Formation permanente

Ce billet est la suite du précédent.

Mon travail comme responsable informatique et technique dans une école d’ingénieurs doit beaucoup au fait que j’aime apprendre. Et il ne se passe pas une journée sans que quelque chose de nouveau, d’imprévue ou de surprenant ne se passe.

C’est très bon pour l’agilité cérébrale.

Alors quand cette abondance de surprises arrive le week-end dans ma vie personnelle au sujet d’un « simple » achat de billet d’avion, je ne peux que m’en réjouir pour l’efficacité de ma plasticité synaptique.

Car j’ai reçu un email d’OPODO m’indiquant que mes DEUX achats avaient été refusés par la banque…

Pourquoi deux achats, et pourquoi sont-ils refusés alors que le plafond de ma carte bancaire flirte avec le sommet du Mont Blanc (restons modeste et gourmand)? C’était donc le défit de ce samedi, en plus d’une expertise lourde et pénible.

Je contacte le numéro surtaxé d’OPODO. Après 8mn d’une musique d’attente à envoyer son téléphone contre les murs, une téléconseillère m’explique qu’elle va essayer de passer une nouvelle fois l’ordre auprès de ma banque, que le montant des billets a augmenté de 80 euros et, au lieu de me mettre en attente musicale, se trompe et coupe la communication.

Je rappelle OPODO, je me retape 7mn de musique-qui-rend-psychotique, et par miracle, je retombe sur la même personne. Après quelques explications techniques incompréhensibles, elle m’indique que j’ai deux dossiers: un pour mes enfants et un pour les adultes. Je lui fais remarquer que je n’ai reçu qu’un seul email ne contenant la référence que d’un seul dossier. Elle me fait remarquer que ce n’est pas elle qui a conçu le système informatique… Ma pression artérielle moyenne passe à 20cmHg.

Je lui demande avec courtoisie de supprimer toutes traces de mon passage dans leur entreprise, ce qu’elle fait en me mettant en attente téléphonique… pendant 5mn.

Une fois cette troisième attente encaissée (sans jeu de mots), elle m’indique que tous mes dossiers sont fermés. Je lui demande quand même pourquoi la banque refuse une demande de la part d’OPODO alors que le plafond de dépense a été remonté. Elle me dit qu’elle va se renseigner. JE LUI DEMANDE DE NE PAS ME METTRE EN ATTENTE, je reste donc en ligne avec elle (1mn) et pour finir elle m’explique qu’il faut que je contacte ma banque pour effacer tous les encours.

Tous les encours. Ma carte bancaire va devenir toute rouge!

Deux bons points pour OPODO: je sais maintenant pourquoi j’ai deux dossiers ouverts (enfants/adultes), et je sais pourquoi la banque refuse obstinément de m’autoriser à utiliser l’argent qui se trouve sur MON compte: il y a des encours. Un bémol tout de même: je ne sais pas ce que c’est qu’un encours (je m’en doute un peu, mais ce n’est pas clair).

Quand je vous disais en titre de ce billet que j’allais apprendre plein de choses ce week-end.

Nous sommes samedi, il est 11h, je retourne à la banque.

Pour faire court, les deux personnes que je vois m’expliquent qu’elles ne comprennent pas pourquoi le paiement est bloqué. Elles ne peuvent plus rien pour moi, il faut attendre lundi « que le service monétique rouvre« .

1er apprentissage: carte bancaire = service monétique spécialisé dans ma banque, mais pas ouvert le week-end.

2e apprentissage: encours = ensemble des effets qu’une banque a escomptés et qui ne sont pas encore arrivés à leur date d’échéance. Ce n’est pas clair pour vous? Pour moi non plus, mais cela doit vouloir dire qu’il y a quelque chose qui bloque dans le tuyau. Un truc qui a du repérer que je suis informaticien et qui a décidé de se venger sur moi.

De retour à la maison, je me dis qu’il faut recontacter expédia. Problème: à part un email de confirmation de création de compte chez eux, je n’ai reçu aucun email concernant mes tentatives de réservation de voyage, puisqu’elles ont toutes échouées. Je n’ai donc aucun numéro de dossier, et j’ai effacé sur leur site toutes mes réservations échouées.

C’est là qu’interviennent mes compétences d’expert judiciaire en informatique: je fais une auto-perso-intra-expertise de mon propre ordinateur. Etude des caches des navigateurs (IE et Firefox), extraction des données, analyse des historiques, et reconstitution des pages concernées. Me voilà avec plusieurs numéros de tentatives de réservations. De quoi appeler expedia.

Je tombe sur une dame charmante à qui j’explique (poliment) mes malheurs. Elle s’étonne de la piètre performance de sa collègue: « vous avez du tomber sur quelqu’un du service réservation » me dit-elle. Encore une guerre des services… Elle efface toutes traces de mon passage chez eux et me souhaite un bon week-end. Un bon point pour expedia.

Un point sur le problème:

– je n’ai pas mes billets d’avion.

– leur prix augmente tous les jours.

– les deux sites sur lesquels j’ai fait mes tentatives d’achats ont fermé mes demandes.

– la banque refuse de payer au moins une tentative (et au plus j’espère).

– il est 11h50, la banque est fermée.

A ce stade du problème, je me sens un peu forcé d’attendre lundi pour y voir plus clair. C’est mal me connaître.

Je sors mon dernier atout googlesque: une recherche sur internet des coordonnées de ma banque à appeler le week-end quand les employés sont endormis et que les internautes se lâchent avec leur carte bancaire. Bingo: un numéro (surtaxé) permet de joindre un être humain en charge des problèmes des clients de cette banque, c’est-à-dire moi. L’aventure continue.

J’appelle le service en ligne de la banque. J’ai une charmante personne à qui je présente le problème de blocage et qui m’explique que tout cela la dépasse, mais qu’elle va voir avec son chef. J’ai le chef au bout du fil. Je ré-explique, et là miracle le mot « encours » déclenche en lui un relais synaptique qui va, me semble-t-il, éclairer tout le problème: la PREMIERE demande que vous avez faite (avant de contacter la banque pour relever le plafond de dépense) a du bloquer toute demande ultérieure.

3e apprentissage: lorsque vous devez faire une dépense conséquente avec votre carte bancaire, vous devez connaître l’existence d’un plafond ET contacter votre banque AVANT de faire quoi que se soit.

4e apprentissage: toutes les personnes de votre banque, même celles auxquelles vous êtes habituées et qui vous appelle par votre nom de famille, ne connaissent pas les mécanismes complexes des encours. Ils n’ont d’ailleurs pas entendu parler d’une possibilité de blocage. C’est pourquoi quand ils vous disent: « j’ai relevé le plafond de vos dépenses, vous pouvez y aller », ce n’est pas synonyme de « votre problème de blocage est terminé ».

Malheureusement, tout chef qu’il soit, il ne peut rien de plus pour moi et m’informe que le service monétique sera ouvert lundi prochain. Il me donne néanmoins les coordonnées d’une personne de confiance dans ce service. De confiance, cela signifie « capable de résoudre mon problème ». Du moins je l’espère.

La morale (provisoire) de cette histoire:

En cas de problème d’achat de billets d’avion sur internet, il faut parfois avoir les connaissances:

– d’un banquier (plafond, encours, service monétique);

– d’un expert judiciaire (récupération des numéros de dossiers non aboutis dans le cache des navigateurs);

– d’un enquêteur (nerfs d’acier, capacité à imaginer des questions pertinentes et surtout méfiance dans les réponses des suspects).

Il faut surtout être bien entouré (femme, enfants, famille, amis) pour éviter de détruire son ordinateur, son téléphone portable et sa santé.

Lundi, je recommence.

Vive la formation permanente.

C’est dimanche, j’ai une grosse expertise judiciaire à faire.

[Edit 13/01/2008 16:14] Vous pouvez lire en commentaire de ce billet l’explication juridique et technique de tous mes malheurs par Maître Eolas.

7 réflexions sur « Formation permanente »

  1. Maitre Eolas à la rescousse.

    On appelle « effet de commerce » tout titre non seulement constatant une créance à terme mais faisant de son porteur le créancier. Elle peut donc être cédée à une tierce personne en guise de paiement. La lettre de change (ou « traite ») est un effet de commerce, le billet à ordre aussi.

    C’est une institution vieille comme l’humanité ou presque. C’est très pratique pour le commerce : cela permet le crédit.

    Prenons par exemple la société Zythom, qui fait le commerce de détail d’ordinateurs. Elle a besoin d’acheter à un grossiste du matériel informatique qu’elle revendra, soit tel quel, soit assemblé sur commande. Cela coûte cher.

    Première solution : la société Zythom a des comptes en banque bourrés d’argent. La société Zythom paye donc cash, et est considérée comme la meilleure cliente qui soit par son fournisseur.

    Deuxième solution : elle n’a pas tant de liquidités que ça et ça l’embête de vider ses comptes pour payer son fournisseur et manger des pâtes jusqu’à ce que le stock d’ordinateurs soit écoulé. Elle va payer par un effet de commerce : le titre dira « La société Zythom doit la somme de X euros et la paiera à telle date (généralement 90 jours) » à celui qui lui présentera ce papier ».

    Le fournisseur de la société Zythom peut attendre 90 jours et présenter l’effet à la société pour l’encaisser. Si lui aussi n’a pas envie de devoir manger des pâtes en attendant que la société Zythom le paye, il va céder cet effet, généralement à une banque (il peut aussi le donner en paiement à ses propres fournisseurs).

    Car la propriété des effets de commerce se transmet très facilement, par une signature au dos du document, qu’on appelle « endossement ». C’est exactement pour cela que vous devez signer vos chèques à l’encaissement : vous les cédez à votre banque, qui en échange vous en paye le prix. La banque va de son côté aller voir la banque qui tient le compte de celui qui a émis le chèque et lui demander de lui payer cette somme. A elle, pas à vous. Ce chèque est désormais à elle.

    La banque va payer cet effet au fournisseur, moins une commission de quelques %, prenons par exemple 3% : cela s’appelle « escompter », la commission s’appelant « l’escompte » (de ex-compter, retirer du compte).

    Pour le fournisseur, on comprend l’intérêt de toucher aujourd’hui 97% de ce que lui doit la société Zythom plutôt qu’attendre 90 jours pour en toucher 100%. Pour la société Zythom, cela lui permet de payer son fournisseur avec l’argent tiré de la vente des ordinateurs, donc sans faire d’avance. Et pour la banque, cela lui permet de placer la somme de X euros (montant de la facture) à 3 mois avec 3% d’intérêt sur la période soit 12% par an, ce qui est très intéressant.

    Bref le capitalisme en action : tout le monde est content.

    Tant que la société Zythom n’a pas payé, sa dette est en cours. La comptabilité appelle donc ces sommes des sommes « en cours », qui est devenu « encours » à l’usage.

    Dans votre cas, vous avez payé par carte de crédit. Cela signifie que vous avez donné (informatiquement, mais peu importe) à votre banque l’ordre de payer Y euros à la société Expédia. Ces demandes, très nombreuses, sont traitées informatiquement avant d’être transcrites sur le compte. Le traitement informaTIQUE de la MONNAIE s’appelle la monétique.

    Le programme a donc enregistré la demande de Zythom, transmise par Expédia, de payer Y euros.

    Mais le programme a comme instruction : [if « somme à payer » > « plafond autorisé » then answer = « plutôt crever »].

    D’où refus. Mais ce refus est un « ping », un incident qui doit être signalé à un opérateur humain pour vérification (y a-t-il vol de carte ? Monsieur Zythom est-il frappé de fièvre acheteuse ? Ou peut-on tenter de lui facturer une carte de crédit plus chère pour qu’il puisse dépenser son argent ?).

    Tant que l’incident n’est pas traité, les demandes suivantes sont mises en attente, au cas où les mêmes causes produiraient les mêmes effets.

    Enfin, s’agissant de la question des encours, vous devez avoir une carte à débit différé.

    Dans ce cas, la banque est censée payer immédiatement à Expédia la somme représentant le prix des billets (moins le % d’escompte) et vous présenter la facture lors du débit mensuel de vos dépenses via carte de crédit. Le cumul de ces sommes en attente de débit de votre compte s’appelle un encours, mais c’est une dette que vous avez à l’égard de votre banque et non d’Expédia.

    C’est là la source de confusion qui résulte de l’extension aux particuliers de modes de paiements réservés au départ aux commerçants : il y a substitution de créanciers sans que le débiteur ne soit informé.

    J’espère avoir été clair…

  2. J’ai des collègues qui font du billing CB, c’est la première fois que j’entends ce gros mot « encours ».

    Je me demande même si ce n’est pas une invention de la personne d’Opodo : le billing CB, c’est VISA & Mastercard, des systèmes américains presque jumeaux, ce sont des mots anglais qui sont employés. Quand à la banque, elle ferait semblant d’y comprendre quelque chose, car c’est un fait : aucun de vos interlocuteurs habituels à votre banque n’a idée du fonctionnement réel du billing VISA/Mastercard, à fortiori s’il s’agit d’une banque Française.

    Et j’ai deux autres explications possibles :
    – quand vous augmenter le plafond de payement de votre carte, cela n’est peut-être pas pris en compte instantannement (attendre 3 jours que VISA éxécute un batch, ou devoir faire une opération de payement validée chez un commerçant physique pour que le nouveau plafond soit effectif en vente à distance).
    – Opodo, ou un intermédiaire (car il y en a obligatoirement un) se souvient avoir eu un refus de transaction. Par sécurité, quelqu’un est peut-être rentré en mode ‘méfiant’, et a décidé de refuser toutes les futures transactions avec votre carte chez Opodo d’un montant trop élevé (mais n’attends pas forcémment un traitement par un humain, qui est trop cher pour tous les refus dans un contrat de billing vente à distance). En effet, la fraude sur internet est un véritable problème pour les commercants (mot magique : ‘chargeback‘, que votre banquier français lui-même ne connait probablement pas). Quand aux hotlineuses, elles-même sont rarrement informés du fonctionnement du billing CB (aux tègles changeantes dont mêmes les personnes qui s’en occupent directement ne comprennent pas tout, alors la hotline délocalisée…).

    Les cartes bancaires dites à « débit différé » sont une spécialitée française ; je ne pense pas que cela provoque un problème de plafond dépassé.

  3. @ Maxime : les sociétés VISA ou MAstercard n’ont rien inventé. Elles utilisent des mots anglais pour faire moderne.

    Le billing, c’est la facturation (bill=facture, j’en fais assez à des clients anglais pour le savoir). Le Chargeback, c’est de la contrepassation, verbe = contrepasser (une écriture). Et le batch, c’est l’acceptation de l’écriture, qui ne permet plus ensuite de la contester.

    Tout est dans le Code de commerce de 1808…

  4. En gros si j’ai bien compris le maître Eolas, l’intérêt d’une carte à débit différé se révèle lors de « gros » payements en ligne (ou pas)? Ou alors je n’ai toujours pas compris l’intérêt du débit différé!

  5. @yozam: l’intérêt du débit différé, c’est d’être… différé. Exactement comme Me Eolas l’explique dans on premier commentaire: tu peux faire des achats sans avoir les sommes correspondantes sur ton compte, mais en sachant qu’ils arriveront bientôt.

    Dans la pratique, pour M. Toulemonde, voire même Mme Michu, ça ne présente pas énormément d’intérêt, sauf à vouloir jouer avec les dates de valeur de ses livrets. Genre je touche ma paie, je la colle sur un livret, je ressors ce qui va bien quand les encours CB arrivent à échéance, et je touche des pourcents à la fin de l’année. Ou le jeu, dangereux, du je dépense, je dépense, je dépense, et ça ira quand la paie tombera.

    On peut trouver pleins de raison dans la même veine, mais que le débit soit différé ou pas, ce que j’en ai compris, le problème du plafond reste le même. S’il n’est pas suffisant, ça coincera. Point.

    Enfin, en tout cas, un enseignement de cette histoire, c’est de prendre soin de commander ses billets en ligne le lundi matin, tôt. Très tôt 🙂

  6. Ne soit pas trop déçu Zythom, ça aurait pu être pire.
    Imagines que tu ne sois tombé que sur des serveurs vocaux avec une charmante voix féminine qui te demande d’une voix monocorde de machine vaguement humanisée : « Veuillez prononcer le mot qui correspond à votre demande… » (un peu comme lorsque tu essayes d’appeler l’opérateur téléphonique national réputé).

    Au bout de quelques tentatives infructueuses, surtout si tu es un peu enrhumé, que tu mâches un chewing-gumm ou qu’il y a un peu de friture sur la ligne, tu finis par hurler « je veux parler à un être humain… », ce à quoi la douce voix artificielle te répond encore et toujours : « …Je n’ai pas compris votre demande. Veuillez recommencer… »

    En général tu finis par jeter ton téléphone par la fenêtre et tu vas te consoler en pleurs dans les bras de ta femme, de tes enfants ou entre les pattes de ton chien.

    Réussir à parler à un vrai être humain, au téléphone, pour une réclamation le week-end, moi je dis c’est un exploit, bravo Zythom !

    Tu vois, il y a toujours pire.

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