Tempus regit actum

En l’espace d’un mois, trois expertises judiciaires m’ont été demandées sur le thème de la recherche de dates de modifications de fichiers!

C’est un domaine que je n’aime pas pour plusieurs raisons:

– très souvent, ce type de demande est lié à une supposée malversation d’un salarié

– la rédaction du rapport d’expertise est très difficile du fait de la nécessaire explication (si possible claire ET pédagogique ET concise) des différences entre date de création, date de modification, date d’accès, date du Bios, date de l’OS, heure d’été, fuseau horaire, dérive de l’horloge, etc.

– le coût de ce type de mission peut devenir très élevé si l’on procède avec précision à la recherche d’incohérences temporelles sur l’ensemble des fichiers

– il faut prendre en compte la possibilité d’un rootkit, d’un virus, d’un bogue ou de tout ce qui agit à l’insu du plein gré de l’utilisateur.

Tout cela part pourtant d’une très bonne question, simple en apparence:

quand telle personne a-t-elle [créé|effacé|accédé à|modifié] telle ou telle donnée?

Et il faut d’abord expliquer qu’en général, on ne doit pas parler d’une personne, mais d’un compte informatique (l’ordinateur du fiston a très bien pu être utilisé par une autre personne, même avec son compte nominatif).

Ensuite, pour les affaires anciennes, il faut également vérifier que la pile du Bios alimente toujours l’horloge, estimer sa dérive temporelle, supposer celle-ci constante, vérifier les changements d’heure (automatique ou non).

Enfin, certaines données horaires proviennent d’ordinateurs tiers (date d’emails par exemple), eux-même sujet à caution quant à la précision de leur horloge. En même temps, c’est vrai qu’aujourd’hui, pour établir une chronologie précise, il suffit de disposer des données FAI pour les synchroniser avec les traces liées aux connexions internet. A condition que le temps de conservation de ces données ne soit pas écoulé…

Bref, bien que ponctuel de manière presque maladive, j’ai un problème avec les heures…

Après avoir expliqué tout cela par téléphone avec mes différents interlocuteurs (gendarmes, magistrats et avocats), tous m’ont néanmoins confié les dossiers avec consigne de faire pour le mieux.

Cela m’a fait plaisir.

En même temps, une telle confiance m’a fait peur.

Peut-être parce que ce mot intervient dans ces deux concepts: la LCEN et l’informatique de confiance.

Le plus drôle, c’est qu’un avocat m’a également contacté pour « démonter » un dossier exclusivement basé sur des dates informatiques. Miam!

Le temps est un grand maître, dit-on. Le malheur est qu’il tue ses élèves.

Hector Berlioz

Giga euros

Imaginez: Vous êtes au bureau en plein travail quand le téléphone sonne. Non, pas le téléphone professionnel, mais le portable-réservé-aux-expertises. Bien. Vous fermez la porte de votre bureau et décrochez. C’est un magistrat qui vous appelle en personne.

Bonjour Monsieur l’Expert. J’ai une expertise à vous demander. C’est assez urgent. Etes-vous disponible?

Il y a à ce moment là plusieurs cas possible: soit vous êtes submergé de travail (professionnel, expertal, personnel…), soit vous êtes libre comme l’air (chômage, pas d’expertise en cours, nul en bricolage et jardinage, etc.).

Imaginez: vous êtes disponible.

Bonjour Monsieur le juge. Quelle est la nature du dossier?

Bien. Il s’agit d’une grande banque française. Il semblerait qu’un trader ait conduit des opérations ayant entraîné des pertes de plusieurs milliards d’euros. J’ai besoin d’un expert judiciaire qualifié pour assister mon équipe d’enquêteurs. C’est un dossier important nécessitant plusieurs semaines de disponibilité…

Imaginez: vous êtes libre toutes affaires cessantes pour mener à bien cette mission et vous vous sentez qualifié.

Bien. Quelle est ma mission?

Votre mission, si vous l’acceptez, sera de m’accompagner au siège de la banque pour y explorer les traces informatiques laissées par les activités du trader, et éventuellement, les traces de camouflage de ses activités laissées par lui ou par une tierce personne. J’ai besoin d’en savoir plus sur cette affaire où l’on me dit tout et son contraire.

Imaginez: vous voici à une réunion de préparation à une perquisition. Les enquêteurs ont déterminé les lieux géographiques où sont situés les différents systèmes informatiques de la banque. Ils connaissent la nature physique des serveurs et leurs systèmes d’exploitation. Habitué que vous êtes de ces grandes salles informatiques de 1000m2 à l’ancienne où cohabitent des générations de matériels hétéroclites, vous préparez votre mallette d’intervention.

Imaginez: vous arrivez escorté dans ce lieu quasi mythique dont vos professeurs parlaient avec respect et toutes les portes de sécurité s’ouvrent devant vos sésames de papiers… commissions rogatoires. Sur la dernière porte est écrit « salle 101« .

Vous vous asseyez face à l’une des multiples consoles d’administration. Le magistrat se place à vos côtés. Tout le monde retient son souffle.

Votre travail d’investigation commence. Il se terminera dans plusieurs mois.

Et pendant ce temps là, le système informatique de la banque doit continuer à fonctionner, sans fausse note.

Des giga euros coulent sous vos doigts.

Une goutte de sueur coule le long de votre dos.

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S’il y a des personnes pour qui j’ai le plus grand respect, ce sont bien les experts judiciaires nommés sur ce type de dossier.

Cela ne risque pas de m’arriver: j’habite l’appartement 303

Je suis un nain

J’entends très souvent autour de moi la phrase suivante: « J’aimerai bien apprécier les subtilités de tel ou tel domaine, mais je n’ai pas la connaissance nécessaire pour. »

Moi-même, il m’est arrivé assez souvent d’utiliser cette phrase dans les domaines tels que la musique classique, la peinture, la danse, l’art contemporain…

Je vivais très bien avec cet a priori quand je suis tombé sur ce billet-bd de Sylvie-Anne Ménard.

Je me suis hélas rendu compte que je pouvais tout aussi bien m’identifier au personnage qui dit « la musique classique, hein… Bah, j’écoute pas ça, moi, je suis trop nul! Je veux dire, j’ai pas assez de connaissance pour pouvoir apprécier. »

Puis, en réfléchissant, je me suis dit que les arguments de Sylvie-Anne pouvaient tout aussi bien s’appliquer à moi, sur la musique classique bien entendu, mais aussi sur d’autres domaines.

Est-il nécessaire d’avoir des connaissances pour apprécier le spectacle d’un ciel étoilé? Je conseille évidemment à tous les visiteurs de Paris la visite du planétarium du Palais de la Découverte ou de celui de la Cité des Sciences. Vous y apprendrez le nom des galaxies, des étoiles les plus remarquables. Mais le ciel garde toute sa beauté, même si (comme moi) vous oubliez la plupart des noms dès la sortie de ces planétariums.

Est-il nécessaire de connaître les principes du moteur à explosion pour bien conduire une voiture? Faut-il comprendre le principe du routage pour utiliser Internet? Etc.

Je reçois régulièrement des emails de lecteurs avouant leurs intérêts pour l’expertise judiciaire (informatique). Ils me disent ne pas oser franchir le pas, soit par jeunesse (moins de 40 ans), soit par peur de « ne pas avoir les connaissances nécessaires pour… »

A ces personnes, je réponds par une citation:

« Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons ainsi davantage et plus loin qu’eux, non parce que notre vue est plus aiguë ou notre taille plus haute, mais parce qu’ils nous portent en l’air et nous élèvent de toute leur hauteur gigantesque. »

(Bernard de Chartres, XIIe siècle)

Evidemment, les géants représentent nos prédécesseurs, mais aussi le savoir accumulé dans les livres ou sur internet. C’est aussi l’expérience de nos collaborateurs, les conseils de nos aînés, les avis de nos confrères.

Bref, si l’on doit bien sûr assumer ses propres responsabilités, il est bon de rappeler que l’on ne doit pas attendre de tout savoir, de tout maîtriser pour s’essayer à l’aventure, pour apporter sa propre pierre à l’édifice.

Oui, je me sens comme un nain juché sur les épaules d’un géant: parfois je vois loin et mieux que lui, parfois je ne vois rien car j’ai la tête dans les nuages.

Parfois, « j’ai la connaissance pour », parfois non.

On ne peut pas tout savoir, mais on doit savoir que l’on ne sait pas tout.

Etre expert judiciaire en informatique, ce n’est pas tout savoir sur toute l’informatique. Vous croyez vraiment que je ne transpire pas quand je lis un billet de Sid, de Nono, de Bruno Kerouanton ou de Pascal Charest?

Etre expert judiciaire en informatique, c’est être capable de donner un avis qui éclaire un magistrat. Et pour cela, avoir envie de tout mettre en œuvre pour ne pas se tromper.

«Je donne mon avis non comme bon mais comme mien.»

disait Michel de Montaigne.

C’est valable pour ce blog…

Mais pas pour un rapport d’expertise.

Et c’est très bien.

PS: De la genèse d’un titre…

J’ai failli mettre comme titre du billet « Je suis un nain posteur » par clin d’œil au titre de ce billet… Puis je me suis amusé avec « Je suis un nain blogueur », mais cela n’avait de sens que pour moi. Du coup, j’ai fait plus simple. Mais j’ai hésité!

Présomption d’innocence – In dubio pro reo

Quand les juges n’ont point vu le crime, quand l’accusé n’a point été saisi en flagrant délit, qu’il n’y a point de témoins oculaires, que les déposants peuvent être ennemis de l’accusé, il est démontré qu’alors le prévenu ne peut être jugé que sur des probabilités. S’il y a vingt probabilités contre lui, ce qui est excessivement rare, et une seule en sa faveur de même force que chacune des vingt, il y a du moins un contre vingt qu’il n’est pas coupable. Dans ce cas il est évident que des juges ne doivent pas jouer à vingt contre un le sang innocent. Mais si avec une seule probabilité favorable l’accusé nie jusqu’au dernier moment, ces deux probabilités, fortifiées l’une par l’autre, équivalent aux vingt qui le chargent. En ce dernier cas, condamner un homme, ce n’est pas le juger, c’est l’assassiner au hasard.

Voltaire – La méprise d’Arras.

Affaire Fourré (1761)

Le texte qui suit est extrait de l’ouvrage « Les erreurs judiciaires et leurs causes » de Maurice Lailler et Henri Vonoven (1897), sur lequel je fonde cette rubrique consacrée aux erreurs judiciaires du passé. Le texte n’est bien évidemment plus d’actualité et il serait impensable qu’une telle erreur puisse arriver au XXIe siècle en France (et encore moins dans le Pas-de-Calais)…

En 1761, une bande de brigands dont le chef répondait au joli nom de Fleur d’Epine, désolait les environs de Rouen. Vols, incendies, assassinats se multipliaient dans la contrée où régnait une véritable terreur. Le 13 octobre dans la nuit, il senvahissaient la maison d’une vieille femme, la veuve Fourré, qui habitait seule avec sa servante, une fille Vasselin.

Suivant leur coutume, les compagnons de Fleur d’Epine pénétraient masqués chez la veuve Fourré, la ligotaient ainsi que sa domestique, les menaçant l’une et l’autre de mort au moindre appel, au moindre cri. Après avoir fouillé tous les meubles et s’être emparés de tout ce qui pouvait avoir la moindre valeur, ils s’enfuyaient, laissant la vie sauve à leurs victimes.

Le lendemain, la veuve Fourré porta plainte, et, après quelques hésitations, finit par dénoncer quatre de ses parents, un sieur Fourré et ses trois fils avec lesquels elle ne vivait pas en très bonne intelligence. Elle déclarait qu’elle croyait bien que c’étaient eux les auteurs du vol et de l’attentat. La servante, la fille Vasselin, fut plus affirmative que sa maîtresse. Elle n’avait pas que des soupçons, elle avait une certitude. Elle avait parfaitement reconnu les malfaiteurs à leurs voix, à leurs allures; c’étaient bien les Fourré.

Arrêtés, ceux-ci protestèrent contre l’accusation dont ils étaient l’objet; ils affirmèrent que dans la nuit du 13 octobre ils étaient restés chez eux; ils citaient des témoins. Personne ne les avait vus dehors ce soir là. Une perquisition opérée dans leur maison ne fit découvrir rien de suspect.

N’importe! Les témoignages des victimes étaient pour la justice des charges suffisantes, et les affirmations de la fille Vasselin étaient assez formelles pour ne laisser place à aucun doute. Fourré et ses trois fils furent mis en jugement. Malgré les efforts de Maître Hervieu, leur défenseur et de l’abbé Massif qui s’intéressa à leur sort, ils furent tous déclarés coupables.

Le plus jeune des enfants à cause de son âge ne fut frappé que de la peine du fouet. Le père Fourré et son second fils furent condamnés aux galères perpétuelles. Le fils aîné fut soumis à la question, après quoi on décida qu’il serait rompu vif et roué.

Ni le fouet, ni de longs mois d’emprisonnement, ni la torture ne leur arrachèrent d’aveux. Tous, jeunes et vieux, nièrent énergiquement et jusqu’au bout avoir commis le crime.

Le fils aîné fut exécuté; le père et le second fils attendaient en prison le jour du départ pour le bagne, lorsqu’un hasard vint sauver ces malheureux: le père Fourré se lamentait tout haut dans sa cellule, prononçant au milieu de ses sanglots le nom de son fils qui venait de mourir sur la roue, lorsque tout à coup du cachot voisin une voix lui répondit. Cette voix était celle d’un des hommes de la bande de Fleur d’Epine qui venait d’être capturée toute entière. Elle révélait au père désolé les noms des véritables auteurs du crime expié par les Fourré, et le brigand s’effarait à la pensée de l’horrible injustice commise.

Maître Hervieu qui n’avait point abandonné les Fourré après leur condamnation, porta le fait à la connaissance des juges et sut s’associer un magistrat, Monsieur Simon de Montigny, pour obtenir qu’on n’exécutât pas la sentence contre les deux condamnées aux galères. Un sursis fut accordé; on voulut bien ne point leur infliger la marque[1] et ne pas les expédier au bagne; mais bien que leur innocence ne fut plus contesté, il fallut encore quatre ans avant qu’elle fût judiciairement reconnue! En attendant cette reconnaissance, le père Fourré mourut dans son cachot.

Un arrêt en date du 4 novembre 1765 proclama enfin la réhabilitation des Fourré. La fille Vasselin convaincue de faux témoignage fut bannie de la province, condamnée à faire amende honorable et à payer cinquante livres destinées à faire dire des prières pour les âmes des Fourré père et fils.

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[1] Les galériens condamnés à ramer sur la flotte royale de guerre étaient alors marqués au fer rouge avec les lettres G.A.L.

Nausées visuelles

Dans le problème de la recherche d’images pédopornographiques, j’ai déjà abordé le démontage du disque dur et la copie du disque dur (« La vue, c’est la vie« ).

J’ai également abordé les difficultés que je rencontrais avec la reconstitution des scellés. Au passage, je recommande cette méthode (trop forts les ricains) aux experts débutants qui me lisent. Personnellement, je continue à l’ancienne avec mon bâton de cire et mon creuset, sur de vieilles étiquettes récupérées et mes sachets de congélation…

Vous avez lancé vos scripts, vos virtualiseurs et vos différents programmes d’analyses. Vous voici donc à la tête de trois tas d’images:

– les images non effacées encore stockées de façon apparente sur le disque dur;

– les images effacées, récupérables avec leurs caractéristiques liées à l’OS (chemin d’accès vers le répertoire de stockage, dates de manipulation, etc)

– les images effacées, découvertes en zone non allouée, mais sans information OS.

Seulement voilà, l’habileté de vos outils à pister la moindre trace d’images vous place à la tête de 400000 (quatre cent mille) images…

Première étape: éliminer les doublons. Vous pouvez utiliser Picasa ou mieux ftwin.

Deuxième étape: éliminer les icones. Personnellement, je procède par tri sur les tailles de fichiers. Il est rare qu’un fichier de taille inférieure à 2Ko contienne une information intéressante. Ceci étant, je n’efface rien, je mets simplement de côté pour investigations ultérieures si nécessaire.

Cette étape est périlleuse sous Windows XP car dès qu’un répertoire dépasse 3000 ou 4000 fichiers la manipulation de masse est difficile (du moins sur mon poste de travail). Alors 400000…

Troisième étape: repérer les images disposant de métadonnées renseignées de type EXIF ou IPTC. C’est souvent riche d’informations et permet également d’effectuer un classement (par date de prise de cliché, par type d’appareil photo, etc). Lire à ce sujet une anecdote sur l’excellent site de Sid (ou sur le site de l’excellent Sid:).

A ce stade, vous voici face à 100000 (cent mille) images qu’il va vous falloir étudier une à une… Comment procède-je?

Et bien, pour l’instant, je n’ai rien trouvé de mieux que de faire défiler l’ensemble des photos sur l’écran de mon ordinateur. J’utilise pour cela des logiciels très simples, comme IrfanView et Picasa. Les deux disposent d’un mode d’affichage de miniatures permettant d’afficher plusieurs images à la fois. Ils disposent également de fonctionnalités permettant d’imprimer des images sous forme de planches contact (pour le rapport).

A ce stade de l’expertise, il faut prendre la précaution de fermer la porte de son bureau parce que débute parfois une véritable descente aux enfers. Sur certaines expertises, j’ai eu droit à des collections d’images de cadavres mutilés à coups de machette, assortis des films des massacres associés. Dans un autre coin du disque se trouvaient des images d’enfants de cinq ans violés par des pédophiles.

Il faut sélectionner les images et films. Les classer. Les imprimer (pour les films, extraire les images les plus représentatives).

Cette partie de ce type d’expertise est très difficile.

J’en ai les larmes aux yeux rien que de l’évoquer.

C’est pour cela que je tiens ce blog.

Merci de m’avoir lu.

La journée type

06h21, c’est l’heure à laquelle mon réveil est programmé pour sonner tous les jours de l’année. Pourquoi 21? Et bien j’ai horreur de l’idée que seule 12 des soixante minutes utilisables soient réellement exploitées. Alors je règle toujours mon réveil pour sonner sur l’une des 48 minutes sous employées. C’est mon point commun avec les SNCF et ses horaires de train…

En ce moment, c’est 21.
Tous les jours ouvrables de l’année.
Même quand je dois monter à Paris, sauf que c’est 4h21.
A ce moment là, l’alarme explose dans le silence de la nuit profonde.

Sauf en vacances.
Là, c’est moi qui explose le réveil.

Ma journée débute donc à 06h21.
Ensuite, c’est douche, café, préparation du sac, conduite au collège, et enfin arrivée au travail à 07h57.

07h57-12h48 la folie du métier d’un responsable informatique et technique
12h49-13h04 le quart d’heure repas-saladette-bureau-porte-fermée en bloguant (mode lecture)
13h05-18h12 la folie du métier d’un responsable informatique et technique (bis)

18h34-20h47 les enfants grandissent trop vite, il faut en profiter
20h48-22h42 au choix: expertises, bloguitude (mode écriture), lectures, TV (et oui) ou conseil municipal…

Et 22h43, c’est bien sûr l’heure de l’ascenseur

La vue, c’est la vie

J’ai déjà rapidement présenté comment je procède pour prendre une image du disque dur d’un scellé (lire ce billet).

En résumé:

– soit extraction du disque dur de l’unité centrale et mise en place dans un PC muni d’une carte giga et d’un bloqueur d’écriture, soit boot sur liveCD à partir du PC sous scellé après vérification des options du BIOS (débrancher le disque pour faire les essais de boot)

– côté PC de travail (sous Windows XP SP2, exécution sous cygwin, sinon exécution directe sous Linux) de « nc -l -p 2000 > image.dsk »

– côté disque dur scellé, sous HELIX ou sous DEFT, lancement dans un shell de la commande « dd if=/dev/sda | nc IP_PC_de_travail 2000 »

J’obtiens ainsi une image numérique du disque dur à analyser.

La commande « dd » peut être avantageusement remplacée par « dcfldd« , dc3dd ou en cas d’erreurs I/O sur le disque par « ddrescue« [1].

L’adresse IP_PC_de_travail utilisée dans la commande « nc » (netcat) peut aussi avantageusement être remplacée par celle d’un serveur samba, ce qui permet ensuite d’accéder au fichier image.dsk indifféremment depuis une machine Linux ou Windows (dans mon cas un « vieux » PC avec cinq disques SATA de 400 Go:).

Mais maintenant, que faire de ce gros fichier image.dsk?

Personnellement, j’utilise deux outils:

sleut kit et autopsy pour l’analyse inforensique proprement dite.

liveview pour démarrer l’image sous vmware (s’il s’agit d’un scellé sous Windows)

C’est ce dernier logiciel qui gagne l’honneur de fournir le titre du présent billet (avec une traduction très approximative).

Je dois dire que depuis l’utilisation de liveview et vmware, ma vision des scellés a considérablement changée. En effet, je « sens » beaucoup mieux l’organisation du stockage sur un Pc lorsqu’il est possible de naviguer à loisir sur celui-ci: organisation des icones sur le bureau, logiciels spécifiques que l’on peut exécuter, etc. L’image d’origine est protégée en lecture seule, un disque virtuel vient la compléter pour stocker tous les changements effectués (en général, il faut réactiver Windows XP pour pouvoir travailler dans la durée). Il suffit d’ajouter un disque dur partagé pour pouvoir récupérer toutes les données non effacées intéressantes.

L’utilisation des Sleut kit et Autopsy dépasse le cadre technique de ce blog, mais je recommande à tous les curieux de s’y exercer… C’est très instructif!

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[1] Dans le cas de problèmes I/O sur un disque dur, il me semble important d’effectuer la prise d’image rapidement et, pour ma part, de ne pas calculer le hash MD5 qui dans ce cas me semble soumis à des aléas.

La peine de mort

Je lis actuellement un ouvrage ancien intitulé « Histoire de la médecine légale en France d’après les lois, registres et arrêts criminels » par Charles Desmaze, publié en 1880.

Il y a dans cet ouvrage quelques extraits que je brûle de vous faire partager.
S’il y a encore parmi mes lecteurs quelques égarés partisans de la peine de mort…
Le texte est écris par un médecin qui ne cache pas sa sympathie pour la peine capitale. Ces mots et expériences m’ont fait frémir.
Cœurs sensibles s’abstenir, alcooliques réfléchir, carabins à vos notes.

Extraits:
Depuis la fin du dernier siècle [ndz: le texte est écrit en 1880], un nouveau mode de supplice, rapide mais sanglant, a été admis en France, comme occasionnant moins de douleur que ceux qu’on avait employés jusqu’alors [ndz: le 15 avril 1792, on essayait à Bicêtre, pour la première fois et sur un cadavre, l’instrument du supplice que venait d’inventer le docteur Guillotin]. Pendant longtemps, on ne songea pas à mettre en doute la supériorité de la guillotine sur la pendaison et le supplice de la hache. Mais, dans ces dernières années, quelques écrivains, des médecins même, ont affirmé que la décapitation est indigne de notre civilisation et qu’elle inflige au criminel de longues souffrances. Ils oubliaient que les physiologistes du siècle dernier, et parmi eux Bichat, avaient réfuté d’avance ces affirmations, qui sont en contradiction avec ce que nous apprend la physiologie expérimentale, avec ce que l’on sait du mécanisme de la mort subite.

« Quoi de plus grave, comme le disaient, en 1870, MM. les docteurs Evrard et Dujardin-Beaumetz dans leur excellent travail sur le supplice de la guillotine, quoi de plus grave, en tout état de cause, que de jeter dans un public incompétent, cette affirmation hardie, et quoi de plus propre à troubler la conscience des citoyens à qui la loi impose le devoir de juger les criminels? La crédulité publique recherche avec avidité et accueille avec une faveur aussi cruelle que malsaine, les histoires émouvantes: la tête de Charlotte Corday rougissant sous le soufflet du bourreau, deux têtes se mordant dans le panier funèbre, le fond des sacs rongé par les dents des suppliciés sont des récits traditionnels, que leur imagination commente sans s’arrêter à l’invraisemblance. Les partisans de l’abolition absolue de la peine de mort, ont trouvé dans ces horreurs un argument persuasif, car ils s’adressent à cette pitié instinctive et profonde que les cœurs les plus affermis éprouvent pour l’homme qui va payer de sa vie l’excès même de ses crimes. »

C’est pour réfuter encore une fois ces assertions que le docteur Evrard, médecin des prisons de Beauvais, a voulu renouveler les expériences qu’il a faites en 1870, avec le docteur Dujardin-Beaumetz, médecin de l’armée.
Ce médecin demanda et obtint qu’on lui livrerait les restes d’un supplicié, immédiatement après l’exécution. Il nous avait invités, avec mon fils, dit le docteur Gaston Decaisne, à l’aider dans ces expériences, et nous nous rendîmes à cet effet, le 13 novembre 1879 à Beauvais […]
Le condamné était un nommé Prunier, âgé de vingt-trois ans, charretier à Trie-la-Ville, dans le département de l’Oise. Il avait, sans motifs aucuns, tué une vieille femme, l’avait violée, avait chargé le cadavre sur ses épaules et l’avait jeté à la rivière. Dix minutes après, voulant s’assurer que sa victime était morte, il retournait à la rivière, apercevait le corps qui flottait, le tirait hors de l’eau par les pieds et renouvelait ses outrages. Puis il abandonnait le cadavre et allait coucher chez son père, à quelque distance du crime. Il fut réveillé par les gendarmes, qui vinrent l’arrêter quelques heures après et à qui il fit les aveux les plus complets.

Le jour du crime, il s’était levé en disant: « Il faut que je fasse un coup aujourd’hui, je veux me battre. » Il parcourt les cabarets du pays et du village voisin, il boit outre mesure […]. Depuis près de cinq ans, Prunier s’adonnait aux boissons alcooliques et il a toujours attribué son crime à la boisson. Il résulte des dépositions de plusieurs témoins entendus dans l’instruction qu’à différentes reprises et depuis quelques années, poussé par des instincts génésiques, il avait poursuivi de ses brutales obsessions plusieurs femmes du pays, qui n’avaient échappé à ses tentatives criminelles que par la fuite.

Le 13 novembre 1879, Prunier payait de sa tête le crime odieux dont il s’était rendu coupable [ndz: à l’époque les exécutions avaient lieu sur la place publique]. Rien dans sa conduite à la prison de Beauvais n’a pu faire soupçonner, un seul instant, l’existence d’une perturbation des facultés mentales […]

Les restes du supplicié nous ont été remis à sept heures cinq minutes du matin, c’est-à-dire entre quatre minutes et demis et cinq minutes après la décapitation. Le corps était placé à plat ventre dans le panier, dont le fond était garni de sciure de bois, la tête reposait sur le côté gauche. Celle-ci présentait à peine quelques rares taches de sang, isolées dans le voisinage de la section. Pas de sang au niveau des lèvres et de la conque des oreilles. Rien, en un mot, indiquant que l’extrémité céphalique ait pu être le siège de mouvements convulsifs immédiatement après sa chute. Ce qui confirme encore cette supposition, c’est que les oreilles ne contenaient à peine que quelques parcelles de sciure de bois.

Cette tête, placée immédiatement sur une table, en plein air, au milieu du cimetière, présente l’aspect suivant:
Les yeux sont fermés. Si l’on entr’ouvre les paupières, on aperçoit le globe de l’œil fixe et affaissé. Les pupilles sont égales et moyennement dilatées. La face est pâle, mate, complètement exsangue, offrant une apparence de stupeur. La mâchoire est légèrement entr’ouverte. Les conjonctives, les lèvres, la langue, toutes les muqueuses, enfin, sont absolument décolorées.
La section très nette est située à un niveau élevé. Elle correspond, en effet, à l’intervalle qui sépare la troisième et la quatrième vertèbres cervicales. Une lamelle osseuse a été détachée de la face supérieure de cette dernière […].
C’est alors que l’un de nous appelle plusieurs fois de suite le supplicié par son nom, en s’approchant aussi près que possible du conduit auditif. Aucun mouvement de la face ou des yeux ne trahit la moindre perception.
On pince fortement la peau des joues, on introduit dans les narines un pinceau imbibé d’ammoniaque concentrée, on cautérise la conjonctive avec un crayon de nitrate d’argent. aucune contraction, aucun mouvement ne se produisent; la face conserve son impassibilité. Une bougie allumée placée immédiatement auprès des yeux largement ouverts, avait déjà donné un résultat négatif, alors même que la flamme léchait le globe oculaire […].

Ces premières expériences une fois terminées, notre but principal était rempli. Nous avions acquis, autant qu’il est humainement possible, la certitude que la tête du supplicié ne sentait plus, ne percevait plus, ne vivait plus. Nous procédons alors à l’extraction du cerveau […].

Tous les muscles réagissent à l’électricité. C’est ainsi qu’après l’ablation du cerveau, on provoque toutes les contractions des muscles de la face, le grincement et le claquement des dents, les mouvements des yeux, l’élévation et l’abaissement des paupières. De même par l’électrisation des muscles intercostaux et du diaphragme, on provoque artificiellement les mouvements respiratoires. […] Des contractions énergiques sont également obtenues dans les muscles des membres. Nous avons pu ainsi faire élever les bras, fléchir les avant-bras, les poignets, et les doigts sont venus serrer fortement la main de l’un de nous. Cette réaction musculaire persistait une heure et demie après la décapitation, c’est-à-dire au moment où les restes du supplicié ont été remis aux fossoyeurs.

Telles sont les seules expériences qu’il nous ait été donné de faire, vu le temps limité dont nous disposions par suite des nécessités de l’inhumation […] Quant à l’injection de sang oxygéné dans les vaisseaux crâniens, outre qu’elle ne pourrait donner de résultat qu’à la condition d’avoir la tête au moment de sa chute, les moyens matériels nous manquaient pour la mener à bonne fin. Cette expérience ne serait d’ailleurs praticable que si les exécutions avaient lieu à l’intérieur des prisons. Encore une fois le seul but que nous avions en vue a été atteint, et nous avons acquis la certitude que la mort est immédiate après la décapitation par le couperet de la guillotine.

Comme les confrères qui assistaient à nos expériences, nous avons été frappés de l’état particulier que présentait le cerveau du supplicié. Les lésions [que nous y avons trouvées] étaient le produit manifeste d’un travail pathologique à marche plus ou moins lente, qui ne s’était traduit pendant la vie par aucun symptôme appréciable. Comme nous l’avons dit, Prunier passait dans le pays pour un butor obéissant aux plus bas instincts. Doué d’une force musculaire peu commune, il cherchait volontiers querelle. Depuis plusieurs années, il s’était adonné aux boissons, et l’étude de son dossier faite avec soin nous a laissé la conviction que le jour du crime, il était sous l’influence de l’alcool.

Faut-il conclure de là qu’il était irresponsable?

« Histoire de la médecine légale en France d’après les lois, registres et arrêts criminels » par Charles Desmaze, 1880, p203-212.