La prépa

Dès le lycée, je savais que l’informatique serait le domaine dans lequel j’allais travailler. Il faut dire aussi qu’à l’époque, je parle de la fin des années 1970, l’informatique commençait à suffisamment se démocratiser pour sortir des entreprises, et tout le monde sentait bien depuis déjà longtemps que le domaine aurait un développement prometteur.

J’avais réussi à suivre la filière scientifique de l’époque (on ne disait pas 1ère ou Terminale « S » en ce temps lointain, mais « C ») et j’envisageais avec ambition l’entrée en Classe Préparatoires Aux Grandes Ecoles, les fameuses CPGE ou « classes prépas ».

Tous mes professeurs de lycée m’en avaient vanté les mérites, et le métier d’ingénieur semblait correspondre à mes aspirations. Et pour devenir ingénieur, une seule voie possible, la voie royale: la prépa.

Première étape: obtenir l’inscription dans la meilleure prépa possible. Renseignements pris auprès des profs de maths, les prépas parisiennes avaient la côte. Henri IV, Louis-le-Grand, Janson-de-Sailly, Saint-Louis étaient les noms donnés comme étant les plus prestigieux. Mais, bien que bon élève dans mon lycée de province, mon dossier de candidature ne fut pas retenu. Je me consolais en intégrant ce qui m’était donné comme la meilleure prépa de l’époque dans le Nord de La France: le lycée Faidherbe de Lille.

J’ai toujours aimé les mathématiques et les sciences physiques.
J’étais abonné à tout ce qui comptait comme revues scientifiques
accessibles au public: Sciences et Avenir, Pour la Science… J’aimais
les énigmes, les casses-têtes mathématiques. J’aimais ressentir le
frisson des grandes questions scientifiques et techniques: conquête de
l’espace, maitrise de l’énergie, bizarreries de la physique quantique,
comportement des objets mathématiques « étranges » comme les attracteurs. L’intelligence artificielle et l’informatique m’attiraient inexorablement…

Deuxième étape:

En septembre 1981, j’entrais comme interne en prépa scientifique, autrement appelée « Math Sup ». Je devenais taupin, sans savoir que j’allais vivre les trois années les plus difficiles de ma vie, ni qu’il me faudrait des années pour m’en remettre.

J’ai suivi le chemin royal.

J’ai accepté le formatage mental.

J’ai accepté la mainmise d’adultes qui ne connaissent rien du métier d’ingénieur que j’avais choisi.

J’ai accepté leurs diktats, leurs enseignements, leurs idées.

J’ai creusé la tombe de ma créativité, de mon innocence.

J’ai accepté leur évaluation des individus, des formations.

J’ai appris quelles écoles étaient « les meilleures », quelles formations étaient « pour les élites ».

J’ai appris à classer les listes d’écoles et de concours par « valeur ».

Un taupin qui réussit, c’est quelqu’un qui apprend beaucoup de choses, vite et bien. C’est quelqu’un qui connait son cours AVANT d’aller en cours. C’est quelqu’un qui est capable de faire des dizaines et des dizaines d’exercices jusque tard dans la nuit pour obtenir la meilleure note au devoir surveillé ou à l’interrogation orale du lendemain. C’est quelqu’un qui met sa jeunesse entre parenthèse pendant deux, voire trois ans, pour se consacrer corps et âme au gavage de son cerveau.

Pendant deux années complètes, chaque jour de la semaine, chaque semaine de l’année, j’ai absorbé des concepts, des outils, des formules, des réflexes qui n’avaient pour seul but de me permettre de préparer le concours d’entrée des grandes écoles. Chaque concours avait sa propre « réputation » auprès des professeurs, et donc auprès des étudiants. Il y avait les grandes « grandes écoles » et les petites. Nous regardions avec condescendance les écoles qui recrutaient sur dossier, les petites écoles inconnues et les écoles peu « cotées ».

Après deux années de travail acharné, j’avais réussi à être pris dans plusieurs écoles d’ingénieurs. Mais mon échelle de valeur, imposée par mes professeurs et par l’esprit sectaire du système prépa, m’imposait de redoubler, de repasser les concours pour obtenir MIEUX, une école plus PRESTIGIEUSE, parce j’en avais la CAPACITE, le POTENTIEL, parce que JE LE VALAIS BIEN.

J’ai donc redoublé, comme un bon tiers de mes camarades, pour avoir mieux, pour aller PLUS HAUT.

Et après cette troisième année de gavage, j’ai réussi à intégrer une école prestigieuse: l’École Nationale de Mécanique de Nantes (ENSM) qui proposait une option informatique qui commençait à avoir une assez bonne réputation. Je tiens à préciser que cette école s’appelle maintenant École Centrale de Nantes (ECN). Cette école a contribué à faire ce que je suis aujourd’hui.

Bien sur, je ne renie pas ces trois années de ma jeunesse, ni les
choix que j’ai pu faire, ni les amitiés que j’ai pu forger dans ces
moments difficiles. Mais je n’ai compris que bien plus tard que j’aurais
pu faire autrement, qu’il existait des voies moins royales mais plus
humaines. La prépa est un système de sélection poussé jusqu’à l’absurde. Qui décide de ce qu’est une bonne prépa, une bonne école? Très souvent des personnes qui n’ont aucune idée de ce qu’est le métier d’ingénieur.

J’ai passé les premières années de ma vie professionnelle à désapprendre les comportements élitistes que le système prépa m’avait inculqués. J’ai découvert d’autres diplômes, d’autres compétences, d’autres formations. J’ai rencontré des personnes très intéressantes, très compétentes, très intelligentes dans mon domaine d’expertise, et qui avaient suivi d’autres voies. Des voies plus efficaces, moins destructrices de l’individu. Et j’ai parfois eu du mal à admettre que je m’étais trompé, que j’avais choisi de souffrir pour rien.

Je travaille aujourd’hui dans une école d’ingénieurs qui propose cinq années d’études directement après le bac, sans classe préparatoire intégrée. Le concours d’entrée est un ensemble d’épreuves basées sur le programme du bac S, avec un effort sur la suppression du biais social.

L’école a pour objectif de former le meilleur ingénieur généraliste possible, en s’appuyant sur toutes les disciplines concernées, et dispose de cinq années pleines pour cela. Une fois entré dans l’école, il n’y a pas de concours interne pour passer en année supérieure. Le travail demandé est raisonnable. L’école est une structure privée de type association 1901. Les frais de scolarité sont importants mais couverts en grande partie par les bourses. Nous n’avons pas la chance d’avoir un mécène pour nous soutenir, mais 30% du budget est amené par les travaux de recherche (R&D appliquée) du personnel et la recherche de subventions de la direction. Mais ce n’est pas l’objet de ce billet.

Quand je vois les compétences acquises par les étudiants que je côtoie, et leurs conditions de travail, je me dis que mes professeurs de terminale m’avaient bien mal renseigné.

Il existe aujourd’hui un nombre important de formations qui permettent à chacun d’arriver à exprimer le meilleur de lui-même sans sacrifier sa jeunesse. Un bon ingénieur n’est pas nécessairement une éponge à Maths, Physique, Chimie.

Un bon ingénieur est avant tout quelqu’un de passionné.

Un bon professeur est quelqu’un qui sait alimenter cette passion.

Une bonne école est une structure qui arrive à rassembler ces deux catégories de personnes et à les respecter.

Enfin, c’est ce que je me plais à croire.

———————————————–

Source image xkcd.

22 réflexions sur « La prépa »

  1. J'ai suivi la même voix plus où moins aussi poussé par le vent. Ca s'est bien passé pour moi malgré une fin de première année difficile.

    Je partage totalement votre vision de la chose. La prépa permet cependant de permettre de trouver ses propres limites. Les personnes un peu faibles, qui ne s'adaptent pas et qui n'arrivent pas à passer cette épreuve, en ressortent très mal. Le système les casse littéralement et cela prend du temps pour s'en remettre.

    L'université, l'apprentissage sont tellement mal vus. Enfin, ils l'étaient il y a 10 ans. Le classement des écoles vérouille ce système car il va influencer la rémunération future dans les grandes entreprises.

    Une personne brillante et passionnée s'en sortira quelquesoit sa formation. C'est ce que je plais à croire.

    • Pas en France malheureusement, quand le diplome obtenu continue à être cite après 30 années de vie active. Sans doute a relier au fait que le réseau des anciens (i.e. cooptation) fait partie du capital acquis lors du passage par une grande école.

  2. Et y'a pas que les ingénieurs qui sont compétents, ca aussi c'est du bourrage de crâne 😉

    • C'est vrai que je parle de ce que je connais le mieux. J'ai appris à apprécier les compétences des personnes, diplômées ou non.

  3. Il y a un point qui m'intrigue et me fait rire.
    Moi aussi j'ai fait un BAC "C", puis une Maths Spé "P'". P c'était pour "Physique", c'était logique… C c'était moins logique (A pour Littéraire, B pour Eco, C pour scientique,..)
    Un jour, quelqu'un d'intelligent a dit "Mais Bac A, B, C, D, ça veut rien dire! on va les appeler "L" pour Littéraire et "S" pour Scientifique". Le même intelligent (ou un autre) a dit "Mais Math Spé M ou P, c'est idiot, on va les appeler A et B…"

  4. Pour l'ensemble des 3ème du collège de ma ville, l'asso de parents vient d'organiser un forum des métiers qui permettait la rencontre entre professionnels et collégiens. Quel parcours du combattant pour organiser cela et je confirme que les administratifs du collège sont en général très loin de la réalité des métiers. Comment peuvent-ils aider les élèves dans leur orientation dans ce contexte ?

  5. «La prépa permet cependant de permettre de trouver ses propres limites.»

    Je suis d'accord avec toi, mais il y a d'autres façons d'arriver à trouver ces limites. Il n'y a pas besoin de "sacrifier" 2 ou 3 ans de sa jeunesse, ni de bourrer dans le crane "il faut que TU soit le meilleur".

    J'ai fait une prépa intégré à plusieurs écoles, ce qui ne m'a pas fermer trop de porte. Dans cette prépa on nous prépare à être ingénieur, et non "passeur de concours". Cela fait une grosse différence : le métier d'ingénieur est-il un métier individuel ? est-il un métier de bachotage, ou de créativité ? Faut-il savoir réciter par cœur sa leçon, ou savoir faire un discours clair et concis ?

  6. Perso je suis passé par ces écoles à prépa intégrée.

    À noter qu'il y en a là aussi de deux types : Celles qui n'ont pas de prépa mais un cycle de 5 ans, et celles qui ont des prépa intégrées avec programme officiel et professeurs de l'éducation nationale, mais qui intègrent ce cursus dans les infrastructures de l'école et évitent le besoin du concours en sortie de cursus prépa.

    Donc moi j'ai fait une prépa intégrée (le second type). Pas tellement pour "avoir une vie", j'aurai été prêt à renoncer à beaucoup de choses vu la quasi absence de ma vie sociale à cette époque, mais parce que tenter de passer "devant les autres", éventuellement en faisant ces croche-pieds à mes camarades de promo, ne faisait pas partie de mes principes. Je ne sais pas si c'est le cas partout, mais dans les bonnes prépa vers chez moi, ça pouvait aller jusqu'à piquer les cours du collègue ou lui donner de fausses informations pour gagner une place au concours. J'ai toujours beaucoup plus cru au collectif.

    C'était en 97, donc bien après la fin des années 70, mais je peux vous dire que les mentalités ont peu changé :

    Avant d'y aller j'ai eu de mes profs de lycées et de quelques camarades un "il va se payer le diplôme", sous-entendu que ces écoles n'étaient pas des vraies qui prenaient sur concours, et donc qu'il suffisait de payer pour avoir un diplôme.

    À partir de mon entrée et jusqu'à récemment, j'ai eu beaucoup de dédain de la part de ceux qui ont fait le cursus classique, un peu comme si j'étais un sous-produit du statut ingénieur. Pas que l'école choisie soit mal classée ou mal considérée, au contraire, mais simplement parce qu'elle était en cycle intégré.

    Côté RH ça se passait plutôt bien, justement de par la réputation de l'école, créée dans les années 50 et meilleure que bien d'autres qui étaient sur concours, mais je me suis quand même fait dire plusieurs fois dans mes premières années qu'il y avait une grille de salaire pour les Grandes Écoles (avec majuscule s'il vous plait) et une autre pour le tout venant. Mon école étant sans prépa, il était illusoire que j'espère être aussi bien payé quelle que soit ma valeur propre.

    Ca disparait pas mal maintenant que je navigue dans les milieux entrepreneurs et que tout le monde se fout de mon diplôme dans mon CV, mais même si tout le monde s'accorde à dire du bien de quelques écoles en cycle intégré ou sans prépa, il y a quand même un arrière-gout qui traine chez tout le monde.

  7. Je ne suis pas tout à fait d'accord.

    J'ai aussi fait une prépa puis une école d'ingénieur, mais beaucoup plus récemment. Je n'ai pas du tout ressenti ça (peut être que c'est parce que je l'ai faite au lycée Henri Wallon à Valenciennes la meilleure prépa du Nord 😉 ).

    La prépa a sans doute changé entre temps (j'ai eu mon bac en 2005, je suis un gamin), mais je ne retrouve pas mon expérience dans ce témoignage

    Le discours était quand même plus souvent de dire que l'important est d'avoir une école, que de dire qu'il fallait avoir telle ou telle école, en dehors de quelques remarques de quelques profs, qui étaient dites à moitié sur le ton de la rigolade, mais avec une arrière pensée certaine. Mais il suffit de ne pas y faire attention.

    Au final, j'ai fait ma prépa relativement tranquillement, en fournissant une bonne dose de travail, mais en me ménageant des temps pour continuer (plus légèrement) mes activités d'avant. J'ai eu une école, pas très "côtée" au niveau prépa (beaucoup plus au niveau des entreprise), mais dont j'avais quand même entendu du bien par mes profs.

    Et je ne regrette pas d'avoir apris à travailler, d'avoir appris quelques notions de maths/physique relativement complexes. Faire une prépa ce n'est pas indipensable pour faire un bon ingénieur, mais c'est quand même une expérience intéressante.

    Au final, la prépa je la conseille surtout si on ne sait pas encore quelle école on souhaite intégrer. Moi je voulais faire de l'informatique, mais je n'avais pas vu d'école d'ingénieur avec prépa intégrée qui me plaisait suffisamment. J'ai fait une prépa, je suis "tombé" dans une école que je ne visais pas du tout en commençant la prépa, et qui m'a finalement beaucoup plu…

    • Rien à rajouter à ce commentaire qui retranscrit totalement ce que j'ai ressenti en classe prépa.

      Je n'ai jamais été témoins de "vols de cours" ou autres méchancetés (au contraire l'ambiance était plus à l'entraide et à la sincère amitié).

    • J'ai pour ma part vécu une indélicatesse d'un de mes "camarades" d'internat, en pleine période de concours: une coupure de l'électricité de l'étage, pendant quelques secondes, pour éteindre tous les réveils électroniques. C'est ma pile de secours qui m'a sauvé et qui m'a permis d'éviter d'arriver en retard à l'épreuve du lendemain…

    • J'avoue que le coup des reveils, c'est assez roublard ! Peut-être ai-je eu de la chance, ou bien je n'étais pas dans une prépa assez "cotée" pour observer de tels comportements :).

  8. Juste pour comparaison avec un autre pays, ma petite histoire personnelle. J'ai découvert le système français assez tard, car je suis rentré en deuxième année d'une école "du groupe A+", où j'ai fait la deuxième et troisième (donc les deux dernières), dans le cadre d'un programme d'échange européen. Avant cela, j'ai fait trois années (et une ensuite) en Belgique où les études d'ingénieur les plus "prestigieuses" (j'insiste sur les guillemets) se font à l'université.

    Donc en arrivant en France, j'ai observé un système assez étonnant, où une partie des responsables (profs, encadrement) pensaient vraiment, et essayait de persuader les élèves qu' "ils sont l'élite" (ou le seront plus tard) et qu'ils sont mieux que les autres. Une partie des élèves sont persuadés de ça en arrivant. Je n'ai pas l'impression que ce soit une bonne façon de former des gens. C'est vrai que ceux qui sont là sont plutôt doués en sciences ou en math, mais tout de même, c'était plutôt étrange.

    En Belgique, c'est différent. Pour rentrer dans les études d'ingénieur, il y a un examen d'entrée en mathématique. Mais ce n'est pas un concours, il faut faire une moyenne de 12 sur les différents sujets (à moins que ce soit 12 dans chaque sujet, je ne sais plus), à la sortie de l'école secondaire (~ après le bac, qui n'existe pas en Belgique) Ensuite c'est 5 années d'études (découpées maintenant en deux, un cycle de trois ans puis un de deux ans, c'était deux ans puis trois ans à mon époque…) et les premières années ont pas mal de math, mais a priori moins en proportion que ce qu'on trouve en prépa en France (on a droit à des maths, mais aussi pas mal de physique, et de la chimie, de la résistance des matériaux, de l'algorithmie, … tout ça dans le tronc commun)

    En revenant sur la France (mes pensées sont assez décousues, désolé), il y a aussi une petite aberration, c'est qu'en étant rentré dans une "prestigieuse" école après la prépa, il devient très difficile de ne pas en sortir diplômé (c'était assez simple, je ne dis pas qu'on n'apprenait rien, les cours étaient vraiment intéressants, mais les évaluations étaient difficiles à rater.) Et une fois diplômé, ce diplôme donne "droit" ou presque, à un meilleur salaire qu'un ingénieur sortant d'une autre école moins cotée. Et dans mon expérience professionnelle en France (ou ailleurs, mais là où je suis maintenant le diplôme est moins important à l'embauche) ce n'est pas nécessairement les "mieux diplômés" qui sont les plus brillant (ça semble une évidence dit comme cela, mais ça n'a pas l'air d'être évident à tout le monde)

  9. Bonjour Zythom,

    J'ai un parcours assez semblable. J'ai aussi fait une prépa et intégré une école d'Ingénieur "Généraliste" que vous connaissez bien (ECN). Je n'ai pas le même ressenti de la prépa. J'en ai un plutôt bon souvenir puisqu'il y avait une très bonne ambiance (aucun coup bas, bien au contraire). Il y avait une compétition saine, comme pour des sportifs. Ces années de prépa m'ont apportée une capacité de concentration que je n'aurai pas pu acquérir sans je pense.
    Pour ce qui est du classement des écoles, l'idée est à mon avis simple, il faut choisir une école, les différences du point de vue du taupin sont rares, autant prendre celle qui pourra t'offrir un meilleur salaire et une meilleure reconnaissance dans l'entreprise. C'est con mais c'est comme ça. De plus, les écoles du haut du classement ne sont pas là pour former que des ingénieurs, elles forment des dirigeants…

    Ce sur quoi je rejoins votre discours, c'est l’orientation en France. Pour moi et beaucoup d'autre personnes, elle a été simple:
    – Tu es bon en Math au collège –> Fait un bac S
    – Tu es bon en Math en terminal –> Prépa ou Médecine ?
    – Tu as choisi Prépa, voila le classement des école: prends la première que tu auras…

    A aucun moment, on ne te pose la question de ce que tu veux faire…

  10. j'ai deux enfants qui ont fait des études d'ingénieurs.
    Leur expérience me confirme qu'il n'y a pas que "la voie royale" comme on nous disait déjà dans les années 60/70.
    L'ainé a fait trois années de prépa en Picardie. C'est vrai qu'il a du s'accrocher, n'avait plus aucune vie sociale – il s'en est sortie en se redonnant du temps à se consacrer à lui-même (par exemple pratiquer à nouveau le sport qu'il avait complètement abandonné)
    Il a complètement trouvé sa voie dans l'électronique dans une école de Grenoble.

    La seconde est passée par ……un IUT dans le Nord – où LÀ AUSSI il y a un enseignement de qualité- avant de faire un IUP (formule en voie d'extinction je crois) à Toulouse, pour finalement elle aussi finaliser son projet de formation en obtenant son diplôme d'ingénieur en biologie à Marseille.

    Malgré leur parcours totalement différent je pense qu'il ne regrette leur choix ni l'un ni l'autre et se qu'ils se réalisent tout autant dans leur activité professionnelle.

  11. Le moins que l'on puisse dire est que le sujet ne laisse personne indiférent.

    Juste un petit retour de mon expérience personnelle. A l'issue d'un Bac C, j'ai intégré la prépa de ma préfecture. Le moins que l'on puisse dire est que je n'étais pas fait pour ce système, lycéen glandeur ayant vécu sur mes facilités sans jamais ouvrir un cours, j'ai été surpris.

    Après une Math Sup cahotique, j'ai fini par passer en Spé M… avec le recul il aurait mieux valu que ça ne se produise pas. Résultat final (je passe sur les problèmes de santé déclenchés par le rythme de la prépa et le stress des concours), 5/2 puis une petite école d'informatique (une seule), appelé 4 jours avant la rentrée après un été à suivre l'avancée de liste d'attente sur Minitel (c'était il y a plus de 25 ans).

    23 ans après, une formation que je n'ai pas choisie dans une filière qui ne me tentait pas plus que ça (l'informatique alors que je révais de Génie Civil), une carrière à l'image de mon envie de faire ce boulot et de mon dégout pour toute forme de compétition ou de carrièrisme (un des seuls aquits bénéfiques de cette période), un boulot alimentaire qu'il me faudra supporter encore au moins 18 ans avant d'avoir le droit de diviser mes revenus par 3 pour toucher une pension incomplète…

    Tout ça pour n'avoir pas osé à 18 ans envoyer c*er mes parents et un système qui n'était pas fait pour moi et assumé mes choix et mes envies. Je répète souvent que ma plus grande malchance est d'avoir été doué pour les études, je le pense sincèrement.

    Cette erreur de l'ambition par procuration sur la génération suivante, j'ai bien fait attention de ne pas la reproduire mes enfants ont suivi des cursus totalement différents du mien, ils finiront tout les deux avec un BTS (ou mieux pour la dernière qui vivra verrra) mais après avoir tous les deux suivi des voies "particulières", apprentissage dès la fin de 3ème (CAP, BP puis BEP/BAC PRO dans dans une autre filière puis BTS pour le grand, CAP puis BAC PRO puis fille au pair à l'étranger puis boulot puis reprise des études pour la seconde). Ils ont au moins un avantage sur moi, ils aiment ce qu'ils font… comme quoi la voie royale.

  12. Bonjour,

    Je n'ai pas du tout la même expérience que vous, et surtout la phrase suivante m'a fait bondir : "[Un taupin qui réussit] c'est quelqu'un qui connait son cours AVANT d'aller en cours.". A aucun moment de ma prépa on a exigé cela de moi !

    J'ai fait moi aussi un bac C, puis deux années de prépa (Sup et Spé P') dans deux prépas parisiennes très bien côtées (Condorcet et Pasteur). Ce fut certes deux années très difficiles. Certes certaines parties des programmes étaient un peu du gavage idiot (je pense notamment à la chimie qui semblait être enseignée pour en dégouter le maximum d'élèves !). Mais j'y ai rencontré des professeurs très compétents et motivés, et qui, pour la plupart, cherchaient à atténuer la pression que nous avions. Je n'ai jamais connu un seul épisode de sabotage entre élèves, c'était plutôt l'entraide qui prévalait (nous étions conscients que le jour du concours nous ne serions bien évidemment pas en compétition directe mais au milieu de milliers d'autres candidats). J'y ai beaucoup appris, tant sur le plan scientifique que personnel. Je regrette même un peu de ne pas avoir fait "5/2" pour pouvoir approfondir certaines parties du programme que j'avais, il faut l'avouer, survolées un peu. Enfin j'ai pu bien évidemment y nouer de fortes amitiés.

    Bref, ce fut effectivement deux années très intenses et difficiles dont je fut très content de pouvoir sortir, mais je ne reconnais pas du tout mon expérience (ni celle des mes très nombreux collègues qui sont passés par un cursus similaire) dans certaines choses que vous décrivez.

    Bonne continuation, je vous lis toujours avec intérêt,
    Xavier

  13. J'ai aussi été à Faidherbe récemment, je l'ai plutôt bien vécu en ne travaillant pas beaucoup (je regardais presque un film par jour), mais ce n'était pas le cas général. Je n'ai vraiment pas beaucoup ressenti ce "bourrage de crâne" dont tout le monde parle tant, à la limite sur de la technique pure -mais j'apprenais peu mon cours-, mais pas dans le sens où ont dit que les gens en sortent "formatés".
    Ce système de sélection sur de la technique en maths/physique n'est pas adapté je pense au métier d'ingénieur (même si je ne suis pas dans un école d'ingénieur, ça semble évident).

    Ce que je trouve intéressant c'est que beaucoup des gens qui y sont passés (je peux le dire surtout pour l'ENS Ulm, donc des gens qui ont bien réussi) défendent beaucoup ce modèle (Stockholm ?).
    Boah, ça m'a pas empêché de faire de l'info théorique en ce moment non plus 🙂

  14. Bonjour,
    La prépa ca peut etre l'enfer ou ca peut etre super sympa ca dépend de ce qu'on y amène et de ce qu'on prend.
    Personnellement ca fait partie des meilleures années de ma vie (avec l'école d'ingé).
    Après m'etre fait refuser à Faidherbe (et d'une autre prépa à Strasbourg) j'ai été pris dans mon 3ème choix Clemenceau à Reims (pas Nantes 😉 )
    Les profs étaient très bons (tous les ans 1 ou 2 X et/ou normalien) mais pas castrateur. On a réussi à créer un groupe qui s'entraidait et se tirait vers le haut je pense.
    L'ambiance était tellement bonne, qu'on faisait des parties de belotes et tarot dont certaines avec les profs.

    Pour les concours, j'ai personnellement bachoté, en relisant tous les cours et refaisant tous les exos… Ca m'a appris de la théorie mais rien en terme d'analyse ou de manière de travailler….
    Depuis je ne me sers de rien de ce que j'ai appris que ce soit en prépa ou en école d'ingé (j'ai aussi fait l'ECN option info)
    L'école devrait nous permettre d'améliorer nos capacités d'analyse, de recherche et pas simplement nous marteler des connaissances que google sait cracher….

  15. JE plussoie complètement à cet article.
    C'est bien pour cela que j'ai refusé par deux fois de rentrer en prépa (puisque j'ai passé et réussit deux bacs).
    A l'époque (dans les années 90) une seule solution s'était offerte à moi: m'exiler du système français que tout le monde (soit disant) nous enviait.
    JE ne regrette pas une seconde d'avoir suivi une voie ALTERNATIVE, qui me correspondait bien mieux!
    Surtout que je la suit toujours.
    Soyez brave, OSEZ !

  16. Le problème du conseil des prépas pour les bons élèves, il provient aussi des faiblesses de l'autre grosse alternative en face:

    Un strapontin dans un amphi de FAC chroniquement à 2 fois sa capacité pendant 2 ans en attendant que le filtre du DEUG, qui a remplacé la BAC dans ce rôle (faute à la volonté purement politique que 80% d'unc classe d'êge l'obtienne), fasse le tri…

    Cette situation n'est pas forcément très tentante et a pu aussi casser bien des motivations d'élèves pourtant très capables.

    La prépa était à mon époque déjà un choix évitable (même si je l'ai pas évité, en prime dans un internat vraiment pourri qui ajoutait à la difficulté… pourtant c'était alors un bastion communiste du nord de la france, Amiens! Cela apprends à relativiser leurs discours "tout pour l'éducation": Mon père qui avait été chez les frères dans les années 50 en avait été choqué), via des passerelles d'autres formations… ou des écoles à prépa intégrée publiques comme les INSA.

    Ce que je regrette, moi, c'est d'avoir été faire ingénieur dans un pays en voie avancée de désindustrialisation.

    L'industrie, de la R&D à la production, c'est quand même le gros du débouché… et il se bouche inexorablement un peu plus chaque année. Sans parler du corollaire des niveaux de salaire versus années d'études, en si nette dégradation depuis 10 ans qu'on se prends parfois à envier son plombier malgré les inconvénients de son métier: Au moins, après une bonne douche, lui sait pourquoi il a bossé.

  17. Bonjour,

    Je reviens avec plaisir à la lecture de ce blog que j'avais déserté depuis quelques temps.
    Je n'ai pas connu les classes prépa, contrairement à l'un de mes cousins. Je m'étais inscrit en médecine. L'inscription était ouverte à tous : pas de dossier, pas de prépa. Mais la 1ère année est (ou était) une prépa à l'issue de laquelle un concours déterminait ceux admis à apprendre à devenir médecins. Car la 1ère année n'était pas une année de formation mais bien une année de sélection, et basée (à l'époque) exclusivement sur des connaissances scientifiques (maths, physique, chimie et biologie). Issu d'une famille comptant de nombreux médecins, pour certains éminents, ce n'est que durant ma 2ème 1ère année que je me suis demandé quelle était la réalité du métier de médecin… et si je pouvais être un bon médecin. Je suis devenu juriste 🙂 (l'autre profession largement représentée dans ma famille).
    Aujourd'hui, le contenu de la 1ère année et de la formation des médecins à partir de la 2ème année a évolué : les médecins sont confrontés à des problèmes éthiques, philosophiques, religieux, économiques, ce sont aussi des gestionnaires, voire des chefs d'entreprise… pas juste des scientifiques.
    En fac de droit, à l'exception d'un prof en 3ème année, il m'a fallu attendre d'arriver en DESS (master 2 aujourd'hui) pour avoir des profs qui forment des juristes, pas seulement qui enseignent le droit…
    Bien en amont, je suis aujourd'hui très critique à l'égard des conseillers d'orientation des lycées, qui sont des fonctionnaires administratifs théoriciens totalement ignorants des réalités pratiques.
    Mes enfants sont encore trop jeunes, mais je les pousserai à faire des jobs d'été, des stages, à aller à la rencontre des professions qui leurs semblent intéressantes… et à aller étudier au moins en partie dans un autre pays.

Les commentaires sont fermés.