Commission de sécurité

Lorsque j’ai fait le choix d’ajouter sur ma tête la casquette de responsable technique, je savais qu’il allait falloir que j’acquière rapidement des connaissances qu’un simple responsable informatique ne possède pas nécessairement.

La gestion d’un bâtiment ERP2 en fait partie.

ERP = Etablissement Recevant du Public, et non pas Progiciel de Gestion Intégré comme je l’ai pensé la première fois que l’on m’en a parlé.

Un ERP possède au moins un type et entre dans une catégorie: dans le cas de mes bâtiments, il s’agit d’un ERP de type R (Etablissements d’enseignement) de catégorie 2 (701 à 1500 personnes). La gestion technique d’un tel ensemble de bâtiments nécessite de respecter des règles de sécurité afin de prévenir les accidents.

Par chance, mon prédécesseur m’a laissé un (volumineux) dossier contenant la règlementation à suivre et une pile de dossiers à jour concernant la sécurité. Il faisait ainsi mentir l’adage « Mon prédécesseur, cet incapable; mon successeur, cet ambitieux« . Et pour faire mentir cet adage à mon tour (vis à vis de mon futur successeur), je me suis plongé dans les abimes règlementaires des ERP2…

Ma première décision a été de faire venir un pompier pour qu’il inspecte rapidement les lieux. La présence d’un homme en uniforme a également permis de faire passer plus en douceur la décision n°2 issue de cette inspection: supprimer toutes les tables, présentoirs, chaises et autres mobiliers qui s’étaient gentiment invités dans les couloirs et les escaliers de l’établissement… Les axes de circulation ne sont pas des zones de stockage, et ces objets représentent un risque pour l’évacuation en cas d’incendie ET pour la progression des pompiers. Seuls les photocopieurs d’étage semblent tolérés.

Pour le reste, RAS: tous les éléments de sécurité (extincteurs, trappes de désenfumage, centrale du système de sécurité incendie, détecteurs, etc.) ou les éléments dangereux (charriot élévateur, palans, ascenseurs, etc.) sont opérationnels et font l’objet de contrôles réguliers par des sociétés agréées.

Il n’empêche.

Tout ceci doit faire l’objet d’un contrôle ultime, une fois tous les trois ans: LA visite de la commission de sécurité.

Sous son intitulé complet, la commission consultative départementale de sécurisé et d’accessibilité est l’organisme compétent, à l’échelon du département, pour donner un avis concernant la poursuite d’activité de l’établissement à l’autorité investie du pouvoir de police administrative.

Et il y a quelques jours, c’était la première visite que j’avais à gérer…

Je me suis donc retrouvé face à cinq personnes: un représentant du préfet, de la mairie, de la police, de la DDE et des pompiers. Cela m’a rappelé les oraux des concours d’entrée aux grandes écoles! Et pendant deux heures, ils ont épluchés les documents que je leur présentais à la demande: consignes de sécurité, bilans des exercices d’évacuation, registre de sécurité, PV de vérifications des installations électriques, des chaudières, du gaz, des extincteurs, jusqu’aux contrats d’entretien des portes coulissantes de l’entrée principale de l’établissement.

Puis a eu lieu la visite des bâtiments. Nous nous sommes promenés dans tous les laboratoires, toutes les salles de TP, de TD, dans les amphithéâtres… RAS.

Enfin est venue la visite du sous-sol: archives et locaux de stockage du mobilier. Le pompier me désigne la porte d’un local en me demandant de l’ouvrir. Et là, stupeur: enchevêtrement de câbles, de rallonges, de chaises, de tabourets, d’enceintes, d’amplis, de batteries, de moquettes, de caisses, de cartons, de jeux de lumières… Il s’agit du local de répétition des différents groupes de musique de l’école.

Un silence plane sur le groupe agglutiné à l’entrée de cette pièce à l’aspect improbable.

Le pompier me regarde et m’interroge: Monsieur le responsable technique, quels sont les problèmes que vous relevez dans cette pièce?

Moi, déconfit: Et bien… les appareils électriques sont branchés sur des rallonges multiprises cascadées (jusqu’à quatre multiprises!), la pièce est remplis d’objets encombrants et inflammables visiblement stockés là sur une longue durée (zone de stockage) alors qu’il s’agit d’une pièce de vie, le désordre ambiant devient un piège mortel en cas d’incendie, pour les occupants qui cherchent à sortir, comme pour les sauveteurs qui cherchent à entrer. Bref, un piège mortel.

Lui: Et que comptez-vous faire?

Moi: Fermeture immédiate de ce local et dès demain, nettoyage avec les étudiants puis mis en place d’une installation électrique correspondant à leurs besoins.

Lui: Bien.

Résultat: avis favorable.

PS: Le pompier est revenu quinze jours après pour une visite impromptue. Tout avait été fait. Je n’ai qu’une parole.

Que faire quand vous découvrez une infraction?

En l’absence de poste effectivement dédié à la sécurité, je fais office de RSSI dans mon entreprise, c’est-à-dire que j’assure la responsabilité de la sécurité du système d’information.

En d’autre termes (dixit wikipedia), la sensibilisation des utilisateurs aux problèmes de sécurité, la sécurité des réseaux, la sécurité des systèmes, la sécurité des télécommunications, la sécurité des applications, la sécurité physique, la mise en place de moyens de fonctionnement en mode dégradé (récupération sur erreur), la stratégie de sauvegarde des données et la mise en place d’un plan de continuité d’activité «disaster recovery».

Bien.

Cela tombe assez bien car en tant qu’expert judiciaire, je suis amené plutôt souvent à me prononcer sur la validité des actions menées au sein des entreprises par les responsables concernés par ces problèmes (et ils sont nombreux, les problèmes potentiels).

Seulement voilà, RSSI, c’est un métier à part entière, qui demande des connaissances techniques particulièrement élevées, et dans des domaines très divers. Un métier d’Expert.

Donc, quand on se définit comme un informaticien généraliste devant intervenir sur tous les aspects de l’informatique (i.e. responsable-informatique-dans-une-école-d’ingénieurs-et-expert-judiciaire-en-informatique), il est bon d’avoir plus que quelques bonnes notions concernant la sécurité informatique.

Et heureusement, il y a la pratique, la théorie et le partage d’expérience.

Concernant le partage d’expérience, il y a les blogs: Sid, Bruno Kerouanton, Maître Eolas, et j’en passe d’autres et des moins bons, et il y a les conférences.

A propos des conférences, s’il est parfois difficile d’y aller (temps, distance, frais…), il est souvent possible d’obtenir les actes, et parfois même gratuitement! C’est le cas pour le Symposium sur la Sécurité des Technologies de l’Information et des Communications (SSTIC).

Du coup, il est possible d’accéder à des documents intéressants (quand on arrive à en comprendre le sens). C’est le cas de l’excellent « Recueil et analyse de la preuve numérique dans le cadre d’une enquête pénale » de Nicolas DUVINAGE.

Résumé: Au cours de l’enquête pénale peuvent être saisies et analysées de nombreuses pièces à conviction de toutes natures: traces d’ADN, empreintes digitales, armes, etc, mais aussi disques durs, clés USB, téléphones portables… La présentation portera à la fois sur les grands principes de la criminalistique (étude scientifique des éléments de preuve), qui s’appliquent indifféremment à tous les scellés quelle que soit leur nature, mais aussi sur les particularités du traitement de la preuve numérique (saisie, conservation, exploitation, présentation des résultats). Une conduite à tenir-type sera également conseillée aux RSSI et administrateurs-réseau d’entreprise en cas de découverte d’infraction dans leur périmètre de compétences.

Et parce que nous sommes tous maintenant des RSSI en puissance (je n’ai pas dit « compétents »), et grâce à l’aimable autorisation de l’auteur, je peux retranscrire ici les conclusions de ce document (pour votre bonheur je vous encourage à les lire dans le document original).

———- extrait ———–

QUELQUES CONSEILS

«Les RSSI qui découvrent une infraction…»

Vous découvrez ce que vous pensez/supposez être une infraction… mais vous n’êtes pas magistrat!

• …ce n’est pas forcément une infraction.

• …et même si c’en est une, le suspect n’est pas forcément celui que l’on croit (ex.: poste de travail partagé, trojan, etc).

• …et même si c’est bien lui, il n’est pas forcément coupable (ex.: comportement involontaire).

• …et même s’il l’est pour tout le monde, il ne sera pas forcément condamné (ex.: absence de preuves suffisantes, vice de procédure, etc.).

De fausses accusations (même énoncées de bonne foi et sans intention de nuire) peuvent avoir de lourdes conséquences:

– Il est plus facile de détruire une réputation en 5 minutes que de la reconstruire… même s’il est prouvé que la personne est innocente («Il n’y a pas de fumée sans feu», les accusations de pédophilie sont souvent indélébiles…).

– Pour le suspect:

• Risque de mise à pied ou de licenciement;

• Risque de rupture conjugale, de suicide (pédophilie);

• Méfiance de l’entourage, de la famille, des amis, des collègues…

Conseil n°1: PRUDENCE et DISCRETION:

• Ne pas alerter toute l’entreprise (se contenter par ex du responsable juridique et du directeur du site, faire attention aux éventuelles complicités internes…).

• Laisser faire les spécialistes du droit (signaler les faits à la gendarmerie/police…).

• Ne pas porter de jugement hâtif sur l’intéressé (lui laisser le bénéfice du doute et la présomption d’innocence).

Conseil n°2: Pour autant, il faut réagir! …tout en respectant le droit du travail et les libertés fondamentales de la personne:

• Pas d’analyse des fichiers personnels privés du PC du suspect (cf. «arrêt Nikon» de la Cour de Cassation).

• Pas de «perquisition» dans son vestiaire, dans ses tiroirs en son absence.

Conseil n°3: Pour autant, il faut réagir! …et préserver les éléments de preuve:

• Remplacer le PC suspect par un autre PC (ex.: en prétextant une maintenance, une mise à jour, un problème de sécurité, ou au pire, en prétextant une infraction moins

infamante que la pédophilie [piratage, escroquerie…]).

• Extraire/graver les fichiers issus de serveurs (ex.: logs gravés sur CD).

• Si vous avez impérativement besoin de faire des analyses: réaliser une copie bit à bit des supports mis de côté et n’analyser que ces copies.

• Conserver les supports mis de côté dans un endroit sûr (ex.: coffre-fort) en attendant de les donner à la gendarmerie/police.

——- fin d’extrait ——–

Et si je peux me permettre d’ajouter un conseil: contactez un expert judiciaire. Il saura réaliser les actions techniques préconisées…

On voit des choses et on se demande pourquoi elles existent. Moi je rêve de choses qui n’ont jamais existé et je me demande pourquoi pas?

George Bernard Shaw

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Crédit images darkroastedblend.com

Canal moins

Comme beaucoup d’internautes, je dispose de plusieurs adresses emails, essentiellement pour échapper aux spammeurs.

Certaines de ces adresses emails ne sont utilisées que pour des opérations techniques particulières et ne sont fournies à aucun organisme (autre que le site de création de l’adresse email). C’est pourquoi j’ai été surpris de recevoir un message de canal+ sur l’une de ces adresses emails dont le sujet est le suivant: « Inscription à canalplus.fr ».

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CONFIRMATION DE VOTRE INSCRIPTION
VOTRE INSCRIPTION A BIEN ETE ENREGISTREE.
VOICI VOTRE MOT DE PASSE POUR VOUS CONNECTER A VOTRE
ESPACE SUR LE SITE CANALPLUS.FR
E-MAIL °°°°°@gmail.com
MOT DE PASSE °°°°°
CONSERVEZ PRECIEUSEMENT CE MESSAGE. VOS IDENTIFIANTS
SONT NECESSAIRES POUR CONSULTER VOTRE ESPACE ET GERER
VOS DONNEES.

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Ma première idée a été qu’il s’agissait d’une tentative de phishing, mais avant de supprimer le message, je me suis dit qu’il était peut-être préférable de vérifier si je n’étais pas victime d’un vol d’identité numérique et qu’une personne mal intentionnée ne m’aurait pas inscrit à l’insu de mon plein gré à cette chaine cryptée.

Je vérifie donc le contenu de l’email, le lien intégré, et m’assure que le site existe bien et correspond à ce qu’il prétend être. RAS, le site existe et est bien celui de Canal+. Pas d’hameçonnage à l’horizon…

Je cherche l’espace abonné sur le site et entre les identifiants fournis par l’email. Et paf (le chien), cela marche! Mon cœur s’accélère: j’ai un compte d’abonné sur le site de Canal+ et je n’ai rien demandé!

Je vérifie les informations du compte et m’aperçois qu’il s’agit d’une autre personne, habitant en France, abonné depuis plusieurs mois à Canal+. Et cette personne vient juste d’ouvrir un compte web chez Canal+ en fournissant une adresse email erronée: la mienne. C’est donc moi qui ait reçu le mot de passe d’accès à ce compte web…

Problème: Comment rectifier la situation?

Je décide de contacter la personne par téléphone, puisque celle-ci a indiqué un téléphone portable dans les informations de son compte. Personne ne répond. Je laisse un message sur la boite vocale.

Résumons: je viens d’appeler un inconnu qui ne me connait pas pour lui dire qu’il s’est trompé d’adresse email lors de l’ouverture de son compte web Canal+. Je n’ai pas laissé mon téléphone, je ne lui ai pas donné le mot de passe que j’ai reçu à sa place car finalement je ne sais pas si je m’adresse à la bonne personne. La situation est toujours bloquée.

Je cherche sur le site de Canal+ un numéro de téléphone pour tenter d’expliquer la situation: je trouve un numéro (surtaxé). J’ai un automate au téléphone et après avoir jonglé avec les # et options, il me demande d’entrer un numéro d’abonné. J’ai bien le numéro de l’abonné qui a donné mon adresse email, mais je ne vais quand même pas me faire passer pour lui uniquement pour avoir un opérateur au téléphone qui va croire que j’ai piraté son compte… Je raccroche. La situation est toujours bloquée.

Je décide de répondre à l’email envoyé par Canal+:

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Bonjour,
Je ne suis pas abonné à Canal+ et pourtant je viens de recevoir cet email (voir PJ)!
J’ai d’abord pensé à du phishing, mais après vérification, les informations que vous m’avez transmise permettent bien de se connecter au compte d’un abonné MAIS CE N’EST PAS MOI (je ne suis pas abonné).
Il s’agit de l’abonné « °°°° °°°°° N° Client °°°°°° »
qui a semble-t-il ouvert un accès web à son compte canal+ EN UTILISANT UNE ADRESSE EMAIL ERRONEE (la mienne).
Merci donc d’aller lui corriger cela rapidement car j’accède à toutes ses données!!!
Cordialement

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Pour assurer le coup, j’envoie une copie de cet email par facsimilé au numéro du service technique de Canal+. J’ai maintenant une trace fiable de la promptitude de ma réaction et de mon honnêteté sans faille. Je peux dormir tranquille.

Une semaine plus tard, je vérifie que les identifiant/mot de passe ont bien été désactivés: le compte est toujours ouvert, et c’est toujours moi qui ait l’accès.

Personne chez Canal+ n’a corrigé le problème. La situation est toujours la même. C’est amusant et triste à la fois: il n’est plus possible de contacter une personne techniquement capable de résoudre ce problème. Il n’est même plus possible simplement de contacter quelqu’un par téléphone. Quand je dis « simplement », je veux dire sans me prendre la tête.

Si un lecteur de ce blog connait un numéro de téléphone permettant de contacter une personne compétente de Canal+, qu’il me l’envoie à mon adresse email.

Même s’il s’agit d’une vedette de la chaine!

Parce que pour l’instant, moi, j’ai un peu le sentiment d’être dans la 4e dimension cryptée. Sur Canal moins en quelque sorte.

Soutien aux magistrats

Il n’est pas fréquent que les magistrats soient en colère.

Plusieurs d’entre eux ont publié des billets hébergés sur le blog de Maître Eolas.

Je souhaite ici apporter ma petite lumière d’expert judiciaire.

Etre expert judiciaire, ce n’est pas une profession. Je suis un citoyen comme les autres, salarié dans une entreprise, inscrit dans la Cour d’Appel dont je dépends géographiquement sur la liste des personnes habilitées à apporter aux magistrats un éclairage sur un point technique de leurs dossiers (liste des experts judiciaires).

De ce fait, il m’arrive de rencontrer des magistrats sur leur lieu de travail, pour être entendu en audition ou pour discuter (un peu) avec eux lors d’une remise de scellés.

Etant indépendant du monde judiciaire, je peux le regarder d’un oeil relativement objectif.

Les magistrats du siège, les juges d’instruction et les greffiers que j’ai rencontrés font un travail remarquable.

Peu de moyens, un dévouement exemplaire, des locaux vétustes, des piles de dossiers incroyables dans tous les coins possibles et imaginables…

Lors de ma première rencontre avec un magistrat, je venais juste de prêter serment et souhaitais me présenter par correction. Le magistrat qui m’a reçu a commencé l’entretien par les mots suivants: « Bonjour Monsieur l’Expert, j’ai 5mn à vous consacrer, quel est le problème? »

Moi qui était déjà très impressionné par cette première rencontre avec un magistrat, je suis resté un peu « bête »:

« heu, et bien, je venais me présenter par politesse puisque je viens juste de prêter serment ».

Lui: « Ah, bien. Connaissez-vous le monde judiciaire, avez-vous déjà ouvert un code de procédure, quelle est votre formation juridique? »

Moi: « Je ne connais pas le monde judiciaire, je n’ai jamais ouvert un code de procédure et ma formation juridique est nulle. Mais mon épouse est avocate et j’ai souhaité mettre mes connaissances techniques d’ingénieur en informatique au service de la justice, qui est son monde à elle. Un moyen de travailler ensemble en quelque sorte. »

Lui: « Bien, donc elle saura vous guider dans les procédures, notamment sur le respect du contradictoire. Soyez clair dans vos rapports, et respectez bien les délais impartis pour le dépôt de vos rapports. Maintenant, je dois vous laisser, car mon emploi du temps est très chargé. Merci et bon courage. »

Cela m’avait un peu refroidi, car j’avais imaginé un accueil plus enthousiaste, je pensais qu’il allait s’intéresser de près à mes compétences pour pouvoir les exploiter au mieux. Je pensais qu’on allait discuter une petite heure de ma petite personne. J’avais tort et j’ai compris pourquoi très vite.

Je rencontre très rarement les magistrats. Ce sont des personnes très occupées pour qui chaque minute compte. Lisez leurs histoires ICI et vous comprendrez. Idem pour les greffiers qui sont les garants du respect de la procédure et que j’ai longtemps pris pour des secrétaires. Ce sont surtout des femmes et des hommes à tout faire.

Je souhaite leur apporter ici tout le soutien dont je suis capable, même si ce n’est que le point de vue d’un petit expert judiciaire.

Bravo pour tout ce dévouement.

Mais je sens bien que la coupe est pleine.

Une grotte de cristaux

J’aime la spéléologie, même si je ne la pratique plus beaucoup.
Aussi, quand je suis tombé sur cet article du National Geographic… Je suis tombé par terre. Si vous regardez bien la photo, vous verrez des spéléos en train d’explorer la grotte.

Ce sont apparemment les plus grands cristaux découverts sur sous Terre (jusqu’à 10m de long!). Cette cavité s’appelle « Cueva de los Cristales » et s’étend jusqu’à 300m sous le désert de Chihuahua. Découverte en 2000 lors du percement d’une galerie minière, elle est extrêmement chaude et humide (45°C et 95% d’humidité), au point d’obliger les spéléologues à être équipés de respirateurs et de vêtements refroidis avec des sacs de glace.

De quoi donner envie de replonger sous terre.

Photos crédit Carsten Peter, Speleoresearch & Film

18e congrès des experts judiciaires

Les 10, 11 et 12 octobre 2008 a eu lieu le 18e congrès des experts judiciaires. Le thème était « Justice et vérité: de l’autorité de l’expert ».

Je n’ai pas pu m’y rendre, et je le regrette car il y avait de nombreux intervenants de qualité, comme par exemple le philosophe André Comte-Sponville.

D’un autre côté, il est vrai que je ne goûte guère ce type de grand-messe.

Néanmoins, pour ceux que cela intéresse, vous trouverez ici un compte-rendu qui donne plusieurs informations sur les sujets abordés.

Ce que je retiens (de ce compte-rendu):
– la Garde des Sceaux fait allusion à un éventuel code de déontologie de l’expert judiciaire,
– la suggestion d’interventions des experts au sein des sessions de formation des magistrats,
– la nécessaire humilité de l’expert.

Cela me fait vraiment regretter de ne pas avoir pu y aller…

Live view

Il est parfois étrange de constater comment mon activité professionnelle peut être alimentée par mon activité d’expert judiciaire en informatique, et réciproquement.

J’ai déjà vanté ici les mérites des machines virtuelles pour allumer un PC virtuel copie conforme du PC sous scellé. Les outils ne manquent pas: virtualbox, virtualpc, Oracle VM, QEMU, Xen, etc.

Après avoir testé plusieurs d’entre eux et les avoir mis en place pour la réalisation de séances de travaux pratiques (TP d’études de différents systèmes d’exploitation, analyse réseaux, etc), j’utilise avec succès les produits VMware dans le service informatique: d’abord VMware workstation, puis player, server et maintenant ESXi (gratuite depuis quelques semaines).

J’ai finalement mis en place en salle serveur la solution VMware ESXi, dans sa version gratuite. Et après quelques semaines de tests, elle est entrée en production. Chaque serveur fait tourner entre deux et quatre machines virtuelles, et nous sommes en train de migrer tous nos serveurs vers cette solution.

En quoi cette solution peut-elle être utilisée dans le cadre d’une expertise judiciaire informatique? Tout simplement, comme je l’expliquais dans ce billet, s’il est important de disposer des logiciels permettant de procéder à l’analyse inforensique d’une image de disque dur, il est intéressant et plutôt pratique de pouvoir démarrer une copie de l’ordinateur. Et pour éviter de déployer l’image sur un ordinateur matériel, l’idée d’utiliser des machines virtuelles surgit naturellement.

Comment? Et bien il suffit par exemple de convertir l’image numérique du disque dur en une machine virtuelle VMware à l’aide du logiciel Live View.

Du point de vue ressource, Live View vous permet de travailler en lecture seule sur la copie du disque dur, les modifications inévitablement effectuées par le système d’exploitation étant conservées sur un autre disque dur virtuel (qu’il est facile d’effacer rapidement).

Vous disposez ainsi d’une machine virtuelle redémarrable et réinitilisable à l’infini, sur laquelle il est possible de mener quelques investigations simples qui pourront être vérifiées de façon probante sur la « photographie » du scellé d’origine (l’image du disque dur ou de la clef USB): organisation générale du disque dur, logiciels installés, liens présents sur le bureau, fichiers de la corbeille, fond d’écran, raccourcis vers supports externes, etc.

A noter pour les experts judiciaires fortunés, que Live View semble pouvoir travailler avec des images provenant d’EnCase® Forensic. A 5000 euros la licence, je n’ai pas le volume d’affaires pour m’offrir cet outil performant…

Un dernier truc concernant Live View: je ne l’ai utilisé que pour créer des machines virtuelles Windows. Il semble n’avoir qu’un support limité de Linux. Cela ne me gène pas car pour l’instant, je n’ai jamais eu à analyser de machines Linux de cette façon là. Du coup, pour éviter au maximum les problèmes d’activation de l’OS, il faut « coller » au plus près des caractéristiques physiques de la machine initiale (comme la taille mémoire). Si tout va bien, vous pourrez redémarrer autant de fois que vous le souhaitez, à condition de réinitialiser l’image « from scratch ». Dans le cas d’un Windows XP sans service pack, il faudra passer par la procédure d’activation…

Mais dans tous les cas, comme je j’avais déjà indiqué, avec Live View, la vue, c’est la vie rtualisation:)

Antoine et les autres

Les analyses de disques durs pour rechercher des images pédopornographiques m’amènent souvent à méditer quelques heures sur les visages de ces enfants torturés. C’est d’ailleurs une des raisons primitives de l’ouverture de ce blog.

J’ai déjà indiqué également que j’ai parfois l’espoir de reconnaître le visage d’un enfant disparu, afin de donner un indice aux enquêteurs concernés.

Je sais finalement que l’envie d’aider à la recherche des personnes disparues est partagée par la plupart des personnes que je connais, car il n’est pas nécessaire d’être expert judiciaire, ou parent, pour être sensible à la disparition d’un être humain, et en particulier d’un enfant.

Je sais également que plus un visage est connu, et plus il y a de chance qu’il soit reconnu. C’est pourquoi, je vous invite à étudier attentivement les visages de ces personnes, et en particulier celui-ci:


Si un jour vous avez des informations, même partielles, même sordides, elles pourront toujours être utiles. Contactez alors les numéros indiqués.

18

Etre SST (Sauveteur-secouriste du Travail) dans une école d’ingénieurs, c’est gérer beaucoup de bobologie. Mais pas seulement.

Ce matin, j’ai été appelé car un étudiant avait un malaise.

Une fois sur place, j’ai découvert un étudiant allongé par terre, faisant des convulsions et ayant du mal à respirer.

C’est très impressionnant.

Il était entouré par ses amis. Comme il ne pouvait pas parler, ce sont eux qui m’ont expliqué que j’avais été dérangé inutilement car il faisait ce type de crise régulièrement, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’il suffisait d’attendre et que cela allait passer…

Mon sang n’a fait qu’un tour: attendre, ne pas s’inquiéter, ne pas faire de vague, ne pas déranger, rester discret, ne pas prendre de décision, les-secours-mais-vous-n’y-pensez-pas…

J’ai immédiatement, et pour la première fois de ma vie, appelé le 18.

J’ai eu quelqu’un de très calme qui m’a posé quelques questions. J’étais moi-même très calme, à ma grande surprise. De la théorie à la pratique, il y a parfois un gouffre. J’ai ensuite demandé à deux des étudiants présents d’aller attendre et guider les secours jusqu’à nous dans le dédale de l’école.

Je suis resté avec l’étudiant malade en essayant de le détendre par des paroles rassurantes, en l’allongeant sur le lit de l’infirmerie. Les pompiers sont arrivés quelques minutes plus tard et ont pris les choses en main. Ils ont rapidement emmené l’étudiant à l’hôpital en observation.

Ensuite, il m’a fallu rassurer les amis de l’étudiant, leur expliquer qu’on ne peut pas regarder quelqu’un qui est peut-être en train de mourir, que ni eux ni moi ne sommes médecins. Je n’ai pas du être très convainquant car ils sont partis en me reprochant mon exagération. Tous les adultes présents semblaient assez d’accord avec eux.

N’empêche.

Depuis que j’ai accepté la responsabilité du service technique, et par là la gestion de la sécurité des biens et des personnes, j’ai décidé de bousculer les habitudes: plus de médicaments à l’infirmerie (uniquement des compresses stériles et des lingettes nettoyantes), une liste à jour des pansements et désinfectants, les instruments indispensables (ciseaux à bout ronds, pince à échardes, oeillère pour laver l’oeil, gants jetables, sachets plastiques, couverture de survie…

Et appel systématique aux urgences en cas de problème médical.

Cela a beaucoup changé les petites habitudes… Mais je résiste à la pression et essaye d’être pédagogique sur ces changements, sur la sécurité, etc.

N’empêche que quand les pompiers sont partis, je suis rentré m’isoler dans mon bureau et j’ai pleuré un bon coup. Le contrecoup sans doute.

Je suis trop sensible, j’aurais fait un mauvais urgentiste.

De Michel Eyquem de Zythom

N’ayant rien à faire ce dimanche, et constatant que ce blog a maintenant une audience internationale, je me permets de le présenter en langue anglaise et en chinois.

Having nothing to do this Sunday, and noting that this blog has an international audience, let me present it in English and Chinese. Thank you « Google beta translation. »

在没有做到这一点星期日,并指出,此博客具有国际观众,让我目前它的英文和中国。谢谢你“谷歌测试翻译。”

Internet user, loe here a well-meaning Blog. It doth at the first entrance forewarne thee, that in contriving the same I have proposed unto my selfe no other than a familiar and private end: I have no respect or consideration at all, either to thy service, or to my glory: my forces are not capable of any such desseigne. I have vowed the same to the particular commodity of my kinsfolk and friends: to the end, that losing me (which they are likely to do ere long), they may therein find some lineaments of my conditions and humours, and by that meanes reserve more whole, and more lively foster the knowledge and acquaintance they have had of me. Had my intention beene to forestal and purchase the world’s opinion and favour, I would surely have adorned myselfe more quaintly, or kept a more grave and solemne march. I desire thereun to be delineated in mine own genuine, simple and ordinarie fashion, without contention, art or study; for it is myselfe I pourtray. My imperfections shall thus be read to the life, and my naturall forme discerned, so farre-forth as publike reverence hath permitted me. For if my fortune had beene to have lived among those nations which yet are said to live under the sweet liberty of Nature’s first and uncorrupted lawes, I assure thee, I would most willingly have pourtrayed myselfe fully and naked. Thus, gentle Surfer, myselfe am the groundworke of my blog: it is then no reason thou shouldest employ thy time about so frivolous and vaine a subject. Therefore farewell,

From Zythom,
The First of March, 1580.

Original text from Montaigne, translation by John Florio.

以下是博客诚实的球员。你无法进入,我已设定的个人目标和私营答:我不写,使你幸福,我不写我的荣耀,我的部队没有能力这样一个设计。我写信给我的父母和朋友,我将死于一天,他们可以找到所有的特质,我的性格,使他们能够记得我。如果我写信给得到支持的世界,我抹去我的错误和夸大我的素质。我想看看我的简单,自然和普通,学习和没有诡计:因为这是我说,我画画。我国断层热衷于阅读,我的不完善之处,并形成幼稚的我而言,公众尊敬的帮助了我。如果我一直在这些人说,他们仍然生活在甜蜜的自由性质,我向你们保证,我将非常高兴画一个整体,赤身裸体。所以,亲爱的旅客,我本人的主题我的博客:这是不正常的,你失去的时间来阅读。因此,再见。
从Zythom ,在1580年3月1号。