A propos Zythom

Informaticien Ex²pert Judiciaire, Irresponsable de la SSI, 3 enfants, marié à une avocate (ma vie n'est pas facile). Clé PGP: 0u 41-j3 m15 c3773 pu741n d3 cl3f

Expertises privées

Un expert judiciaire est une personne dont la pertinence de l’avis technique est reconnue. Cet avis peut être recherché par une partie indépendamment de toute action en justice (par exemple). L’expert judiciaire joue alors le rôle de conseil, compétent techniquement et procéduralement.

De fait, les expertises peuvent être classées en deux catégories : les expertises privées ou officieuses, et les expertises judiciaires (pénales et civiles). Les expertises privées se déroulent dans un cadre contractuel où l’avis expertal est requis à titre personnel ou conciliatoire.

André Comte-Sponville, lors du XVIIe congrès national des experts judiciaires à Marseille le 22 octobre 2004, a parfaitement présenté les différences entre les deux catégories:
« La mission-type de l’expert est de dire le vrai, autant qu’on peut le connaître, c’est-à-dire le possiblement vrai et le certainement faux… Il doit être impartial, indépendant et objectif…Le conseil, lui, n’est pas impartial: il a pris parti. Il peut être indépendant intellectuellement, mais surtout il s’engage… au service de la victoire. Le conseil dit l’utile… Expert du juge, expert de l’une des parties, conseil de l’une des parties… rien n’interdit que le même individu (bien sûr dans trois affaires différentes) occupe tantôt l’une, tantôt l’autre de ces trois postures; mais il semble exclu qu’il occupe les trois et même deux des trois, dans la même affaire. »

Ce dernier point est bien entendu confirmé par les règles de déontologie du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice (extraits):
I-7) L’expert doit conserver une indépendance absolue, ne cédant à aucune pression ou influence, de quelque nature qu’elle soit. Il doit s’interdire d’accepter toute mission privée de conseil ou d’arbitre, à la demande d’une ou de toutes les parties, qui fasse directement ou indirectement suite à la mission judiciaire qui lui a été confiée.
Lire également le chapitre V entièrement consacré à ce sujet.

Statistiques d’expertises

La revue « Experts » mène chaque année une enquête statistique auprès de ses lecteurs sur la base d’un formulaire à retourner. En 2006, 12 experts de la spécialité « Informatique – électronique – télécommunications » ont répondu pour la période d’activité qui couvre sept 2004 – août 2005. Extraits:

Nombre de missions par expert:
6,9 en moyenne (min=0, max=20)

Origine des missions:
Tribunal de Grande Instance = 45,8 %
Tribunal de Commerce = 35,4 %
Juge d’Instruction = 14,6 %
Tribunal d’Instance = 2,1 %
Cour d’Appel = 2,1 %
Conseil de Prud’hommes = 0 %
Juridictions administratives = 0 %

Durée moyenne d’une mission:
8,1 mois.

Prix (HT):
3937 euros en moyenne (min=2500, max=11000).

Taux horaire de l’expert:
90,69 euros (min=80, max=100).

Extraits de Enquêtes d’activités (revue Experts).

Je renvoie tous ceux qui pensent « et vous, et vous? » à la lecture de ce court billet où je dévoile une (petite) partie de mes propres statistiques. Je peux ajouter que je suis malheureusement plutôt en bas de chaque fourchette. Peut-être est-ce lié à l’endroit où j’habite

Enfin, toutes les personnes qui pensent que tout cela coûte fort cher doivent lire ce billet sur ce thème.

J’en extrais cette citation parce que je l’aime bien:

« On dit que la plupart des hommes tombent en quelque sorte à genoux sur la seule mention de l’argent. Je n’ai vu rien de tel. Je vois bien que les hommes ont besoin d’argent et s’occupent premièrement à en gagner ; cela veut dire seulement que l’homme mange au moins deux fois par jour, et choses semblables. Mais un homme qui ne pense qu’à manger et à gagner, cela est rare ; c’est une sorte de monstre. Et pareillement, celui qui ne pense qu’à étendre ses affaires, et à ajouter des millions à des millions est une sorte de monstre. Quant aux opérations intellectuelles que suppose cette manie d’acquérir, elles sont tellement communes et faciles que personne ne les jugera au-dessus de soi. Où donc courent les hommes dès qu’ils sont assurés de leur pâtée ? Ils courent au stade, et ils acclament un homme fort, un homme agile, un homme courageux ; ce sont des valeurs qui ne s’achètent point, des valeurs estimées bien plus haut que l’argent. Ou bien ils vont au concert, et crient de tout leur coeur et casseraient les banquettes en l’honneur de quelque artiste ; et certes ils savent que le plus riche des hommes ne peut s’offrir cette gloire. Quant aux puissances de pur esprit, nul ne les méconnaît ; nul ne les mesure aux millions. Personne ne demande si Einstein est bien riche. »
Alain (Propos I – la Pléiade – Gallimard 1956)

Rugby IRL

Avant de vous raconter une (petite) anecdote sur mon expérience rugbystique, je voudrais préciser en ces temps de coupe du monde que IRL (voir titre) désigne certes l’Irlande en code alpha-3 de la belle langue de la norme ISO 3166-1, mais aussi « In Real Life » en novlangue internet.

Il ne s’agit donc pas ici de vous narrer une rencontre avec les irlandais, mais de vous livrer ma seule expérience rugbystique dans la vraie vie.

J’étais allé disputer un tournoi étudiants d’aviron à Cardiff (Pays de Galles).
La particularité de ce tournoi était d’associer deux sports très différents: les équipes s’affrontaient d’abord dans leur sport respectif, puis une revanche était organisée le lendemain, mais en intervertissant les sports. Cette année là j’avais été envoyé comme rameur dans l’équipe d’aviron, et la revanche se faisait au rugby.

Le premier jour les rameurs ramaient et les rugbymen rugbymaient. Le lendemain, les rameurs jouaient au rugby pendant que les rugbymen défonçaient les pelles d’aviron.

Notre inquiétude s’est éveillée lorsque nous avons rencontré l’équipe de rameurs adverses. Il fallait voir leurs carrures! De vrais rugbymen.
Nous avons été battu physiquement (en aviron) bien que notre technique était supérieure. Leur « huit d’aviron » est arrivé bien avant nous sur la ligne (plusieurs longueurs). Nos rugbymen ont été caterpillés

Nous n’en menions pas large pour la « revanche ». Aucun d’entre nous n’avait jamais touché un ballon ovale…

Nous avons été ÉCRASÉS.
Nous avons été ridiculisés.
Leurs rameurs avaient tous derrière eux une longue carrière de rugby. Et s’ils pratiquaient l’aviron, c’est uniquement parce qu’ils étaient moins forts que les autres rugbymen et n’avaient pas leur place dans une sélection estudiantine.

A ma plus grande honte (aujourd’hui), je dois dire que nous avons gagné uniquement la troisième mi-temps. Et encore, de justesse.

J’en suis sorti sur les deux jambes.
Ce n’était pas le cas de la plupart des gallois.

Nunc est bibendum!

Un autre blog d’expert

Au fil de mes pérégrinations googlesques, je suis tombé sur le blog de Jean-Claude HALLEY, Président d’Honneur de la Compagnie des Experts près la Cour d’Appel de BASSE-TERRE. Ingénieur des Arts et Métiers, il est attaché à la Guadeloupe et s’intéresse à tout ce qui touche de près ou de loin à ce Pays.

Un article a particulièrement attiré mon attention: Expertise Judiciaire, ou comment en une (longue) page, résumer toute une vie d’expert judiciaire.

Je ne connais pas cette personne, mais cela donne envie d’aller en Guadeloupe de la rencontrer.

Je suis sur qu’il aurait bien des anecdotes à raconter!

Ils débarquent

Ca y est, ils sont là!
Les hordes barbares envahissent le terrain…
Mais non pas eux

————– Minute culturelle ——————–
horde (féminin)
1. (Vieux) Tribu nomade d’Asie centrale.
2. Troupe nombreuse d’hommes qui vivent en société, mais sans avoir d’établissement fixe.
3. Peuplade, groupement d’hommes errants.
4. (Sociologie) Chez Émile Durkheim, groupement humain temporaire et instable.
5. (Péjoratif) Troupe d’hommes indisciplinés, qui se plaisent au carnage, à la dévastation, etc.

source: wiktionary
————– /Minute culturelle ——————-

Ca y est? vous avez deviné?
Les étudiants sont rentrés. Fini le calme dans l’école!

Ave Cæsar, morituri te salutant

La solitude de l’expert

L’expert judiciaire exerce ces missions la plupart du temps seul. Il arrive parfois qu’il se sente bien seul…

Il m’est arrivé, il y a quelques années, d’avoir à remplir une mission inhabituelle (pour moi): un tribunal de commerce m’avait demandé de récupérer des données clients sur un serveur dans une entreprise en faillite et de faire l’inventaire du parc informatique pour faciliter le travail du commissaire priseur.

J’ai d’ailleurs appris à mes dépens à cette occasion qu’il y a un certain nombre de points à vérifier avant de se déplacer pour une telle expertise. Je raconte ici la suite des évènements.

Quand un expert se déplace pour effectuer une mission, il est rarement mis au courant des détails très techniques qu’il va rencontrer. Dans cette affaire, et malgré mes nombreuses questions auprès de mes différents interlocuteurs, il m’était impossible d’avoir la moindre information technique intéressante: combien de PC, quel système d’exploitation (windows, VMS, GCOS, Debian, AIX, Irix, Mac OS, NetBSD…), type des disques (SCSI, IDE…), leur capacité (1 Go, 10 Go, 100 Go, 1 To…). Bon, par contre, tout le monde pouvait me donner le mot de passe du serveur (c’est déjà ça).

Pour préparer mes affaires, je procède donc exactement comme pour une expédition lointaine dans un pays dont on ne connait ni la géographie ni le climat. Je mets dans une valise tous les éléments techniques qui pourraient m’être utile: graveur externe, disques IDE et SCSI, bloqueur d’écriture, nappes de fils, alimentations, tournevis, lampe électrique, unité centrale, écran, PC portable, DVD et cédéroms vierges, papier, crayons, câbles et cartes réseaux, switch, clef USB, disquettes…

Me voici donc, de bon matin, à deux cents kms de chez moi, seul dans cette entreprise fermée depuis plus d’un an. L’entreprise est installée dans un grand appartement de six pièces. Il flotte dans l’air comme une odeur de renfermé. J’ouvre les volets.

Je repère très vite le serveur (installé dans la cuisine aménagée pour l’occasion en salle serveur). L’électricité ayant été remise la veille, j’appuie sur le bouton de démarrage après avoir vérifié l’état général des connexions électriques. Le serveur s’allume dans un bruit d’enfer qui semble normal.

Assis devant l’écran, je fais mes premières constations: bios, nombre et type de disques, OS, messages d’alerte… jusqu’à la fenêtre de demande d’identification. J’entre le mot de passe indiqué dans les documents qui m’ont été fournis: sésame ouvre toi, ça marche! Je récupère les données sur mon disque externe USB reconnu par l’OS (Windows 2000). C’est un coup de chance car aucune de mes nappes ne correspondent au système SCSI du serveur. Cela fait une heure que je suis là et la première partie des missions est déjà accomplie. Je suis content.

Là où cela s’est un peu corsé, c’est quand j’ai voulu remettre en état le réseau en place. En effet, de nombreuses données sont présentes sur les disques durs des différents PC et tous ne disposent pas de port USB, alors qu’ils sont tous connectés en réseau. Rien ne fonctionne, aucune machine ne voit le serveur. Petite inspection à quatre pattes en salle serveur: le réseau a été « saboté ». Il s’agit en effet d’un réseau éthernet avec des câbles et connecteurs de type BNC qui doit se terminer par un bouchon de 50 ohms sur un raccord en « T ». Or le câble arrivant sur le serveur est directement raccordé à la carte réseau. Ça ne peut pas fonctionner. Le sabotage est intentionnel. Déjà à cette époque, l’utilisation de câbles réseaux BNC commençait à se faire rare. Et nul bouchon à l’horizon: ni sur le câble, ni dans l’appartement, ni dans ma valise. Début des ennuis.

Je referme bien l’appartement à clef, puis commence à chercher un magasin d’informatique ou d’électronique. Je n’ai pas de carte détaillé de la ville, pas d’accès internet, nous sommes samedi midi, la ville est déserte. Je demande aux commerçants qui sont incapables de me renseigner. Je prends mon véhicule et commence mes recherches. 2h plus tard, après avoir écumé les zones industrielles, les centres commerciaux, je tombe sur un petit magasin de maquettes qui vend aussi un peu d’électronique. Dans le capharnaüm du magasin, nous trouvons le vendeur et moi quelque chose qui ressemble à une paire de résistances terminales BNC… Victoire et retour dans l’entreprise.

Réseau fonctionnel, je commence à récupérer les données de chaque poste de travail (il y en a dix!). L’après midi bien entamé y passera. Le soir arrive, la pénombre aussi. Les yeux fatigués, je me lève pour allumer la lumière: rien. Tous les plafonniers ont été vidés de leurs néons et ampoules. J’allume tous les écrans et reprend le travail dans la lumière blafarde. Je sors ma lampe de poche et m’en sers pour me déplacer entre les meubles. Certains écrans grésillent. Je me sens seul.

A l’époque, je n’ai pas de téléphone portable, je ne peux donc pas prévenir mon épouse de ne pas s’inquiéter. Les ombres et les fantômes de l’entreprise suffisent déjà à me mettre mal à l’aise. Quelques craquements se produisent dans les pièces voisines. Le changement de température sans doute. Au fait, il n’y a pas de chauffage… Je mets mon manteau et bouge un peu les bras pour me réchauffer. Je note sur ma « check list » de penser à prendre des vêtements chauds la prochaine fois.

23h. Fini. Je ramasse tous mes équipements, toutes mes affaires et toutes mes notes. Je remets tout en état. J’éteins et ferme tout. Me voici dans le couloir avec ma lampe de poche et mon sac de sport rempli de matériel sur l’épaule. Je me rends compte soudain que je n’ai pas pensé à prévenir les voisins ni la police de ma présence. J’ai vraiment l’air d’un cambrioleur. Par chance, personne ne viendra m’inquiéter.

Sur le chemin du retour, il n’y a personne sur la route.

Je suis encore seul.

Votre plus vieille donnée?

Le Conseil d’Etat a rejeté le recours des FAI sur le décret les obligeant à conserver les informations de connexion de leurs abonnés. Cette mesure leur impose de conserver pendant un an toutes les données de connexion par Internet, téléphone fixe et mobile de leurs clients (source: 01net.com).

Cette lecture m’a donné l’idée d’une Question à deux euros pour alimenter ma rubrique la plus fumeuse: quelle est la donnée la plus ancienne de mon disque dur?

Ni une, ni deux, me voici à la recherche de cette curieuse information… Bien entendu, je recherche une donnée m’appartenant, pas le fichier d’une quelconque installation à la date douteuse (1970 par exemple…)

C’est comme cela que je suis tombé sur l’un des premiers emails que j’ai écris!

Daté du 11 février 1989, je l’avais envoyé à un collègue lors du raccordement à internet de mon laboratoire de recherche. Notre laboratoire, bien que situé en plein Paris était en retard. Nous avions encore une partie des bâtiments électrifiés en 110v! Des canalis amenaient le 220v spécialement pour nos stations de travail Apollo.

En 1989, le web graphique n’existait pas encore! Il me faudra attendre 1993 pour utiliser les premières versions de NCSA Mosaic.

Nous utilisions des lignes de commandes pour échanger des fichiers et envoyer des emails. Si si! (je m’adresse à mes jeunes lecteurs).

De transferts en conversions, de changements en déménagements, d’une station de travail Apollo sous Unix en passant par un mac II SI et toutes une suite de machines sous Windows, cet email se trouve aujourd’hui sur mon thunderbird, dans la catégorie « A ranger »(!)

Et vous quelle est votre plus vieille donnée présente sur votre disque dur?

Attention, vos vieilles cartes perforées ne comptent pas (sauf à en faire le transfert aujourd’hui, et je vous souhaite bien du courage).

Et ne me demandez pas le contenu de ce vieil email! C’est ridicule personnel.

Devenir expert judiciaire

Vous avez toujours rêvé de mettre vos talents au service de la Justice?
Vous vous sentez capable de procéder à l’analyse d’un disque dur, d’une clef USB ou d’un cédérom tout abimé?
Vous n’avez pas peur d’organiser une réunion et de l’animer avec sérénité?
Vous n’avez pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs?
Les mots Warrant, Verus dominus, Usucapion, Urssaf, Quérable, Léonin, Forclusion, Exécution provisoire, Contradictoire ne vous font pas peur et vous vous sentez capable d’apprendre leur définition par coeur?
Vous êtes prêt à accepter un refus poli de votre dossier malgré sa grande qualité?
Vous savez chiffrer les dommages financiers causés par une informatisation partiellement ratée à cause d’un bug non reproductible?
Vous savez trouver un texte du Journal Officiel sans connaître sa date de parution?

Si vous avez répondu « Oui » à toutes ces questions, vous pouvez postuler pour devenir expert judiciaire (mais cela ne suffira pas!).

Commencer par lire attentivement le bon Journal Officiel (celui du 30 décembre 2004) en allant directement au texte 63 intitulé « Décret n°2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires« .

Ensuite vous lisez cette page, puis celle-ci et enfin cette dernière page.

Maintenant si vous avez la moindre question, j’essaierai d’y répondre.
SGDZ*

(*) Sans Garantie De Zythom

La voiture hantée

Il y a quelques jours, en allant faire une course au supermarché, j’entends un bruit de tôle violemment froissée à quelques mètres de moi.

Surpris, je tourne la tête et aperçois une voiture perpendiculaire au trottoir avec le pare-chocs avant en butée sur un gros plot de béton renversé. Aïe.

Mais le plus étonnant, c’est qu’il n’y avait personne dans la voiture…

En regardant d’où pouvait bien provenir la voiture, je remarque une dizaine de mètres plus loin une place de parking vide. Le propriétaire de la voiture avait probablement mal serré son frein à main, ou celui-ci a cédé, laissant la voiture glisser vers son emboutissage final.

Quand je suis revenu de ma petite course, la voiture était toujours là, et une voiture avait pris sa place sur le parking. J’ai tout de suite pensé à ce dessin de Boulet

J’ai failli laisser une petite note sur le parebrise de la voiture accidentée: « désolé, mais j’avais besoin de me garer rapidement, aussi j’ai pris votre place de parking… »

Dire à expert

En procédure civile, lorsque l’une des parties a le sentiment de ne pas avoir été entendue, ou qu’il ne lui a pas été apporté de réponse satisfaisante aux questions posées, cette partie, par l’intermédiaire de son avocat, et de façon contradictoire en en adressant une copie à l’autre partie, à la faculté de rédiger un document qui s’intitule « dire à expert » qui expose par écrit sa position. L’expert est obligé de répondre aux dires des parties.

Article 276 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC pour les intimes)

L’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

Toutefois, lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.

Lorsqu’elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu’elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.

L’expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.

Extrait du livre blanc de l’expertise judiciaire:

En principe, le dire, que l’expert doit joindre à son rapport, doit formuler des observations ou des réclamations des parties.

Le dire doit être porteur d’une argumentation : la preuve en est que l’expert doit lui donner une suite et l’annexer à son rapport.

Or, on constate fréquemment que:

– il y a une inflation des dires, en particulier en fin d’expertise, voire à la veille du dépôt du rapport;

– il en est qui visent seulement une transmission de pièces techniques, demandées ou non par l’expert, comme si le conseil voulait s’assurer qu’elles seraient bien examinées;

– certains dires constituent plus une manière de poursuivre un dialogue conflictuel entre certains avocats ou certaines parties en prenant l’expert à témoin, qu’un apport d’argument;

– d’autres suggèrent de véritables extensions de mission sans respecter le formalisme des textes;

– des dires ­ trop longs ­ sont surchargés d’arguments hors sujet par rapport à la mission d’expertise ou même soulèvent des problèmes de droit pur qui échappent évidemment à la compétence procédurale de l’expert et au champ de la mission;

– les avocats laissent parfois leurs clients ou leurs experts d’assurance rédiger eux-mêmes des dires peu clairs souvent chargés de subjectivité, voire d’agressivité ou de contrevérités;

– ces dires hors sujet sont souvent d’un volume excessif; ils encombrent inutilement les diligences et l’avis de l’expert.

On assiste ainsi à une dérive de l’emploi du dire, qui, de support d’arguments, se transforme en un processus systématique, à la fois procédé dilatoire et rideau de fumée.

L’expert est plutôt mal protégé contre cette déviation qui constitue une véritable pollution de l’expertise.

Le juge auquel il va s’adresser ne pourra, en l’état des textes et de l’usage qu’en font certains avocats, que lui recommander de les appliquer, c’est-à-dire d’annexer au rapport des écrits largement digressifs et de formuler à leur sujet un avis, qui pourra alors être très bref… et consistera à préciser que le dire n’a aucun rapport avec la mission.

Il reste en outre à l’expert à régler, en accord avec les parties et leurs avocats ou, à défaut, avec le juge, le problème de la jonction au rapport des annexes des dires, dont le volume est souvent beaucoup plus important encore que celui des dires eux-mêmes.

Une anecdote:

J’avais déposé un pré-rapport auprès des parties afin qu’elles puissent formuler des dires. J’avais donné comme souvent une date limite correspondant à un vendredi soir afin de disposer du week-end pour répondre aux dires.

C’était avant l’introduction d’internet dans la procédure aussi les dires étaient traditionnellement adressés sous forme papier. Il me fallait donc un temps certain pour:

– soit saisir les dires sur mon ordinateur (par OCR ou saisie manuelle), ce qui est énervant quand on sait qu’une personne les a déjà saisis sous forme numérique avant de les imprimer…

– soit procéder à un découpage-ciseau-collage savamment synchronisé avec l’impression de mes réponses.

Il faut bien un week-end complet pour cela.

Dimanche soir, à 2h du matin (lundi donc en fait), mon rapport était fin prêt: 50 pages, dont 10 de savants collages et 200 pages d’annexes.

Lundi midi, je saute mon repas pour courir à la reprographie près de l’école (j’y croise souvent quelques uns de mes étudiants légèrement embarrassés de trouver l’un de leurs tortionnaires dans ce temple de la copie du savoir). Un exemplaire pour chaque partie (trois dans cette affaire), deux exemplaires pour le magistrat (la justice ne rechigne pas à faire parfois quelques économies sur le dos de la partie qui paiera l’expertise). Je garde l’original pour moi.

Lundi soir, en rentrant chez moi avec tous ces exemplaires sous le bras sur les bras, que vois-je sur mon télécopieur: un dire (tardif) de vingt pages.

Aaaaaaarg.

La date de dépôt du rapport était fixé par le magistrat au lendemain mardi. L’avocat indiquait qu’il me fallait tenir compte de son dire à défaut de nullité de mon rapport.

Que faire?

Bien sur, je pouvais expliquer que le dire étant arrivé trop tard, je n’avais pas pu l’intégrer à mon rapport avant de l’imprimer, etc. Mais j’ai le sentiment que ce type d’argument trop terre à terre ne tient guère et donne une piètre image de l’expert (et pourtant!).

J’ai donc couru jusqu’au Palais pour y déposer mon rapport en case.

Au retour, j’ai écris de ma plus belle plume:

« Maître, ayant déposé mon rapport, je ne suis plus en charge de ce dossier. Les dires que vous m’avez adressé ce jour hors délai n’ont donc pas pu être pris en compte. »

Cela a fait tout un patakès.

Mais le magistrat m’a donné raison!