Etre SST (Sauveteur-secouriste du Travail) dans une école d’ingénieurs, c’est gérer beaucoup de bobologie. Mais pas seulement.
Ce matin, j’ai été appelé car un étudiant avait un malaise.
Une fois sur place, j’ai découvert un étudiant allongé par terre, faisant des convulsions et ayant du mal à respirer.
C’est très impressionnant.
Il était entouré par ses amis. Comme il ne pouvait pas parler, ce sont eux qui m’ont expliqué que j’avais été dérangé inutilement car il faisait ce type de crise régulièrement, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’il suffisait d’attendre et que cela allait passer…
Mon sang n’a fait qu’un tour: attendre, ne pas s’inquiéter, ne pas faire de vague, ne pas déranger, rester discret, ne pas prendre de décision, les-secours-mais-vous-n’y-pensez-pas…
J’ai immédiatement, et pour la première fois de ma vie, appelé le 18.
J’ai eu quelqu’un de très calme qui m’a posé quelques questions. J’étais moi-même très calme, à ma grande surprise. De la théorie à la pratique, il y a parfois un gouffre. J’ai ensuite demandé à deux des étudiants présents d’aller attendre et guider les secours jusqu’à nous dans le dédale de l’école.
Je suis resté avec l’étudiant malade en essayant de le détendre par des paroles rassurantes, en l’allongeant sur le lit de l’infirmerie. Les pompiers sont arrivés quelques minutes plus tard et ont pris les choses en main. Ils ont rapidement emmené l’étudiant à l’hôpital en observation.
Ensuite, il m’a fallu rassurer les amis de l’étudiant, leur expliquer qu’on ne peut pas regarder quelqu’un qui est peut-être en train de mourir, que ni eux ni moi ne sommes médecins. Je n’ai pas du être très convainquant car ils sont partis en me reprochant mon exagération. Tous les adultes présents semblaient assez d’accord avec eux.
N’empêche.
Depuis que j’ai accepté la responsabilité du service technique, et par là la gestion de la sécurité des biens et des personnes, j’ai décidé de bousculer les habitudes: plus de médicaments à l’infirmerie (uniquement des compresses stériles et des lingettes nettoyantes), une liste à jour des pansements et désinfectants, les instruments indispensables (ciseaux à bout ronds, pince à échardes, oeillère pour laver l’oeil, gants jetables, sachets plastiques, couverture de survie…
Et appel systématique aux urgences en cas de problème médical.
Cela a beaucoup changé les petites habitudes… Mais je résiste à la pression et essaye d’être pédagogique sur ces changements, sur la sécurité, etc.
N’empêche que quand les pompiers sont partis, je suis rentré m’isoler dans mon bureau et j’ai pleuré un bon coup. Le contrecoup sans doute.
Je suis trop sensible, j’aurais fait un mauvais urgentiste.