25 ans dans une startup – billet n.32

Introductionbillet n.31

Quelques DSI d’écoles de commerces ou d’écoles d’ingénieurs (privées) commençaient à envisager l’externalisation de leurs outils de travail de groupe (on parlait beaucoup de « groupware » à l’époque), dont leurs messageries. Les offres étaient peu nombreuses, mais existaient et toutes avec des fonctionnalités et des coûts différents. Aucun n’avait encore fait le saut.

Je cherchais une solution qui puisse proposer un espace de stockage en phase avec les besoins toujours croissants des utilisateurs, et facile à installer sur tous les types d’appareils que les utilisateurs amenaient sur place : téléphones de toutes marques, de toutes versions de système d’exploitation, tablettes, ordinateurs portables, ordinateurs fixes, etc. Les modes d’emploi d’installation et de configuration devaient être toujours à jour, surtout lors de la sortie d’un nouveau type d’équipement. Les import/export des contacts devaient être simples et pratiques.

J’ai donc contacté les entreprises qui proposaient des offres
en phase avec mon cahier des charges. A l’époque, deux sociétés
sortaient du lot : Microsoft et son offre BPOS naissante bientôt renommée en Live@Edu (aujourd’hui Office 365), et Google avec son offre Google Apps for Education (aujourd’hui G Suite). Google est alors une société dynamique en pleine ascension, mais
jeune (à peine 11 ans) et le choix est risqué. Microsoft est en train d’opérer son virage vers Internet et peine à convaincre malgré sa base installée.

Les deux offres sont gratuites pour les établissements d’enseignement supérieur, ce qui était très très intéressant, sans que cela n’éveille chez moi la méfiance que j’aurais du ressentir… Je mène une enquête  (sur le principe d’externalisation vers les outils Google ou Microsoft) auprès d’un panel d’utilisateurs internes et leur retour est enthousiaste, avec une nette préférence pour les outils Google.

En étudiant bien les fonctionnalités proposées, y compris les paramétrages possibles dans les outils d’administration, et avec la bonne
réputation que Google avait à l’époque, j’ai choisi de migrer mes 2000
comptes de messagerie vers GMail et son quota de 5 Go par personne
(énorme pour l’époque). Les utilisateurs sont ravis, la bande passante aussi. La lutte contre le SPAM est externalisée et répartie sur les utilisateurs du monde entier. Pour les utilisateurs concernés, le chiffrement des emails est assuré par GPG et Thunderbird.

C’est la décision dont je suis le moins fier aujourd’hui : la pression économique, le manque de clairvoyance, l’envie de satisfaire au mieux les besoins des utilisateurs, m’ont fait franchir le Rubicon.

Mais j’ai l’habitude d’essayer de prendre mes décisions de manière réfléchie, en analysant au mieux les cartes que j’ai en main au moment où je dois prendre la décision. Quand je regarde en arrière, et que je me rends compte que j’ai pris une mauvaise décision, je ne jette pas la pierre à mon moi d’avant. Nous sommes quatre ans avant le lancement d’alerte d’Edward Snowden. Depuis, de nouvelles cartes sont apparues, entraînant une vision différente. Il m’arrive comme tout le monde de prendre de mauvaises décisions, de le reconnaître et d’essayer de les corriger ensuite. Mais dans ce cas, une fois la décision prise et les gigaoctets transférés, ces derniers sont devenus des téraoctets et aujourd’hui des centaines de téraoctets (G Suite for Education propose un quota illimité pour chaque utilisateur, gratuitement). Je n’ai jamais pu revenir en arrière. Les serveurs de stockage ont retrouvé des espaces libres, vite remplis par les utilisateurs qui, c’est bien connus, ont horreur du vide…

La seule consolation que j’ai aujourd’hui, c’est de voir que presque tous les DSI des écoles de commerce et des écoles d’ingénieurs privées ont fait le même choix d’externalisation dans le Cloud. Sauf que la plupart sont chez Microsoft avec son offre gratuite Office 365. Le diable sait tout faire, afin que le DSI devienne sa proie.

L’œil était dans la tombe, et regardait Zythom…

Malgré cette charge en moins, ma salle serveurs vieillissait et son remplacement commençait à devenir d’actualité. C’est à cette époque qu’un logiciel quasi magique est apparu sur mes radars de veille.

Billet n.33

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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.

La Conscience, Maison de Victor Hugo [Public domain], via Wikimedia Commons

7 réflexions sur « 25 ans dans une startup – billet n.32 »

  1. Bonjour,

    Pouvez-vous expliciter en effet, pourquoi regretter ce choix (ou ce non-choix si MO365 n'est pas mieux) ?

    Mon entreprise est en train de basculer sur Gsuite, je suis curieux!

  2. Oui, pourquoi regretter la bascule sur Gsuite? Mon entreprise s'apprête à y passer et je suis curieux de connaître votre jugement a posteriori!

  3. Bonjour, je pense qu'un billet complet serait nécessaire pour détailler mes regrets sur ce sujet. Mais en résumé, il y a deux raisons principales : la protection des données personnelles de mes utilisateurs est un enjeu majeur aujourd'hui que je connais la réalité des pratiques américaines, et la maîtrise d'un écosystème numérique complexe m'aurait permis de disposer d'un SI plus performant aujourd'hui car j'aurais pu obtenir plus de moyens humains.
    A vouloir trop bien faire dans l'immédiat, j'ai hypothéqué l'avenir. C'est mon regret d'aujourd'hui.

  4. Heu,
    Mais bon, aujourd'hui on sait que google est le grand méchant comme microsoft, mais à l'époque, vous auriez pu faire quoi d'autre? Il y avait d'autres solutions fiables?

    Je suppose que toute décision suppose une part de risque… et que être un décideur est un aussi un sale boulot, parce que si ça marche on considérera ça comme normal, mais si vous vous plantez les hordes vous tomberont dessus.

    Au fait, ce serait possible de re-migrer aujourd'hui vers quelque chose de plus stable?

    • il est très difficile d'obtenir un budget conséquent pour mettre en place une solution convaincante, face à une solution gratuite très évoluée. C'est le piège parfait.

  5. Bonjour,

    J'imaginais bien la réponse. maintenant à partir du moment où on externalise un besoin (mail par exemple) dans une société tierce on s'expose à ces problèmes. c'est par exemple pour moi le plus gros frein aux offres "cloud" actuelles. que ce soit AWS/Microsoft ou autres c'est le même soucis concernant la confidentialité des données. après si on ne regarde que les coûts…
    Il faudrait un billet aussi sur la comparaison et la balance entre les offres mais bon.
    dans tout les cas merci pour votre blog et votre qualité d'écriture 😀

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