Plasticité synaptique

Travailler dans le domaine informatique demande un effort particulier d’apprentissage permanent. Les technologies évoluent vite, ce que vous teniez pour acquis une année devient obsolète l’année suivante, etc.

C’est particulièrement flagrant quand je retravaille mon cours d’introduction à l’informatique, notamment la partie où j’insiste lourdement sur les ordres de grandeur, comme par exemple les caractéristiques d’un PC d’aujourd’hui.

Les méthodes informatiques évoluent, les langages informatiques « nouvelle génération » poussent les anciens, pourtant toujours en activité (et souvent pour longtemps).

Celui qui travaille dans ce domaine, qu’il soit développeur, journaliste, chercheur ou expert, DOIT être une personne capable de faire évoluer ses connaissances et ses gouts.

Mais cette souplesse doit pouvoir être mise à profit dans tous les domaines et parfois avec un effort que je ne soupçonnais pas.

S’il m’est facile d’écouter de la musique avec mes enfants, d’en apprécier la découverte et de voir mes gouts continuer à s’élargir malgré mon statut de « vieux » auprès des moins de 20 ans, il m’est plus difficile d’évoluer dans le domaine de l’orthographe.

Et pourtant, avec ce blog, j’ai pris la décision depuis plusieurs mois, d’essayer d’appliquer la réforme orthographique de 1990. Celle-ci fait référence dans l’Éducation Nationale depuis l’été 2008: sources

ICI page 37 dans la marge « L’orthographe révisée est la référence. » et

LA page 2 « Pour l’enseignement de la langue française, le professeur tient compte des rectifications de l’orthographe proposées par le Rapport du Conseil supérieur de la langue française, approuvées par l’Académie française« .

Et c’est difficile.

Autant j’ai réussi à me débarrasser des accents circonflexes qui ont disparu d’à peu près tous les « i » et les « u »:

on écrit désormais mu (comme déjà su, tu, vu, lu), plait (comme déjà tait, fait), piqure, surpiqure (comme déjà morsure) traine, traitre, et leurs dérivés (comme déjà gaine, haine, faine), et ambigument, assidument, congrument, continument, crument, dument, goulument, incongrument, indument, nument (comme déjà absolument, éperdument, ingénument, résolument).

« Cher Maître » devient donc « Cher Maitre »…

Autant également, je ne m’en sors pas trop mal avec les singuliers et les pluriels des mots empruntés (ils ont un singulier et un pluriel maintenant réguliers): un scénario, des scénarios; un jazzman, des jazzmans; un maximum, des maximums; un média, des médias, etc. On choisit comme forme du singulier la forme la plus fréquente, même s’il s’agit d’un pluriel dans l’autre langue. (Exception cependant, comme il est normal en français, les mots terminés par s, x et z restent invariables (exemples: un boss, des boss; un kibboutz, des kibboutz; un box, des box).

Mais j’ai plus de mal avec les traits d’union dans les nombres. On doit en effet écrire maintenant « elle a vingt-quatre ans, cet ouvrage date de l’année quatre-vingt-neuf, elle a cent-deux ans, cette maison a deux-cents ans, il lit les pages cent-trente-deux et deux-cent-soixante-et-onze, l’état lui doit sept-cent-mille-trois-cent-vingt-et-un euros. »

Et j’ai beaucoup de mal avec le participe passé du verbe « laisser » suivi d’un infinitif qui est rendu invariable: on doit écrire maintenant « elle s’est laissé mourir; elle s’est laissé séduire; je les ai laissé partir; la maison qu’elle a laissé saccager. »

Mais s’il y a un truc sur lequel je ne cèderai pas, c’est (sur ce blog) sur l’absence d’espace devant les signes « : » « ; » « ! » et « ? ». Je ne supporte pas que la mise en page automatique du navigateur poussent ces caractères à l’orphelinat en début de ligne. Et ne me parlez pas du caractère « espace insécable », l’éditeur de ce blog l’élimine lors d’une réédition de billet.

Et puis, considérez cela comme ma signature personnelle (dixit un expert judiciaire dans un débat sur mon identité réelle^^).

Alors, lorsque vous trouvez une faute sur ce blog, il s’agit soit d’une modification de la réforme de 1990 que vous ne connaissez pas, soit d’une faute de frappe, soit d’une faute volontaire, soit d’un manque de plasticité synaptique de ma part.

Maintenant, je peux aussi militer pour le retour à l’écriture d’avant la réforme de 1885 1835:

Ma foi, je connois le françois & les savans, les dents de mes parens, &c.

Non mais.

15 réflexions sur « Plasticité synaptique »

  1. C’est marrant des fois de se balader et au carrefour d’un site web ce rendre compte que les accents avaient été retirés des lettres majuscules à cause des machines à écrire qui étaient incapables de les faire (manque de touche évident :x).
    Mais cela n’a jamais été une règle. Ça me rappelle du coup l’histoire du billet de 50 francs SAINT-EXUPÉRY 😡
    Enfin pas évident de suivre les réformes lorsque l’on n’est plus à l’école…
    En tant cas bon courage pour la gymnastique intellectuelle 😉

  2. Sous Dotclear, on n’a pas de problème d’espace insécable, il les ajoute tout seul comme un grand. C’est un des avantages d’avoir un blog turbinant au logiciel libre français. Non mais 🙂

    Blague à part, autant je conçois que la langue française soit hardue et que ses subtilités orthographiques et grammaticales déroutent, autant j’ai parfois du mal à comprendre la logique qu’il y a derrière certains changements, comme le participe passé du verbe laisser que vous mentionnez. Le verbe « faire » est-il logé à la même enseigne ? Écrit-on « l’orthographe s’est faite réformer », à l’ancienne, ou « elle s’est fait réformer », façon nouvelle mode ?

    Je m’interroge…

  3. C’est depuis la réforme de 1990 que « réforme de l’orthographe de 1835 » s’écrit « réforme de l’orthographe de 1885 » ou bien ?

  4. UN INFIRMIER TUE : tue ou tué ?
    Bref, je rejoins Dnucna sur ce point.

    Sur la suppression des accents circonflexe je suis plus réservé… Même si ce dernier marque principalement la disparition d'une lettre (maistre -> maître), la présence d'un circonflexe ne suivait pratiquement aucune règle et nécessitait de connaitre une longue liste de mots et d'exceptions. Cependant, je ne peux me résoudre à y renoncer pour des mots comme maître, coût, etc. D'ailleurs l'académie française prend bien le soin de préciser que si ne pas en mettre n'est plus une faute, nul n'est tenu d'y renoncer.

    La réforme de 1990 est très peu suivie en règle générale.

  5. @sid, il y a aussi un autre excellent CMS Français qui se nomme SPIP.

    Sinon, j’ai un peu l’impression que l’on brade « notre » langue, plutôt que d’inciter les gens à mieux la connaitre et l’appréhender.

    Et puis 2 billes. Antidote RX (payant) est un excellent correcteur informatique pour la langue de Molière. Et aussi comme je tape avec un claiver Australie, j’utilise abcTajpu pour les lettres accentuées.

  6. @sid : la forme correcte a toujours été : « l’orthographe s’est fait réformer », « elle s’est fait couper les cheveux », etc.

  7. @Caroline: au temps pour moi alors. Un pointeur sur la règle applicable ?

    @BobCaTT: dans mon métier qu’est la sécurité informatique, associer SPIP et excellent dans la même phrase, ça tient au minimum de l’oxymore 🙂

  8. @Dnucna: Je ne savais même pas pourquoi les majuscules ne prenaient pas d’accent… Un pointeur sur cette histoire?

    @Sid: Concernant Dotclear, je suis certain que vous avez raison, mais j’ai fait le choix de la fainéantise en ouvrant le blog chez Google (mais sans les avantages des paramétrages)

    @Eolas: Je corrige de suite. Autant pour moi:)

    @JME: La réforme de 1990 est très peu suivie car elle n’était pas enseignée. Mais maintenant qu’elle l’est, vous allez devenir un mammouth de l’orthographe…

    @BobCaTT: Quand on voit comment a été conduite la réforme de 1990, je ne pense pas que l’on puisse parler de braderie. Cette réforme a une assez belle logique qui devrait plaire aux informaticiens…

    @Tous: Désolé pour les réponses tardives, mais la publication des derniers billets était programmée, car j’ai pris quelques jours de vacances.

  9. Étant plutôt fâché avec les accents, la réforme ne me dérange pas outre mesure… Sauf que les correcteurs orthographiques continue a remettre les circonflexes ou on les avait oubliés…

  10. J’éprouve toujours un plaisir certain à lire des ouvrages et textes rédigés en français non rectifié, mais il est certain que cette réforme de l’orthographe devra être intégrée progressivement à ma manière de lire… la moindre faute d’orthographe relevée dans un texte me procurant une gêne, il va falloir que je m’instruise sur ces quelques modifications, louables en-soi.

    Egalement utilisateur du très bon logiciel Antidote depuis quelques années, je mentionne que celui-ci est en mesure de gérer les deux formes de l’orthographe traditionnelle ou rectifiée, ce qui est un plus. Bien entendu je n’ai pas encore souhaité activer la prise en compte de cette dernière option, qui pour le moment m’astreint à une certaine gymnastique.

    Si cette réforme a pour objet la simplifcation de l’apprentissage de notre langue, il s’agit d’une intiative louable, au vu de la difficulté pour les étrangers (et les enfants, notamment) d’assimiler notre langue. Sur les bancs de l’école j’ai appris l’espagnol, outre l’anglais et le français que je pense maîtriser ; et maintenant j’apprends l’allemand… je confirme : le français est de loin le plus difficile et le moins logique.

    Une dernière réflexion sur le sujet, s’agissant des lettres majuscules accentuées. Depuis que je réside en Suisse j’éprouve une satisfaction sans précédent car mes ordinateurs sont munis de claviers QWERTZ, donc très similaires aux claviers anglo-saxons que je maîtrise bien, mais surtout ils permettent l’accentuation des lettres majuscules, tout comme le font parfaitement les claviers canadiens par ailleurs. Ce particularisme est par conséquent exclusivement français. Curiosité ou respect de la singularité française ? A méditer.

  11. Comme j’ai de saines lectures j’avais vu cette remarque dans le livre Framasoft sur LaTex (https://www.framabook.org/latex.html).

    Page 121 :
    « Tout d’abord les majuscules doivent être accentuées (je ne m’énerve
    pas, j’explique) lire à ce sujet ce que dit Yves Perrousseaux dans son manuel.
    Il y est expliqué que les accents présents sur les majuscules depuis le xvie siècle
    ont disparu avec l’arrivée des machines à écrire et de composition typographique
    d’origine anglo-saxonne. On peut également trouver dans tous les bons ouvrages
    de typographie des exemples de phrases ambiguës lorsque les accents ne sont
    pas mis. »

  12. Je suis un peu surprise de voir que cette histoire de gestion des espaces autour des ponctuations soit associée à la réforme de l’orthographe.
    Pour moi, l’orthographe et la typographie sont deux choses différentes et la gestion des espaces fait plutôt partie de la typographie. M… j’ai mis un accent à Pluto…

    Bref, je crois qu’il existe deux règles en typographie : la règle « française » (peut-être partagée avec d’autres) et la règle « anglo-saxonne ».
    La règle française veut que toutes les ponctuations constituées de deux éléments (deux points, point virgule, point d’exclamation, point d’interrogation, etc.) soient précédées et suivies d’un espace tandis que les ponctuations constituées d’un seul élément (point, virgule) sont seulement suivies d’un espace.
    Par exemple : ceci est-il un exemple ? Oui c’est un bon exemple ! Nous sommes d’accord, c’est un bon exemple.

    la règle anglo-saxonne quant à elle, veut que toutes les ponctuations soient seulement suivis d’un espace.
    Par exemple: ceci est-il un exemple? Oui c’est un bon exemple! Nous sommes d’accord, c’est un bon exemple.

    Comme d’habitude, les anglo-saxons font plus simple que nous.

    Aujourd’hui, la typographie anglo-saxonne semble l’emporter.

    Perso, je préfère la règle « française ».

  13. Bonjour à tous,

    Je me bats au bureau pour que les capitales des documents que nous produisons soient accentuées, et ce n’est pas simple. Il se trouve que notre clavier azerty français n’est en réalité pas adapté pour écrire correctement la langue française (accentuation des capitales, absence du œ pourtant aussi fréquent en français que le k). Cette prise de conscience est parfois douloureuse pour certains, et rencontre de nombreuses résistances.

    Je confirme aussi ce que dit Niceday, l’orthographe recommandée (www.orthographe-recommandee.info) de 1990 n’a rien à voir avec la typographie et ne prévoit donc rien sur le régime des espaces avant et après les ponctuations.

    Au reste celui-ci est très compliqué en français, en bonne typographie on ne se contente pas de mettre pas une espace insécable devant les ponctuations doubles ;:?!, mais (de mémoire) une espace insécable quart de cadratin devant ;: et demi-cadratin devant ?!.

    Cette règle qui concerne aussi nos guillemets «» est propre au français de France, et peut-être aussi de Belgique. La Suisse a ses propres règles. Le Québec aussi, qui ne met pas d’espaces devant les ponctuations doubles mais utilise «» comme guillemets, sans espaces intérieures.

    Pour information j’utilise une disposition de clavier normalisée québécoise, qui est en QWERTY… et qui me permet non seulement d’accentuer toutes les capitales françaises mais aussi d’entrer directement au clavier l’espace insécable, sans passer par un raccourci du logiciel de traitement de texte. Alors même que les québécois se servent tellement moins de cette espace insécable que nous autres !

    Les règles de typographies sont différentes en Allemagne, Espagne, Suède… bref le monde de la typo ne se sépare pas plus entre Anglosaxons et Français que le monde des langues vivantes.

  14. Hormis le coté « éradiction des coléoptères », je voulais juste signaler (sauf erreur de ma part) que « un scénario, des scénarios », au lieu de scénarii, est une torture de l’Académie française depuis 1990….

    Scénario est malgré tout italien et devrait se prêter aux règles grammaticales idoines.

  15. Découvrant ce blog avec délectation, je ne peux résister à y aller de mon commentaire sur ce billet pour faire un peu de publicité pour un projet qui a des chances d'intéresser les ceusses qui se préoccupent de typographie, qui plus est férus d'informatique : la disposition de clavier « bépo », créée sur le principe du clavier dvorak.

    Et une petite BD très instructive sur le pourquoi de la disposition des touches sur un clavier qwerty/azerty.

    En ce qui concerne les différences entre les règles typographiques française et anglosaxonne, il semblerait qu'à l'origine les anglosaxons aussi, précédaient la ponctuation d'une espace. La suppression de l'espace serait apparue après-guerre avec les pratiques commerciales de diffusion de masse. Les anglosaxons n'ont donc pas fait « plus simple », Niceday : ils ont juste fait « plus simple plus tôt », car il suffit de lire n'importe quel journal (en ligne, en tout cas) pour constater qu'on y est également — ce que je déplore, c'est tellement laid ! Ce n'est pas pour rien qu'il y avait des espaces…

    Quant à moi, je continuerai à faire mon pédant en refusant les barbarismes de 1990. Vive le progrès, mais faut quand même pas pousser mémé dans les orties.

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