En préparant une conférence sur les logiciels libres, je suis bien entendu tombé sur l’article de Richard Stallman « Pourquoi les logiciels ne doivent pas avoir de propriétaire ».
Je me suis amusé à modifier cet article pour l’adapter aux données numériques de façon générale (musique, fichiers, programmes, etc.). Cela donnerait ceci:
« Les techniques numériques de l’information contribuent à l’intérêt général en rendant plus commodes la copie et la modification de l’information. Les ordinateurs apportent la promesse de faciliter ces opérations pour tous.
Tout le monde ne veut pas de cette simplification. Le système du droit de copie attribue aux programmes informatiques données numériques des «propriétaires», qui pour la plupart souhaitent en garder pour eux les bénéfices potentiels et non les ouvrir au public. Ils veulent être seuls à pouvoir copier et modifier les logiciels données que nous utilisons.
Le système du droit de copie s’est développé en même temps que l’imprimerie, une technique de copie à grande échelle. Le droit de copie était adapté à cette technologie parce qu’il ne limitait que la copie à grande échelle. Il ne privait pas les lecteurs de livres de leurs libertés : le lecteur moyen ne possédait pas de presse à imprimer, et il lui arrivait de recopier des livres avec sa plume et son encrier. Les lecteurs ne se voyaient pas traînés devant les tribunaux parce qu’ils avaient ainsi recopié des livres.
Les techniques numériques sont plus souples que la presse d’imprimerie. Une fois sous forme numérique, il devient facile de recopier l’information pour en faire profiter d’autres personnes. Cette souplesse place le support numérique en porte-à-faux dans un système comme le droit de copie. C’est pour cette raison que de plus en plus souvent des mesures sévères et désagréables sont prises afin de renforcer le droit de copie pour les logiciels données numériques.
[…]
Les propriétaires ont inventé divers arguments pour justifier leur prise de contrôle de la manière dont nous utilisons l’information :
* Les insultes.
Les propriétaires emploient des expressions péjoratives comme «pirate» ou «vol» en les associant à une terminologie plus technique comme «propriété intellectuelle» ou «préjudice». Ils conduisent ainsi le public à penser comme ils le veulent, par une analogie simpliste entre les programmes d’ordinateurs données numériques et les objets du monde physique.
Nos idées et nos intuitions sur la propriété des objets matériels se rapportent à la question de savoir s’il est juste d’emporter un objet qui appartient à quelqu’un d’autre. Elles ne s’appliquent pas directement à la recopie de quelque chose. Mais les propriétaires nous demandent de les appliquer quand même.
* L’exagération.
Les propriétaires disent subir des «dommages» ou des «pertes économiques» du fait que les utilisateurs recopient eux-mêmes les programmes données. Pourtant le fait de la copie n’a aucun effet direct pour le propriétaire et ne fait de mal à personne. Le propriétaire ne subit une perte que dans la mesure où la personne qui fait cette copie aurait été prête à payer au propriétaire le prix d’un autre exemplaire.
Or en y réfléchissant un petit peu, on conclut vite que la plupart de ces personnes n’auraient pas acheté le logicielles données numériques. Ce qui n’empêche nullement les propriétaires de calculer leurs «pertes» comme si toutes ces personnes avaient été des acheteurs potentiels. Le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils exagèrent.
* Le droit.
Les propriétaires parlent souvent des dispositions légales et des pénalités dont ils peuvent nous menacer. Implicitement, ils veulent nous dire là que les lois d’aujourd’hui reflètent un point de vue moral incontestable, et en même temps nous invitent à considérer les pénalités encourues comme des faits de nature, dont personne ne porte la responsabilité.
Ce type d’argumentation n’a pas été taillé pour résister au raisonnement critique mais pour venir renforcer une pensée routinière.
En aucune façon les lois ne sont des arbitres du bien et du mal. Tout Américain devrait savoir qu’il y a quarante ans, dans de nombreux États, il était illégal pour un Noir de s’asseoir à l’avant d’un autobus. Cependant seuls les racistes diront que c’était mal de le faire.
* Les droits naturels.
Souvent les auteurs revendiquent leur attachement affectif aux programmes qu’ils ont écrits données qu’ils ont assemblées et nous en font déduire que leurs désirs et leurs intérêts au sujet de ces programmes données sont plus importants que ceux de toutes les autres personnes, plus importants même que ceux du monde entier. Il faut ici remarquer que la plupart du temps ce sont les sociétés et non les auteurs qui détiennent les droits de copie sur les logiciels données, mais nous sommes censés négliger cette incohérence.
À ceux qui énoncent comme un axiome moral l’idée que l’auteur est plus important que le public, je peux seulement répondre que pour ma part, bien qu’auteur de logiciels très connu, je dis que c’est du chiqué.
[…] »
Amusant non?
Essayons maintenant d’imaginer un monde où les droits d’auteur n’existeraient pas. Cela règlerait du même coup tous les problèmes liés aux copies MP3, aux réseaux p2p, etc.
Les musiciens (et leur maison de disque) vivraient de leurs concerts et tournées.
Les informaticiens (et leur société) vivraient de leur savoir faire et des services qui pourraient rendre.
Les articles, les photos, les livres pourraient être copiés, modifiés et transformés à l’infini.
J’aime assez cette idée, car cela ressemble fortement à l’internet d’aujourd’hui 🙂
Bien sur, je n’en fais pas parti, c’est bien trop subversif.