J’ai écrit sur ce blog deux billets consacrés à une période de ma vie où j’espérais beaucoup faire progresser la science dans le domaine de l’intelligence artificielle. Le premier, intitulé « Intelligence artificielle« , et le second, intitulé « Minimisation« , portaient en eux une certaine nostalgie de cette époque.
Aujourd’hui, je partage mon existence entre ma famille, mon travail comme responsable informatique et technique dans une école privée d’ingénieurs, mon activité de conseiller municipal dans une ville de 5000 habitants (c’est d’ailleurs bientôt les élections !), mon activité d’expert judiciaire en informatique, et des loisirs comme l’aviron, la lecture de SF, le suivi de l’exploration spatiale, la tenue de ce blog ou la lecture de mon fil Twitter.
J’aime beaucoup cette existence et je me considère comme un homme heureux, très heureux même. Bien sûr, j’ai quelques petits coups de blues comme tout le monde, et il m’arrive de me demander ce que je serais devenu si j’avais fait tel ou tel choix différemment.
Parmi les milliers de choix que j’ai pu faire dans mon existence (je ne crois pas au destin), l’un m’a particulièrement marqué: j’ai quitté un poste de Maître de conférences à Paris où je menais des recherches passionnantes. J’ai fait ce choix pour des raisons parfaitement justifiées, et si c’était à refaire aujourd’hui, je ferai le même choix sans hésiter. L’Amour emporte tout sur son passage… et je ne me voyais pas fonder une famille en région parisienne.
Cela ne m’empêche pas, à quelques mois de mes 50 ans, tout en profitant pleinement de la vie et du temps d’apprentissage que j’espère encore long devant moi, de regarder un peu derrière moi et faire un petit bilan.
Et tout à coup, je me suis dit: et si je reprenais mes recherches sur les réseaux de neurones, en douce, en solo, sur mon temps libre, par petits bouts… Est-ce une tâche possible et surmontable? Saurai-je trouver l’énergie et le temps nécessaires? Je ne sais pas. Mais qui peut répondre à l’avance à ce genre de question?
Il me faut reprendre le fil de mes travaux, arrêtés en 1993. Pour cela, je peux relire mes articles de l’époque, retravailler ma thèse de doctorat pour me rafraîchir la mémoire. Il me faut re-développer de zéro tous les outils logiciels qui me servaient à l’époque pour faire mes simulations. Ce serait l’occasion pour moi d’apprendre un nouveau langage de programmation (Prolog, OCCAM et C ont le charme désuet des langages d’antan) et d’exploiter les possibilités des mémoires et calculs des machines d’aujourd’hui. Il me faut ré-apprendre tous les outils mathématiques dont je vais avoir besoin et que le temps a effacé de ma mémoire: dérivées partielles, distances, représentation d’états, fonctions de Lyapunov… Aurai-je la patience de tout ré-apprendre? Il me faut ré-accepter de me prendre les pieds dans le tapis, d’explorer des voies sans issues, de passer pour un imbécile aux yeux de ceux qui les ont déjà explorées, de faire des bourdes de débutant, de redevenir un débutant…
Je pourrais tenir une chronique de cette activité sur ce blog, qui mélange déjà toutes mes autres activités. Cela m’obligerait à avoir les idées suffisamment claires pour pouvoir les exposer pédagogiquement, même si mon billet sur la minimisation n’a pas brillé sur ce point. Cela m’obligera aussi à afficher plus d’humilité. Cela donnera de l’eau au moulin de mes (dé)tracteurs.
Je me demande toutefois si je ne suis pas en train de courir après une chimère.
Je me demande si ce n’est pas un désir vain de vieux quadra…
On verra bien.
Je tente le coup.
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Image: Charlie Chaplin et Albert Einstein, lors d’une projection privée du film « Les Lumières de la Ville » (1931).
Mon avis : allez-y sans hésiter, vous verrez bien sur le chemin ce qui passera. Quant à vos travaux sur l'IA, plus spécifiquement, je me demande si ceux de Jorion vous intéresseraient (en complément, pistes, etc.) – il les évoque sur son blog.
Par rapport à 1993, on peut communiquer bcp plus facilement, plus besoin d'être sur place. A une autre échelle (master), J'ai repris des études (informatiques) après 14 ans d'arret, ca revient vite. Sinon on peut dire des trucs très intelligents et des trucs très bêtes. Ca dépend de l'amplitude de son niveau d'intelligence :), de sa concentration et du niveau d'alcool.
Je trouve perso que les réseaux de neurones, aujourd'hui, il y a mieux! Pour le peu d'apprentissage que j'ai fait dans la vraie vie, les réseaux de neurones c'était toujours en deçà de soit les arbres de décision, soit les SVM…
Ceci dit, c'est toujours intéressant de remettre les mains dans le passé et de voir à quel point on aurait fait les choses bien mieux aujourd'hui!
Bonjour,
Pourquoi le faire seul ? Est-ce une approche timide que vous tentez de mesurer par ce billet ?
Pourquoi ne pas travailler avec un étudiant ? Je ne sais pas les possibilités dans ce domaine mais peut être est-il possible pour vous d’être le tuteur d'un étudiant en thèse. Avec toute votre expérience vous saurez lui apporter de la méthodologie, et lui en retour il vous remettra sur les rails 🙂
Ça sent la crise de la cinquantaine…
Allez-y, quoi qu'il arrive ça aura moins de conséquences que le démon de midi 😉
Au cas où vous ne le connaîtriez pas, permettez-moi de vous recommander «Apprentissage artificiel — Concepts et algorithmes» d'Antoine Cornuéjols. C'est une lecture agréable, et ça vous permettra de voir rapidement ce qui s'est fait de nouveau depuis les vingt dernières années.
"(Prolog, OCCAM et C ont le charme désuet des langages d'antan)"
—> https://stackoverflow.com/questions/2684364/why-arent-programs-written-in-assembly-more-often/2685541#2685541
Si tu te remet à pondre du code, tu le mettras à disposition quelque part ?
Occam, j'ai eu la chance d'y jouer sur des transputers, et c'est un bon souvenir. Désuet peut-être, mais vraiment bon.
Et puis il y a de petits concours qui peuvent motiver https://www.developpez.com/actu/51891/Concours-developpez-un-moteur-de-Poker-faites-jouer-votre-programme-et-participez-au-tournoi-d-algorithmes-Tournoyons/
Très bonne idée, l'IA (et plus généralement l'interface homme/machine) est une voie passionnante. Vous serez vite à jour je n'en doute pas.
Sur les différentes possibilités de parcours qu'un homme pourrait avoir, les ordinateurs susceptibles de simuler la pensée humaine, et comme vous dites être porté sur la SF, permettez-moi de vous conseiller "Brazil" de Ian McDonald (si vous ne le connaissez pas). Un enchantement. Je vais en profiter pour le résumer ce week-end à votre attention 😉
Moins cher qu'une porsche, et sans doute plus utile.
Pour moi, il n'est jamais trop tard pour apprendre.
De plus, l'IA et la robotique sont deux domaines où il vaut mieux avoir une petite idée superbe que de grandes connaissances 🙂
Bonne gymnastique en prévention d'Alzheimer de toutes façons.
J'ai lu votre papier (heu, page électronique) Minimisation et les pages Wikipedia y afférentes et une question m'est passée par la tête :
Pourquoi les réseaux de neurones plutôt que la logique floue qui a déjà des tas d'applications concrètes ?
Bon je suis peut être hors sujet…