Deux ans après

Il y a deux ans, j’ai changé d’entreprise et de métier. En deux ans, j’ai découvert le fonctionnement de ma nouvelle entreprise, le télétravail deux jours par semaine, la vie loin de ma famille trois jours par semaine dans une petite location, un nouvel équilibre de vie.

Mes nouveaux collègues m’ont bien accueilli, d’autant mieux que j’ai tout de suite expliqué ma démarche : « je suis RSSI débutant avec expérience, et vous ne m’avez pas attendu pour faire de la sécurité informatique, donc je ne vais pas vous expliquer votre métier, malgré mes cheveux blancs« .

L’équipe en charge des serveurs et réseaux est au top, l’équipe de développement fait du développement de qualité, l’équipe support fait ce qu’elle peut face aux utilisateurs… Bref un bon service informatique comme je les aime.

Apprendre un métier, même quand on a de l’expérience (surtout !) reste un vrai challenge. J’ai beaucoup progressé, mais je sais que jamais je n’atteindrai les compétences techniques d’un roxor de l’ANSSI.

Pour autant, je ne suis pas un suxor… J’arrive à défendre pas mal de projets portés et demandés par les équipes techniques, qui n’étaient pas nécessairement entendu auparavant. Je communique plutôt pas mal et j’ai réussi à trouver un ton légèrement humoristique qui semble bien passer auprès des utilisateurs. Le niveau de sécurité monte petit à petit, et de moins en moins de monde se dit « ça ne m’arrivera pas, pas à moi », et de plus en plus sont demandeurs de protections, dont ils ont besoin aussi bien dans l’univers professionnel que personnel.

Pourtant la tache est immense. Les problèmes sont complexes, la pression est permanente. Depuis deux ans, je me couche souvent le soir vers 21h, lessivé. Mais je n’arrive pas à dormir avant 23h, pour enchaîner sur une journée de 10h…

Je SAIS qu’une crise cyber d’envergure nous tombera dessus, mais je ne sais pas quand. Je prépare les PCA et PRA, la mise en place de la cellule de crise cyber et ses liens avec la cellule de crise classique, mais je sens bien que le jour où ça va exploser, je vais prendre cher… Et pour quelqu’un qui aime tout prévoir, qui aime être prêt à tout, c’est difficile de vivre avec une épée de Damoclès.

Je me sens comme le démineur qu’on envoie nettoyer le terrain sous le feu de l’ennemi.

Et sur ces deux années, l’une s’est déroulée en pleine pandémie, qui bien sur continue. Tous les plans d’urgence ont été déclenchés, les licences VPN de secours ont été activées, le personnel a été équipé rapidement en ordinateur portable, les professeurs ont très rapidement modifié leur pédagogie pour basculer en distanciel, puis en enseignement hybride. Une grande école de commerce, c’est un organisme très adaptatif qui survit dans un milieu très concurrentiel : les professeurs sont formidables, de haut niveau, le personnel solidaire et les étudiants très motivés.

Mais les étudiants souffrent, même les plus favorisés. La solitude est pesante. Leur jeunesse leur file entre les doigts, ce moment exceptionnel qui ne reviendra pas.

Leur seul lien avec l’extérieur, confinés dans leur chambre, passe beaucoup par l’informatique. Tout le travail pédagogique des professeurs passe par l’informatique. Tous les outils professionnels des salariés de l’école passent par l’informatique. Le numérique est partout et grâce à lui, et aux efforts de tous, le système est résilient.

Mais le RSSI, et bien sûr toute l’équipe informatique, sait sur quoi tout cela tient. Même les plus grands tombent sous le coup d’une faille zéro jour exploitée par des États, ou par des scripts kiddies. Même les journaux grands publics parlent de catastrophes numériques qui touchent, un coup une grande entreprise, un autre un groupe d’hôpitaux…

Alors le soir, je prie pour que mon monde existe toujours le lendemain.
Et, comme face à la mort, c’est plus dur quand on n’est pas croyant.

Vous voyez, je gère bien le stress.
J’ai été élevé à la dure.

3 réflexions sur « Deux ans après »

  1. Bonsoir,
    Il n’y a pas très longtemps que je vous lit (et suis sur mamot), mais j’aime bien.
    Pour la gestion du stress, c’était ironique ? Vous avec tout de même l’aire de vachement prendre sur vous. Je ne connais pas votre statut, mais j’espère que si vous « jouez » le rôle de fusible en cas de GROS pépins, vous ne serez pas le seul…?
    Je suppose que ce blog est votre bouffée d’oxygène. C’est une bonne chose ! Pour vous, et pour nous 😉

    Bon week-end.

  2. « c’est plus dur quand on n’est pas croyant. »
    Allah le Grand peut vous aider cher Monsieur.

  3.  » “c’est plus dur quand on n’est pas croyant.”
    Allah le Grand peut vous aider cher Monsieur.  »

    Ben non allah, dieu, yahvé, vishnou n’existent pas.
    Des contes pour grands enfants qui ont peur et qui préfèrent se rassurer avec de plus ou moins belles histoires ou qui suivent les traditions pour être dans un groupe. Et je m’arrête là 🙂
    La religion est un nuage de fumée monsieur, mais certains préfèrent la fumée au ciel bleu.

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