Quand on tire sur un faible

La petite anecdote que je vais vous raconter n’a d’intérêt que parce qu’elle est parfaitement authentique, et illustre bien les frictions du monde ancien avec le nouveau monde du numérique.

J’assistais à une formation réservée aux experts judiciaires et aux avocats, formation organisée par une compagnie d’experts de justice. Organisation impeccable, objet de la formation intéressant, programme alléchant, 4G disponible, lieu agréable. Bref, la journée s’annonçait bien.

Le premier conférencier est un magistrat de haut niveau, intervenant sans note sur un sujet pointu passionnant. Je suis concentré sur les concepts difficiles avec lesquels il jongle et qui échappent pour beaucoup à mon entendement. L’auditoire est captivé. Les avocats approuvent ou désapprouvent certains passages ou certaines subtilités juridiques. La conférence est passionnante.

Je publie discrètement sur Twitter quelques impressions admiratives à mes followers.

Au bout d’un quart d’heure, le conférencier est brutalement interrompu par l’un des organisateurs de la formation. Ce dernier crie littéralement dans la salle : « Quelqu’un dans cette pièce est en train de publier sur des RÉSEAUX SOCIAUX le contenu de cette formation. C’EST UN SCANDALE. La prochaine fois, dans nos programmes sera CLAIREMENT ÉCRIT L’INTERDICTION de dévoiler nos échanges ! »

Stupéfaction dans la salle.

L’organisateur me fixe d’un regard noir.

Mon cœur s’est arrêté.

Je me recroqueville sur mon siège.

Je me fais tout petit.

Quand tout à coup, depuis la scène où se trouvent installés plusieurs des conférenciers qui doivent intervenir à la table ronde à venir, tonne une voix de Stentor : « QUOI, QU’EST-CE QUE C’EST QUE CETTE FAÇON D’APOSTROPHER LES GENS ! OUI, JE TWEETE, OUI JE SUIS OUVERT SUR LE MONDE, SANS POUR AUTANT DÉVOILER OU ÊTRE DÉSOBLIGEANT AVEC LES ORGANISATEURS OU LES INTERVENANTS ! »

L’un des avocats qui devait intervenir pendant la formation, prenait pour lui les remontrances (humiliantes) qui m’étaient destinées… Comme moi, il avait posté quelques tweets à sa communauté (dont je fais parti) pour le plus grand plaisir de celle-ci.

Les organisateurs, plutôt gênés des effets collatéraux non prévus de leur attaque, venaient de découvrir la puissance de feu d’un avocat habitué aux assauts et aux joutes verbales.

J’ai assisté silencieux à leur retraite piteuse en rase campagne, « non, mais ce n’est pas vous, Maître, heu, bon on reprend ».

J’ai respecté poliment leur interdiction de tweeter pendant la formation.

Je trouve dommage que dans le milieux des experts judiciaires en informatique, il y ait encore des gens qui méconnaissent l’intérêt des réseaux sociaux, des gens qui soient encore enfermés dans leur univers clos du millénaire précédent, qui refusent l’ouverture vers le monde, le partage avec des « mékeskidis », la communication non contrôlée.

J’admets et je me soumets aux règles lorsqu’elles sont connues. Comme Lord Walder qui affirmait lors des Noces Rouges : « sous mon toit, ma loi », les organisateurs d’une formation peuvent imposer leurs règles.

Mais j’ai pris un certain plaisir (coupable) à voir une brillante éloquence remettre en place un sot. Étant moi-même un sot qu’on a tant de fois remis en place…

L’expert judiciaire et les accords toltèques

Source image Wikipédia

J’ai découvert les accords toltèques lors d’une formation dans mon groupe GERME. J’ai trouvé que cette discipline de vie pouvait remarquablement s’appliquer à l’activité d’expert judiciaire.

Un peu d’histoire :

Miguel Ruiz est un neurochirurgien mexicain qui a failli mourir lors d’un accident de voiture. après ce drame, il change radicalement sa vie : il abandonne la médecine et se consacre aux savoirs anciens de ses ancêtres toltèques. Il a écrit en 1997 un livre qui est devenu rapidement un best-seller mondial : « les quatre accords toltèques ». Il est aujourd’hui conférencier à travers le monde et auteurs de plusieurs livres, dont « Le cinquième accord toltèque » en 2010.

Les accords toltèques sont très simples à énoncer, mais derrière cette simplicité se cache une puissance qui peut servir de philosophie de vie, de principe de management ou encore de base personnelle de progrès.

A titre personnel, je suis plutôt bien en phase avec les accords toltèques, mais j’ai beaucoup de marges de progrès sur plusieurs d’entre eux. Ils m’ont été présentés dans le cadre du management (un management avec des valeurs humanistes), mais ce qui m’intéresse ici, c’est de voir comment ils peuvent s’appliquer à l’activité d’expert judiciaire.

Entrons dans le vif du sujet.

Accord n°1 : Que votre parole soit impeccable.

Parlez avec intégrité. Ne dites que ce que vous pensez vraiment. Évitez d’utiliser la parole pour vous exprimer contre vous-même ou pour médire d’autrui. Utilisez la puissance de la parole dans le sens de la vérité et de l’amour.
(source « Pratique de la voie toltèque » par Don Miguel Ruiz)

Lors d’une réunion d’expertise, les mots ont une importance capitale. L’atmosphère est souvent très électrique, voire explosive. Les parties sont en litige, des courriers recommandés ont été échangés, les avocats sont intervenus et ont mis en lumière des accusations souvent douloureuses, le magistrat sollicite votre avis (technique). Si le mot « amour » n’a pas nécessairement sa place dans ce contexte, le mot « vérité » prend une importance toute particulière. Vous n’êtes pas là pour faire de la diplomatie, ni pour juger les
parties, mais pour remplir une fonction de la manière la plus objective,
la plus scientifique possible, « en votre honneur et en votre
conscience ».

La parole n’est pas seulement un son mais est aussi un symbole écrit. Le rapport remis par l’expert judiciaire doit être « impeccable », mot qui vient du latin pecatus (péché) avec le radical im- (sans). Un rapport sans péché, sans défaut, qui va dans le sens de la vérité. Le mauvais usage de la puissance de la parole crée l’enfer. On l’utilise pour médire, pour critiquer, pour culpabiliser, pour détruire. Ce n’est pas le rôle attendu de l’expert judiciaire.

Depuis quelques années, je pratique des exégèses expertales, c’est-à-dire des contre-expertises privées, où il m’arrive souvent d’avoir à critiquer le travail réalisé par un confrère. C’est pour moi un exercice difficile, parfois, de bien peser les mots que j’utilise, sans pour autant tomber dans la langue de bois. « Que votre parole soit impeccable » semble être une évidence, mais plus j’y réfléchit, et plus je me rends compte que ce point est important et difficile.

Accord n°2 : Quoiqu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelle.

Vous n’êtes pas la cause des actes d’autrui. Ce que les autres disent et font n’est qu’une projection de leur propre réalité, de leur propre rêve. Lorsque vous êtes immunisé contre les opinions et les actes d’autrui, vous n’êtes plus la victime de souffrances inutiles.(source « Pratique de la voie toltèque » par Don Miguel Ruiz)

Dans un débat contradictoire (au sens « en présence de toutes les parties »), chacun défend sa position, son opinion, ses intérêts. Le devoir de l’expert est dans la recherche de la vérité. Lorsqu’il s’en approche, et qu’il le fait nécessairement savoir, il devient la cible des coups d’une des parties. Pour autant, il ne faut pas en faire une question personnelle. Sauf en cas d’agression, bien entendu (relire le billet « les risques du métier » à ce sujet).

Lorsque vous faites
une affaire personnelle de ce qui vous arrive, vous vous sentez
offensé et votre réaction consiste à défendre vos croyances, ce
qui provoque des conflits. Vous faites tout un plat d’un petit rien,
parce que vous avez besoin d’avoir raison et de donner tort à
autrui. Vous vous efforcez aussi de montrer que vous avez raison, en
imposant votre opinion aux autres.

Le magistrat vous demande votre avis. Cela ne veut pas dire que vous devez arriver à modifier les opinions des autres. Surtout les opinions qu’ils ont sur vous, ou du moins susceptibles de vous atteindre personnellement.

C’est un point sur lequel j’ai encore beaucoup de progrès à faire : je suis par exemple très sensible aux attaques personnelles que le philosophe allemand Arthur Schopenhauer appelle « Argumentum ad personam » dans son ouvrage « l’Art d’avoir toujours raison » :

Extrait de Wikipédia

« Si l’on s’aperçoit que l’adversaire est supérieur et que l’on ne va pas gagner, il faut tenir des propos désobligeants, blessants et grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l’objet de la querelle (puisqu’on a perdu la partie) pour passer à l’adversaire, et à l’attaquer d’une manière ou d’une autre dans ce qu’il est : on pourrait appeler cela argumentum ad personam pour faire la différence avec l’argumentum ad hominem. Ce dernier s’écarte de l’objet purement objectif pour s’attacher à ce que l’adversaire en a dit ou concédé. Mais quand on passe aux attaques personnelles, on délaisse complètement l’objet et on dirige ses attaques sur la personne de l’adversaire. On devient donc vexant, méchant, blessant, grossier. C’est un appel des facultés de l’esprit à celles du corps ou à l’animalité. Cette règle est très appréciée car chacun est capable de l’appliquer, et elle est donc souvent utilisée. La question se pose maintenant de savoir quelle parade peut être utilisée par l’adversaire. Car s’il procède de la même façon, on débouche sur une bagarre, un duel ou un procès en diffamation. »

Il est évident que l’expert judiciaire ne doit pas se placer sur ce terrain, ni se laisser y emmener. Quoiqu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelle.

Accord n°3 : Ne faites pas de suppositions.

Ayez le courage de poser des questions et d’exprimer ce que vous voulez vraiment. Communiquez le plus clairement possible avec les autres, afin d’éviter les malentendus, la tristesse et les drames. Avec ce seul accord, vous pouvez complètement transformer votre vie.
(source « Pratique de la voie toltèque » par Don Miguel Ruiz)

Nous avons tendance à faire des suppositions à propos de tout. Le problème est que nous croyons ensuite que ses suppositions sont devenue la vérité. Nous serions parfois prêt à jurer qu’elles sont vraies. Il est très intéressant de voir comment l’esprit humain fonctionne. L’Homme a besoin de tout justifier, de tout expliquer, de tout comprendre, afin de se rassurer. Il y a des millions de questions auxquelles nous cherchons les réponses, car il y a tant de choses que notre esprit rationnel ne peut expliquer. C’est pour cela que nous faisons des suppositions. Le problème est de croire que ses suppositions sont la vérité.

Nous supposons que tout le monde voit le monde comme nous le voyons.

Nous supposons que les autres pensent comme nous pensons, qu’ils ressentent les choses comme nous les ressentons, qu’ils jugent comme nous jugeons.

Il s’agit de prendre conscience que nos suppositions sont des créations de notre pensée.

Il y a des méthodes pour éviter les suppositions. Par exemple, quand quelqu’un vous pose une question, il faut éviter de répondre directement. Il faut d’abord reformuler la question pour s’assurer auprès du questionneur qu’on l’a bien comprise. Cela évite souvent les malentendus et les réponses « à côté ».

Pendant longtemps, je coupais souvent la parole, parce que j’avais compris ce que mon interlocuteur voulait me dire et que je voulais réagir, argumenter, expliquer. Il m’a fallu du temps, et du coaching, pour apprendre à écouter. Et de cette écoute, pour apprendre à comprendre ce que voulait vraiment dire mon interlocuteur. Et d’avoir le courage de poser des questions, quitte à passer pour quelqu’un de long à la comprenette. Dans le cadre d’une réunion d’expertise, où plusieurs profils de compétence sont présents – tous experts dans leur domaine – cet accord toltèque n°3 prend tout son sens. Il faut prendre le temps d’éviter les suppositions, les non-dits, les sous-entendus, les contresens culturels.

Il faut exposer ses missions, les expliquer, s’assurer que tout le monde comprend la même chose. Il faut écouter, poser des questions, exposer et expliquer son point de vue. Il faut faciliter la communication entre les personnes, et a minima entre toutes les personnes et soi-même.

J’ai aussi remarqué que ce point permet réellement d’améliorer sa vie, de se rapprocher de ses collègues, de mieux comprendre ses enfants, sa compagne, ses amis… C’est le point que je cherche à travailler le plus : « ne faites pas de suppositions » sans faire de vérifications.

Accord n°4 : Faites toujours de votre mieux.

Votre « mieux » change à chaque instant ; il n’est pas le même selon que vous êtes en bonne santé ou malade. Quelles que soient les circonstances, faites simplement de votre mieux et vous éviterez ainsi de vous juger ultérieurement, de vous maltraiter et d’avoir des regrets.(source « Pratique de la voie toltèque » par Don Miguel Ruiz)

Le pire piège est la course à la perfection. En psychologie positive, les chercheurs étudient la notion de
perfection, comme une notion qui entraîne de nombreuses émotions
négatives. Nous voulons être parfaits, nous voulons que les autres
soient parfaits, etc. Nous construisons des illusions mentales de
perfection. La vie quotidienne et la réalité extérieure nous enseignent
que la perfection est un but idéal et non une réalité concrète.

Comment être satisfaits, heureux et épanouis tout en sachant que
la perfection est par définition, inatteignable car inhumaine ?

Reprendre pieds dans le présent et se donner totalement dans
chaque instant. Donner toute son énergie, ses compétences, ses qualités
et son temps pour la tâche que nous avons décidé d’accomplir. Un fois
accomplie, cette tâche peut nous apporter un sentiment
d’accomplissement, même si tout n’est pas parfait.

J’ai compris très jeune comment faire pour ne pas avoir de regrets : il me suffit de bien réfléchir à toutes les options qui s’offrent à moi, lors d’une décision importante, puis de prendre la meilleure option, compte tenu des cartes que j’ai en main. Bien entendu, j’ai parfois fait de mauvais choix, mais très souvent, je ne pouvais me rendre compte du caractère « mauvais » que plus tard, lorsque de nouvelles cartes apparaissaient dans mon jeu. Et à chaque fois, tout en corrigeant les effets de mon mauvais choix, je n’en voulais pas à mon « moi » antérieur puisqu’il avait fait de son mieux, avec les éléments dont il disposait.

Bien entendu, ce point est difficile en expertise judiciaire, où la perfection est attendue. C’est pourquoi l’activité d’expert judiciaire demande autant de travail et de précautions. Il faut garder en tête les regrets du professeur Tardieu qui, en tant qu’expert, a fait condamner tant d’innocents. Pourtant Tardieu ne s’est jamais trompé. Il a simplement subi les ignorances de la science.

Accord n°5 : Soyez sceptique, mais apprenez à écouter.

Ne vous croyez pas vous-même, ni personne d’autre. Utilisez la force du
doute pour remettre en question tout ce que vous entendez : est-ce vraiment la vérité ? Écoutez l’intention qui sous-tend les mots et vous comprendrez le véritable message.

Être capable d’écouter signifie, comme dans les groupes de paroles,
d’être capable de se taire et de laisser autant de place à la vérité de
l’autre qu’à la sienne. Vaste programme.

Au civil et au commerce, l’expert judiciaire doit rendre un avis, sur des questions posées par le juge, et pour cela, il doit organiser des réunions contradictoires où toutes les parties vont pouvoir d’exprimer devant lui. Tous les arguments vont être fournis. Il faut réellement se présenter à cette réunion avec la plus grande ouverture d’esprit possible, pour favoriser l’écoute, tout en doutant de chaque argument. C’est difficile, souvent fastidieux, mais nécessaire pour pouvoir se forger un avis solide.

Là aussi, les mots utilisés ont leurs importances, avec des sens qui ne sont pas forcément les mêmes pour tout le monde. Il faut découvrir l’intention cachée derrière chaque mot, derrière chaque phrase.

Il faut aussi douter de soi-même, de ces certitudes, et arriver à se laisser convaincre par les bons arguments, pour approcher la vérité.

Et ce n’est pas simple.

GERME

Depuis trois ans, je suis une formation au management. Comme beaucoup d’ingénieurs, j’ai toujours privilégié la connaissance et la compétence technique au détriment des autres qualités que doit avoir un bon « chef d’équipe ». Le travail en équipe et l’animation d’équipe ne m’ont pas été enseignés lors de ma formation initiale maintenant lointaine. Et après 30 ans d’immersion dans la technique, il était temps de retourner à l’école, pour corriger ce que j’avais pu apprendre « sur le tas ». Le management en fait partie.

Je suis allé voir la personne en charge des ressources humaines dans mon entreprise et elle m’a conseillé de prendre contact avec une animatrice de ce formidable organisme qui s’appelle GERME.

Késako ?

GERME est une association loi 1901 qui est née d’une initiative de membres et d’animateurs de l’Association Progrès du Management (APM) en 1992 qui ont souhaité une approche de perfectionnement au management des entreprises pour leurs cadres de direction. L’association GERME a finalement été créée fin 1997 et constitue le réseau de référence pour les managers qui veulent développer et mettre en œuvre de nouvelles compétences en management. l’acronyme GERME signifie d’ailleurs Groupes d’Entraînement et de Réflexion au Management des Entreprises.

Les managers adhérents à GERME progressent et se développent par la formation, les mises en situation et le partage d’expériences au sein de groupes présents sur tout le territoire français, les Antilles et la Belgique. Chaque groupe compte de 15 à 20 cadres de direction qui se réunissent 8 fois par an pour suivre un cycle de formation, pilotés par des animateurs formés à la pédagogie GERME.

C’est pour moi l’occasion de prendre un peu de recul par rapport à la pression du travail, à l’urgence des problèmes que je rencontre au quotidien dans mon entreprise. C’est surtout pour moi un lieu d’échanges en confiance. En effet, quoi de mieux que de rencontrer des personnes d’autres entreprises, ayant des responsabilités similaires, mais dans des métiers très différents, et de pouvoir se confier à eux, de pouvoir parler de ses propres faiblesses, erreurs et défauts en étant écouté sans se sentir jugé.

Une fois par mois, sur 8 mois sélectionnés judicieusement pour que tout le monde puisse participer, je rencontre des personnes qui sont devenues pour moi des camarades de galère, que je connais maintenant mieux que leurs collègues de boulot, et nous suivons une journée de formation animée par un conférencier sélectionné par le réseau GERME, sur un thème que nous avons collectivement choisi. Les thèmes se regroupent dans 4 axes pédagogiques: le manager et le monde, le manager et son entreprise, le manager et son équipe, et enfin le manager lui-même…

Pour vous donner une idée, voici quelques unes des formations que j’ai suivies depuis 2011:

– Comment gérer les personnalités difficiles ?

– Comment motiver son équipe ?

– Comprendre et manager la génération Y

– Anticiper et accompagner le changement

– L’attitude intérieure positive

– Prendre la parole en public et rester zen

– L’intelligence émotionnelle

– Comment mieux gérer son stress ?

– Humour et management

– Conduire le changement

– Décrypter la gestuelle pour rendre plus efficace sa communication

– La communication de crise, quelles relations avec la presse ?

– L’art de la répartie : comment réagir en toute situation ?

– Équilibre vie professionnelle vie privée

A chaque fois, le conférencier anime la journée en alternant présentation, mise en situation, exercices pratiques, échanges entre apprenants, etc.

Cela permet de recevoir des connaissances en provenance d’un professionnel expérimenté, de pouvoir les discuter et se les approprier, et surtout de confronter « entre nous » les expériences – bonnes ou mauvaises – des uns et des autres. Qui n’a pas eu à gérer une réunion houleuse, une personne qui réagit de manière désagréable, des problèmes d’ego ou un conflit au sein de son équipe de travail ?

J’apprends beaucoup sur moi-même au cours de ces formations. Elles ont contribué – j’espère – à améliorer mon contact avec les autres, que ce soit dans mon univers professionnel où l’on est parfois prompt à critiquer l’interface chaise-clavier, dans ma gestion des réunions d’expertise où l’écoute est importante ainsi que la bonne gestion de crise, ou dans ma tache de conseiller municipal, je pense en particulier à l’animation des réunions publiques.

Les valeurs GERME, sur lesquelles travaillent tous les adhérents, sont les suivantes: Progrès, Respect, Ouverture, Confiance, Humilité et Ensemble (PROCHE). Elles illustrent bien le mode de fonctionnement du groupe GERME auquel j’appartiens. Elles permettent de développer et mettre en œuvre de nouvelles compétences en management. Elles permettent d’apprendre à se connaître pour accepter ses limites et renforcer ses points forts.

En septembre 2013, il y avait 87 groupes GERME réunissant 1310 adhérents. Les groupes accueillent des cadres de direction associés à la réflexion et aux décisions stratégiques: cadres en responsabilité d’équipes, cadres en responsabilité transversales et parfois des dirigeants de TPE. Les adhérents sont accueillis dans un groupe en veillant à la diversité des fonctions et à la non-concurrence des entreprises représentées. Vous trouverez plus d’informations sur le site de l’association. N’hésitez pas à entrer en contact avec un animateur proche de vous ou directement avec l’équipe d’accueil de l’association. Les formations sont prises en charge par votre entreprise.

J’avais beaucoup d’idées reçues sur le management, principalement par méconnaissance. J’imaginais que certaines personnes avaient une sorte de qualité naturelle innée de « leader » charismatique, ou d’autres l’insupportable comportement de « petits chefs ». Je pensais que les cours de management consistaient en un ensemble de « trucs » pour manipuler les gens et en augmenter la productivité. J’avoue être allé un peu à reculons aux premières formations, moi le scientifique pur cru.

Au final, j’apprends à être plus ouvert, responsable, engagé, en constant perfectionnement, capable de comprendre mon environnement avec du recul, acteur et diffuseur de progrès au sein de mon entreprise, et acteur du changement.

Mes collègues ont constaté le changement. J’ai pu apprécier mon évolution dans la conduite des réunions d’expertise judiciaire. Même les étudiants sentent que j’ai changé en mieux. Même mes enfants…

Il me reste à mettre tout cela en pratique avec les élections municipales qui s’annoncent…

J’en parlerai sûrement ici.

Modification de l’article 282 du Code de Procédure Civile

J’ai déjà parlé du décret du 24 décembre 2012 dans ce billet de janvier.

Je voudrais faire un focus sur le paragraphe qu’il a ajouté à l’article 282 du Code de Procédure Civile:

« Le dépôt par l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d’en établir la réception. S’il y a lieu, celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception. »

Cela signifie simplement que le principe du contradictoire est étendu à la taxation.

J’invite donc les confrères qui me lisent, ou les personnes désignées hors liste qui me lisent, à veiller à adresser en recommandé avec avis de réception leur demande de taxation à toutes les parties, et d’adresser au juge taxateur les avis de réception dans les plus brefs délais. A défaut, je juge taxateur ne pourra pas vérifier le respect du contradictoire jusqu’à la taxation, et ne pourra donc pas procéder à la rédaction de l’ordonnance de taxe.

Je profite de ce court billet pour inciter les experts judiciaires non inscrits auprès d’une compagnie pluridisciplinaire d’experts de justice (ce n’est pas obligatoire) à s’en rapprocher. Il s’agit d’association loi 1901 et il en existe normalement une par Cour d’Appel et, outre un bon repas à chaque AG, elles assurent la bonne circulation de ce type d’information, ainsi que de nombreuses formations de qualité.

Elles proposent également en général une très bonne assurance en responsabilité civile. N’oubliez pas que vous êtes responsable de toute erreur faite pendant vos missions d’expertises judiciaires, pouvant parfois entraîner un très fort préjudice financier (exemple: panne d’un disque dur).

Dans mon cas, ma compagnie pluridisciplinaire d’experts de justice a même autorisé l’existence de ce blog lorsqu’il a été attaqué en justice…

Mon principal regret concernant les compagnies est qu’elles n’aient pas encouragé leurs membres à la tenue de blogs sur l’expertise judiciaire. Le monde de l’expertise judiciaire gagnerait à s’ouvrir au monde, pour le bien des experts en période probatoire comme pour le bien du grand public. Cela n’interdit nullement l’entre-nous ou le respect de la confidentialité. Les avocats ont pourtant montré l’exemple, et depuis de très nombreuses années.

Je rappelle que vous êtes ici sur un blog personnel, sur lequel j’exerce cette fantastique liberté d’expression dont nous disposons en France, et que ma parole n’engage que moi: je ne suis le représentant de personne d’autre.

Bons RAR.

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Source dessin: l’excellent G. Mathieu qui a bercé ma jeunesse étudiante.

Mon SSTIC 2012

J’ai enfin pu assister au Symposium sur la Sécurité des Technologies de l’Information et de la Communication (SSTIC) qui se déroule chaque année à Rennes.

Si parmi mes lecteurs, il y a des personnes intéressées par des comptes rendus sur les conférences, elles peuvent aller directement sur les blogs suivants :

n0secure

Ma petite parcelle d’Internet

Mon premier blog

Le blog perso d’Ozwald

Vous trouverez également de très belles photos ici. Pour m’y reconnaître, c’est très simple: j’ai un badge autour du cou 😉

J’ai découvert le SSTIC il y a quelques années seulement, grâce à la lecture du blog de Sid. Chaque billet sur le sujet me donnait envie d’y aller pour découvrir l’univers de la sécurité informatique (un rêve d’enfant). Depuis deux ans, j’essaye d’avoir une place pour y assister, mais j’arrive toujours quelques heures après l’ouverture de la vente, et comme beaucoup de monde s’arrache les places, l’affaire est pliée.

C’est pourquoi, quand j’ai reçu un email de Benjamin Morin, membre du comité d’organisation du SSTIC 2012, me demandant si j’acceptais de venir faire une conférence invitée sur le thème de l’expertise judiciaire, après quelques hésitations liées à mon pseudonymat et au fait que je prenais fatalement la place d’un conférencier plus spécialisé sécurité, mon envie d’y assister l’a emporté, et j’ai accepté.

J’arrive donc le mardi soir dans un hôtel du centre ville et le symposium commence pour moi par un repas au restaurant « Léon Le Cochon » avec tous les conférenciers et le comité d’organisation. J’y arrive relativement intimidé, mais mes voisins de table de table me mettent à l’aise et les discussions vont bon train autour de l’univers de la sécurité. Mon apprentissage peut commencer.

Le soir, je me couche sagement à une heure raisonnable, mais je comprends alors pourquoi l’hôtel fournit des boules quies avec les savons et autres lustrants chaussures : ma chambre se trouve côté rue à 50m de la rue de la soif…

Jour 1.

Je suis à l’heure à la première conférence relatant les 20 ans de PaX. Je suis l’un des seuls de l’amphithéâtre de 500 places à ne pas connaître ce produit. La conférence est très technique, en anglais et l’orateur est en costard avec une cravate. Je commence à flipper pour ma conférence du lendemain… Je lis en direct les commentaires sur Twitter et n0secure me sauve avec son résumé de la conférence en live.

Je reste concentré toute la matinée sur les concepts présentés par les différents conférenciers SSL/TLS, Netzob, RDP : je me sens clairement comme à l’école, en train d’apprendre, et j’aime ça.

Je prends seul mon premier repas car personne ne me connait et je suis trop réservé pour m’imposer avec mon plateau auprès des visages que je reconnais. Le SSTIC est un lieu où beaucoup de personnes prennent plaisir à se rencontrer, à se remémorer des souvenirs et des anecdotes, et le temps est court entre les présentations. Les discussions sont donc joyeusement animées.

Le campus de Rennes-Beaulieu est assez terne avec son béton défraichi, mais il est magnifiquement arboré. Je m’y promène sous une petite pluie que j’aime et qui ajoute à ma mélancolie.

L’après-midi s’écoule comme la matinée, studieuse : WinRT, « l’information, capital immatériel de l’entreprise » et « audit des permissions en environnement Active Directory », Windows 8…

La journée s’achève par une conférence effectuée par les créateurs du SSTIC, Nicolas Fischbach, Frédéric Raynal et Philippe Biondi, SSTIC dont nous fêtions les 10 ans cette année. La présentation était truffée d’anecdotes et de clins d’œil, j’ai adoré. Au passage, c’est très intéressant de découvrir l’histoire du SSTIC et comment les pouvoirs publics ont pu s’intéresser de près à cette conférence. A lire ici.

De mon côté, je souhaite faire une répétition de mon intervention du lendemain, donc je rentre tôt, je mange un sandwich dans ma chambre et je bosse mes enchainements.

Jour 2.

Je passe une matinée mémorable, que je détaille dans ce billet, mais qui m’empêche d’assister aux conférences, et en particulier aux résultats du challenge du SSTIC. Ce sera mon plus grand regret de cette édition du SSTIC.

A 14h45, je suis cramponné à mon micro et je reçois un accueil chaleureux des participants. Ce sera mon meilleur souvenir du SSTIC 2012 !

A 16h45 démarre quelque chose à laquelle il faut avoir assisté une fois dans sa vie : la « Rump session ». Il s’agit, pour qui le souhaite (et ils étaient 20), de faire une présentation en 3 mn maximum ! La salle écoute silencieusement pendant qu’un chronomètre affiche le temps à la vue de tous. Si le conférencier tient le public en haleine, la consigne est de ne pas applaudir à la fin des 3 mn, ce qui laisse encore 30s au conférencier pour terminer. Si le conférencier ne passionne pas la foule, il est interrompu sans pitié à 3’00 » par un tonnerre d’applaudissements. C’est très cruel, mais très efficace. J’aimerais parfois utiliser ce système pour certaines présentations de nos hommes et femmes politiques…

Certaines présentations étaient vraiment bien, d’autres, disons, un peu commerciale…

19h, Guinness time. Mes jambes retrouvent un peu de leur solidité. Discussions avec Erwan de n0secure et Jean-Philippe Gaulier de l’OSSIR.

A 20h, autre moment fort du SSTIC, le « Social Event ». Un cocktail dinatoire où tout le monde peut discuter avec tout le monde. C’est un moment que j’ai vraiment apprécié, d’autant plus que cette fois tout le monde avait vu ma bobine et pouvait venir discuter avec moi. J’ai aussi enfin pu approcher Sid, Fred Raynal, Nicolas Fischbach et plein d’autres.

1h du matin, me voici rue de la soif, à boire une bière offerte par Sid, puis dans un bar à boire du champagne jusqu’à 3h du matin en refaisant le monde. C’est ce que j’appelle la belle vie. Couché 4h.

Jour 3.

Petite nuit mais je suis à l’heure pour la première conférence. Curieusement, j’ai un peu mal aux cheveux. Je reste concentré jusqu’au repas que je prends entouré de cracks de l’ANSSI. Je me tiens au courant des évolutions de la sécurité au sein des structures de l’Etat. Pas facile, car ces personnes sont entrainées pour résister aux interrogatoires sous la torture 😉

Les conférences de l’après-midi sont intéressantes, mais la petite nuit pèse un peu sur ma concentration.

16h30, fin du SSTIC, je m’éclipse doucement.

Ce que j’ai apprécié :

Une ambiance studieuse mais décontractée, des conférences pointues, une organisation impeccable.

Les regrets :

– Ne pas avoir pu retenir toutes les associations visage/pseudo des personnes que j’ai réussi à rencontrer. C’est très étrange de rencontrer IRL des personnes dont on suit les écrits sur leurs blogs.

– Ne pas avoir su consacrer du temps à toutes les personnes qui souhaitaient me rencontrer. J’ai appris par la suite que certains n’avaient pas osé venir vers moi, soit parce que j’étais déjà en train de discuter, soit parce que j’étais seul aux pauses…

– Ne pas avoir pris le temps de discuter avec Benjamin Morin et ses collègues de l’organisation, mais c’est toujours difficile de monopoliser le temps de ces personnes pendant le symposium.

– Enfin, ne pas avoir eu le temps de conclure mon exposé par la lecture d’un passage que j’avais repéré dans les actes du SSTIC 2012. Cela me semblait une excellente conclusion pour faire un pont entre la
sécurité informatique et l’expertise judiciaire informatique. Je vous la livre maintenant :

Tout le monde a soif de liberté et de Justice. Maintenant, je vais vous lire un passage de la préface des actes du symposium (livre à la main) :

« Mais nous devons surtout lutter contre la grande délinquance, dont la faille DuQu est le meilleur exemple. Nous allons devoir être fort, regarder en face DuQu, retrousser nos manches et bouger DuQu pour que ce fléau ne se reproduise plus jamais. S’il le faut, nous utiliserons l’appareil législatif et nous sortirons les lois DuQu. »

Je vous remercie.

😉

PS : Je vous mets ici en téléchargement les visuels utilisés pour ma conférence, y compris les quatre derniers que je n’ai pas eu le temps de projeter parce que je suis un grand bavard.

L’influence des compagnies d’experts

En me promenant sur Internet, je suis tombé sur ce document[1] que j’ai trouvé très intéressant. Extraits:


Les compagnies d’experts n’ont pas de pouvoir décisionnel sur la nomination d’un expert mais elles peuvent donner leur avis. Il s’agit d’une procédure récente et qui tend à se systématiser. Elles mènent leur propre enquête sur un candidat à l’expertise, en utilisant les ressources de leurs membres :

« J’ai un collègue ici, comme il savait que j’étais expert, qu’il y en avait d’autres, il a voulu se présenter. Ce que vous écrivez en 15 lignes, il l’écrit en 2,5 lignes… Je ne devrais pas le dire mais j’ai quand même écrit à la Compagnie pour dire: attention, il se présente mais ça ne peut être qu’une catastrophe. Récemment un autre, pas d’ici, mais qui travaillait comme sous-traitant, s’est présenté, et c’est un autre expert qui a été contacté par la compagnie pour l’approcher, pour voir ce que le gars avait dans le ventre. On va au devant du postulant pour savoir ce qu’il a dans le ventre. Il a donné un certain nombre d’explications tellement intéressantes que mon confrère m’a appelé: « Tu connais Untel ? Parce qu’il travaille pour vous et il ne te connaît pas ». J’ai vérifié, il travaillait bien chez nous mais il n’était pas de la société, et il s’est présenté comme s’il était de la société. Et puis d’autres choses par derrière qui prouvaient… j’ai complété sa vision. » (un Ingénieur Expert Judiciaire interviewé)

Aujourd’hui, les compagnies souhaitent que les juges n’inscrivent pas sur les listes des experts qui n’auraient pas reçu un avis favorable de leur part (l’avis d’une compagnie n’est pas motivé car elle pourrait être attaquée pour diffamation) mais elles n’ont évidemment pas le pouvoir d’imposer une inscription, bien qu’il semble qu’il puisse exister des coteries. On a donc ici un élément, contrôle des impétrants et auto-contrôle du milieu par lui-même, qui va dans le sens de la professionnalisation du milieu.

Cette source d’information et de contrôle est essentielle car les juges n’ont guère, surtout à Paris, de contact direct avec les experts judiciaires et l’enquête de moralité, tout comme un extrait de casier judiciaire, ne disent rien sur une réputation, bonne ou mauvaise, qui est par contre connue des pairs.

« – De toutes façons, il y a une enquête de police ?
– Oui mais elle dit simplement que votre casier est vierge ou pas vierge. Elle ne dit pas, j’allais dire si vous êtes bien pensant ou mal pensant, ce sont des mots peut-être d’un autre temps mais enfin, il y a des gens qui peuvent poser problème et qui ne sont pas forcément des gens malhonnêtes vis-à-vis de la justice ou de la police. On peut avoir un casier impeccable et ne pas être fréquentable.
– On peut faire de la créativité comptable ou quelque chose comme ça ?
– Non, ou disons qu’ils peuvent avoir des pratiques affairistes qui sont pas forcément souhaitées dans le milieu, c’est une question d’éthique. C’est plutôt ça qu’on redoute, des pratiques affairistes, des relations dans certains réseaux qui peuvent nuire ou qu’on considère comme telles. » (un Ingénieur Expert Judiciaire interviewé)

Parlant de la sélection effectuée par sa compagnie, cet ingénieur dit encore:

« – Ce n’est pas une chambre d’enregistrement. On rejette des candidats au recrutement, on rejette des candidats en cours de route, voire en fin de stage. On est sévère. Oui, on en rejette pas mal. En cours de route, sur une dizaine de stagiaires, on en a 1 ou 2 qui tombent en fin de 1ère année, voire en 2ème année.
– Vous fixez un nombre par année ?
– On sait qu’on a une capacité à former qu’il ne faut pas dépasser. On sait qu’on peut former une dizaine de personnes par an. Notre structure n’est pas organisée pour plus. Mais les choses vont évoluer puisque se met en place un centre de formation en partenariat avec la cour d’appel et d’autres compagnies.»

Plus largement, les rapports entre les compagnies et les juges sont évalués positivement, d’un côté comme de l’autre. Les magistrats considèrent les compagnies comme des partenaires indispensables, pour servir de réseau d’information lorsqu’ils sont en recherche d’un expert très spécialisé, pour donner leurs appréciations sur les candidats lors du renouvellement des listes, pour aider à assurer la formation, et plus généralement pour participer à l’évolution de la pratique de l’expertise judiciaire. Mais les magistrats rappellent également leur position de domination par rapport aux compagnies qui n’ont qu’un rôle de consultation et de proposition :

«- On fonctionne sur un mode de compromis car les compagnies sont des associations de la loi 1901 et donc elles n’ont aucune reconnaissance dans les textes. Donc c’est uniquement à titre prétorien que nous avons décidé de faire appel à leur savoir, en considérant qu’elles sont bien placées pour nous dire si les candidats sont compétents ou pas. C’est vraiment un apport qualitatif important. Autrement, ils donnent leur sentiment. On fait appel de façon bénévole à leurs services et contrairement à ce que bien souvent on craint, il n’y a pas de politique de refus de nouvelles candidatures. Bizarrement, les compagnies d’experts, peut-être parce qu’on a une politique malthusienne, ne nous réclament plus de nouvelles inscriptions. Donc leur réponse n’est jamais pour se protéger.
– Quand vous leur demandez leur avis, d’une certaine façon, rien ne vous y oblige, c’est une coutume?
– On leur demande leur avis, rien ne nous y oblige, on ne tient pas toujours compte de leur avis. Puisque on a aussi notre grille de lecture qui nous permet de savoir que dans telle discipline, chez les médecins par exemple, ils apprécient beaucoup les titres universitaires, les fonctions universitaires. Nous, ce n’est pas forcément ce qu’on recherche. On a aussi cette lecture-là, mais ça ne fait rien, ils nous disent ce qu’ils estiment intéressant dans le dossier et ce qui met en valeur les capacités de l’intéressé.» (un Magistrat à la cour d’appel de Paris interviewé)


Je n’ai pas la chance de connaître de magistrat, ni d’être au cœur du fonctionnement des compagnies d’experts, mais j’ai trouvé très instructif la lecture de ce rapport. On y voit un peu les coulisses racontées par des magistrats et des experts judiciaires.

A lire.

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[1] Les ingénieurs experts judiciaires – Rapport final – Françoise Chamozzi, André Grelon, Lise Mounier – Laboratoire d’analyse secondaire et de méthodes appliquées à la sociologie (LASMAS)

CNRS – EHESS – Université de Caen (UMR8097) – Recherche réalisée avec le soutien du

GIP «Mission de Recherche Droit et Justice» Juillet 2003

15, 18, 112

Quand dans une petite structure, un responsable informatique endosse la responsabilité du service technique (bâtiment, accès, sécurité incendie, entretien, etc) en plus de la responsabilité du service informatique, il doit apprendre un certain nombre de concepts et prendre à bras le corps des problèmes nouveaux…

Je sors d’une formation SST (Sauveteur Secouriste du Travail) où j’ai révisé les techniques de mise en PLS (différentes de celles vues lors de mon passage sous les drapeaux). J’y ai appris à poser un défibrillateur automatique, le massage cardiaque et toute la procédure d’intervention en milieu professionnel.

Je dois dire que c’est un peu différent des techniques de secours spéléo, où le milieu est particulièrement hostile et les temps d’intervention beaucoup plus long (ni hélicoptère, ni téléphone sans fil…).

Et maintenant que je sais faire un point de compression pour stopper une hémorragie importante, je vais essayer de garder les yeux ouverts quand il y a une piqûre dans un film…

Quand je suis rentré à la maison, tout fier, j’ai raconté à mes enfants comment leur père avait appris à sauver des vies. Au moment où j’expliquais le massage cardiaque, ma fille m’a interrompu pour m’expliquer que le rythme de 15 massages pour 2 insufflations, ce n’est valable que pour les adultes: pour les enfants, c’est 5 massages pour 1 insufflation…

Ma fille de 14 ans!

Elle a appris cela au collège.
Enfin quelque chose de vraiment utile!

Formation permanente

Ce billet est la suite du précédent.

Mon travail comme responsable informatique et technique dans une école d’ingénieurs doit beaucoup au fait que j’aime apprendre. Et il ne se passe pas une journée sans que quelque chose de nouveau, d’imprévue ou de surprenant ne se passe.

C’est très bon pour l’agilité cérébrale.

Alors quand cette abondance de surprises arrive le week-end dans ma vie personnelle au sujet d’un « simple » achat de billet d’avion, je ne peux que m’en réjouir pour l’efficacité de ma plasticité synaptique.

Car j’ai reçu un email d’OPODO m’indiquant que mes DEUX achats avaient été refusés par la banque…

Pourquoi deux achats, et pourquoi sont-ils refusés alors que le plafond de ma carte bancaire flirte avec le sommet du Mont Blanc (restons modeste et gourmand)? C’était donc le défit de ce samedi, en plus d’une expertise lourde et pénible.

Je contacte le numéro surtaxé d’OPODO. Après 8mn d’une musique d’attente à envoyer son téléphone contre les murs, une téléconseillère m’explique qu’elle va essayer de passer une nouvelle fois l’ordre auprès de ma banque, que le montant des billets a augmenté de 80 euros et, au lieu de me mettre en attente musicale, se trompe et coupe la communication.

Je rappelle OPODO, je me retape 7mn de musique-qui-rend-psychotique, et par miracle, je retombe sur la même personne. Après quelques explications techniques incompréhensibles, elle m’indique que j’ai deux dossiers: un pour mes enfants et un pour les adultes. Je lui fais remarquer que je n’ai reçu qu’un seul email ne contenant la référence que d’un seul dossier. Elle me fait remarquer que ce n’est pas elle qui a conçu le système informatique… Ma pression artérielle moyenne passe à 20cmHg.

Je lui demande avec courtoisie de supprimer toutes traces de mon passage dans leur entreprise, ce qu’elle fait en me mettant en attente téléphonique… pendant 5mn.

Une fois cette troisième attente encaissée (sans jeu de mots), elle m’indique que tous mes dossiers sont fermés. Je lui demande quand même pourquoi la banque refuse une demande de la part d’OPODO alors que le plafond de dépense a été remonté. Elle me dit qu’elle va se renseigner. JE LUI DEMANDE DE NE PAS ME METTRE EN ATTENTE, je reste donc en ligne avec elle (1mn) et pour finir elle m’explique qu’il faut que je contacte ma banque pour effacer tous les encours.

Tous les encours. Ma carte bancaire va devenir toute rouge!

Deux bons points pour OPODO: je sais maintenant pourquoi j’ai deux dossiers ouverts (enfants/adultes), et je sais pourquoi la banque refuse obstinément de m’autoriser à utiliser l’argent qui se trouve sur MON compte: il y a des encours. Un bémol tout de même: je ne sais pas ce que c’est qu’un encours (je m’en doute un peu, mais ce n’est pas clair).

Quand je vous disais en titre de ce billet que j’allais apprendre plein de choses ce week-end.

Nous sommes samedi, il est 11h, je retourne à la banque.

Pour faire court, les deux personnes que je vois m’expliquent qu’elles ne comprennent pas pourquoi le paiement est bloqué. Elles ne peuvent plus rien pour moi, il faut attendre lundi « que le service monétique rouvre« .

1er apprentissage: carte bancaire = service monétique spécialisé dans ma banque, mais pas ouvert le week-end.

2e apprentissage: encours = ensemble des effets qu’une banque a escomptés et qui ne sont pas encore arrivés à leur date d’échéance. Ce n’est pas clair pour vous? Pour moi non plus, mais cela doit vouloir dire qu’il y a quelque chose qui bloque dans le tuyau. Un truc qui a du repérer que je suis informaticien et qui a décidé de se venger sur moi.

De retour à la maison, je me dis qu’il faut recontacter expédia. Problème: à part un email de confirmation de création de compte chez eux, je n’ai reçu aucun email concernant mes tentatives de réservation de voyage, puisqu’elles ont toutes échouées. Je n’ai donc aucun numéro de dossier, et j’ai effacé sur leur site toutes mes réservations échouées.

C’est là qu’interviennent mes compétences d’expert judiciaire en informatique: je fais une auto-perso-intra-expertise de mon propre ordinateur. Etude des caches des navigateurs (IE et Firefox), extraction des données, analyse des historiques, et reconstitution des pages concernées. Me voilà avec plusieurs numéros de tentatives de réservations. De quoi appeler expedia.

Je tombe sur une dame charmante à qui j’explique (poliment) mes malheurs. Elle s’étonne de la piètre performance de sa collègue: « vous avez du tomber sur quelqu’un du service réservation » me dit-elle. Encore une guerre des services… Elle efface toutes traces de mon passage chez eux et me souhaite un bon week-end. Un bon point pour expedia.

Un point sur le problème:

– je n’ai pas mes billets d’avion.

– leur prix augmente tous les jours.

– les deux sites sur lesquels j’ai fait mes tentatives d’achats ont fermé mes demandes.

– la banque refuse de payer au moins une tentative (et au plus j’espère).

– il est 11h50, la banque est fermée.

A ce stade du problème, je me sens un peu forcé d’attendre lundi pour y voir plus clair. C’est mal me connaître.

Je sors mon dernier atout googlesque: une recherche sur internet des coordonnées de ma banque à appeler le week-end quand les employés sont endormis et que les internautes se lâchent avec leur carte bancaire. Bingo: un numéro (surtaxé) permet de joindre un être humain en charge des problèmes des clients de cette banque, c’est-à-dire moi. L’aventure continue.

J’appelle le service en ligne de la banque. J’ai une charmante personne à qui je présente le problème de blocage et qui m’explique que tout cela la dépasse, mais qu’elle va voir avec son chef. J’ai le chef au bout du fil. Je ré-explique, et là miracle le mot « encours » déclenche en lui un relais synaptique qui va, me semble-t-il, éclairer tout le problème: la PREMIERE demande que vous avez faite (avant de contacter la banque pour relever le plafond de dépense) a du bloquer toute demande ultérieure.

3e apprentissage: lorsque vous devez faire une dépense conséquente avec votre carte bancaire, vous devez connaître l’existence d’un plafond ET contacter votre banque AVANT de faire quoi que se soit.

4e apprentissage: toutes les personnes de votre banque, même celles auxquelles vous êtes habituées et qui vous appelle par votre nom de famille, ne connaissent pas les mécanismes complexes des encours. Ils n’ont d’ailleurs pas entendu parler d’une possibilité de blocage. C’est pourquoi quand ils vous disent: « j’ai relevé le plafond de vos dépenses, vous pouvez y aller », ce n’est pas synonyme de « votre problème de blocage est terminé ».

Malheureusement, tout chef qu’il soit, il ne peut rien de plus pour moi et m’informe que le service monétique sera ouvert lundi prochain. Il me donne néanmoins les coordonnées d’une personne de confiance dans ce service. De confiance, cela signifie « capable de résoudre mon problème ». Du moins je l’espère.

La morale (provisoire) de cette histoire:

En cas de problème d’achat de billets d’avion sur internet, il faut parfois avoir les connaissances:

– d’un banquier (plafond, encours, service monétique);

– d’un expert judiciaire (récupération des numéros de dossiers non aboutis dans le cache des navigateurs);

– d’un enquêteur (nerfs d’acier, capacité à imaginer des questions pertinentes et surtout méfiance dans les réponses des suspects).

Il faut surtout être bien entouré (femme, enfants, famille, amis) pour éviter de détruire son ordinateur, son téléphone portable et sa santé.

Lundi, je recommence.

Vive la formation permanente.

C’est dimanche, j’ai une grosse expertise judiciaire à faire.

[Edit 13/01/2008 16:14] Vous pouvez lire en commentaire de ce billet l’explication juridique et technique de tous mes malheurs par Maître Eolas.

Les Avocats et l’informatique

Les avocats, comme les experts judiciaires, doivent suivre des formations leur permettant de rester « dans le coup ». Ces formations sont d’ailleurs souvent assez chères et de qualités inégales.

C’est pourquoi lorsque l’on m’a proposé d’assister à une conférence sur la cryptographie, organisée par le CRFPA (Centre Régional de Formation Professionnelle des Avocats) près de chez moi, j’ai été intrigué:

1) La conférence était gratuite, mais réservée aux avocats (et à leurs invités 😉

2) Le conférencier était (et est toujours) un avocat, Maître Alain Bensoussan

3) Comment ce sujet extrêmement technique allait-il être abordé?

Il y a parmi les avocats, comme parmi toutes les professions, des personnes passionnées par l’informatique, des utilisateurs normaux, des utilisateurs réfractaires et des technophobes acharnés. Le tout dans des proportions certainement identiques à toutes les professions.

Un bémol quand même: la sélection et la formation des avocats m’incitent à penser qu’on y trouve relativement peu d’adeptes de Charles Babbage, de fans de Prolog ou d’admirateurs de SHRDLU

Bref, me voici dans le public, au premier rang, face à un avocat certainement compétent dans son domaine, mais prétendant réaliser un exposé technique dans une branche de MON domaine.

Prétentieux que j’étais !

L’exposé a été d’une clarté extraordinaire.

Les explications sur les échanges de clefs, sur leurs différents types (clefs publiques et privées) et sur les mécanismes mis en jeux m’ont simplement bluffé.

J’ai dévoré chaque mot et me suis retenu de me lever à la fin pour applaudir !

La seule chose qui m’a un peu rassuré, c’est de voir le regard un peu endormi des différents élèves-avocats pour qui la conférence était obligatoire. Je sais de source proche que la plupart n’avait pas compris écouté grand chose…

J’ai néanmoins pu constater depuis, lors des réunions d’expertise, que nombres d’avocats maîtrisent parfaitement l’outil informatique et les concepts qui se cachent derrière, en plus évidemment de leur expertise « naturelle » du Droit. A leur maîtrise du mot juste s’ajoute celle du jargon informatique.

A l’inverse, c’est malheureusement loin d’être mon cas: outre que je ne prétends même pas maîtriser en profondeur toutes les branches de mon art domaine, j’éprouve des difficultés certaines avec un certain nombre de termes juridiques… (je révise: pénal = là où on donne une peine, civil = pas militaire, heu non, c’est entre deux personnes, heu…)

En fait, mon incompétence en droit se voit assez peu, car je suis passé maître dans l’art du hochement de tête en réunion, voire de la petite boutade qui fait plaisir: « Maître, c’est vous l’expert… en Droit ».

En plus, c’est vrai !