Un hacker expert judiciaire

Aussi loin que je puisse remonter le fil de mes souvenirs, j’ai toujours été un hacker. Un hacker de l’ombre, anonyme et discret. Mais toute mon énergie est tournée vers le hacking, en particulier informatique.

Quels sont mes hacks favoris? J’aime bien démonter les systèmes pour comprendre comment ils fonctionnent. Je viole systématiquement les garanties de tous les matériels que j’achète, uniquement pour voir l’agencement intérieur et comprendre le fonctionnement du produit. J’admire souvent l’intelligence des ingénieurs et des techniciens qui
ont réussi à mettre au point tel sous système particulièrement
astucieux. Je remplace parfois une pièce par une autre, plus performante, pour rendre le produit plus efficace, mieux adapté. J’en reçois une joie intense quand cela fonctionne.

C’est un état d’esprit très pratique quand on est expert judiciaire, c’est-à-dire inscrit sur une liste de référence auprès de sa Cour d’Appel de rattachement. Quand les magistrats me confient un scellé, ils n’imaginent pas nécessairement les trésors de savoir faire qu’il faut pour pouvoir les démonter correctement sans connaître a priori le modèle, pour éviter tous les pièges parfois tendus par les fabriquants (vous savez, LA vis cachée sous une étiquette sous la batterie…). Je fabrique parfois mes propres outils (par exemple un tournevis à partir d’une brosse à dent) pour ne pas abîmer les plastiques des machines qui me sont confiées (on n’attaque pas le démontage d’un Mac au burin et au marteau!).

Je suis un hacker car j’aime comprendre le fonctionnement interne d’un système informatique, que ce soit un ordinateur, un ensemble d’ordinateurs ou un réseau informatique.

J’aime bien détourner l’usage initial d’un objet, pour le transformer, l’adapter ou le recycler. Oh, ce n’est jamais extraordinaire, car je n’ai pas l’âme, l’intelligence ou la patience d’un inventeur. Mes créations sont banales aux yeux des spécialistes, mais elles sont uniques à mes propres yeux.

Je construis un NAS avec une vieille carte mère, des adaptateurs SATA, des disques durs et une vieille unité centrale. Je remplace le processeur par un moins consommateur d’énergie. Je supprime le ventilateur, tout en underclockant le processeur dans le BIOS, pour baisser le bruit de fonctionnement.

Je transforme une salle de TP informatique en cluster de calcul, le temps d’une après-midi, en bootant sur un liveCD. J’y affiche en temps réel le calcul d’une image de synthèse en utilisant une version parallélisée de PovRay. Chaque machine calcule 1/20e de l’image et l’ordinateur du prof (le 21e pc de la salle) assemble en direct le résultat des calculs. C’est magique. La salle est hackée.

Je démonte un disque dur externe USB pour en récupérer la carte et pouvoir ainsi transformer rapidement n’importe quel disque dur interne en disque externe. Le boîtier est hacké. Je bricole une alimentation de télévision pour l’utiliser sur un ordinateur portable dont le chargeur est en panne. L’alim est hackée. Je récupère toutes les vis, tous les câbles, tous les adaptateurs de mes vieux ordinateurs, parce que cela peut toujours servir (et d’ailleurs, cela me sert souvent). Les vis sont hackées. Euh, là non en fait…

Cela fait-il de moi un Hacker, intronisé parmi les plus grands Hackers internationaux? Non, bien sur. Je suis un tout petit hacker de province.

Certains diront même que je ne suis pas un vrai hacker. Car un vrai hacker est un rebelle qui ne peut pas être expert judiciaire. A ceux là, je rappelle que tout le monde peut bidouiller. Alors, pourquoi pas un expert judiciaire?

Et pour mes enfants, je suis le plus grand hacker expert judiciaire du monde!

Doublé d’un côté un peu nerd et Otaku

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PS: Dans ce billet, j’utilise évidemment la définition initiale (et normale) du mot « hacker », c’est-à-dire (via Wikipédia): « Un hacker est quelqu’un qui aime comprendre le fonctionnement d’un mécanisme, afin de pouvoir le bidouiller pour le détourner de son fonctionnement originel. Appliqué à l’informatique, un hacker sait où et comment bidouiller un programme ou matériel électronique pour effectuer des tâches autres que celles prévues par ses concepteurs. »

Stockage

La semaine dernière, j’ai reçu un ordinateur sous scellé à fin d’analyse. Pour une fois, il ne s’agit pas de recherche d’images pédopornographiques, mais de retrouver des conversations électroniques.

J’ouvre le scellé, et en extrait le disque dur pour analyse. Le disque dur fait 3To…

Bon, c’est normal, les capacités des disques durs vont en augmentant, mais après vérification, je ne dispose pas de disques durs suffisamment grands, et mon NAS personnel est presque plein. Comment faire une copie pour analyse, sachant qu’il me faut facilement le double de la taille du disque d’origine: pour l’image bit à bit, pour le fonctionnement en VM et pour toutes les données extraites ?

Sachant que le budget de la Justice, déjà exsangue, n’est pas prévu pour m’offrir un joli NAS, et que tout le monde compte sur mon travail d’analyse, rapide, fiable et PAS CHER… il me faut trouver une solution.

Twitter étant mon ami, je lance un tweet SOS à ceux qui me suivent sur le compte @Zythom. Et me voilà en train de tester plusieurs outils gratuits dont je vais un peu vous parler aujourd’hui.

Tout d’abord, il se trouve que je dispose d’un nombre invraisemblable de carcasses d’ordinateurs qui remplissent mon bureau, entre vieilles cartes mères et webcams-qui-ne-marchent-que-sous-XP. J’ai donc cherché dans le lot un vieux PC avec une carte mère acceptant les disques durs SATA. Me voici avec un NEC « Pentium 4 » datant du temps où l’on nommait les PC du même nom que leur processeur.

Une fois la poussière priée d’aller sur les objets alentours, je pars en chasse d’un clavier et d’une souris PS2, d’un écran fonctionnel, d’un cordon d’alimentation et d’un câble réseau catégorie 5e au moins.

En regardant bien la carte mère de cette vieille machine, je compte 4 ports SATA et deux ports IDE. Je fouille alors dans mon stock de disques durs dédiés aux expertises, et j’en extrais un vieux disque dur IDE de 40 Go, deux disques SATA de 3To et un disque tout neuf de 4To.

Me voici prêt à tenter de construire un NAS avec ça.

Les followers qui ne dormaient pas au moment où j’ai posé ma question m’ont proposé les produits suivants:

Nexenta Community Edition

XPEnology

OpenMediaVault

OpenFiler

FreeNAS et

NAS4Free

J’ai testé ces produits avec la machine que j’avais assemblée de bric et de broc. Voici mes constatations, et je demande aussitôt aux passionnés de ces produits de me pardonner mon test simpliste (je ne suis pas un labo de tests non plus!):

– Nexenta CE n’a pas reconnu mes disques durs;

– XPEnology n’a pas fonctionné de manière stable malgré tous mes efforts (je dispose déjà de deux NAS Synology, un vieux DS209j et un DS713+ flambant neuf, donc j’étais motivé);

– OpenMediaVault n’a pas réussi à faire booter ma machine;

– OpenFiler n’a pas reconnu mon disque dur de 4To lors de la configuration SoftRAID;

Le développement de FreeNAS ayant été repris par une société commerciale, j’ai directement testé NAS4Free qui est la suite du développement du code originel de FreeNAS. NAS4Free a reconnu l’ensemble de ma configuration, aucun message d’erreur n’est apparu lors de la constitution du RAID0 qui a aggloméré tous mes disques durs (sauf celui de 40Go qui sert uniquement pour le système au démarrage).

Mon choix s’est donc arrêté sur  NAS4Free.

J’ai donc maintenant un NAS de capacité 10 To 9 To qui me permet de mener à bien la mission d’expertise qui m’a été confiée. L’accès aux disques est rapide, l’incorporation dans mon réseau privé très simple, le partage des données entre machines Linux ou Windows est simple à paramétrer. Bref, une solution que je recommande à tout ceux qui ont un besoin rapide de stockage pour pas trop cher.

Seuls inconvénients: la consommation et le bruit, légèrement supérieurs à ceux de mon NAS perso Synology DS713+ sur lequel s’appuie toute la famille.

Mais si le dernier reste allumé en permanence toute l’année, le NAS4Free ne reste allumé que le temps d’une expertise, c’est-à-dire… quelques nuits 😉

Ma prochaine étape sera de faire l’achat que quelques cartes PCI multiports SATA pour augmenter la capacité de mon NAS improvisé. Je dois pouvoir atteindre les 16 disques durs de 4To, soit 64To!

Ensuite, pour passer à 180To, je testerai le pod de stockage Backblaze que Korben m’a fait découvrir.

De quoi voir venir 😉

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Source image: inpic.ru

L’art de la copie d’écran

Il m’est arrivé, au début de mon activité d’expert judiciaire en informatique, d’assister des huissiers de justice lors de la constitution de preuves, en matière de publication sur internet.

En clair, aider un huissier à faire une copie d’écran.

Puis, avec le temps, les compétences informatiques des huissiers ont fortement augmenté, et il devient rare que l’on me demande de l’aide pour faire une copie d’écran.

Pourtant…

Comme vient de le montrer une affaire récente, une copie d’écran peut être refusée par un tribunal, si elle ne présente pas un caractère probant suffisant.

Extrait du jugement :

« Attendu que si la preuve d’un fait juridique n’est, en principe, et
ainsi qu’en dispose l’article 1348 du code civil, soumise à aucune
condition de forme, il demeure néanmoins que lorsqu’il s’agit d’établir
la réalité d’une publication sur le réseau internet, la production d’une
simple impression sur papier est insuffisante pour établir la réalité
de la publication, tant dans son contenu, que dans sa date et dans son
caractère public, dès lors que ces faits font l’objet d’une
contestation ; qu’en effet, et comme le souligne le défendeur
l’impression peut avoir été modifiée ou être issue de la mémoire cache
de l’ordinateur utilisé dont il n’est pas justifié que cette mémoire ait
été, en l’occurrence, préalablement vidée ; »

A l’intention de mes lecteurs, surtout s’ils sont huissiers, je propose une méthode de copie d’écran d’une page web qui me semble respecter les règles de l’art:

Étape 1: Choisir un ordinateur « sur » pour établir le constat.

Idéalement, il faut prendre un ordinateur réinstallé « from scratch », à partir d’un template de machine virtuelle par exemple, ou un ordinateur réinitialisé à partir de ses DVD de restauration.

Pour gagner du temps, il est souvent préféré l’utilisation d’une machine ayant déjà servi (le PC du directeur, de l’huissier, du secrétaire…).

[EDIT] Il est possible de booter une machine à partir d’un liveCD pour plus de sécurité (commentaire de KaitoKito). 

Étape 2: Vider le cache local.

Sur l’ordinateur choisi pour effectuer le constat, lancer le navigateur et vider le cache. Cette opération peut être complétée par l’utilisation d’un utilitaire de nettoyage (tel que CCleaner par exemple, qui existe en version portable sur une LiberKey par exemple).

Étape 3: Vérifier les DNS.

Vous allez surfer sur internet, en entrant l’adresse d’un site web. Il faut donc vérifier que sa traduction en adresse IP se fait correctement. Au besoin, il est possible de faire plusieurs essais avec des serveurs DNS différents.

Étape 4: Afficher la page incriminée.

Saisir l’adresse complète du site web dans le champ approprié du navigateur (et non pas dans un moteur de recherche).

Étape 5: Imprimer la page.

Une fois la page affichée, en faire l’impression sur une imprimante de confiance. Si l’imprimante n’est pas sure, faire une comparaison intégrale de l’impression papier. Vérifier que l’adresse complète de la page apparaît sur l’impression: en effet, en cas d’adresse longue, celle-ci est souvent tronquée. Il faut agir sur les paramètres de mise en page d’impression (variables en fonction des imprimantes). La date doit apparaître clairement et il faut vérifier qu’elle est correcte (et mentionner la vérification sur le procès verbal!).

Notez que cette étape peut être dématérialisée par la création d’un fichier PDF (à l’aide d’une imprimante pdf) ou la sauvegarde de la page complète dans un format approprié.

Je conseille également d’imprimer le code source de la page, contenant beaucoup plus d’informations pouvant être utiles à la manifestation de la vérité.

Étape 6: Recommencer avec un autre navigateur.

Une clef USB contenant par exemple les logiciels du kit Liberkey, peut accueillir différents navigateurs sans qu’il soit besoin de les installer: Chromium, Firefox, Chrome, Opera, QtWeb…

L’utilisation d’un autre navigateur permet de vérifier les différents comportements qu’une page web peut avoir (code source, plugings…).

Étape 7: Recommencer avec un autre ordinateur et un autre réseau.

Le plus simple est d’utiliser un smartphone fonctionnant en 3G, et de vérifier que les informations affichées par la page web incriminée sont les mêmes que précédemment.

Voilà. La procédure est complète. Vous avez votre copie d’écran et le PV mentionnant scrupuleusement toutes les opérations effectuées.

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Cela  suffit-il à constituer une preuve irréfutable ?

La réponse est non.

Si la partie adverse souhaite réellement contester cette procédure, rien de plus simple: il suffit de me contacter pour une contre expertise.

Exemples:

Étape 1: Choisir un ordinateur « sur » pour établir le constat.

Il est extrêmement rare que l’ordinateur utilisé pour faire le constat soit « sur ». Le seul moyen d’en être certain est un ordinateur tout neuf sorti de son emballage (et encore ;-). L’hypothèse d’une contamination par un malware ou un virus n’est pas à exclure. D’où la nécessité de faire les constatations avec au moins un autre ordinateur (un smartphone par exemple), ce qui est rarement fait.

Étape 2: Vider le cache local.

Il n’est pas rare que l’entreprise dispose d’un serveur proxy pouvant faire office de cache. Ce cache a-t-il été neutralisé?

Étape X: Quelles vérifications ont été faites sur le serveur hébergeant la page web incriminée? Qui a vérifié s’il n’y a pas eu falsification des codes sources à un moment ou à un autre? Qui peut assurer que la personne ayant créé les codes sources incriminés est la seule à pouvoir y accéder?

Je suis sur que parmi mes lecteurs férus de sécurité informatique, nombreux seront ceux qui trouveront des failles à la procédure que j’ai présentée.

Donc, de nombreuses contestations sont possibles. Elles dépendent des moyens financiers que vous mettrez en œuvre pour vous défendre, de la compétence de votre avocat, et bien sur, de celle de votre expert judiciaire 😉

La copie d’écran est un art complexe.

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Source image Dessins de communication

Un expert judiciaire peut-il être mauvais dans votre domaine ?

Cela fait maintenant plus de 14 années que j’ai prêté le serment de l’expert judiciaire, et donc autant d’années où je suis confronté aux regards des autres sur cette activité, surtout depuis que j’ai ouvert ce blog, en septembre 2006.

Et une question revient souvent de la part de mes interlocuteurs: un expert judiciaire peut-il être mauvais dans son domaine d’expertise, qui se trouve être le votre?

La question n’est pas toujours posée aussi directement. Elle apparaît souvent en filigrane dans certaines critiques que je peux lire sur internet, et dans les questions que l’on me pose sur le processus d’inscription des personnes sur les listes auprès des tribunaux. La question est souvent posée par des spécialistes très compétents dans leur domaine, et qui ont été déçus par une rencontre avec un « expert ».

Je pourrais évacuer le problème en répondant: « oui, il y a des experts judiciaires nuls ». Je sens déjà la crispation des présidents de compagnies d’experts qui me lisent et la bronca de certains experts judiciaires qui ne portent pas mon blog dans leur cœur (mais qui me lisent quand même ;-).

Mais c’est vrai qu’on me dit qu’il y a des experts judiciaires nuls…

Tout dépend cependant de ce que l’on entend par « nuls ». J’ai déjà raconté ici cette anecdote du DSI d’un grand groupe qui venait d’être inscrit sur la liste des experts judiciaires et qui ne semblait pas connaître grand chose de l’analyse inforensique d’un disque dur… Effectivement, cette personne serait peu inspirée d’accepter une mission où il aurait à faire une telle analyse technique. Mais peut-on considérer pour autant qu’il soit un expert judiciaire « nul »? N’a-t-il pas des compétences (que je n’ai pas forcément) sur la gestion d’un grand service informatique, ou plutôt d’un service informatique d’un grand groupe? N’est-il pas avisé sur les questions de bonnes pratiques du management d’un système d’information? Sur son organisation?

Qui suis-je pour en juger?

Une des ambiguïtés du terme « expert judiciaire » vient du mot « expert ». Prenons tout d’abord sa définition dans le dictionnaire en ligne de l’académie française:

Expert:

Personne particulièrement qualifiée dont la profession consiste à se prononcer sur l’origine, l’authenticité, la valeur d’un objet d’art ou d’un objet de collection. Un expert en timbres, en meubles de style, en faïences, en livres anciens. L’expert estime que ce tableau, cet autographe est un faux. Faire appel à un expert pour fixer une mise à prix.

Par extension: Toute personne qui, connaissant bien un domaine particulier, en a fait sa spécialité. C’est un expert en architecture médiévale. Plus qu’un connaisseur, c’est un expert.

Pour autant, je trouve intéressante la page Wikipédia consacrée à l’Expert:

« L’expert n’est pas simplement celui qui sait, sur un champ délimité de savoir. Son expérience reconnue lui permet d’apporter une réponse argumentée à une demande d’expertise. Il faut le différencier du savant et aussi du spécialiste. »

Son expérience reconnue… Mais par qui et comment?

Un expert doit être différencié du savant et du spécialiste…

La confusion augmente quand on sait qu’un certain nombre de professions utilisent le mot « expert »:

– expert en assurances

– expert-comptable

– expert immobilier

– géomètre-expert

Une recherche du mot « expert » dans les fiches métiers de pole-emploi retourne 19 résultats…

Finalement, nos anciens auraient peut-être été bien inspirés d’éviter le mot « expert » et de lui préférer le mot « technicien ». Mais l’expression « technicien judiciaire » a du paraître moins prestigieuse à certains.

De mon point de vue, l’expert judiciaire est un généraliste de sa spécialité avec une bonne expérience. Il est moins bon qu’un spécialiste pointu (mais il peut le comprendre et échanger avec lui), mais il possède des connaissances plus larges (un minimum de connaissances en droit, une vision large de son domaine d’activité). Il faut également un minimum d’expérience pour pouvoir estimer les bonnes pratiques, les règles de l’art ou les préjudices subis.

La nomenclature qui définit les domaines dans lesquels l’on peut être expert judiciaire a été publiée dans l’arrêté du 10 juin 2005 (JO du 28/06/2005 texte 12 pdf). Concernant l’informatique, il y a plusieurs rubriques, comme par exemple:

– E.1.1. Automatismes

– E.1.2. Internet et multimédia

– E.1.3. Logiciels et matériels

– E.1.4. Systèmes d’information (mise en oeuvre)

– E.1.5. Télécommunications et grands réseaux

– F.5.5. Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication

– G.2.5. Documents informatiques

Cette dernière rubrique (Documents informatiques) étant dans la section G: « Médecine légale, criminalistique et sciences criminelles », sous section G.2: « Investigations scientifiques et techniques »…

Je suis pour ma part inscrit uniquement dans la rubrique « Logiciels et matériels » (ne me demandez pas pourquoi). Tous les informaticiens comprendront que cette rubrique est extraordinairement vaste et couvre tous les aspects de l’informatique.

C’est pour cela que je me sens « généraliste ».

Suis-je pour autant bon dans ce domaine? Je dirais que je me sens tout petit quand je lis par exemple certaines épreuves d’Insomni’Hack, ou le programme du SSTIC 2013… Ce qui fait que les spécialistes en sécurité informatique, confronté à une expertise judiciaire, pourraient en déduire que je suis nettement moins bon qu’eux. Pour autant, je suis capable de comprendre leurs explications, voire de les rendre claires. Et c’est justement ce que me demande les magistrats (ou les avocats): déchiffrer la complexité technique d’un dossier pour qu’ils puissent prendre la décision juridique appropriée.

Je suis un généraliste de l’informatique confronté à des spécialistes. Et comme en médecine, parfois, les spécialistes regardent un peu de haut le médecin généraliste.

Donc, pour répondre à la question qui fait l’objet du billet, oui, un expert judiciaire peut vous sembler mauvais dans votre domaine d’expertise. Mais ce n’est pas ce qu’on lui demande. On lui demande de comprendre vos explications de spécialistes et de répondre clairement et scientifiquement à des questions posées par un magistrat ou un avocat.

Et de donner son avis en son honneur et sa conscience.

Léo 7 ans

Léo a sept ans. C’est un petit garçon volontaire. Il me dévisage sans peur, mais avec une lueur d’incompréhension dans le regard.

Il est 6h30 du matin.

J’accompagne un huissier de justice, avec un serrurier et deux policiers. Cinq hommes étrangers viennent d’entrer dans l’univers familier de Léo. Et de le réveiller.

Léo vit avec sa maman et son petit frère. Son papa est parti peu après la naissance du dernier. Sa mère a, paraît-il, commis un délit qui nous amène à cette perquisition matinale. Mais Léo n’en sait rien. Il s’interroge sur le bruit de la sonnette à 6h du matin. Il a entendu sa maman ouvrir la porte, puis des grosses voix dans l’entrée de la maison. Inquiet, il s’est levé et a appelé sa mère. Elle a tardé à venir le rassurer. Il est donc sorti courageusement de sa chambre.

Il est là devant moi, dans le couloir.

Je mets un genou à terre pour que mon regard soit au même niveau que le sien. Je suis un peu paniqué car mon domaine d’intervention à moi, ce sont les ordinateurs. Mon rôle dans cette perquisition consiste à suivre l’ordonnance du magistrat qui recherche des données précises « sur tout support informatique présent dans la maison ».

Je n’avais pas prévu de me retrouver face à un petit garçon affrontant un danger inconnu de lui.

Mon cerveau tourne à plein régime. Il ne me connaît pas, donc je ne peux pas me montrer familier en lui prenant la main. Je me demande ce que j’aurais aimé que quelqu’un dise à mes enfants en pareille situation.

Je lui fais un grand sourire. Je force mon visage à se détendre: « Ta maman a un petit problème avec son ordinateur. Nous sommes venus pour voir si on peut le réparer. »

C’est la seule chose qui m’est venue à l’esprit.

La mère de Léo est derrière moi et m’a entendu. Malgré son stress intense et la violence de l’intrusion dans son espace privé, elle comprend mon intention. Elle s’approche de Léo en souriant et lui confirme que nous sommes là pour résoudre un problème informatique.

Léo, sept ans, est rassuré mais continue de me regarder un peu inquiet: « J’espère que ce n’est pas mon nouveau jeu qui a abimé l’ordinateur de maman? »

Mon cœur se brise, mais aucun muscle de mon visage ne bouge. Je lui réponds qu’il y a peu de chance et que je suis sûr que c’est autre chose. C’est si compliqué les ordinateurs.

La dernière image que j’aurai de Léo est son départ pour l’école accompagné par une voisine et tenant son petit frère par la main. Je lui ai fait un petit signe de la main avec le pouce levé.

J’ai aussi fait en sorte que l’ordinateur soit toujours en état de fonctionner normalement avant le soir.

Mais que c’est dur une perquisition.

Déclaration fiscale de l’expert judiciaire

Un court billet pour signaler la très intéressante question de Monsieur le Député Dominique Baert au Ministre de l’économie et des finances. Cette question concerne le statut fiscal de l’expert judiciaire. Vous allez voir que la situation n’est pas brillante.

Je reprends le texte de la question ici en ajoutant un lien et en modifiant la mise en page :

« M. Dominique Baert interroge M. le ministre de l’économie et des
finances sur la clarification souhaitable du régime fiscal des
expertises judiciaires. En effet, celui-ci a été, ces dernières années, a priori
précisé par deux réponses ministérielles.

La première établit ainsi
que, dès lors que l’expert désigné agit à titre personnel, et non pas au
nom d’un service, il dispose de la plus large autonomie pour réaliser
ses expertises, et n’est soumis à aucune directive ou contrôle
particulier. Les revenus tirés de cette activité exercée en toute
indépendance relèvent des bénéfices non commerciaux en application de
l’article 92 du code général des impôts (Rép. min. éco. n° 07671 à M. Jean-Pierre Sueur : Journal officiel Sénat Q 25 juin 2009, page 1598).

Pour autant, une seconde réponse a estimé que les prestations
délivrées dans le cadre de son activité de collaborateur occasionnel du
service public, par un hydrogéologue agréé exerçant à titre libéral,
sont assujetties à la TVA. Le fait que le décret du 18 mars 2008 prévoit
le rattachement des collaborateurs occasionnels du service public au
régime général de la sécurité sociale est sans incidence sur cette
analyse (RES n° 2008-21 TCA, 7 octobre 2008).

Or il n’est guère
compréhensible qu’un expert judiciaire, collaborateur de justice,
recevant un bulletin de paye, doive déclarer ses rémunérations dans la
catégorie des BNC (et non dans celle, légitime et somme toute logique,
des traitements et salaires) et, de surcroît, supporter la TVA. Voilà
pourquoi il lui demande l’appréciation du Gouvernement sur ces
dispositions, et s’il peut lui préciser ce qu’est réellement le droit
fiscal de cette profession. »

Inutile de préciser que j’attends avec impatience la réponse, tant est floue la situation du collaborateur occasionnel de la Justice pour les différents services de l’État… Remarquez au passage que Monsieur le Député considère qu’il s’agit d’une « profession ».

Pour mémo :

Question écrite n° 07671 de M. Jean-Pierre Sueur (Loiret – SOC)
publiée dans le JO Sénat du 26/02/2009 – page 469

M. Jean-Pierre Sueur appelle l’attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur la difficulté que semblent rencontrer les services fiscaux de différents départements à apporter des réponses identiques à la question de savoir quel est le régime fiscal des sommes perçues par des personnes retraitées exerçant une activité d’expert près les tribunaux dans leur domaine de compétence professionnelle. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui préciser ce qu’il en est.

Transmise au Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Réponse du Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi
publiée dans le JO Sénat du 25/06/2009 – page 1598

En principe, la détermination du régime fiscal de sommes perçues à l’occasion d’une activité professionnelle nécessite un examen des conditions effectives d’exercice de l’activité. D’une manière générale, les revenus qui proviennent d’une profession dans laquelle l’activité intellectuelle joue un rôle prépondérant et qui consiste en l’exercice d’un art ou d’une science sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sauf à ce que soit démontrée l’existence d’un lien de subordination qui emporte qualification des revenus en traitements et salaires. Bien que les personnes qui exercent des fonctions d’expert près les tribunaux tiennent de l’autorité judiciaire leur nomination, leur mission ainsi que leur rémunération, il résulte d’une jurisprudence constante, tant administrative que judiciaire, que ces sujétions ne caractérisent pas l’existence d’un lien de subordination. Dès lors que l’expert désigné agit à titre personnel, et non pas au nom d’un service, il dispose de la plus large autonomie pour réaliser ses expertises et n’est soumis à aucune directive ou contrôle particulier. Les revenus tirés de cette activité exercée en toute indépendance relèvent des bénéfices non commerciaux en application de l’article 92 du code général des impôts. Ces précisions sont de nature à répondre aux préoccupations exprimées par l’auteur de la question.

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Source image Megaportail

Prise d’image rapide d’un disque dur

Je voudrais vous faire part d’un retour d’expérience sur le sujet de la prise d’image de disque dur. J’en ai déjà parlé un peu sur ce blog, ici et .

Lorsque l’on me confie un scellé à analyser, la première étape technique consiste à faire une image du disque dur à analyser. Il faut bien sur que l’image soit parfaitement fidèle, car c’est elle (et elle seule) qui sera étudiée ensuite. La prise d’image doit garantir l’accès en lecture seule du disque dur, afin de ne rien écrire sur celui-ci pour ne pas compromettre la preuve.

A ce stade du récit, je me permets de rappeler que cette précaution ne vaut pas pour certains cas, comme par exemple avec les disques durs SSD. En effet, ceux-ci disposent d’un algorithme d’égalisation de l’usure qui peut entraîner le déplacement de données dès la mise sous tension (donc techniquement, les données du disque dur sont modifiées avant même qu’on cherche à y accéder). Mais comme à l’impossible nul n’est tenu…

En pratique, il suffit d’extraire le disque dur du scellé et de le placer dans un duplicateur de disque dur. Sauf, que ces appareils coûtent plusieurs milliers d’euros et qu’aucun tribunal n’a encore accepté de m’équiper… Il me faut donc fabriquer moi-même mon duplicateur, ce que j’ai détaillé dans ce billet intitulé « La nuit, à travers le réseau« .

Mais cette technique me posait plusieurs problèmes: ma station de prise d’image est relativement volumineuse et les temps de copie sont très longs. Ces problèmes ne sont pas gênants lorsque je travaille chez moi, mais deviennent rédhibitoires lors d’une intervention en extérieur où la mobilité et le temps sont des facteurs clefs. De plus, la technique demande de démonter le disque dur à copier, ce qui n’est pas toujours facile à faire, surtout dans le cas d’ordinateurs portables.

Voici donc la méthode que j’utilise, et qui pourrait intéresser des confrères, ou des lecteurs souhaitant faire une copie rapide d’un disque dur complet (sauvegarde, récupération de données…). Elle a été testée sur des ordinateurs de type PC, sous Linux ou Windows.

Je dispose d’un ordinateur portable muni d’un port USB3. Ce type de port USB est 10 fois plus rapide que les ports USB2 encore très fréquents sur les ordinateurs. Mais à l’époque d’écriture du présent billet, de plus en plus de portables disposent de ce type de port, à des prix abordables. Il faut également s’assurer de la présence d’une carte réseau gigabit.

Il faut faire l’acquisition d’un disque dur externe USB3 de grosse capacité pour pouvoir stocker l’image obtenue lors de la copie. J’ai choisi un disque de 3To premier prix (en fait, j’en ai plusieurs en stock car parfois je suis amené à les mettre eux-mêmes sous scellés, mais c’est une autre histoire).

Je me suis acheté un petit switch gigabit et deux câbles réseaux gigabits. Là aussi, un premier prix suffira. 5 ports, c’est très bien.

Il faut disposer d’un lecteur de cédérom USB, très pratique maintenant que beaucoup de portables sont livrés sans lecteur. J’ai opté pour un graveur de DVD premier prix, ce qui me permettra de réaliser des gravures de CD ou de DVD pour réaliser des scellés facilement lorsque le volume de données est relativement faible.

Enfin, il faut télécharger et graver le liveCD DEFT que se doit de disposer tout expert informatique.

Procédure :

1) Vous allumez votre ordinateur portable et branchez votre disque dur externe USB3 (sur le bon port USB, celui qui est bleu à l’intérieur).

2) Vous configurez une adresse IP fixe sur la carte réseau giga (par exemple 192.168.63.1) que vous branchez sur le switch giga.

3) Vous désactivez votre firewall

4) Vous créez un répertoire « partage » sur votre disque dur externe, que vous configurez en partage pour tous #PartagePourTous.

5) Vous branchez votre lecteur de cédérom sur l’ordinateur à copier, que vous branchez lui sur le switch giga.

6) Vous bootez l’ordinateur à copier sur le LiveCD DEFT (en général, le choix du boot se fait par l’appui répété de la touche « Echap »)

7) Sur l’ordinateur à copier, vous tapez:

% ifconfig eth0 192.168.63.100

% ifconfig eth0 up

% mkdir /root/toto

% mount -t cifs //192.168.63.1/partage  -o username=zythom   /root/toto

% dd_rescue  /dev/sda  /root/toto/hd.dd

Avec un peu de chance, si la carte réseau du pc à copier supporte le gigabit/s (ce qui est le cas de beaucoup de cartes aujourd’hui), et si la distribution DEFT reconnaît les différents composants du pc à copier, alors vous aurez réalisé en un temps record, une copie du disque dur de la machine visée. Par exemple, un disque dur d’1 To en moins de 3h. La dernière commande de l’étape 7 crée un fichier nommé « hd.dd » dans le répertoire « partage » situé sur votre disque dur externe USB3. Ce fichier contient une image fidèle (aux erreurs de segments près) du disque dur du pc que vous deviez copier.

Bien sûr, plusieurs étapes ont des chausses trappes:

– à l’étape 6, le démarrage sur le LiveCD peut nécessiter le choix de paramètres de boot particuliers (noapic, nolapic, nodmraid, vga=xxx…)

– la configuration du réseau à l’étape 7 peut être plus complexe et demande une bonne maîtrise des paramétrages, surtout en cas de carte réseau particulière.

– la commande « mount » indiquée à l’étape 7 suppose que votre ordinateur portable est une machine Windows avec un compte protégé par mot de passe (demandé lors de l’exécution de mount). Il faut adapter la commande si vous êtes sous Linux ou Mac OS.

Cette procédure ne fonctionnera pas à tous les coups, mais permettra dans un grand nombre de cas, d’avoir une copie rapide de disque dur, à un coût raisonnable.

N’hésitez pas à me faire part de vos améliorations en commentaires.

———————————————-

Source image Megaportail

Règles de déontologie

La déontologie est l’ensemble des règles et des devoirs qui régissent une profession ou une activité, la conduite de ceux qui l’exercent, les rapports entre ceux-ci et leurs clients ou le public.

Le Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice (CNCEJ) a mis à jour les règles de déontologie de l’expert de justice. Le document est téléchargeable sur leur site.

Comme je pense que ce document doit avoir la diffusion la plus large possible et contribue à éclairer le travail d’un expert judiciaire, je vous le livre in extenso ci-après. Le respect de ce code de déontologie est la meilleure protection pour un expert judiciaire.

Je vous en souhaite bonne lecture, en particulier aux experts judiciaires qui débutent dans cette noble activité, en cette période de prestations de serment.

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Les règles de
déontologie de l’expert de justice

(mises à jour le 9
mai 2012)

INTRODUCTION AUX
RÈGLES DE DÉONTOLOGIE

La première édition
des règles de déontologie de l’expert a été publiée à
l’initiative des Présidents THOUVENOT et SAGE en juillet 1978.
C’était la première fois que l’attention des experts était
attirée dans un texte sur la nécessité d’adopter une déontologie
rigoureuse. La préface de cette première édition est jointe en
annexe dans sa rédaction d’origine. Elle garde toute son
actualité.

L’orientation
était à juste titre essentiellement donnée à l’expert de
respecter l’application des textes qui régissaient l’expertise.

D’autres éditions
ont suivi sans apporter de corrections fondamentales au texte
initial.

L’évolution des
mentalités, les modifications apportées aux textes et une
jurisprudence de plus en plus rigoureuse des cours de justice
européennes notamment de la Cour Européenne des Droits de l’Homme
sur l’indépendance des intervenants à l’acte de justice, ont
rendu nécessaires plusieurs actualisations successives.

La rédaction
actuelle des règles de déontologie est plus orientée sur
l’adoption de principes de base que sur le rappel des textes dont
la teneur figure dans plusieurs publications du Conseil national.

Il s’agit non d’un
code de déontologie des experts ou de l’expertise édicté ou
avalisé par les autorités de justice mais d’un ensemble de règles
librement adoptées par les experts eux-mêmes.

S’il faut rappeler
que « le technicien commis doit accomplir sa mission avec
conscience, objectivité et impartialité » (art 237 du CPC), il
convient néanmoins de préciser que le fondement d’une déontologie
réside dans le respect d’une éthique rigoureuse plus que dans
l’application des textes.

A ce titre et en
toute circonstance, il ne doit jamais se départir des valeurs
d’intégrité, de probité et de loyauté.

L’adhésion à une
Compagnie membre du Conseil national implique impérativement pour
l’adhérent l’engagement de respecter les règles de déontologie.

Le technicien est
choisi par un magistrat pour lui apporter son seul concours
technique. L’expert désigné doit donc rester dans le cadre strict
de la mission qui lui est confiée et ne pas empiéter, même
indirectement, sur les prérogatives du juge. Il doit faire en sorte
que l’avis technique indiscutable soit exprimé sous sa seule
responsabilité, en son honneur et sa conscience.

L’expert est face
à lui-même et doit se garder de favoriser l’argumentation de
l’une ou l’autre partie au procès, directement ou indirectement.

S’il ne doit rien
faire qui s’oppose au rapprochement entre les parties, il n’a pas
à proposer de solution de compromis pour mettre fin au litige.

L’une des
difficultés de présentation des règles de déontologie dans leur
nouvelle version a été de clarifier les relations de l’expert
désigné judiciairement avec des organismes véritables donneurs
d’ordre, particulièrement en ce qui concerne les missions confiées
aux experts par des compagnies d’assurances ou des groupes
d’influence. La rédaction actuelle du titre V peut donner autant
d’insatisfaction aux tenants d’une rigueur absolue qu’à ceux
d’une certaine souplesse. Les circonstances locales ou
professionnelles font que des techniciens inscrits sur les listes de
cours d’appel sont également appelés de façon plus ou moins
fréquente par de tels organismes sans pour autant qu’un lien de
dépendance puisse être invoqué.

La base fondamentale
de la règle est que l’expert ne doit jamais se trouver en lien de
subordination, d’influence ou d’intérêt qui lui ôterait
inévitablement toute impartialité.

De la même manière,
l’expert inscrit sur une liste de cour d’appel appelé à
assister une partie avant tout procès, ou même en cours de
procédure, ne peut s’affranchir de la déontologie qu’il
s’engage à respecter en qualité d’expert de justice.

S’il importe que
l’expert désigné soit dans une situation d’indépendance
réelle, il est également indispensable qu’il en donne
objectivement l’apparence, le moindre doute à ce sujet ayant pour
effet de le fragiliser, de le rendre vulnérable et de porter
atteinte à l’impartialité et à l’image de la justice qui l’a
choisi, inscrit et commis.

On se reportera
utilement pour les interventions de l’expert aux côtés d’une
partie aux débats et conclusions du congrès de Marseille (2004)
publiés par le Conseil national.

Le respect d’une
déontologie ne pourra que contribuer à renforcer le modèle
français de l’expertise de justice. Elle s’appliquer à toutes
les interventions d’un expert dans la résolution des litiges.

La rédaction
actuelle des règles de déontologie ne résout pas toutes les
questions, et de nouvelles adaptations seront nécessaires en
fonction de l’évolution de l’expertise dans le cadre européen.

LES RÈGLES DE
DÉONTOLOGIE

L’adhésion à une
compagnie membre du Conseil National des Compagnies d’Experts de
Justice implique l’engagement de respecter ses règles de
déontologie.

Les compagnies
membres du Conseil national peuvent, en fonction des disciplines
exercées, si elles l’estiment nécessaire, adopter des
dispositions plus strictes que celles énoncées ci-après.

I – DEVOIRS DE
L’EXPERT ENVERS LUI-MEME

I -1) L’expert
adhérent d’une Compagnie membre du Conseil national est une
personne expérimentée dans un art, une science, une technique ou un
métier, inscrite sur une des listes ou tableaux prévus par la loi
ou les textes réglementaires, à qui le juge confie la mission de
lui apporter renseignements et avis techniques nécessaires à la
solution d’un litige.

L’expert inscrit
sur une liste officielle ou l’expert honoraire participe, pendant
l’exécution des missions qui lui sont confiées, au service public
de la justice. Il a alors la qualité d’expert de justice.

L’expert participe
à l’œuvre de justice et doit se présenter devant les
justiciables, les avocats, les juges avec une tenue et un
comportement qui répondent aux exigences de dignité aussi bien sur
le lieu de l’expertise que lors des manifestations qui se tiennent
dans une enceinte de justice.

I – 2) L’expert
inscrit sur une liste officielle n’exerce pas en cette qualité une
profession mais, dans les limites de sa compétence définie, une
activité répondant à la mission qu’il a reçue.

L’expert commis et
ayant accepté sa mission s’engage à respecter les textes en
vigueur, notamment ceux qui régissent l’activité expertale.

I – 3) L’expert
commis ne doit en aucun cas concevoir aux lieu et place des parties
des travaux ou traitements, les diriger ou en surveiller l’exécution
; dans les limites de sa mission, il donne seulement son avis sur les
propositions faites par les parties en vue de remédier aux causes du
litige.

L’expert peut, en
cas d’urgence ou de péril constaté par lui, proposer au juge que
la partie concernée soit autorisée à faire exécuter, tous droits
et moyens des parties réservés, sous la direction de tout
technicien qualifié au choix de la partie concernée, les travaux ou
traitements que celui-ci estimera utiles.

Lorsque l’expert
constate un danger ou un risque, il doit en avertir la ou les
partie(s) concernée(s) dans le respect du principe de la
contradiction et sous réserve, le cas échéant, du secret
professionnel. Si nécessaire, il en rend compte au magistrat.

I – 4) L’expert
qui a accepté une mission est tenu de la remplir jusqu’à complète
exécution.

Lorsqu’il est
empêché pour un motif légitime de poursuivre la mission, l’expert
doit, dans les meilleurs délais, en informer le juge en précisant
le motif de son empêchement.

I – 5) L’expert
est tenu d’entretenir les connaissances techniques et procédurales
nécessaires au bon exercice de son activité expertale.

I – 6) L’expert
doit remplir sa mission avec impartialité. Il doit procéder avec
dignité et correction en faisant abstraction de toute opinion ou
appréciation subjective.

I – 7) L’expert
doit conserver une indépendance absolue, ne cédant à aucune
pression ou influence, de quelque nature qu’elle soit.

Il doit s’interdire
d’accepter toute mission privée de conseil ou d’arbitre, à la
demande d’une ou de toutes les parties, qui fasse directement ou
indirectement suite à la mission judiciaire qui lui a été confiée.

S’il ne doit rien
faire qui s’oppose au rapprochement entre les parties, il n’entre
pas dans sa mission de proposer de solution de compromis pour mettre
fin au litige.

I – 8) A l’égard
des sapiteurs, collaborateurs ou tous autres assistants, l’expert
respecte et fait respecter l’ensemble des principes déontologiques
de dignité, respect, confraternité, qui sont les règles de base de
son comportement personnel et professionnel.

I – 9) L’expert
respecte et fait respecter en toute circonstance la règle de
discrétion. Il doit agir avec tact et réserve dans le respect de la
dignité humaine. A ce titre, il s’interdira de faire état de
toute information de nature à porter atteinte à la réputation ou à
la vie privée des personnes.

I -10) Dans les
limites de la mission et sauf obligation plus stricte découlant de
la déontologie propre à sa profession, l’expert n’est lié à
l’égard du juge qui l’a commis par aucun secret professionnel.

Le secret expertal
doit être respecté par les collaborateurs de l’expert, les
assistants fussent-ils occasionnels et toute personne qu’il est
amené à consulter, à charge pour lui de les en informer
préalablement.

I – 11) L’expert
s’interdit toute publicité en relation avec sa qualité d’expert
de justice. Il peut porter sur son papier à lettre et ses cartes de
visite la mention de son inscription sur une liste ou un tableau dans
les termes prévus par les textes en vigueur.

S’il appartient à
une compagnie membre du Conseil national, il peut le mentionner.

II – DEVOIRS DE
L’EXPERT ENVERS LES MAGISTRATS ET LES AUXILIAIRES DE JUSTICE

II – 1) L’expert
observe une attitude déférente envers les magistrats et courtoise à
l’égard des auxiliaires de justice.

II – 2) Il conserve
toujours son entière indépendance et donne son opinion en toute
conscience, sans se préoccuper des appréciations qui pourraient
s’ensuivre.

II -3) L’avis
technique formulé par l’expert ne liant pas le juge, le rapport
peut être librement discuté et critiqué. Si l’expert est
sollicité par le juge pour exposer son point de vue, il le fait en
toute indépendance.

II – 4) Sa
nomination appartenant souverainement au juge, l’expert doit
s’abstenir de toute démarche ou proposition en vue d’obtenir des
missions.

III – DEVOIRS DE
L’EXPERT ENVERS LES PARTIES

III – 1) L’expert
adopte une attitude correcte et courtoise à l’égard des parties.
Dans le cadre du respect du principe de la contradiction, il prête à
chacune d’elles l’attention et l’écoute indispensables à
l’exposé de ses prétentions.

III – 2) L’expert
doit se déporter s’il est nommé dans une affaire où l’une des
parties l’a déjà consulté, et dans tous les cas où il estime ne
pas être totalement indépendant ou ne pas satisfaire à l’apparence
d’indépendance.

En cas de doute,
l’expert informe les parties de l’éventuelle difficulté et se
déporte si l’une au moins d’entre elles estime que la difficulté
est réelle.

III – 3) Lorsqu’une
partie demande au juge, en lui fournissant toutes justifications
probantes, la récusation de l’expert, il s’en remet au juge, en
lui faisant éventuellement part de ses observations.

III – 4) L’expert
commis ne peut recevoir aucune somme ni avantage, sous quelque forme
que ce soit, qui ne soient précisés dans une décision
préalablement rendue ou prévue dans les textes.

IV – DEVOIRS DE
L’EXPERT ENVERS SES CONFRERES

IV – 1) Dans le cas
où un différend surviendrait entre deux ou plusieurs experts
membres d’une même Compagnie affiliée au Conseil national,
ceux-ci doivent le soumettre au président de la compagnie concernée
qui s’efforcera de les concilier et dont ils suivront les conseils
et avis.

Si le conflit
survient entre membres de compagnies différentes affiliées au
Conseil national, il sera soumis aux Présidents des compagnies
concernées qui en référeront en tant que de besoin au Président
du Conseil national.

IV – 2) L’expert
adhérant à une compagnie membre du Conseil national s’engage à
apporter, à la demande du président de la compagnie dont il dépend
et dans les conditions définies par celui-ci, toute assistance à
l’un de ses confrères momentanément empêché, ou aux ayants
droits de celui-ci sans chercher à en tirer un profit personnel,
étant rappelé qu’il ne pourrait se substituer au confrère
défaillant que sur décision du juge commettant.

V – CONSULTATIONS
PRIVEES D’EXPERTS INSCRITS SUR LES LISTES

Préambule

Selon l’article 6-1
de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et
des Libertés Fondamentales, tout citoyen a droit à un procès
équitable.

Il peut donc lui
être utile d’être assisté par un technicien compétent
techniquement et procéduralement.

Dans ce contexte, il
convient de préciser les conditions selon lesquelles les experts
inscrits peuvent assister techniquement des parties.

V- 1) L’expert
inscrit, intervenant comme consultant privé, doit faire en sorte
qu’aucune ambiguïté n’existe sur le point que son avis ne
constitue pas une expertise de justice.

Il doit, de façon
générale, avoir la même relation avec la vérité que s’il était
nommé par une juridiction. Il ne peut mentir, fût-ce par omission.
Il ne peut « faire le tri » entre les pièces dont il a eu
connaissance et dont il doit établir et communiquer un bordereau
complet.

Il est recommandé,
avant d’accepter une mission d’expertise de partie, de faire
signer une lettre de mission rappelant les principes qui précèdent
en faisant explicitement référence aux présentes règles de
déontologie.

V – 2) L’expert
consulté sera tenu de donner son avis en toute liberté d’esprit
et sans manquer à la probité ou à l’honneur.

Il rappellera
explicitement les conditions de son intervention dans son avis.

V -3) L’expert
adhérent d’une Compagnie membre du Conseil national s’interdit
d’accepter, des missions de conseil dont le caractère récurrent
pourrait être de nature à porter atteinte à son indépendance ou à
en faire douter.

En outre il s’engage
à respecter des dispositions plus strictes de la compagnie dont il
est membre ou des juridictions dont il dépend.

V – 4) Les experts
inscrits peuvent être appelés en consultation à titre privé dans
les circonstances suivantes :

  • avant le début
    d’un procès,

  • après le début
    d’un procès et avant la désignation d’un technicien par un
    magistrat,

  • pendant
    l’expertise de justice,

  • après le dépôt
    du rapport de l’expert commis.

L’expert consulté
se fera préciser par écrit l’état procédural de l’affaire au
moment de la consultation.

V – 5) Si aucun
procès n’a été engagé ou avant toute désignation d’expert,
il est recommandé à l’expert consulté de bien préciser que son
avis se rapporte à l’état des choses qu’il a été amené à
connaître à la date où il le donne. Cet avis doit être donné en
toute objectivité et liberté d’esprit.

En aucun cas,
l’expert consulté à titre privé ne peut ensuite accepter une
mission d’expertise de caractère juridictionnel concernant la même
affaire.

V – 6) S’il s’agit
d’assister une partie alors qu’un expert a déjà été chargé
d’une mission par un juge et n’a pas encore terminé de la
remplir, la consultation sera diligentée avec la volonté de
répondre objectivement et dans un esprit de loyauté et de
confraternité à l’égard de l’expert commis, qu’il informera
préalablement à son intervention.

Il ne peut, en
l’absence de la partie et de son avocat qui l’ont consulté,
assister aux opérations de l’expert régulièrement désigné que
s’il a justifié au préalable du mandat qu’il détient.

Il devra rappeler
par écrit à la partie consultante que ses observations écrites ne
pourront être produites que dans leur intégralité.

V – 7) Si l’expert
commis a déjà déposé son rapport, le consultant privé qui remet
à la partie qui l’a consulté une note ou des observations écrites
sur les travaux de son confrère, doit le faire dans une forme
courtoise, à l’exclusion de toute critique blessante et inutile.
Son avis ne peut comporter que des appréciations techniques et
scientifiques.

Il se fait confirmer
par écrit par celui qui le consulte, que les documents dont il
dispose ont été au préalable produits à l’expertise de justice
; si cependant il doit utiliser des documents nouveaux, le consultant
privé devra en faire état.

Il est impératif
que les consultations privées ne soient ni recherchées, ni
sollicitées.

V – 8) L’expert
consulté à titre privé se limitera à l’établissement d’un
avis destiné à la partie qui l’a consulté.

Il devra, en cas de
découverte de documents ou d’informations , dont l’expert commis
n’a pas eu connaissance, préciser leur incidence sur la solution
du litige.

En cas d’erreurs
matérielles relevées dans le rapport de l’expert de justice, ou
de divergence d’appréciation, il se limitera à les exposer et à
expliciter les conséquences en résultant.

VI – SANCTIONS

VI – 1) Tout
manquement aux règles de déontologie sera sanctionné par les
compagnies membres du Conseil national suivant leurs dispositions
statutaires.

ANNEXE

Préface de la 1ère
édition des règles de déontologie

(Juillet 1978)

Par Stéphane
THOUVENOT

Président d’Honneur
de la Fédération †

Vous êtes membre
d’une Compagnie adhérant à la Fédération Nationale.

Vous avez donc dû
justifier que vous aviez droit à l’un des titres protégés par la
loi du 29 juin 1971 ou que vous étiez inscrit, quand il en existe,
sur une liste établie par un Tribunal Administratif.

Il en résulte que
vous pouvez être chargé de temps à autre de missions ordonnées
par des magistrats relevant de juridictions qui peuvent être de
l’ordre judiciaire ou administratif.

Il importe que vous
connaissiez quelles sont alors vos obligations et quels sont vos
devoirs.

C’est pour vous
éclairer sur ce que vous avez à faire que le présent recueil est
publié.

Vous devez avoir
constamment à l’esprit les principes essentiels suivants :

  • au cours de
    l’exécution d’une mission qui vous a été confiée, vous êtes
    au service de la Justice et vous avez à ne pas dévier du rôle qui
    est le vôtre. Vous avez à remplir votre mission, toute cette
    mission et rien que cette mission, et vous avez à le faire en
    coopération étroite avec le juge qui vous en a chargé,

  • s’il advenait
    que la mission ordonnée vous conduise à jouer un rôle qui excède
    celui que prévoient les textes énumérés ci -dessus, par exemple
    en intervenant directement dans l’exécution de travaux qui sont à
    faire par l’une ou l’autre des parties en cause, il serait de
    votre intérêt avant d’accepter définitivement cette mission, de
    mesurer les responsabilités exceptionnelles qui en résulteraient
    pour vous et d’alerter le juge qui a fait appel à votre concours,

  • en toute
    circonstance, vous devez faire prévaloir les obligations contenues
    dans les lois ou règlements en vigueur auxquels vous avez à vous
    conformer.

Les règles de
déontologie de la Fédération doivent être comprises dans le
respect de cette prééminence.

Il ne peut y avoir
de doute à cet égard.

C’est ainsi que si
vous avez accepté la mission qui vous a été confiée, vous ne
pouvez vous soustraire à l’obligation qui en résulte pour vous de
l’exécuter. Dès lors, si comme vous le recommande l’article 22
des règles de déontologie, vous vous assurez en commençant vos
travaux que la partie qui a reçu ordre de consigner a ou non exécuté
cette formalité, c’est seulement pour vous permettre d’éclairer
le juge sur ce point et de permettre la mise en application de l’a
rticle 271 du nouveau Code de Procédure Civile.

De même enfin, si
vous avez été nommé en matière civile pour une mission qui n’a
pas le caractère d’une mission d’instruction (par exemple à
l’occasion d’un procès entre partenaires sociaux) et si vous
avez décidé d’accepter cette mission, vous avez à vous conformer
aux termes dans lesquels elle a été énoncée, mais si la mesure a
le caractère habituel d’une mesure d’instruction, il n’est
jamais en votre pouvoir de concilier les parties et l’article 56 ne
peut en rien avoir pour effet de déroger à cette interdiction.

Décret du 24 décembre 2012 relatif à l’expertise et à l’instruction des affaires devant les juridictions judiciaires

Le 24 décembre dernier est paru un décret méritant l’attention de mes lecteurs experts judiciaires ou avocats. Pour les autres, c’est l’occasion, pour les justiciables que vous êtes, de lire un peu de droit dans le texte.

Ce texte prévoit entre autres choses la désignation dans chaque juridiction d’un ou plusieurs juges chargés du contrôle des expertises, rend nécessaire la motivation du choix d’un expert hors liste, indique que l’expert doit simultanément au dépôt de son rapport adresser aux parties un exemplaire de sa demande de rémunération, pour leur permettre de faire part de leurs observations écrites (sur la rémunération) dans un délai de 15 jours.

Je vous en souhaite bonne lecture.

Décret n° 2012-1451
du 24 décembre 2012 relatif à l’expertise et à l’instruction
des affaires devant les juridictions judiciaires

NOR : JUSC1206979D

Publics concernés :
experts judiciaires, avocats, justiciables.

Objet : création de
la fonction de juge chargé du contrôle des expertises civiles au
sein de chaque juridiction ; mise en œuvre de mesures d’information
concernant la rémunération des experts ; critères d’inscription
sur les listes d’experts judiciaires ; modification de la procédure
orale devant le tribunal de commerce et instauration d’un juge
chargé d’instruire l’affaire.

Entrée en vigueur :
les dispositions des chapitres II et IV du texte entrent en vigueur
le premier jour du deuxième mois suivant sa publication. Les autres
dispositions entrent en vigueur le lendemain de la publication.

Notice : le décret
modifie le code de l’organisation judiciaire afin de permettre la
désignation dans chaque juridiction d’un juge chargé du contrôle
des expertises.

Il modifie certaines
dispositions du code de procédure civile relatives à la
rémunération des experts en prévoyant une obligation pour l’expert
de demander au juge une provision supplémentaire en cas
d’insuffisance manifeste de la provision initiale et en instaurant
la possibilité pour les parties de présenter des observations sur
la demande de rémunération. Le juge qui ordonne une expertise devra
désormais motiver la désignation d’un expert qui ne serait pas
inscrit sur les listes établies par les cours d’appel ou la cour
de cassation.

Le décret énumère
de manière non limitative les critères qui pourront être pris en
compte pour accepter ou rejeter une demande d’inscription sur une
liste des experts judiciaires. Enfin, la procédure orale devant le
tribunal de commerce est modifiée. Il est créé un juge chargé
d’instruire l’affaire qui coordonne la procédure avant renvoi
devant la formation de jugement. Ce juge peut faire un rapport oral à
l’audience avant les plaidoiries.

Références : les
dispositions du code de l’organisation judiciaire, du code de
procédure civile et du décret n. 2004-1463 du 23 décembre 2004
relatif aux experts judiciaires modifiées par le présent décret
peuvent être consultées, dans leur rédaction issue de cette
modification, sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la
garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu le code de
commerce, notamment son article R. 661-6 ;

Vu le code de
l’organisation judiciaire, notamment son article L. 121-3 ;

Vu le code de
procédure civile, notamment son article 155-1 ;

Vu le code de
procédure pénale, notamment ses articles 157 et R. 115 ;

Vu la loi n. 71-498
du 29 juin 1971 modifiée relative aux experts judiciaires ;

Vu le décret n.
2004-1463 du 23 décembre 2004 modifié relatif aux experts
judiciaires ;

Le Conseil d’Etat
(section de l’intérieur) entendu,

Décrète :

CHAPITRE Ier

Dispositions
relatives au juge chargé de contrôler l’exécution des mesures
d’instruction

Art. 1er. −
L’article R. 212-37 du code de l’organisation judiciaire est
complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 10° Le projet
d’ordonnance préparé par le président du tribunal désignant le
magistrat chargé de contrôler l’exécution des mesures
d’instruction conformément à l’article 155-1 du code de
procédure civile. »

Art. 2. − Après
la sous-section 4 de la section 1 du chapitre III du titre I er du
livre II du même code, il est inséré une sous-section 5 ainsi
rédigée :

« Sous-section 5

« Le juge chargé
de contrôler l’exécution des mesures d’instruction

« Art. R. 213-12-1.
− Le président du tribunal de grande instance désigne un ou
plusieurs juges chargés de contrôler l’exécution des mesures
d’instruction conformément aux dispositions de l’article L.
121-3. »

Art. 3. − Le
troisième alinéa de l’article 155 du code de procédure civile
est remplacé par les dispositions suivantes :

« Le contrôle de
l’exécution de cette mesure peut également être assuré par le
juge désigné dans les conditions de l’article 155-1. »

Art. 4. − Dans le
chapitre II du sous-titre III du titre I er du livre II du même
code, l’article 819 est ainsi rétabli :

« Art. 819. − Le
juge chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction,
désigné dans les conditions de l’article 155-1, est compétent
pour assurer le contrôle des mesures d’instruction ordonnées en
référé, sauf s’il en est décidé autrement lors de la
répartition des juges entre les différentes chambres et services du
tribunal.

« Il est également
compétent pour les mesures ordonnées par le juge de la mise en état
en application de l’article 771, sauf si ce dernier s’en réserve
le contrôle. »

Art. 5. − Dans le
chapitre II du sous-titre III du titre VI du livre II du même code,
il est inséré un article 964-2 ainsi rédigé :

« Art. 964-2. −
La cour d’appel qui infirme une ordonnance de référé ayant
refusé une mesure d’instruction peut confier le contrôle de la
mesure d’instruction qu’elle ordonne au juge chargé de contrôler
les mesures d’instruction de la juridiction dont émane
l’ordonnance. »

CHAPITRE II


Dispositions
relatives à la désignation et à la rémunération des experts
judiciaires

Art. 6. − Le
deuxième alinéa de l’article 265 du code de procédure civile est
complété par les mots : « ou la désignation en tant qu’expert
d’une personne ne figurant pas sur l’une des listes établies en
application de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971
relative aux experts judiciaires ; ».

Art. 7. − La
première phrase du second alinéa de l’article 280 du même code
est remplacée par les dispositions suivantes :

« En cas
d’insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des
diligences faites ou à venir, l’expert en fait sans délai rapport
au juge, qui, s’il y a lieu, ordonne la consignation d’une
provision complémentaire à la charge de la partie qu’il
détermine. »

Art. 8. −
L’article 282 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :

« Le dépôt par
l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de
rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout
moyen permettant d’en établir la réception. S’il y a lieu,
celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas
échéant, au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction,
leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de
quinze jours à compter de sa réception. »

Art. 9. − Au
premier alinéa de l’article 284 du même code, les mots : « Dès
le dépôt du rapport, » sont remplacés par les mots : « Passé le
délai imparti aux parties par l’article 282 pour présenter leurs
observations, ».

CHAPITRE III


Dispositions
relatives à la procédure d’inscription des experts judiciaires

Art. 10. − Après
l’article 4 du décret du 23 décembre 2004 susvisé, il est inséré
un nouvel article ainsi rédigé :

« Art. 4-1. − Les
demandes d’inscription sur les listes d’experts judiciaires sont
examinées en tenant compte :

a) Des
qualifications et de l’expérience professionnelle des candidats, y
compris les compétences acquises dans un Etat membre de l’Union
européenne autre que la France ;

b) De l’intérêt
qu’ils manifestent pour la collaboration au service public de la
justice. »

Art. 11. − Le
premier alinéa de l’article 8 du même décret est complété par
les dispositions suivantes : « en tenant compte des besoins des
juridictions de son ressort dans la spécialité sollicitée ».

CHAPITRE IV


Dispositions
relatives à l’instruction des affaires devant le tribunal de
commerce

Art. 12. − Le code
de procédure civile est ainsi modifié :

1° A l’article
861, sont supprimés les mots : « en qualité de juge rapporteur »
;

2° Dans l’intitulé
de la sous-section II de la section II du chapitre I er du titre III
du livre II ainsi qu’aux articles 861-3 à 868, les mots : « juge
rapporteur » sont remplacés par les mots : « juge chargé
d’instruire l’affaire » ;

3° L’article 869
est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 869. − Le
juge chargé d’instruire l’affaire la renvoie devant le tribunal
dès que l’état de l’instruction le permet.

« Art. 870. − A
la demande du président de la formation, le juge chargé d’instruire
l’affaire fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant
les plaidoiries. Ce rapport peut également être fait par le
président de la formation ou un autre juge de la formation qu’il
désigne.

« Le rapport expose
l’objet de la demande et les moyens des parties, précise les
questions de fait et de droit soulevées par le litige et fait
mention des éléments propres à éclairer le débat, sans faire
connaître l’avis du juge qui en est l’auteur.

« Art. 871. − Le
juge chargé d’instruire l’affaire peut également, si les
parties ne s’y opposent pas, tenir seul l’audience pour entendre
les plaidoiries. Il en rend compte au tribunal dans son délibéré.
»

Art. 13. − Au 3°
de l’article R. 661-6 du code de commerce, les mots : « selon les
modalités prévues au premier alinéa du même article » sont
remplacés par les mots : « sous le contrôle d’un magistrat de la
chambre dans les conditions prévues par les articles 763 à 787 du
même code ».

CHAPITRE V


Dispositions
diverses et transitoires

Art. 14. − Au
deuxième alinéa de l’article R. 115 du code de procédure pénale,
les mots : « le tiers » sont remplacés par les mots : « la moitié
».

Art. 15. − Les
dispositions des chapitres II et IV du présent décret entrent en
vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication.

Art. 16. − I. –
Le présent décret est applicable dans les îles Wallis et Futuna
selon les modalités suivantes :

1° A l’article
1575 du code de procédure civile, après les mots : « îles Wallis
et Futuna », sont insérés les mots : « dans sa rédaction en
vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 du 24
décembre 2012 » ;

2° A l’article R.
531-1 du code de l’organisation judiciaire, après les mots : «
Wallis et Futuna », sont insérés les mots : « dans sa rédaction
en vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 du
24 décembre 2012 » ;

3° Au troisième
alinéa de l’article R. 251 du code de procédure pénale, après
les mots : « îles Wallis et Futuna », sont insérés les mots : «
dans sa rédaction en vigueur le lendemain de la publication du
décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012 ».

II. – 1° Le code
de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

a) Aux articles R.
552-9, R. 552-21 et R. 552-23, après les mots : « Polynésie
française », sont insérés les mots : « dans leur rédaction en
vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 du 24
décembre 2012 » ;

b) L’article R.
552-10 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. R. 552-10. −
Les dispositions des articles R. 213-8, R. 213-9-1 et R. 213-12-1
sont applicables en Polynésie française dans leur rédaction en
vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 24
décembre 2012. » ;

2° Au deuxième
alinéa de l’article R. 251 du code de procédure pénale, après
les mots : « Polynésie française », sont insérés les mots : «
dans sa rédaction en vigueur le lendemain de la publication du
décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012 ».

III. – 1° Le code
de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

a) Aux articles R.
562-9, R. 562-30 et R. 562-33, après les mots : «
Nouvelle-Calédonie », sont insérés les mots : « dans leur
rédaction en vigueur le lendemain de la publication du décret n°
2012-1451 du 24 décembre 2012 » ;

b) L’article R.
562-10 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. R. 562-10. −
Les dispositions des articles R. 213-8, R. 213-9-1 et R. 213-12-1
sont applicables en Nouvelle Calédonie dans leur rédaction en
vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 du 24
décembre 2012. » ;

2° Au premier
alinéa de l’article R. 251 du code de procédure pénale, après
les mots : « Nouvelle-Calédonie », sont insérés les mots : «
dans sa rédaction en vigueur le lendemain de la publication du
décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012 ».

IV. – Dans le
décret du 23 décembre 2004 susvisé, les mots : « dans sa
rédaction en vigueur le lendemain de la publication du décret n°
2012-1451 du 24 décembre 2012 », sont insérés à l’article 38-3
après les mots : « Polynésie française » et à l’article 38-4
après les mots : « Wallis et Futuna ».

Art. 17. − La
garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre des
outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution
du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la
République française.

Fait le 24 décembre
2012.

Par le Premier
ministre : JEAN-MARC AYRAULT

Le garde des sceaux,
ministre de la justice, CHRISTIANE TAUBIRA

Le ministre des
outre-mer, VICTORIN LUREL

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Source image: Wikipedia Allégorie de la Justice (Canada)

Pourquoi les experts judiciaires sont-ils si chers ?

Pour tenter de répondre à cette question, je vais commencer par copier/coller le début d’un billet de Maître Eolas, intitulé « Pourquoi les avocats sont-ils si chers« :

« Tant ma propre expérience que des enquêtes réalisées par l’ordre montre qu’un des principaux obstacles qui font renoncer des clients potentiels à solliciter les services d’un avocat est la question du coût. Je crois me souvenir d’une enquête d’où il ressortait que 76% des personnes interrogées estimaient que les avocats étaient trop chers, surtout sur les petits litiges du quotidien.

Soyons clairs : dans ce dernier cas, c’est vrai.

Pour un litige de consommation sur une somme de 400 ou 500 euros, qui constitue en soi un préjudice appréciable et qui fait que l’acheteur mécontent n’a pas envie de baisser les bras, les honoraires risquent d’être supérieurs au montant en jeu.

Alors, sommes nous assoiffés d’argent, âpres au gain et méprisant pour les revenus modestes ?

Bien sûr que non.« 

Pourquoi la suite de ce texte ne peut-il pas s’appliquer aux experts judiciaires ? Parce qu’un expert judiciaire n’est pas une profession libérale et que les honoraires versés par ses clients ne sont pas sa seule source de revenu. « Expert judiciaire » n’est d’ailleurs pas une profession, mais une activité complémentaire à une profession.

Pour autant, le Tribunal de Grande Instance de Chateauroux a écrit : « L’expert judiciaire est un collaborateur occasionnel du service public de la justice qui exerce une activité professionnelle principale située en dehors de la sphère judiciaire et qui est considéré par les services judiciaires comme prestataire de service assurant directement et personnellement ses obligations sociales et fiscales sans l’entremise du ministère de la Justice y compris dans son activité d’expert judiciaire » (Revue Experts n°69 de décembre 2005).

En 2007, j’avais écrit un billet consacré à la note de frais et honoraire
d’un expert judiciaire. Le billet commençait par cette phrase: « S’il y a
bien un sujet tabou, c’est la façon dont les experts rédigent leurs
notes de frais et honoraires ». J’y explique ensuite comment je rédige ma note de frais, comment et combien je facture les différents frais et débours. Le billet est toujours d’actualité, même si les tarifs que j’applique ont été depuis mis à jour.

Ce que je n’avais pas développé, et qui pourtant m’avait étonné dès le début de mon activité d’expert judiciaire, c’est que les tarifs des experts judiciaires peuvent être considérés comme libres: chaque expert fixe lui-même ses tarifs.

Mais quel est le montant d’une juste rémunération, et qui devrait la fixer ?

J’ai assisté sur Twitter à la grosse colère d’un avocat dont j’aime le franc parler, Maître @eBlacksheep, et qui m’a autorisé à la reproduire ici (attention, expert judiciaire sensible s’abstenir) :

———————————–

T01: Une réunion de 2 heures, une provision de 3000 €. Il redemande 1800 € de
provision dès son premier CR. Expert, un métier riche de fdp.

T02: Sinon, c’est quand qu’on encadre les tarifs des experts judiciaires ?
Parce que là on leur crée juste des soucis d’optimisation fiscale.

T03: De toutes façons, la partie qui conteste les provisions honteuses est cuite et se fera démonter par l’Expert, intéressé.

T04: Les Experts judiciaires ont donc un pouvoir absolu sur la facturation de
leurs prestations et en profitent largement. Système pourri.

T05: Alors bien sûr il y a des Experts honnêtes mais ils sont SI rares.

T06: Un Expert, c’est un braqueur qui a réussi.

T07: Quand au contrôle des magistrats chargés du « suivi » des expertises, il
est théorique, les contrôleurs ayant d’autres chats à caresser.

T08: L’Expert qui facture 4 heures de travail pour un CR très aéré et factuel. Pas de soucis.

T09: Ah sans oublier une provision pour la rédaction d’un pré-rapport (qui
sera le CR à peine modifié) de 6 vacations : 10 vacations pour ?

T10: Sans oublier que l’Expert facture son temps de… facturation : 1
vacation pour la rédaction de l’ordo de taxe (qui est un acte du juge).

T11: Après 10 vacations pour un CR et un pré-rapport, l’Expert provisionne 8
heures pour le rapport. Ces trois actes ne sont qu’un ou presque.

T12: Nous avons donc 18 heures de travail facturées pour un rapport sur DEUX désordres simples qui fera 15 pages aérées hors annexes.

T13: L’expert judiciaire est donc un Expert en facturation avant tout.

T14: Confrères, faisons comme nos amis Experts Judiciaires, facturons le temps passé à facturer !

———————————–

La charge est rude, mais ce n’est pas la première fois que j’entends cette chanson. Le comportement décrit ici est assez loin de l’idée que je me fais de l’expert judiciaire.

Si une personne est laissé libre d’évaluer la valeur qu’elle pense valoir, la surévaluation n’est jamais très loin. Le problème existe réellement, comme souligné par Maître @eBlacksheep : si le contrôle de l’expertise par le magistrat qui en a la charge n’est pas correctement effectué, la tentation est grande pour certains experts d’une inflation des honoraires. Vous connaissez sans doute l’histoire drôle qui coure sur nous, les français en général:

Comment devenir riche ???

Acheter un français au prix qu’il vaut et le revendre au prix qu’il croit valoir !

Cela vaut malheureusement pour certains experts.

Depuis que les magistrats peuvent choisir des techniciens en dehors des listes établies auprès des Cours d’Appel (moyennant justification), une certaine « concurrence » aurait du voir le jour. Hélas, le manque de moyens de l’institution judiciaire semble faire fuir les « prestataires de service » et ne permet pas de voir organisé un réel contrôle des coûts des expertises, comme proposés dans le rapport Bussière/Autin:

– Préconisation n°4: « Diffuser au niveau de chaque cour d’appel au profit
exclusif des magistrats des éléments d’information sur les coûts et
délais moyens des expertises réalisées par les différents experts
inscrits sur la liste. »

– Préconisation n°5: « Faire établir par l’expert dès la mise en œuvre de
sa mission un calendrier des opérations d’expertise et un relevé du
montant des frais et honoraires au fur et à mesure de leur engagement. »

– Préconisation n°7: « Développer localement les chartes entre les
compagnies, les juridictions et les avocats afin de promouvoir les
bonnes pratiques permettant une réduction des frais en cours d’expertise
(cf. chartes de la Cour d’Appel de Paris, de Versailles…). »

Beaucoup d’experts attendent des années (!) le paiement de leurs travaux et des frais qu’ils ont avancés dans la réalisation de leurs expertises. Le rapport Bussière/Autin préconisait pourtant:

– Préconisation n°8: « Modifier l’article 280 du code de procédure civile
pour rendre obligatoire la demande par l’expert de consignation
complémentaire si la provision initiale s’avère manifestement
insuffisante. »

– Préconisation n°11:  » Clarifier et simplifier les circuits de paiement
en vue d’abréger les délais de règlement notamment dans le cadre de
l’application du logiciel CHORUS. »

– Préconisation n°12: « Mettre financièrement les juridictions en capacité
de régler sur toute l’année les mémoires des experts dans des délais
raisonnables. »

– Préconisation n°13: « Modifier l’article R.115 du code de procédure pénale afin de permettre le versement d’acomptes provisionnels allant jusqu’à 50% du montant des frais et honoraires prévus. »

Toutes ces préconisations étant restées lettre morte, certains experts prennent peut-être les devants en « surévaluant » les premières étapes de leur expertise, afin d’arriver à obtenir la juste rémunération de leur travail. Mais alors la tentation est grande de surévaluer jusqu’au bout, de facture tout le temps passé, y compris l’autoformation, ou le temps de facturation.  Le magistrat en charge de l’expertise devra alors donner raison à la partie qui aura demandé des comptes à l’expert indélicat. Mais alors la tentation sera grande également pour la partie ayant perdu son procès d’accuser l’expert et de le mettre en cause. Même s’il a fait correctement son travail et demandé une juste rémunération…

Rassurez-vous , cela arrive tous les ans.

Pour conclure, et essayer de répondre finalement à la question soulevée en titre de ce billet, pourquoi les experts judiciaires sont-ils si chers, je reprendrai cette blague que l’on raconte sur les ingénieurs :

C’est
l’histoire d’un ingénieur qui a un don exceptionnel pour réparer tout
ce qui est mécanique. Après toute une carrière de bons et loyaux
services, il part à la retraite, heureux.

Un jour, son ancienne
entreprise le recontacte pour un problème apparemment insoluble sur
l’une de leur machines à plusieurs millions d’euros. Ils ont tout essayé
pour la refaire fonctionner et malgré tous leurs efforts, rien n’a
marché. En désespoir de cause, ils l’appellent, lui qui tant de fois par
le passé a réussi à résoudre ce genre de problème.

A contre
cœur, l’ingénieur à la retraite accepte de se pencher sur le problème.
Il passe une journée entière à étudier et analyser l’énorme machine. A
la fin de la journée, avec une craie, il marque d’une petite croix un
petit composant de la machine et dit « Votre problème est là… »

L’entreprise remplace alors le composant en question, et la machine se remet à marcher à merveille.

Quelques
jours plus tard, l’entreprise reçoit une facture de 10 000 euros de
l’ingénieur. La jugeant un peu élevée, elle demande une facture
détaillée, et l’ingénieur répond alors brièvement :

– Une croix à la
craie : 1 €

– Pour savoir où la mettre : 9 999 €.

La société paya la facture et l’ingénieur repartit dans sa retraite heureuse.

C’est une histoire drôle, à condition que l’ingénieur ait été réellement bon ET que l’entreprise ait effectivement payé la facture. Dans tous les autres cas: ingénieur voulant faire illusion ou entreprise refusant de payer la facture, c’est une histoire triste.

Cela vaut pour les experts judiciaires.

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Source image yodablog.net