Sauvegardez vos données !

Mes étudiants viennent souvent me voir pour une panne de disque dur de leur ordinateur personnel.

Plusieurs de mes expertises judiciaires concernent des entreprises qui ont perdu des données vitales suite à une panne de disque dur sur leur serveur.

Dans tous les cas, je propose à mon interlocuteur d’acheter un nouveau disque dur et de restaurer les données à partir des dernières sauvegardes effectuées.

Et presque à chaque fois, la réponse est la même: « je ne sauvegarde pas mes données » ou « mes sauvegardes sont périmées ».

Vous qui avez fait l’acquisition à Noël d’un bel ordinateur, vous qui avez fait 200 photos numériques par jour pendant les dernières fêtes, vous qui conservez plusieurs années de photographies numériques originales bien classées sur votre disque dur: SAUVEGARDEZ VOS DONNEES!

A quel prix estimez-vous la perte totale et définitive de vos données?

Cela n’a pas de prix.

Combien coute un cédérom ou un DVD vierge?

Rien ou presque rien.

Gravez un DVD chaque fois que vous prenez des photos lors d’une occasion mémorable. Complétez le DVD avec toutes les anciennes photos, de manière à ce qu’une photo soit présente sur plusieurs DVD. Indiquez sur le DVD son contenu et la date de gravure pour retrouver rapidement une donnée perdue. Rangez le dans un classeur de DVD dédié à cet usage.

Ceux qui souhaitent pouvoir effectuer des sauvegardes rapides et faciles peuvent y dédier un vieil ordinateur en suivant ces consignes.

Vous pouvez aussi vous astreindre à un reformatage complet de votre ordinateur tous les mois. Cela dégage les bronches et force un méga ménage mensuel. Au moins faites le avant d’être obligé de le faire.

Particulières, particuliers, sauvegardez vos données!!

Et arrêtez de venir me voir pour vous plaindre d’avoir tout perdu lors d’un crash de disque dur…

Jargon technologique

L’informatique est un domaine où fleurissent les noms techniques, les nouveaux concepts, les sigles, les faux amis, les anglicismes…

Ex: DOS, DDOS, ICP, PKI, IDS, BLOG (aphérèse de weblog)…

Il y a aussi des exemples plus amusants: COBIT, concaténation, LAMP, ROI, SPICE, bandothèque, SAS, AJAX, CAF, ESB, méthodes agiles, OASIS, INFINIBAND…

Pour plus d’informations, achetez le numéro du « Monde Informatique » n°1139 du 15 décembre 2006 qui contient le glossaire 2007 à garder sur un coin de son bureau.

Tout cela m’amène en des temps maintenant lointain où j’apprenais le dur métier d’ingénieur. Pour ce faire, il fallait effectuer un stage que l’on appelait à l’époque « stage ouvrier ». J’ai été embauché pour un mois comme « ouvrier spécialisé niveau 2 aide câbleur » dans une entreprise de réalisation d’armoires électriques.

1er jour: à mon arrivée, le contremaitre me donne les plans électriques d’une armoire, ma caisse à outils, me montre mon établi et me dit: « Bon ben allez, au boulot… ». Il n’avait pas compris que j’étais étudiant, que je n’avais jamais vu de plan électrique d’armoire industrielle de ma vie, que je n’avais jamais fais de câblage, et que j’étais incapable de remplacer au pied levé l’ouvrier parti en vacances.

1ère semaine: découverte des outils, apprentissage de leur maniement. Le métier rentre un peu, les ouvriers se décontractent (ils pensaient que j’étais le fils d’un col blanc de l’entreprise) et commencent à m’aider.

2e semaine: je suis complètement intégré dans l’équipe. Je découvre les noms des outils, je travaille en binôme avec un ouvrier qui m’apprend le métier: « passe moi le [nom d’une marque] de 15 avec un collier [nom d’une marque] ».

« perce un trou de 5 avec la [nom d’une marque] ».

J’étais donc souvent en train de chercher dans ma caisse un outil pouvant ressembler au nom barbare qui m’était donné.

Je venais de percer un trou dans le plafond d’une armoire, quand je me suis rendu compte que j’avais mal effectué ma mesure et que le trou n’était pas tout à fait au bon endroit (mais pas loin). Je me tourne donc vers mon camarade de travail et lui demande s’il n’y pas un outil permettant de « déplacer le trou », c’est à dire de l’ovaliser suffisamment afin qu’il se trouve au bon endroit.

Il réfléchit et me dit « tu n’as qu’à utiliser une lime [nom barbare] ».

Je cherche dans ma caisse et lui dit que je n’ai pas de lime. Il jette un coup d’oeil et me dit d’aller voir le magasinier.

Je vais voir le magasinier qui cherche alors dans son stock d’outils et me dit qu’il a déjà prêté cet outil à untel.

Je vais voir untel qui cherche dans sa caisse et se souvient d’avoir donné cette lime à truc.

Après avoir été baladé pendant une demi-heure (je suis très patient) dans toute l’usine, me voici dans l’atelier des femmes à demander à la cantonade: « personne n’a une lime A EPAISSIR par hasard, j’en cherche une depuis une demi-heure et on m’a dit que vous en aviez ».

Toutes les ouvrières se sont mises à rire, et l’une d’entre elle m’a expliqué qu’une lime à épaissir, et bien cela n’existe pas…

En revenant, j’ai du retraverser toute l’usine, et j’ai vu beaucoup d’ouvriers dans les différents ateliers qui souriaient franchement en me voyant.

J’étais profondément vexé, mais tout a disparu quand l’ouvrier qui avait initié la blague m’a tapé un grand coup dans le dos en me disant: « t’en fais pas, moi on m’a fait chercher à mes débuts un marteau à bomber le verre ».

J’ai retenu plusieurs leçons de cette petite mésaventure:

– il faut toujours réfléchir et se méfier des apparences (« à épaissir », ce n’est pas le nom barbare d’une marque inconnue);

– « ceux qui savent » sont toujours prêts à se moquer de « ceux qui ne savent pas »;

– il faut se méfier de ceux qui utilisent en permanence un jargon technologique;

– les femmes sont les seules à rire franchement de vous quand vous êtes ridicules.

J’ai appris depuis quelques noms d’outils intéressants:

le niveau à bulle fixe,

la bobine de ligne de mire,

l’échelle à poser les plaintes,

le bidon d’huile de coude,

le pot de peinture écossaise,

le bâton d’oxygène,

le pied de biche en plastique,

le creuset en étain,

l’élastique métallique,

le câble de frein moteur,

la boite d’étincelles,

l’échelle de carreleur,

l’extincteur à essence,

le briquet à éteindre,

la lampe à obscurcir,

le marteau pour taper dans les coins,

le hachoir à farine…

Remarquez: il y a bien le bouton « démarrer » pour éteindre l’ordinateur…

Où sont passées les balles ?

Ma jeunesse a été bercée par diverses expressions d’argot, dont les deux questions suivantes: « t’as pas 100 balles? » puis plus tard « t’as pas 10 balles? »

Remarquons au passage que dans le premier cas, balle = un ancien franc et que dans le deuxième cas balle = un franc (ancien lui maintenant).

Ce qui m’amène tout naturellement à la (fameuse) rubrique « questions à deux euros« : l’unité argotique « balle » va-t-elle survivre au passage à l’euro et si oui, quelle sera sa valeur?

Je constate qu’autour de moi, l’utilisation des « balles » comme unité monétaire a complètement disparue (depuis le passage à l’euro qui commence à dater). Donc, soit l’utilisation de l’argot a disparu dans mon entourage, ce que ne confirment pas nos récentes discussions lors des agapes de Noël, soit l’unité « balle » a disparu, soit elle est en sommeil et ressurgira dans quelques temps.

La question reste donc ouverte.

Quelle sera sa valeur?

Si l’on souhaite une continuité historique, le « t’as pas dix balles? » se transformera en « t’as pas un virgule cinq balles? ».

La complexité de la phrase explique certainement la disparition momentanée de son utilisation.

Néanmoins, nous pouvons facilement imaginer un glissement vers le haut de l’unité, ce qui donnerait « t’as pas deux balles? ».

Ce qui nous amène à la justification du nom de la rubrique « questions à deux euros », mon utilisation écrite de l’argot laissant à désirer.

Demain, une réflexion sur les briques, les patates, les unités…

PS: Dans la rubrique « j’écris et je vérifie le sens des mots que j’utilise », j’ai découvert le sens réel du mot « agape« :

« Agape était le nom des repas réunissant les premiers chrétiens en commémoration de la cène, au cours desquels ils partageaient le « baiser de la paix », en hommage à la fraternité chrétienne. »

Loué soit wikipédia!

Tout un pays derrière une seule adresse IP

Tous les webmasters savent que les statistiques de consultation des sites web sont à analyser avec prudence, tant il est difficile de répondre à la question suivante: combien de personnes sont venus lire telle ou telle page?

Les raisons sont multiples, mais l’une d’entre elles est qu’il arrive assez souvent qu’un accès internet soit partagé par plusieurs personnes. La navigation internet est alors perçue comme provenance d’une seule machine alors qu’elle provient en fait d’un groupe de personnes. On parle alors de serveur mandataire (ou proxy).

Exemple: chez moi, nous sommes cinq à partager une liaison « libre boite » ADSL (chacun dispose de sa machine, nous ne mélangeons pas les torchons et les serviettes).

Autre exemple: mon entreprise. Nous disposons d’un PC sous Debian qui fait office de parefeu/passerelle/proxy/filtre et qui gère l’accès internet pour les 300 PC de l’établissement.

Autre exemple: le Qatar.

En effet, il semble que ce pays ait mis en place un accès unique pour pouvoir filtrer l’ensemble de sa population, si l’on en croit cette dépêche:

« The entire country had been accidentally blocked because Qatar’s sole telecom, Q-Tel, funnels all Internet traffic through a single Internet protocol address, which allows it to monitor and censor its users, Gerard said. When Wikipedia blocked that single IP address, it shut down participation by all of Qatar, a Connecticut-sized Arab country that harbours the world’s largest field of natural gas.

[…]

Routing an entire country’s traffic — even that of a tiny country like Qatar — through a single IP address is unusual, Gerard said. Wikipedia is looking for a way to refine its capabilities to block problem individual users in the Gulf state without hamstringing the entire country, he said. »

Pourvu que l’adresse IP du Qatar n’apparaisse pas dans une des « black lists » de messagerie (RBL)…

Postgrey

Ce billet fait suite comme promis au billet « SPAM mon amour« .

Le nombre de SPAM augmentant avec une régularité déconcertante, il a bien fallu que je mette en place des mesures concrètes dans l’entreprise où je travaille.

J’ai donc mis en place (il y a déjà longtemps) un classique postfix + RBL + amavis + SPAMassassin + Clamav

Mais la trouvaille la plus géniale a été indéniablement postgrey.

Testé avec succès depuis deux ans, voici en quelques mots son mécanisme:
Postgrey est une implémentation du « greylisting » pour Postfix, c’est-à-dire une technique consistant à soupçonner chaque serveur de messagerie d’être un méchant spammeur, avant de changer d’avis éventuellement.

La majorité des spammeurs font du « Fire and Forget », en envoyant des milliers de messages à partir de réseaux de PC munis d’un serveur de messagerie temporaire et non officiel (des « bot nets » constitués de PC piratés). Le temps d’utilisation de ces PC piratés étant très court pour ne pas être repérés, les spammeurs ne peuvent donc pas respecter le standard SMTP qui indique qu’en cas d’échec de transmission, le serveur émetteur DOIT réémettre son message.

Postgrey s’appuie sur cette faiblesse des spammeurs.

Comment? Mais tout simplement en demandant à Postfix de refuser le message la première fois qu’il arrive, et de l’accepter s’il se présente une deuxième fois.

Explications:
Lorsqu’un serveur tente d’envoyer un message une première fois à votre Postfix, ce dernier va le refuser en envoyant le code 450, c’est-à-dire « serveur non disponible ». Ce refus durera 5mn pour éviter les réémissions immédiates.

Deux cas se présentent alors :
– soit le serveur émetteur est un « bon » serveur officiel et sérieux, respectueux des RFC sur SMTP et il réémet son message… Postfix détecte alors qu’il s’agit d’un deuxième envoi, l’accepte et vous recevez le message normalement.
– soit l’émetteur ne réémet pas son message! Et c’est donc probablement un spammeur ou un virus !

Conséquences:
– le taux de SPAMs reçus chute de 90%…
Il ne passe, si vous avez suivi, que les SPAMs de spammeurs « professionnels » qui réémettent leurs messages.
– le mécanisme introduit un retard dans la réception des messages (refus du message une première fois, attente minimale de 5 mn, réexpédition par le serveur d’origine qui varie entre 5 mn et 30 mn).

Si tout le monde a été satisfait de la chute du nombre de SPAMs reçus, certains ont grincé des dents sur les délais parfois longs introduits par le mécanisme. Il m’a suffit alors de mettre en place des « listes blanches » pour les sites « amis » avec lesquels nous communiquons beaucoup.

J’ai également prévenu le personnel et modifié la charte informatique de l’entreprise pour faire apparaître le délai et son explication, pour éviter de tomber sous le coup de l’article 226-15 du code pénal:

« Le fait, commis de mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance, est puni d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende […] »

Bien sur, l’ensemble des mécanismes anti-spam mis en place n’est pas parfait (notamment contre les SPAMs basées sur des images). Mais il offre un confort suffisant.

Pour l’instant.

Et c’est en partie ce qui me rend indispensable…

Note de frais et honoraires

S’il y a bien un sujet tabou, c’est la façon dont les experts rédigent leurs notes de frais et honoraires. Je vais pourtant donner ici quelques éléments personnels à destination des jeunes confrères démarrant leur activité d’expert en informatique.

Ma facture est en deux parties: le remboursement des frais engagés et le paiement des honoraires.

1) Remboursement des frais engagés:

Il s’agit essentiellement des frais photocopies et des frais postaux:

– frais postaux : tarifs en vigueur

– photocopies : comme il y a souvent beaucoup de manipulations à faire (classements, agrafage, numérotation), j’applique les tarifs de la BnF soit de 0,26 à 0,46 euros en fonction de la quantité

– impressions : même tarif que les photocopies

– frais de déplacement : tarif fiscal

– préparation du dossier : 50 euros. Il s’agit d’un forfait couvrant toutes les dépenses diverses (fournitures, téléphone, fax…)

2) Honoraires:

J’applique un taux horaire de 80 euros (qui me semble assez bas compte tenu des fourchettes fournies par certaines cours d’appel).

Je tiens donc une comptabilité précise du temps passé en expertise:

– réunions

– analyses et investigations

– rédaction des pré-rapport et rapport

– temps de trajet (compté à demi tarif, soit 40 euros/h)

Remarque: je ne prends pas en compte le temps passé à réaliser le travail de reproduction (qui pourtant n’est pas négligeable). Je ne prends pas non plus en compte le temps de dactylographie.

Je joins au rapport final la copie de tous les justificatifs (accusé de réception, récépissés d’envoi), et j’indique les dates, heures et durées de chaque réunion et/ou investigation.

Il est difficile de donner une estimation moyenne du montant d’une expertise tant sont grandes les différences entre deux affaires, même similaires. Par exemple: une analyse d’un disque dur de 4 Go sous windows 98 n’aura rien à voir avec une analyse d’un disque de 400 Go sous Linux. J’ai déjà eu une affaire où toutes les données intéressantes se trouvaient dans la corbeille (lire ici le billet).

Ceux qui trouvent le taux horaire de 80 euros trop élevé doivent lire l’excellent billet de Me Eolas consacré certes aux Avocats, mais facilement adaptable aux experts.

Ceux qui trouvent que ce taux est trop bas pour garantir une prestation de qualité, et bien je les invite à méditer sur cette citation d’Alain (Propos I – la Pléiade – Gallimard 1956. Merci à https://www.bribes.org):

« On dit que la plupart des hommes tombent en quelque sorte à genoux sur la seule mention de l’argent. Je n’ai vu rien de tel. Je vois bien que les hommes ont besoin d’argent et s’occupent premièrement à en gagner ; cela veut dire seulement que l’homme mange au moins deux fois par jour, et choses semblables. Mais un homme qui ne pense qu’à manger et à gagner, cela est rare ; c’est une sorte de monstre. Et pareillement, celui qui ne pense qu’à étendre ses affaires, et à ajouter des millions à des millions est une sorte de monstre. Quant aux opérations intellectuelles que suppose cette manie d’acquérir, elles sont tellement communes et faciles que personne ne les jugera au-dessus de soi. Où donc courent les hommes dès qu’ils sont assurés de leur pâtée ? Ils courent au stade, et ils acclament un homme fort, un homme agile, un homme courageux ; ce sont des valeurs qui ne s’achètent point, des valeurs estimées bien plus haut que l’argent. Ou bien ils vont au concert, et crient de tout leur coeur et casseraient les banquettes en l’honneur de quelque artiste ; et certes ils savent que le plus riche des hommes ne peut s’offrir cette gloire. Quant aux puissances de pur esprit, nul ne les méconnaît ; nul ne les mesure aux millions. Personne ne demande si Einstein est bien riche. »

Je reprendrai bien un peu de caviar moi.

Les livres de l’expert

Lorsque l’on devient expert judiciaire en informatique, il faut disposer d’une documentation minimale.

Voici quelques suggestions personnelles:

– « Expertises judiciaires : Désignation et missions de l’expert, Procédure selon la juridiction »

de Jacques Boulez

Ed Dalloz-Sirey (2006)

– « Guide Pratique de l’Expertise Judiciaire »

de Pierre Feuillet et Félix Thorin

Ed Gazette du Palais / Litec (1991)

– « L’expertise »

avec la coordination de Marie-Anne Frison-Roche et Denis Mazeaud

Ed Dalloz (1995)

– « L’expertise judiciaire en informatique de gestion »

de JM Breton et E. Piégay

Presses universitaires de Caen (1998)

– « Droit de l’informatique et des réseaux » 2 tomes

Lamy (2003)

– « Eléments de droit pour informaticiens »

de Guy BOULAYE

Ed Ellipses (1990)

site web FNCEJ et site web Cnejita

en particulier pour les règles de déontologie et la documentation.

Bonnes lectures.

Bravo bravo j’y étais

Nous sortons régulièrement, mon épouse et moi, pour assister à un spectacle donné dans notre bonne salle culturelle locale.

C’est une sortie nécessaire rendue obligatoire par ma monomanie informatique.

Mais souvent, le spectacle est dans la salle…

Notamment à la fin du spectacle quand les spectateurs se mettent à applaudir tout rompre, parfois même quand certains tentent de faire se lever l’assemblée pour une « standing ovation ».

Applaudisseur enthousiaste lors des premiers spectacles, je me suis rendu compte que j’étais capable d’envoyer toutes mes chaleureuses félicitations par ce biais bruyant aux comédiens, aux costumiers, aux metteurs en scène, aux metteurs en espace, aux metteurs en musique…

Mais comment en suis-je arrivé là, moi qui suis d’une inculture lamentable dès qu’il s’agit d’un domaine qui sort de mon quotidien?

Qu’est-ce que j’y connais moi aux subtilités de la mise en espace ou de la mise en scène? Comment imaginer que je sois capable de juger des compétences d’un comédien ou d’une troupe? Parce qu’il/elle est connu(e)? Parce qu’on ne peut pas siffler Molière? Parce qu’on ne doit pas se faire remarquer en n’applaudissant pas? Parce qu’on doit montrer son raffinement culturel en applaudissant?

C’est alors qu’apparaît la question à deux euros dans toute sa splendeur: quelque soit la qualité du spectacle, le public applaudit à tout rompre à la fin! Mais dans ce cas, qu’applaudit le public?

Perturbé par les applaudissements téléguidés des spectacles de divertissements télévisuels, je n’ai trouvé la réponse à cette question que récemment:

le public s’applaudit lui-même!

Et comme souvent, je n’ai ouvert les yeux que grâce à la clairvoyance des autres (Google is my friend). Je vous engage donc à lire ce billet de Pikipoki dont j’adapte ci-dessous un extrait:

Tous ces braves gens approuvaient leur choix d’être venus, qui plus est à [la salle culturelle] qui continue de véhiculer chez beaucoup l’image d’un divertissement d’élite. Ils étaient donc eux-mêmes cette élite. Tout le montrait autour d’eux, ou semblait le montrer à leurs yeux. Mais cela aurait été grandement gâché s’il leur avait fallut reconnaître la médiocrité du spectacle, ou même seulement d’un de ses acteurs.

Avant, j’applaudissais donc parce que j’avais choisi de venir assister à un spectacle pour élite, parce que je l’avais compris et apprécié, car je faisais parti de cette élite.

Maintenant je continue d’applaudir, mais je sais pourquoi: car je suis bon public.

Feux piétons

Nous avons passé, ma petite famille et moi, les fêtes dans la région de Lyon.

Chose assez rare, j’ai donc été forcé de lâcher ordinateurs, jeux virtuels, messageries, et autres blogs, vlogs, et logs.

Et j’ai découvert un monde étrange: celui des feux piétons IRL (In Real Life): il y a sous chaque feu tricolore un double signal représentant un piéton à l’arrêt (rouge) et un piéton en marche (vert).

Et bien, croyez moi sur parole, PERSONNE n’aperçoit ces deux signaux ! Ils sont invisibles ! Je suis le SEUL représentant de la catégorie humaine « français à pied » à les apercevoir.

Imaginez donc cette scène assez cocasse où une famille (trois enfants et deux adultes) reste immobile au pied de chaque feu tricolore jalonnant son périple citadin, dans l’attente du passage au vert de cet improbable signal lumineux. Bien entendu, nous étions les seuls à attendre, la foule qui nous entourait traversant la chaussée sans vergogne en pestant contre ces importuns immobiles.

Heureusement, nous ne circulions pas à vélo.

J’ai résisté durant tout le séjour (trois jours), sans lâcher du regard ces signaux solitaires qui semblaient eux-mêmes surpris de l’intérêt soudain qu’on leur portait.

Et j’ai pensé à chaque fois aux dizaines de piétons que nous écrasons ensemble mon fils (4 ans et demi) et moi à chaque partie de « Midtown Madness 2« …

Exemple de mission

Madame Marie-Claude MARTIN, vice-présidente du TGI de Paris, publie dans la revue « Experts » (numéro 73 de décembre 2006), un excellent article intitulé « la personnalité de l’expert ».

Dans le paragraphe consacré à la désignation de l’expert, elle écrit:

« […] plusieurs comportements sont susceptibles d’être observés:

– « L’expert sans problème« : Je lis la mission, elle rentre parfaitement dans mes attributions, je l’accepte.

– « L’expert aventureux, ou téméraire, ou intéressé« : La mission ne paraît pas relever de ma compétence, mais elle m’intéresse ; je prendrai un sapiteur ultérieurement […]

– « L’expert optimiste qui dit toujours oui« : Je suis surchargé, je prends quand même cette mission, je me ferai aider au besoin par l’équipe qui m’entoure […].

– « L’expert stressé qui ne sait pas dire non« : Je suis surchargé, mais si je dis non, je ne serai plus désigné et je vais rapidement me trouver sans mission.

Voici sans transition, un exemple de mission que j’ai reçue il y a quelques années:

L’an deux mille NN,

le dix huit décembre à dix heures trente

Nous, TTT PPP

Capitaine de Police

en fonction à AAA

Officier de Police Judiciaire en résidence à AAA

Poursuivant l’enquête

Prions et au besoin requérons Monsieur ZYTHOM

domicilié NN rue SS à KKK

expert en informatique près la Cour d’Appel de ZZZ

A effet de procéder aux actes ci-après:

– Assister les services d’enquête du Commissariat de AAA au cours de la perquisition qui s’effectuera au NN rue YY à AAA et à la saisie du matériel informatique utile à la manifestation de la vérité ;

– Prendre possession, dans ce même commissariat du scellé n°NN (PV n°NNNN/NNN) comportant les faux billets de 50 euros, portant le même numéro NNNNNNNNN, saisis par les services d’enquête au NN rue YY à AAA le NN mois NNNN ;

– Analyser les faux billets ainsi que les contenus des disques durs, imprimantes et autres matériels informatiques utiles à la manifestation de la vérité, saisis ;

– Dire si le matériel informatique saisi a été utilisé pour la contrefaçon, la falsification ou l’impression des faux billets saisis ;

– Faire tous actes utiles à la manifestation de la vérité.

Dont procès verbal.

J’ai accepté la mission, alors que je n’avais jamais participé à une perquisition, ni vu de faux billets. J’avais plusieurs missions en cours et commençait à voir les délais courir de façon stressante. Enfin, cela faisait plusieurs mois qu’aucun magistrat ne m’avait proposé de nouvelles missions… Je suis donc un « expert aventureux, téméraire, intéressé, optimiste stressé surchargé qui dit toujours oui et ne sait pas dire non« .

Me voici habillé pour 2007.

PS: Une perquisition, c’est très dérangeant. Je n’ai pas trouvé trace de fichiers en rapport avec les faux billets malgré des investigations techniques approfondies. Un faux billet, et bien, c’est comme un vrai, mais faux.