Le Paris

Il y a quatre ans, j’ai fait un pari relativement osé : changer d’orientation professionnelle et quitter mon foyer pour aller travailler à Paris la moitié de la semaine. Chaque dimanche soir, je quitte l’amour de ma vie pour prendre un train qui m’amène dans la capitale, et chaque mercredi ou jeudi soir, je fais le chemin inverse. J’ai pris une « coquette studette » près de mon travail pour pouvoir m’y rendre à pied tous les jours, et j’y mène une vie de moine nerd. Cela a été facilité par le départ des enfants du nid familial, et parce que la femme qui partage mon existence voyait que je dépérissais dans mon ancienne entreprise où j’avais pourtant passé 25 ans, que nous nous aimons et qu’elle a soutenu ma démarche.

Dans le billet sur le télétravail que j’ai écris avant le confinement, je n’ai pas abordé l’impact qu’il peut avoir sur un couple. En effet, aujourd’hui, « télétravail » signifie pour des millions de personnes travailler depuis son domicile familial sans faire le trajet quotidien habituel. Il n’y a pas de terme pour la personne qui alterne télétravail et « télémaison », c’est-à-dire qui alterne travail à distance de son entreprise (en famille) pendant plusieurs jours, et vie à distance de sa famille (en entreprise) pendant plusieurs jours.

Attention, je ne me plains pas, car il s’agit d’un choix personnel, d’un choix de couple, mais avant tout d’un choix. Je ne me compare pas aux travailleurs qui vivent loin de leur famille pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, souvent dans un pays étranger. En général, ils n’ont pas le choix, c’est une question de survie. Je les plains, eux, car ils ne voient pas grandir leurs enfants, ils ne vieillissent pas auprès de leur conjoint, et sont souvent honteusement exploités. Ce n’est pas mon cas.

Mon épouse et moi, nous vivons des vies de célibataires pendant 3 jours, et nous sommes heureux de nous retrouver et de passer 4 jours ensemble, chaque semaine. Une nouvelle jeunesse, un nouveau pari.

Trois années et demi se sont passées sur ce rythme de vie. Professionnellement, j’étais heureux d’apprendre à nouveau beaucoup de choses, dans une école de commerce prestigieuse. Mais, avec 4 chefs en 3 ans, il ne m’était pas facile de construire quelque chose dans la durée, la politique salariale de l’entreprise était nulle (0% d’augmentation pour le personnel en 3 ans) et la valse des DSI n’aidait pas à la négociation.

C’est alors que s’est produite une chose dont j’avais entendu parler, le soir dans les recoins de l’openspace, lorsqu’on évoque les mystères de la vie et les mythes des évolutions de carrière : j’ai été appelé par un chasseur de têtes.

UN CHASSEUR DE TÊTES

Rien que le nom évoque une aventure épique dans la forêt tropicale…

Le processus de recrutement qui s’en est suivi mériterait un billet à lui tout seul…

Il m’a fait une offre que je ne pouvais pas refuser. J’ai donc présenté ma démission au dernier DSI que j’ai eu comme chef, j’ai quitté cette école de commerce prestigieuse pour un groupe d’écoles privées moins prestigieuses, j’ai changé de coquette studette en proche banlieue pour une coquette studette dans Paris intra-muros. J’y mène maintenant une vie de moine nerd 4 jours par semaine.

Le nouveau travail est plus difficile, plus exigeant, avec plus de pression. Je suis toujours en période d’essai, avec un chef dont je ne sais pas s’il va vouloir me garder.

A 59 ans. Un nouveau pari. Un nouveau Paris. Le Paris de mes rêves.

Un monde nouveau, on en rêvait tous
Mais que savions-nous faire de nos mains ?
Zéro, attraper le Bluetooth
Mais que savions-nous faire de nos mains ?
Presque rien, presque rien