Deep sand

La voiture qui me précède s’arrête et ses occupants me font des signes d’appel au secours. Je suis bien en peine de leur porter secours: je suis moi-même en difficulté.

Nous sommes à Death Valley (la vallée de la mort), il est 18h, le soleil va bientôt passer derrière les montagnes. La température est encore de 35°C malgré le ciel nuageux. Cela fait deux heures que nous roulons sur de la « dirty road » (piste non goudronnée) sans rencontrer âme qui vive.

Nos deux voitures viennent de s’ensabler.

Mais revenons en début de journée.

Nous partons de Yosemite National Park où nous venons de passer plusieurs jours. Comme chaque fois, les huit enfants des deux familles se répartissent dans les deux voitures pendant que les quatre adultes font le point sur le trajet. Cela fait deux semaines que nous sommes en camping sous tente et ce soir nous couchons à l’hôtel, près de Death Valley. A nous les bonnes douches…

Le point sur le trajet se passe de la manière suivante: l’équipage n°2 (c’est nous) entre dans le GPS le point d’arrivée visé et, muni des informations de Tommy, propose un trajet. L’équipage n°1, adepte des cartes routières papiers, étudie ce trajet et propose des modifications, des détours, des points de ravitaillement possibles, etc.

Les chambres d’hôtel étant réservées, nous avons le temps de prendre le chemin des écoliers. Nous décidons donc de quitter l’autoroute à « Big Pine » (cela ne s’invente pas) et de pénétrer dans le parc de Death Valley par le nord en empruntant des pistes non goudronnées.

L’un des objectifs est d’aller voir les dunes Eureka. Quelques miles sur les pistes américaines, c’est un peu l’aventure pour nos gros vans 7 places de 2 tonnes…

Ce que nous ignorions, c’est que la piste pour « voitures normales » s’arrête là. Après, vers l’Est, c’est réservé aux 4×4…

Inconscients de nous engouffrer dans une impasse pour nos véhicules, nous poursuivons. La conduite est un peu sportive, les voitures « flottent » un peu sur le sable dans certains passages… jusqu’à l’enlisement.

Nous venons d’arriver à un endroit appelé « Deep sand » (sable profond).

Source: Death Valley National Park

Il est 18h, le soleil va bientôt passer derrière les montagnes. La température est encore de 35°C malgré le ciel nuageux. Cela fait deux heures que nous roulons sur la piste sans rencontrer âme qui vive.

Tout le monde descend des voitures.

Le « truc » dans ces cas là pour éviter que grands et petits ne prennent peur, c’est de plaisanter et de montrer une belle assurance: « ça, c’est de l’Aventure! Encore quelque chose d’extraordinaire à raconter à l’école! ». Je fais le fier et le blasé, mais j’ai un peu peur. Nous avons de l’eau, des tentes, le plein d’essence, de la nourriture; personne n’est blessé, nous savons où nous sommes, nous ne manquons pas de matériel. Mais c’est ma première expérience d’ensablement.

Comme je ne peux plus avancer puisque la voiture n°1 bloque le passage, je passe naturellement la marche arrière, je débranche l’ESP et commence à « godiller » avec le volant. Par chance, je découvre à ce moment là que nos deux voitures sont des tractions et non des propulsions. Après quelques minutes d’efforts, je sors du sable et arrive à reculer d’une centaine de mètres.

La voiture n°1 est, quant à elle, posée sur le sable, roues avant complètement ensablées. Comme « vu à la télé », nous creusons et plaçons des pierres derrière les roues. Mais quand le conducteur accélère, les roues tournent un peu puis se bloquent: le système ESP détecte un glissement qu’il juge anormal et ordonne aux freins de bloquer les roues avant. Et sur cette voiture, il ne peut pas être désactivé…

Et Paf le chien!

C’est alors qu’il faut imager douze personnes ayant envie d’une bonne douche chaude mues par l’énergie du désespoir: tout le monde se bouscule pour trouver une place, qui derrière, qui sur les côtés, pour pousser la voiture. Il ne manquait que Taillefer pour entonner la Chanson de Roland pour galvaniser les troupes.

Et ainsi, mue par onze chevaux-sueurs, la traction de deux tonnes s’est trouvée propulsée sur plusieurs mètres. Inutile de dire que son conducteur a écrasé le champignon pour faire demi-tour et rejoindre le véhicule n°2 sur le sable dur.

Tout le monde remonte en voiture. Nous fonçons jusqu’à la piste « en dur ». Nous refaisons toute la piste en sens inverse. Nous prenons la route normale jusqu’à l’hôtel où nous arrivons la nuit à 23h. Les douches sont sublimes.

Le lendemain, avec un ciel sans nuage, la température montera jusqu’à 48°C à l’ombre.

6 réflexions sur « Deep sand »

  1. Rigolottes ces histoires de Death Valley et de pistes. Moi-même en villégiature du côté de Las Vegas en ce début de mois d’août, je suis allé faire un tour là-bas, au volant de la fameuse Ford Mustang, version décapotable.

    Bref, la soirée approche, il doit être 17h, l’aiguille du réservoir pointe vers la réserve. Je demande à mon GPS favori de me trouver la chemin vers la station la plus proche, ce qu’il me dégote bientôt, à une distance d’environ 17 miles. Let’s go.

    6 miles plus loin, me voilà quittant la route principale, et quelques centaines de mètres plus loin devant ce qu’on peut qualifier de piste caillouteuse, cependant tout à fait praticable. C’est parti. Point de sable, mais quelques bosses, une magnifique étendue plate de terre salée à traverse et bientôt je rejoins le goudron avec la fameuse station essence à 2 miles.

    Moralité: même réglé pour ne pas proposer de route non goudronnée, votre GPS favori peut vous amener sur des routes de traverses fort appréciable, une fois passée l’appréhension de la situation fort peu commune 🙂

    Il faudra que je cherche le coin dans Google Maps aussi quand je vais coucher ça dans mon blog…

  2. Moralité : point trop d’assistance dans nos voitures !

    D’ailleurs, léger hors sujet, ça fera drôle le jour où quelqu’un piratera les freins ou je ne sais quelle assistance sur la super voiture super moderne hyper chère avec Wi-Fi ou Wimax integré à l’ordianteur de bord (vous savez, pour éviter que le mécano ne sorte des câbles pour faire son diagnostic).

    Au fait, la prochaine fois que vous y allez, faites le en 2cv ! Moins facile à enliser, plus facile à porter jusqu’à la zone sure….

    Blabla

  3. @anonyme:
    anecdote vécue avec un mien ami conseiller technique auto. sortie d’une série de véhicules neufs en diesel haute pression, qui affichent des perfs 15 à 20% en deça de celles prévues. On cherche, on démonte, on casse, on remonte, rien n’y fait. On pique le calculateur d’injection, on l’apporte en douce au sous-traitant-fournisseur du constructeur auto, il ouvre, dumpe le code, remet le leur, on remonte et hop, on obtient enfin les perfs prévues….
    Un malin de chez le constructeur avait remplacé dans le microcode le nom du sous-traitant par celui du fabricant auto, avait débordé lors de l’écriture et de plus n’avait pas refait le checksum…. :^$
    On n’en est pas loin, non ?

  4. « Les aventures de Zythom dans la Vallée de la Mort »…

    Ha, je vous imagine bien dans cette grande aventure, vous le Zythom tout propré et habituellement affublé d’une cravate et d’une paire de lunettes sur le bout du nez…

    Maintenant, c’est avec une barbe de 2 jours, un vieux chapeau de toile décoré d’une peau de serpent, un fouet à la ceinture, une vieille chemise trouée aux entournures et auréolée sous les aisselles de vieilles traces de sueur témoignant des luttes sanguinaires contre des ennemis farouches au cœur des tropiques.

    Dorénavant on vous appellera Zythom-Jones !

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