel ou tel site internet et si oui à quel moment, etc.

Dans tous les autres cas « officiels » (civil, tribunal de commerce, etc.), l’expertise judiciaire doit être menée en présence des parties concernées, d’une manière dite « contradictoire ». Les questions qui me sont posées par le magistrat sont exposées aux parties, les réponses que j’y apporte sont critiquées, débattues ou défendues par les parties présentes. Les questions posées demandent un « avis » de l’expert, par exemple sur l’évaluation des montants financiers des préjudices subis par les désordres informatiques constatés.

Il arrive, et c’est l’objet de ce billet, qu’une partie souhaite préparer son dossier au mieux avant d’aller au procès, ou simplement pour impressionner son adversaire. Elle fait alors appel à un expert judiciaire, parce que le poids de la fonction compte, ainsi que les mots de son titre : « expert » et « judiciaire ». Mais le magistrat ne s’y trompe pas : la parole d’une personne missionnée par une partie (pour des missions choisies par elle et directement payée par elle) n’a pas le même poids que celle d’un expert en mission judiciaire, quand bien même il s’agisse de la même personne.

Le rapport rédigé par un expert n’est pas un acte authentique. Dans le code civil français, un acte authentique est « celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit
d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec les
solennités requises.
 » Ainsi, les notaires, les officiers d’état civil, les huissiers de justice peuvent rédiger des actes authentiques.

Jusqu’en 2010, les constats d’huissier n’avaient que la valeur de simples renseignements (cf article 1 de la loi en vigueur en 2007), mais depuis 2010, le texte a été corrigé : « Ils peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers,
effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout
avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter.
Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements,
ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire.
« 

C’est pourquoi il me semble préférable de faire faire les constatations techniques par un huissier de justice, plutôt que par un expert judiciaire en mission privée.

Bien sur, se pose alors la question : les huissiers de justice sont-ils tous compétents en matière informatique ? A l’évidence, comme pour toute profession non informatique, la réponse est non. Mais alors comment faire ?

Il existe des huissiers de justice qui se sont faits une spécialité en matière informatique. Ceux-là sont compétents, dans la mesure de leur compréhension de la technique informatique qu’ils maîtrisent. Pour eux, serveurs mandataires, caches de navigation, serveurs DNS n’ont plus de secrets. Pour autant, qu’en est-il des serveurs mandataires transparents ou des DNS menteurs ? Pour la cour d’appel de Paris, seul le respect des préconisations jurisprudentielles compte

Mon conseil, donc :

– si les aspects techniques sont relativement simples (et que vous les maîtrisez suffisamment), faites appel uniquement à un huissier de justice compétent (sur les conseils de votre avocat bien sur, puisqu’il saura vous trouver un huissier).

– si vous pensez que la complexité technique est élevée, faites appel à un huissier de justice compétent ET un expert judiciaire.

C’est le prix à payer pour mettre toutes les chances de son côté.

AMHA.