Les lettres 7/9

Résumé du texte qui suit : Vincent et Sylvie sont amoureux et rien ne viendra perturber ce bonheur, sauf peut-être…

30 juin

Sylvie a décidé d’éteindre son téléphone, seul lien avec l’entreprise qu’elle dirige. C’est la première fois depuis longtemps que je la vois se couper de son équipe de direction et la laisser gérer les affaires courantes. De savoir qu’elle a fait ça pour moi me rend immensément heureux. J’ai savouré pendant une semaine ce bonheur de ne l’avoir que pour moi, puis je l’ai convaincue de rallumer son téléphone. Je suis très fier d’elle et de ce qu’elle a construit.

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Sylvie est aux petits soins avec moi et nous vivons cette bulle de bonheur comme un retour à nos jeunes années de mariage : nous sommes amoureux. Les balades en forêt s’enchaînent, ainsi que les promenades le long du lac. Il nous arrive de croiser un client de l’auberge qui aime nager dans le lac. J’envie son énergie.

Nous sommes allés en vélo jusqu’au village de Cerniébaud où nous avons vu par hasard un vélo géant en bois que nous avons pris en photo. Il y avait un article dans l’exemplaire du Progrès, le journal local que l’auberge met à notre disposition le matin. Pour un peu, nous étions aussi dans le journal 🙂 Le journaliste explique que c’est l’œuvre d’un habitant du village qui espère attirer l’attention des médias lors du passage du Tour de France en septembre prochain.

Ce matin, j’ai croisé une femme dans le couloir qui m’a demandé quelque chose que je n’ai pas compris. J’ai répondu “Oui ?” et elle m’a pris dans ses bras en me disant “je vous souhaite tout le bonheur possible”. C’était un geste étrange et rempli de bienveillance. Je suis resté interloqué, mais moins que Sylvie qui arrivait dans le couloir. La femme mystère est ensuite entrée dans sa chambre sans voir Sylvie. J’ai répondu à son haussement de sourcil par un “tu vois, je connais moi aussi quelqu’un dans cette auberge.” C’était une référence à la réponse qu’elle m’a faite un peu plus tôt quand nous avons croisé un jeune homme un peu timide qu’elle a salué d’un “Bonjour Mattéo”…

Un jeune homme invite ma femme à boire un verre dans sa chambre (et elle accepte), une femme me prend dans ses bras pour me souhaiter tout le bonheur du monde, tous les ingrédients d’une dispute en temps normal. Oui, mais le temps n’est pas normal pour les amoureux.

Pourtant, sans rien dire à Sylvie, j’ai envoyé les lettres que j’avais écrites aux enfants avant qu’elle ne me rejoigne à l’auberge.

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Commentaire de l’auteur :

Je ne voulais pas écrire une histoire avec deux personnages sans détailler aussi le deuxième personnage important : Sylvie. Pour rendre plausible l’isolement de Vincent, j’ai voulu que Sylvie soit à la tête d’une entreprise et pilote une équipe de direction. Et elle a choisi de s’entourer professionnellement de personnes compétentes à qui elle peut laisser gérer les affaires courantes en son absence, le temps de comprendre ce qui arrive à son mari. Loin d’être écrasé par la réussite et le pouvoir de sa femme, Vincent est très heureux et fier d’elle. Un couple amoureux.

La phrase « Il nous arrive de croiser un client de l’auberge qui aime nager dans le lac. J’envie son énergie. » est une interaction simple vers un autre personnage de l’auberge, Matteo Pict, et fait référence au billet de son auteur « Je ne m’ennuie pas« .

L’anecdote du vélo géant en bois pris en photo lors d’une ballade fait référence à la troisième contrainte littéraire proposée par les organisateurs, et qui s’appelle « Revue de presse » : Évoquer un ou plusieurs articles parus dans la semaine au journal « Le Progrès », édition nationale et/ou locales (Ain, Jura Sud). Je pense avoir réussi cet exercice en intégrant l’article de presse assez naturellement dans mon histoire, et en plus en faisant écho à une phrase du journaliste « […] explique son réalisateur surpris de voir les nombreux cyclistes passant au village en ce samedi s’arrêter pour une photo.« 

Le passage sur la femme mystère est une réponse à une interaction libre simple de Pâquerette Deschamp qui écrit dans son carnet (que Vincent-personnage ne peut pas lire, mais que Vincent-auteur peut lire comme tous les lecteurs du projet) :
Sur le pallier de mon étage j’ai croisé le monsieur tout triste du début, ni une ni deux je l’ai pris dans mes bras en lui souhaitant tout le bonheur du monde et je suis rentrée dans ma chambre finir ma valise.

J’ai donc récupéré cette scène pour la faire se dérouler devant Sylvie (sans que la femme mystère ne la voit). Sylvie est forcément surprise (d’où son haussement de sourcil). Ma réponse-explication « tu vois, je connais moi aussi quelqu’un dans cette auberge. » est comme je l’indique dans le texte une référence à une scène décrite par un autre auteur et qui concerne directement mon histoire : souvenez-vous, dans le scénario du texte n°5/9, j’écris « Sylvie se lève en silence et quitte la chambre sans un mot. […] Cinq minutes plus tard, Sylvie entre brutalement dans la chambre et prend Vincent dans ses bras. »

Ce qu’il s’est passé pendant ces cinq minutes a été imaginé par un autre auteur du projet (Matteo-auteur) dans ce texte que je vous invite à lire : Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Extrait :

C’est d’ailleurs en sortant de ma chambre avant-hier que j’ai croisé une femme, debout, seule dans le couloir. Elle tournait le dos à la porte de la chambre 5. Je me suis approché.
« Vous allez bien, Madame ?
– Mon mari est vraiment un con.
– Ah. Je ne sais pas ce qu’il a fait, mais si c’est une histoire de coucherie, je peux vous jurer que je n’y suis pour rien. C’est pas moi, promis juré craché. » Elle a eu un petit sourire.
« Non, ce n’est pas ça. C’est un peu plus grave.
– Vous voulez boire quelque chose ? J’ai de l’eau et du café dans ma chambre. »
Elle m’a suivi. Pendant qu’elle buvait un peu d’eau, j’ai continué à lui parler, mais un peu plus sérieusement.
« On m’a dit un jour : “Les hommes… On peut pas vivre avec, mais on peut pas vivre sans.” Je suis jeune, mais j’ai … essayé les deux cas, dernièrement. Je sais que la vie n’est pas tendre avec nous. Je ne sais pas vraiment quoi vous dire de plus. Mais si vous voulez parler, de ça ou d’autre chose, vous pouvez venir me voir.
– Merci. Pas maintenant. Je vais repartir voir mon mari. Plus tard, peut-être. Merci…
– Matteo.
– Enchantée, Matteo. Moi c’est Sylvie.
– Enchanté. »
Elle m’a rendu le verre et elle est repartie vers la chambre 5. Je souhaite qu’elle et son mari s’en sortent mieux qu’Isidore et moi.

Diantre, ma femme Sylvie est allée prendre un verre dans la chambre d’un inconnu dans l’auberge… J’ai donc répondu à cette interaction libre complexe par un combo « femme mystère » / jeune homme inconnu et par une pirouette entre deux amoureux : « tu vois, je connais moi aussi quelqu’un dans cette auberge » et la conclusion qui en découle :

Un jeune homme invite ma femme à boire un verre dans sa chambre (et elle accepte), une femme me prend dans ses bras pour me souhaiter tout le bonheur du monde, tous les ingrédients d’une dispute en temps normal. Oui, mais le temps n’est pas normal pour les amoureux.

Ouf !

La dernière phrase donnera le titre du texte : « Pourtant, sans rien dire à Sylvie, j’ai envoyé les lettres que j’avais écrites aux enfants avant qu’elle ne me rejoigne à l’auberge.« 

Mais pourquoi donc Vincent envoie t-il ces lettres à ses enfants et pourquoi sans en parler à Sylvie ? Encore des cachotteries

Le billet suivant s’appelle « La passion du Roi« .

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