Les habitués de ce blog le savent : j’habite en lointaine province et je travaille à Paris. Je fais le trajet en train deux fois par semaine (un aller-retour), et je loue un petit appartement à mi chemin entre ma gare parisienne et mon lieu de travail. Dans mon cas, mi chemin signifie à 20mn de marche de la gare et à 20mn de marche de mon travail (je n’aime pas prendre le bus ou le métro, et cela me fait une petite activité physique chaque jour).
Comme beaucoup de personnes, j’ai pris l’habitude de partir tous les jours le matin au boulot à peu près à la même heure (le soir, c’est une autre histoire), ce qui fait que je passe toujours aux mêmes endroits aux mêmes moments.
Et il y a sur mon chemin, une vielle dame qui habite un appartement au rez-de-chaussée.
Plusieurs fois par semaine, le matin, je passe à pied sur le trottoir sous sa fenêtre juste au moment où elle ouvre ses volets. Et à chaque fois, elle me lance un regard un peu vide et me demande : « bonjour monsieur, quel jour sommes-nous ? »
La première fois, j’étais un peu interloqué, mais j’ai regardé mon téléphone pour être sur de bien lui répondre (je ne sais pas si elle souhaite connaître le jour de la semaine, ou la date du jour, alors je lui donne les deux informations) : « Bonjour madame, nous sommes aujourd’hui lundi 6 février et je vous souhaite une bonne journée. »
Je sais que les personnes âgées peuvent perdre le fil du temps, et que certaines maladies neurodégénératives altèrent les souvenirs récents, dont le jour de la semaine. Je vois d’ailleurs à son regard qu’elle semble un peu désolée de demander cette information à un inconnu qui passe dans la rue. Mais je ne juge pas, je vous partage des hypothèses.
D’ailleurs, je me suis surpris à regarder l’heure exacte où elle ouvre ses volets, et parfois j’accélère, ou je ralentis mon pas, pour pouvoir lui donner ce renseignement minuscule qui semble lui apporter un peu de réconfort. Et sur les 3 matinées que je passe à Paris chaque semaine, j’arrive à la dépanner environ une fois, pour notre plaisir réciproque.
Depuis plusieurs semaines, je n’arrive plus au bon moment pour la voir ouvrir ses volets, à tel point que j’ai commencé à me poser des questions.
Un matin, j’ai remarqué que des ouvriers travaillaient dans l’appartement en plein chantier de rénovation. Je n’ai pas osé leur demander où était passée la vieille dame, dont je ne connais même pas le nom. J’échafaude des hypothèses, et ma préférée est de me dire qu’elle a été recueillie par ses enfants qui prennent bien soin d’elle, et qui lui disent tous les matins quel jour l’on est.
La vieille dame n’ouvre plus ses volets quand je passe, et cela me rend un peu triste.
Bonjour,
Cela me rappelle une histoire.
La voisine de mes parents a réussi à vivre jusqu’à 101 ans dans sa maison.
De plus, elle habitait au premier étage avec un escalier en béton difficile à monter.
Un jour, je l’ai trouvée par terre dans la ruelle, incapable de se relever seule.
Je n’ose pas imaginer ce qui a pu se passer dans cet escalier.
Pour en revenir aux volets, tous les matins, elle les ouvrait à une heure plus ou moins précise, et c’était un code.
Il était convenu que mes parents vérifient chaque matin si les volets étaient ouverts.
Dans le cas contraire, il y avait lieu de s’inquiéter.
Salutations.
Souvenir.
Étudiant, je loge dans une ancienne loge de concierge dans un immeuble. Sur le même palier, une vieille dame. Chaque fois qu’on se croise « bonjour Madame ». Et j’y gagne un joli sourire qui éclaire ma journée.
Un jour, toc toc toc, on tape à ma porte. C’est cette charmante vieille dame.
– « Jeune homme, vous qui êtes bricoleur, pourriez vous m’aider? J’ai un problème avec ma gazinière »
-(gazinière!?!) « Bien sûr, Madame ».
Ma chère voisine me montre qu’elle a beau ouvrir le gaz en grand, ça se s’allume pas. En effet, sa femme de ménage n’a pas remis correctement en place les chapeaux des brûleurs donc l’étincelle ne se forme plus. Et ma chère voisine qui n’a plus d’odorat ne sent pas le gaz sortir à plein régime!
Après avoir bien ventilé la pièce, je lui ai remis la gazinière en place. Je lui ai dit que si ça recommençait de venir me voir tout de suite (et je me suis arrangé pour croiser la femme de ménage et lui glisser un mot). Elle insistait pour me donner un billet: je lui ai dit que pour 5min de dépannage, ça aurait été la voler.
Le lendemain, toc toc toc. Ma voisine. A t elle encore tenté de faire sauter l’immeuble? Non. Elle m’apportait une boite de chocolats. :).
Je suppose que cette charmante voisine n’est plus de ce monde, mais elle vit toujours dans ma mémoire avec son charmant sourire et sa boite de chocolat (et aussi un peu la trouille qu’elle ait fait sauter l’immeuble).
PS: vous m’avez touché.
En 2005, après un déménagement en été pour raison professionnelle, mon trajet domicile travail n’est plus en transports en commun mais en moto.
L’hiver arrive et je vois tous les matins une vielle dame marcher sur le côté droit de la route avec un gilet fluo de sécurité.
Un jour je décide de klaxonner et de faire coucou de la main et elle me répond.
Quelques jours plus tard, je m’arrête pour lui parler. Il s’agit de Paulette, de mémoire environ 80 ans, et qui marche pour oublier et tenir ; Oublier la peine d’avoir perdu son fils d’une crise cardiaque à 40 ans ; Oublier quelques heures que son mari bien aimé perd la boule ; Oublier que sa petite fille à un cancer. Elle marche pour tenir Paulette. Son gilet fluo ? Un don d’un automobiliste pour qu’elle soit bien visible sur ces routes sans trottoirs qu’elle parcourt.
Paulette venait de Charleville-Mézières et passait l’hiver plus clément sur la Côte d’Azur.
Paulette avait à peu près l’âge de ma grand-mère qui perdait de plus en plus en autonomie, alors que Paulette continuait de marcher coûte que coûte pour tenir.
Paulette m’avait même donné son numéro de téléphone.
Tous les hivers, je retrouvais Paulette.
Une année, elle a gagné une canne en plus de son gilet fluo. Elle était tombé. Une vilaine chute mais elle est repartie marcher même si elle a raccourci sont trajet quotidien. Car, rappelez-vous, marcher, c’est ce qui la faisait tenir comme elle me le répétait souvent.
Je ne sais plus si son appareil auditif était lié à l’âge ou à sa mauvaise chute. Mais cela ne l’empêchait pas de discuter.
Et puis un hiver, je n’ai plus croisé Paulette. Je n’ai pas voulu appeler son numéro pour savoir ce qu’il s’était passé.
J’ai préféré me dire que Paulette a décidé de se reposer un peu et de marcher un peu moins, ce qui a fait que nos routes ne se croisaient plus.
Car marcher c’est ce qui la faisait tenir…
Merci Paulette, vous vivez toujours dans ma mémoire. Et je fais comme vous. Quand cela ne va pas, je marche, cela me permet aussi de tenir…
Merci
Tristesse.
Il y avait une très vieille dame qui tenait parfois la caisse dans un petit magasin de quartier. Un peu sourde, un peu aveugle, toujours gentille.
Je reviens de vacances d’été, c’est un jeune à la caisse. Mais surtout, sur la caisse il y a une photo noir et blanc de la vieille dame. Je demande. Oui, la pauvre est hélas décédée. 85ans, dans ces eaux là.
Au revoir Madame. Vous me manquerez. 🙁