Le combat aérien

Nous marchions déjà depuis plusieurs heures. Nos sacs à dos semblaient peser des tonnes: ils contenaient tout le nécessaire du parfait soldat en campagne. J’avais remarqué que les sacs à dos des sous officiers rebondissaient sur leurs dos au rythme de leurs pas, preuve qu’ils étaient remplis d’objets en mousse ou en duvet, alors que les nôtres avaient été complétés par des pierres pour “faire le poids”.

A l’époque j’étais un sportif accompli. Mais je peinais pourtant à suivre le rythme car le caporal qui m’avait en grippe m’avait confié le fusil mitrailleur (un vieux MAC 24/29 de presque 10 kg). Je serrais les dents pour ne rien montrer de ma colère. J’avais décidé d’obéir et je m’y tenais.

Je vous parle d’une époque se situant à la fin des années 80, à une période où la France disposait encore de bases militaires en Allemagne. Tous les appelés du nord de la France effectuaient ainsi leur service militaire (ou au moins comme moi leurs classes) en Allemagne. Je peux témoigner de l’accueil chaleureux des allemands qui nous voyaient entassés dans les camions militaires et nous faisaient souvent un petit coucou d’encouragement de la main.

Nous étions donc en train de marcher en rase campagne allemande, isolés de tout, quand tout à coup un vacarme assourdissant nous a tous fait nous jeter à terre: un avion de chasse venait de passer juste au dessus de nos têtes, à quelques centaines de mètres d’altitude.

Hébétés, nous étions tous allongés dans l’herbe, profitant (et l’encadrement aussi) de cette excuse pour nous reposer un peu. La tête en l’air, les yeux dans les nuages, nous avons admiré un spectacle que je n’ai plus jamais revu depuis: un combat aérien grandeur nature entre deux avions de chasse modernes.

Je ne connais pas avec certitude le modèle de chasseur que j’ai aperçu, mais je dirais aujourd’hui qu’il s’agissait de deux F15 américains. Simulant probablement un combat au canon, les deux pilotes faisaient des figures extraordinaires pour se positionner derrière l’adversaire. Parfois, l’un des avions entamait un piqué vertigineux vers le sol pour se redresser au dernière moment, passant au dessus de nous dans un vrombissement assourdissant, à une hauteur assez peu réglementaire. Le temps du sergent Frantz et du caporal Quénault était déjà très loin.

Nous, valetaille de biffins, nous admirions avec envie l’élégance des volutes de condensation des deux chasseurs, tout en essayant d’imaginer l’écrasement des corps des pilotes encaissant plusieurs “G”. Et moi, écrasé dans l’herbe par le poids de mon équipement et de mon MAC 24/29, j’arrivais assez bien à me faire une idée.

J’éprouvais une envie terrible d’échanger ma place avec la leur. J’aurais rêvé sentir dans ma chair ce que les petits simulateurs de vol commençaient à reproduire en graphismes fil de fer. Je dévorais des yeux ses monstres volants jusqu’à m’assécher les iris de ne plus cligner des paupières.

Ce combat aérien n’a duré que quelques minutes, mais restera gravé dans ma mémoire.

—————————

Cliquez sur l’image pour l’agrandir. Source fighter

8 réflexions sur « Le combat aérien »

  1. Ah là là! Un peu plus jeune à cette époque, l'évocation de ces graphismes "fil de fer" me rappelle Fighter-Pilot sur mon Amstrad CPC! Graphismes certes très basiques, mais un modèle de vol vraiment étonnant de réalisme, sur cette machine 8 bits à 4MHz (de mémoire)!

    https://cpcrulez.fr/GamesTest/view.php?game=fighter_pilot

    Relire ce lien me rappelle aussi mes lectures d'Hebdogiciel, sorte de Hara-Kiri de la presse informatique emblématique de l'époque… très critique et qui n'était pas encore un insipide catalogue de pub!

  2. un de mes amis, ayant passé son permis de vol, s'est intéressé à la voltige aérienne. Il etait bien motivé à franchir le pas jusqu'au jour où il a discuté avec le moniteur. Ça a du donner quelquechose comme ceci:

    "-tu sais ce que c'est, l'entrainement de voltige aérienne?

    -ben… franchement, non

    -en fait, c'est simple. D'abord tu montes avec moi, et dès notre premier looping, tu vas vomir immédiatement. Ensuite, tu continues à vomir à chaque figure, à chaque piqué, à chaque… enfin tu vois quoi…
    Et puis, au fil des jours, au fur et à mesure, tu t'habitues et tu commences à vomir après, UN PEU PLUS TARD. De plus en plus tard.
    …Jusqu'au jour où tu ne vomis plus.

    -ah…"

    Je n'ose imaginer les tripes des 2 pilotes que vous nous décriviez. ^^

  3. Pour la voltige habituellement pratiquée sur avions légers, ce n'est pas aussi violent que sur avion de chasse avec des facteurs de charge importants soutenus de très longues secondes car la poussée diponible le permet.

    Gerber à chaque vol est quand même assez exagéré, même en cas de figures qui remuent pas mal (déclenché, lomcevak).

    En voltige classique (tonneaux, boucles…), si on gerbe d'entrée il vaut sans doute mieux passer à autre chose!

    Par ailleurs, en pilotant on ne subit pas les figures comme en "sac de sable".

  4. @Anonyme: Pour l'instant, pas de nouvelle… Mais dès que j'en aurai, je ferai un petit billet sur le sujet.

  5. quand j'étais à l'instruction, je ne trichais jamais, question d'éthique et de crédibilité. En revanche, s'il ne s'agissait que de faire une marche et retour au quartier, plutôt que de défaire toutes mes affaires pour les mettre dans le sac à dos, je mettais 20 kg d'haltères. Le sac faisant forcément vide, certains appelés me demandaient à échanger nos sacs.

    N'étant pas chien, je ne leur laissais que la moitié de la distance à parcourir…presque vide ne veut pas dire pas lourd !

  6. Si vous avez toujours la nostalgie des aéronefs qui virevoltent au dessus de votre tête, vous pouvez toujours vous allonger dans l'herbe et regarder les mouches ou les oiseaux voler.
    Ce n'est plus trop la saison en ce moment, mais l'été, le ballet des hirondelles doit bien valoir un combat aérien, en plus c'est un spectacle à voir en famille !

Les commentaires sont fermés.